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Les Principes des moteurs thermiques/04

La bibliothèque libre.
Gauthier-Villars, éditeurs (p. 41-66).

CHAPITRE IV.

FLUIDES EN MOUVEMENT.


19. Énergie interne et énergie mécanique. — L’étude des moteurs à action cinétique et des moteurs à réaction dynamique (§ 5) fait intervenir des masses gazeuses en mouvement. Dans une telle masse — si l’on excepte des cas particuliers de mouvements de translation uniforme — la pression, la densité et la température varient en général d’un point à un autre (à un instant donné) : l’ensemble de cette masse ne saurait donc être représenté par un point de diagramme de Clapeyron du fluide considéré.

Par contre, si nous isolons par la pensée une portion assez petite de ce gaz, pour que la pression, la densité et, corrélativement, la température y aient des valeurs pratiquement définies à chaque instant, nous pouvons envisager de définir l’état thermodynamique de cette masse élémentaire et, par conséquent, aussi, son énergie interne, par un des points de son diagramme de Clapeyron[1]. Mais, pour achever de caractériser cette masse élémentaire et pour lui appliquer le principe de la conservation de l’énergie, il faut, de plus, déterminer son énergie mécanique.

Elle peut comporter de l’énergie potentielle et de l’énergie cinétique.

La première n’intervient que si l’espace où se déplace la masse fluide est, pour elle, un champ permanent de forces appréciables : on devra alors définir la position de la masse par rapport aux surfaces équipotentielles de ce champ.

Dans la seconde, on peut songer à distinguer de l’énergie cinétique de translation et de l’énergie cinétique de rotation. Mais cette distinction dépend seulement de l’ordre de grandeur du fractionnement envisagé pour les masses élémentaires. L’énergie cinétique de rotation d’un volant, par exemple, n’est rien autre que la somme des énergies de translation des diverses portions que l’on peut isoler par la pensée avec des dimensions individuelles assez petites pour que chacune d’elles ait un mouvement assimilable à une translation d’ensemble : il suffit que ses dimensions linéaires soient très petites par rapport au rayon de courbure de la trajectoire de son centre de gravité.

Nous envisagerons seulement des mouvements gazeux dans lesquels un fractionnement répondant à cette dernière condition géométrique donnera encore des masses élémentaires assez grandes, pour que les grandeurs et aient un sens et puissent, en principe, être mesurées, suivant les définitions habituelles, par un observateur entraîné avec la masse qu’il étudie (et pour qui celle-ci est alors en équilibre à chaque instant). Cela suppose que la masse envisagée contienne un nombre très élevé de molécules[2].

Cette condition n’écarte pas seulement l’hypothèse de trajectoires à grande courbure, mais aussi celle de trajectoires parallèles (ou pratiquement parallèles) qui comporteraient des gradients transversaux de la vitesse de translation assez grands pour donner des variations sensibles de sa valeur entre deux points dont l’écartement ne serait pas très grand vis-à-vis de l’écartement moyen des molécules[3]

Ces deux restrictions admises, chaque masse élémentaire m sera définie par sa vitesse de translation [4], jointe à ses trois caractéristiques thermodynamiques

La valeur absolue de cette vitesse suffit d’ailleurs à déterminer l’énergie cinétique c’est-à-dire à achever de caractériser, au point de vue énergétique, la masse gazeuse considérée. Toutefois, lorsqu’on abordera le problème qui consiste à transformer cette énergie cinétique en travail, sur des aubages mobiles de turbine, la considération de la direction de la vitesse aura à intervenir.

L’énergie totale de la masse considérée comprendra donc, pour l’observateur fixe : son énergie potentielle si elle se déplace dans un champ de forces, son énergie cinétique de translation et son énergie interne

Il importe d’examiner si cette énergie interne par unité de masse est identique à la fonction qu’évalue un observateur lié à la masse, et si les caractéristiques thermodynamiques qui déterminent cette grandeur gardent bien la même signification pour l’observateur fixe.

Pour la grandeur il n’y a aucune difficulté. Si nous laissons de côté les réserves, sans aucune conséquence pratique, qu’introduirait la théorie de la relativité pour des vitesses de l’ordre de la vitesse de la lumière, la masse et les dimensions géométriques, qui sont les éléments du volume spécifique, ne dépendent pas de la vitesse de translation.

Pour la partie de qui correspond à des énergies potentielles internes, il n’y en a pas non plus, puisqu’elle dépend seulement de la configuration interne du système, c’est-à-dire des positions relatives de ses éléments.

Pour et il peut y avoir des difficultés en ce qui concerne la mesure, puisque celle-ci doit être faite, par définition, au moyen d’instruments accompagnant la masse gazeuse considérée. Mais ce que nous voulons établir, c’est que la définition de ces grandeurs peut être conservée, et que leurs valeurs ne sont pas modifiées par le mouvement.

Pour la pression, cette conclusion est immédiate, puisqu’elle est définie par la poussée qu’exerce le fluide sur chaque unité de surface d’une paroi solide par rapport à laquelle il est en équilibre macroscopique. Ces poussées sont des forces intérieures au système constitué par le gaz et la paroi solide qui l’accompagne ; elles ne dépendent pas de la translation d’ensemble de ce système, si cette translation est rectiligne et uniforme.

Si le fluide subit une accélération, la force d’inertie du principe de d’Alembert joue le rôle d’une force de volume, et l’équation d’équilibre du parallélépipède élémentaire donne des gradients corrélatifs de pression, analogues à ceux qui existent pour un fluide en équilibre dans un champ de forces.

Dans ce cas, une difficulté apparaît possible : la force d’inertie augmente indéfiniment, pour une densité donnée, avec la valeur de l’accélération, et l’on pourrait concevoir des accélérations assez grandes pour que soit mise en défaut la démonstration de l’isotropie de la pression par les équations d’équilibre du tétraèdre évanouissant (cf. § 16). En fait, de telles conditions ne peuvent pas être effectivement atteintes dans la pratique industrielle.

Reste la question de la température et de la partie thermique de l’énergie interne à laquelle elle est intimement liée : cette énergie interne thermique n’est autre que l’énergie cinétique moléculaire, à un facteur près (invariable tant qu’il n’y a pas de modifications chimiques ou allotropiques des molécules fluides, ni d’anomalies quantiques) ; en est une mesure.

Or, quand on fait l’analyse des mouvements moléculaires, la molécule de masse qui a, pour l’observateur entraîné, la vitesse a, pour l’observateur fixe, une vitesse égale à la résultante géométrique de et de la vitesse d’entraînement c’est-à-dire égale à


si est l’angle que font entre elles les deux directions et L’énergie cinétique totale des molécules est donc, pour l’observateur fixe,

(7)

Mais, pour l’observateur lié à la masse gazeuse, — en vertu de la définition même de l’équilibre macroscopique — la résultante géométrique des vitesses de toutes les molécules est nulle, c’est-à-dire que est nul en projection sur n’importe quelle direction, et en particulier sur la direction de Le dernier des trois termes écrits ci-dessus est donc nul, et l’énergie cinétique totale des molécules se réduit à la somme de l’énergie cinétique de translation et de l’énergie cinétique moléculaire telle que l’évalue l’observateur lié au gaz, c’est-à-dire l’énergie cinétique interne.

L’énergie cinétique interne est donc, aussi bien que l’energie potentielle interne, la même pour les deux observateurs. La grandeur et la caractéristique ont donc pour eux la même signification et la même valeur.


20. Principe de l’équivalence. — Il reste à examiner la grandeur c’est-à-dire la mesure de la quantité de chaleur qu’il faut fournir au fluide, par unité de masse, pour réaliser la transformation élémentaire envisagée. Elle détermine aussi (pour une transformation réversible). Nous serons renseignés à son sujet en comparant les équations de la conservation de l’énergie écrites par l’un et l’autre observateur, pour l’unité de masse. Pour l’observateur lié à la masse, nous avons

(8)                                   

L’observateur qui la voit passer devra écrire

(9)                                   


Analysons ce qu’est pour lui le terme

Nous nous limiterons au cas, seul intéressant en pratique, où il n’intervient pas d’autres forces à distance que celles du champ permanent[5] auquel correspond l’énergie potentielle Alors le terme contiendra seulement le travail des forces de contact exercées sur la masse unité considérée pur les portions voisines du fluide ou par les parois qu’elle peut toucher.

Nous admettrons que ces forces sont les mêmes que si la surface limite de la masse en cause était matérialisée par un ensemble de petites écailles solides, de masse négligeable, qui l’accompagneraient dans son mouvement. Les forces transmises par les écailles[6] sont alors déterminées par la grandeur que nous avons appelée la pression du fluide au voisinage de chaque écaille ; pour chacune d’elles, elle est normale à sa surface, et a pour valeur Cette restriction revient à supposer négligeables les phénomènes de viscosité, se traduisant par des composantes tangentielles (par rapport à la surface de séparation) des forces mutuelles qui s’exercent entre deux portions du fluide ou entre le fluide et une paroi solide. Elle constitue une approximation de la réalité pratique, d’autant plus légitime que les projections des vitesses relatives des portions voisines, sur la surface qui les sépare, sont plus petites : elle revient, en conséquence, à considérer comme rigoureusement[7] négligeables les gradients transversaux de la vitesse de translation, pour des écartements de l’ordre des dimensions linéaires de la masse élémentaire considérée[8].

Les phénomènes de viscosité, que nous excluons ainsi, font, partie des phénomènes irréversibles qui feront l’objet d’une étude ultérieure.

L’étude même des mouvements fluides ou l’énergie cinétique des masses élémentaires varie, introduit au contraire des gradients longitudinaux[9] de la vitesse Nous allons voir facilement qu’elle nous impose aussi, comme on l’a prévu au paragraphe précédent, de tenir compte des petites variations de la pression autour de sa valeur moyenne dans la masse fluide élémentaire que nous avons isolée.

L’augmentation d’énergie cinétique a en effet pour corollaire une augmentation de la quantité de mouvement en projection sur la tangente à la trajectoire, ce qui exige une projection non nulle, sur cette tangente, de la résultante des forces extérieures appliquées au système mécanique constitué par la masse élémentaire en cause.

Or, de telles accélérations s’observent pour des masses gazeuses sans intervention de forces à distance (variations d’énergie potentielle gravifique approximativement négligeables par suite de la faible densité, et même rigoureusement négligeables dans les écoulements horizontaux). Elles sont alors dues aux seules forces de pression au contact. La condition ci-dessus imposée à leur résultante exige que les valeurs de la pression sur la portion amont de la surface qui limite la masse élémentaire envisagée soient supérieures à celles qui régnent sur la portion aval (si l’énergie cinétique augmente ; la conclusion est inverse si l’énergie cinétique diminue).

Les variations d’énergie cinétique d’une masse gazeuse au cours de son écoulement sont donc essentiellement liées à l’existence de gradients longitudinaux de la pression[10].

Alors, en chaque point de la surface qui limite la masse élémentaire, la pression peut être représentée par une expression de la forme étant une valeur moyenne (par exemple la valeur exacte de la pression au centre de gravité de la masse ).

Les forces de contact peuvent donc être considérées comme la superposition de deux systèmes de forces : l’un qui correspond au terme commun l’autre qui correspond à l’ensemble de tous les termes complémentaires liés à l’existence du gradient.

Le premier système a une résultante nulle, il n’intervient donc pas dans le déplacement imposé à la masse élémentaire, mais seulement dans sa déformation (variation de volume) et dans la variation corrélative de son énergie interne. Le travail qu’il fournit ainsi au fluide s’évalue en considérant la masse comme en équilibre (ou du moins en translation uniforme, ce qui revient au même), il est égal à

Les forces du système qui correspond aux termes n’interviennent pas dans ce travail de déformation, non seulement parce que est partout négligeable auprès de mais aussi parce que ces termes se rangent dans deux groupes équivalents de signes opposés. Par contre, leur résultante, dont la projection sur la tangente à la trajectoire n’est pas nulle, intervient dans l’accélération imposée à la masse élémentaire. Le théorème fondamental qui définit le mouvement du centre de gravité d’un système déformable comme identique à celui d’un point matériel, de masse égale à la masse totale, auquel serait appliquée la résultante de toutes les forces extérieures, nous fait connaître alors que le travail de ce système de forces liées aux gradients de pression est égal à

Nous avons alors, pour l’observateur fixe,


et cette expression portée dans l’équation (9) la rend identique à l’équation (8) ; d’où il résulte que la grandeur est la même pour les deux observateurs.

Cette conclusion apparaît d’ailleurs comme évidente, au moins dans le cas de la conduction, où représente la quantité d’énergie cinétique moléculaire transmise, par chocs mutuels, à la masse unité par le milieu extérieur. Elle reste vraie lorsque la quantité de chaleur est apportée par le transfert à distance beaucoup plus complexe que réalisent les rayonnements électromagnétiques.

Il est facile d’évaluer, en fonction du gradient longitudinal de pression, la projection, sur la tangente à la trajectoire, de la résultante des forces de contact à laquelle il donne naissance.

Considérons, en effet, la surface fermée de forme absolument quelconque, qui limite une petite masse égale à l’unité. Nous supposons seulement qu’elle est assez petite pour que les vitesses y soient partout parallèles entre elles[11]. Appelons l’abscisse de la projection d’un point M quelconque sur la droite qui porte la vitesse du centre de gravité. Découpons tout le volume en petits cylindres élémentaires fermés, de génératrices parallèles à Soient la section droite d’un tel


Fig. 1.


cylindre, et et les éléments qu’il découpe sur la surface limite. La projection sur Ox de la résultante des deux forces de pression exercées sur et est visiblement

Pour tout l’ensemble, on aura donc la résultante


mais cette n’est autre que le volume total de la masse élémentaire d’où

(10)                         (par unité de masse).


21. Transformations mutuelles des énergies interne et cinétique d’un gaz. — Considérons le cas où les parois solides qui limitent l’écoulement gazeux sont toutes immobiles. Elles ne pourront pas alors lui fournir de travail ou en recevoir de lui.

De plus, si nous supposons qu’il ne se produit aucune décoordination d’énergie cinétique, cela exige que, au contact de ces parois, la vitesse d’écoulement du gaz leur soit partout tangente.

L’analyse du paragraphe précédent montre que l’énergie cinétique acquise par une masse élémentaire d’un gaz en écoulement lui est surtout transmise par les masses voisines.

Elle peut aussi toutefois en acquérir aux dépens de sa propre énergie interne, comme la masse gazeuse qui se détend dans un cylindre, et dont le centre de gravité subit des accélérations corrélatives de celles du piston[12].

Les masses d’amont lui fournissent cette énergie cinétique de translation aux dépens de leur énergie interne[13] ; elle joue alors, vis-à-vis d’elles, le rôle de récepteur que joue le piston vis-à-vis de la masse gazeuse enfermée dans un cylindre. L’existence même de l’écoulement, dû à une répartition du fluide non conforme à celle qu’exige l’équilibre, et comportant des gradients de pression[14], entraîne que l’augmentation de volume, des masses motrices peut fournir aux masses propulsées un travail orienté et de l’énergie cinétique orientée, de même que l’existence du mécanisme constitué par un piston mobile dans un cylindre permet au gaz qui se détend de lui fournir de l’énergie cinétique orientée.

Il est à remarquer que les considérations de probabilité qui nous font rejeter l’hypothèse d’une coordination spontanée de l’énergie cinétique thermique (T. 20) en l’absence d’un facteur d’orientation tel que celui d’un gradient de pression, n’écartent pas — et tout au contraire l’hypothèse d’une décoordination spontanée de l’énergie cinétique orientée. Toute résistance opposée à l’écoulement du fluide aura pour effet de provoquer une décoordination partielle de son énergie cinétique de translation qui se transformera, dans la masse élémentaire elle-même, en énergie interne. C’est ce qui se produit lorsqu’un jet gazeux est reçu dans un récipient où il tourbillonne jusqu’à retrouver un nouvel état d’équilibre.

Cette transformation d’énergie cinétique en énergie interne dans la masse élémentaire elle-même, est un phénomène irréversible, dont nous écartons actuellement l’hypothèse, pour étudier des écoulements où nous admettrons qu’il n’intervient pas (ce ne pourra être qu’une première approximation assez grossière de la réalité).

La comparaison faite un peu plus haut entre une masse gazeuse élémentaire, à laquelle nous pouvons donner la forme d’une tranche découpée dans toute la largeur de la veine gazeuse, et un piston solide mobile dans un cylindre, nous fait prévoir que cette masse élémentaire, de même qu’elle a acquis de l’énergie cinétique aux dépens de l’énergie interne des tranches d’amont, pourra, grâce à son inertie, comprimer les tranches d’aval en perdant de l’énergie cinétique qui sera transformée, au bénéfice de celles-ci, en énergie interne thermique. Cette transformation est réalisée — contrairement aux décoordinations — par un processus réversible, qui est la compression adiabatique.

Les souffleries aérodynamiques fournissent un cas particulier intéressant pour éclairer ces remarques. Pour obtenir un courant d’air très rapide (en vue d’étudier les efforts qu’il peut exercer sur des maquettes d’ailes d’avions), on fait circuler l’air dans une grande canalisation dont la section va progressivement en s’étranglant, pour revenir ensuite progressivement à sa valeur initiale. Dans la partie convergente, l’air se détend en créant l’énergie cinétique obtenue à l’étranglement, aux dépens de son énergie interne thermique ; la pression va en décroissant. Dans la partie divergente qui fait suite au col, cette énergie cinétique disparaît progressivement et redonne naissance, par compression adiabatique, à une quantité équivalente d’énergie interne ; la pression remonte progressivement jusqu’à la valeur extérieure.

Nous arrivons ainsi à cette conclusion que, si la section finale du divergent de sortie est assez grande pour que l’énergie cinétique de translation de l’air y redevienne négligeable, l’entretien du courant d’air ne doit rien coûter : il ne comporte aucune dépense d’énergie.

C’est là du moins la conclusion à laquelle conduit notre hypothèse relative à l’absence de toute décoordination. En réalité, les décoordinations par frottements et tourbillons sont considérables et exigent, pour l’entretien du courant d’air, une dépense importante de travail. mécanique, qui est entièrement transformé en énergie thermique par décoordination[15].

Restons néanmoins dans notre hypothèse théorique de la soufflerie parfaite. Chaque masse gazeuse élémentaire est alors reversée dans l’atmosphère dans un état A identique à celui qu’elle avait lorsqu’elle y a été prise ; elle a donc subi une évolution en cycle fermé. Mais ce cycle fermé, représenté sur le diagramme de Clapeyron, a une surface nulle : le point représentatif est en effet resté sur l’adiabatique de

Fig. 2.


l’état de départ A[16], dont il a parcouru un certain arc AB, aller et retour (B étant le point représentatif de l’état de la masse élémentaire au moment où elle passe au col de la soufflerie).

Appelons et les projections de A et B sur l’axe O ; et leurs projections sur l’axe O

La surface AB représente le travail que l’unité de masse fournit aux dépens de sa propre énergie interne.

Il est facile de montrer que, dans le cas où le mouvement est entretenu en régime permanent, l’énergie cinétique qu’elle a reçue simultanément est représentée par la surface AB

En effet, dans cet écoulement permanent, les variations de sont uniquement fonction du déplacement de la masse élémentaire considérée, le long de sa trajectoire, et, si nous appelons son abscisse curviligne sur cette trajectoire, nous pourrons écrire

Mais n’est pas autre chose que le de l’équation (10), d’où résulte que AB c’est-à-dire que cette surface est égale au travail total de la résultante des forces de pression, par conséquent aussi à l’énergie cinétique totale qu’elle a produite [puisque nous admettons que cette énergie cinétique ne subit aucune décoordination[17]].

Dans le diffuseur divergent, l’évolution inverse BA se produit. L’énergie cinétique AB disparaît en provoquant, par compression des tranches d’aval, l’augmentation corrélative de leur énergie interne thermique. Simultanément, la masse élémentaire reçoit des tranches d’amont le travail de compression aABb qui élève son énergie interne.

Dans ce dispositif, l’énergie cinétique réalisée au col n’est qu’une forme transitoire, non destinée à être consommée, au cours d’une évolution énergétique fermée. On peut se proposer un problème très différent (qui est celui des turbines à action), consistant à produire le maximum possible d’énergie cinétique aux dépens de l’énergie interne d’une réserve gazeuse sous pression, en vue de transformer ensuite cette énergie cinétique en travail mécanique.

Ce problème conduit à une forme de canalisation, appelée tuyère de Laval, de même allure géométrique que celle des souffleries aérodynamiques, bien que les phénomènes y soient profondément différents.

Nous cherchons en effet, maintenant, à construire une canalisation où l’énergie cinétique aille sans cesse en croissant : il faut donc que le gradient de pression y soit sans cesse négatif, contrairement à ce qui se passe dans le diffuseur d’une soufflerie. Si nous supposons l’écoulement réalisé en régime permanent, ce qui exige l’intervention d’un compresseur pour maintenir la pression du réservoir d’amont, il passe par unité de temps la même masse à travers n’importe laquelle des sections de la canalisation. Nous pouvons donc écrire

(11)               


tout le long de la canalisation.

La vitesse est nulle dans le réservoir d’amont, où a une valeur non nulle ; donc y est nul. Considérons le problème général, dans lequel on suppose la pression du milieu aval susceptible d’être maintenue à telle valeur aussi faible que l’on voudra. Alors, le volume spécifique est susceptible de devenir aussi grand que l’on voudra. Mais la vitesse ne peut pas croître indéfiniment, car l’énergie cinétique produite par unité de masse débitée, qui ne peut certainement pas dépasser, ni même atteindre d’ailleurs, la somme de l’énergie interne initiale et du travail fourni par le compresseur d’amont, est nécessairement finie. Donc le rapport tend vers zéro pour une détente suffisamment poussée. Or, le problème que nous cherchons à résoudre est la réalisation d’un écoulement continu : sera donc une fonction continue de l’abscisse de la section considérée, comptée suivant l’axe de la tuyère ; partant de zéro, pour tendre à nouveau vers zéro, elle passe par un maximum. Il en résulte, d’après l’équation (11), que la section de la tuyère passe corrélativement par un minimum.

La tuyère devra donc avoir (si la pression d’aval est suffisamment petite) une partie convergente, suivie d’une partie divergente, avec un col de raccordement.

Le diagramme de Clapeyron de l’évolution d’une masse élémentaire unité comporte d’abord, dans la partie convergente, un arc d’adiabatique AB analogue à celui que nous avons dessiné pour un convergent de soufflerie.

Mais, pour l’évolution ultérieure dans le divergent, le point figuratif M, au lieu de revenir vers A, continue à se déplacer dans le même sens sur l’adiabatique ; l’énergie cinétique, mesurée par la surface AM continue à croître, en même temps que l’énergie interne continue à décroître, c’est-à-dire que les transformations sont inverses de celles observées dans le diffuseur de la soufflerie.

Il est à noter que ce phénomène correspond à des vitesses d’écoulement supérieures à la vitesse du son, tandis que la remontée en pression observée dans le diffuseur de soufflerie correspond à des vitesses inférieures à la vitesse du son.

Observons enfin que, malgré la difficulté pratique que comportent des échanges de chaleur notables avec des veines gazeuses en écoulement rapide, on peut concevoir et même réaliser des tuyères à échanges thermiques[18].

Un apport de chaleur pourra par exemple compenser, au moins en partie, l’abaissement d’énergie interne des masses gazeuses qui exercent la poussée motrice, et augmenter ainsi l’énergie cinétique obtenue. Autrement dit, on pourra envisager de transformer, sans mécanisme, l’énergie thermique d’une source en énergie cinétique, ou, plus exactement, en un supplément d’énergie cinétique donné à un écoulement gazeux, dont l’existence suppose celle de gradients de pression. Ce résultat n’est pas en contradiction avec les considérations qui conduisent au second principe de la Thermodynamique, parce que l’existence préalable de l’écoulement dirigé, dans la tuyère, introduit le facteur d’orientation indispensable. Il ne met pas en cause d’ailleurs le second principe lui-même, car l’apport de chaleur par une source unique comporte une augmentation de l’entropie : l’état final du gaz est donc différent de son état initial.


22. Transformations de l’énergie d’un gaz en travail. — L’énergie dont on dispose est, au départ, l’énergie interne thermique du gaz[19].

Dans les machines que nous avons appelées à réaction statique (§ 5), elle est transformée directement et sur place en travail. Chaque masse de gaz, dans sa succession d’états d’équilibre, fournit elle-même au piston le travail équivalent à la diminution de sa propre énergie interne.

Dans les procédés où l’on transforme d’abord l’énergie interne en énergie cinétique, nous avons vu que cela suppose la réalisation d’écoulements dans lesquels l’énergie cinétique acquise par une masse gazeuse est produite surtout par la diminution d’énergie interne d’autres masses situées en amont d’elle.

Pour transformer en travail l’énergie cinétique ainsi créée, il faut évidemment faire circuler le fluide au contact de parois solides en mouvement, susceptibles de recevoir ce travail. Le problème dynamique se trouve compliqué de ce fait. Toutefois, il est à noter que, lorsque le mouvement de cette paroi réceptrice est une translation rectiligne uniforme (ou peut être pratiquement assimilé à un tel mouvement), des axes de référence attachés à cette paroi, que nous appellerons axes mobiles, constituent des axes absolus au même titre que les axes que nous appelons fixes ; les forces et les accélérations y ont les mêmes valeurs, et les théorèmes généraux qui traduisent la relation fondamentale s’y appliquent de la même manière. On peut, en particulier, y appliquer les conclusions du paragraphe précédent relatif aux écoulements au contact de parois immobiles.

Nous pourrons mettre à profit cette très importante remarque, dans l’étude des turbines, en assimilant la translation circulaire de l’aubage mobile autour de l’axe de la turbine à une translation rectiligne suivant la tangente à la trajectoire circulaire sur laquelle elle est entraînée. L’approximation est acceptable si la courbure de cette trajectoire est négligeable auprès de la courbure de l’aubage, qui va intervenir essentiellement dans le phénomène.

L’idée la plus simple qui se présente d’abord à l’esprit consiste à séparer deux opérations successives distinctes : la transformation de l’énergie interne en énergie cinétique dans un distributeur à parois fixes, puis la transformation de cette énergie cinétique en travail mécanique dans un rotor. C’est ce que l’on se propose dans les turbines à action.

La première opération est une évolution thermodynamique. La seconde semble se présenter, au contraire, comme une évolution purement mécanique, si l’état thermodynamique du fluide est identiquement le même à la sortie et à l’entrée du rotor.

Cette condition n’exclut pas toutefois que le fluide ait subi, dans le rotor, des variations d’énergie interne, de somme algébrique nulle, entre l’entrée et la sortie. Aussi, pour sérier les questions en écartant d’abord les difficultés correspondantes, nous examinerons en premier lieu le fonctionnement d’une turbine à action mue par un liquide incompressible : le fluide ne subit alors aucune variation d’énergie interne[20] et l’on a bien un phénomène purement mécanique.

L’aubage mobile d’une turbine hydraulique à action transforme en effet l’énergie cinétique du jet d’eau en travail par un processus géométrique basé sur une déviation progressive de ce jet.

Considérons, par exemple, le cas où l’écoulement moteur est radial, et situé dans un plan horizontal. Assimilons, conformément à la remarque faite plus haut, le mouvement de l’aubage à une translation rectiligne uniforme[21] suivant la tangente à sa trajectoire circulaire : un trièdre attaché à cet aubage fournit alors le système d’axes absolus mobiles envisagé tout à l’heure, dans lequel l’eau glisse[22] le long de parois solides immobiles.

Dans chaque filet d’eau de cet aubage, nous avons des pressions égales à l’entrée et à la sortie ; donc qui est égal à est nul ; donc l’énergie cinétique (par rapport aux axes mobiles) est la même à l’entrée et à la sortie ; autrement dit, la vitesse relative d’écoulement de l’eau est la même à la sortie qu’à l’entrée.

Remarquons que cela exige, puisque le liquide a une densité invariable, que la section de sortie soit égale à la section d’entrée[23].

Le rôle de l’aubage consiste à dévier progressivement cette vitesse relative pour l’orienter dans la direction opposée à celle de sa propre translation, en vue d’annuler la vitesse absolue Pour cela, l’aubage a nécessairement une courbure, qu’il impose aux filets de courant relatif : cela exige qu’il existe des gradients de pression transversaux[24], condition nécessaire de l’accélération normale

Ces gradients transversaux, que nous n’avons pas eu besoin de faire intervenir dans l’étude des écoulements par rapport à des parois fixes, vont jouer un rôle fondamental dans l’étude du mouvement d’entraînement de l’aubage.

La pression est plus grande sur la paroi concave de l’aubage que sur la paroi convexe. L’ensemble des pressions donne alors une résultante analogue à celle que donnent, dans une masse en équilibre, les gradients de pression dus à la pesanteur.

C’est cette résultante qui fournit le travail moteur sur l’aubage en translation.

Il est à remarquer que, puisque la pression a des variations importantes de valeur dans la largeur de chaque section, si nous voulions analyser le détail des échanges énergétiques, nous ne pourrions pas prendre pour masse élémentaire une tranche entière de l’aubage. Il serait nécessaire de fractionner l’aubage en filets longitudinaux, la pression étant plus élevée dans les filets avant ou ventraux, que dans les filets arrière ou dorsaux.

Il résulte de là une autre remarque importante. Considérons le filet qui glisse le long d’une paroi immobile du distributeur fixe. À un moment donné, il se continue dans le rotor par un filet dorsal ; un instant après il se continuera par le filet ventral de l’aubage suivant ; puis il redevient progressivement dorsal, et ainsi de suite alternativement. Il y a donc, dans chaque filet continu que nous pouvons dessiner par rapport aux axes fixes, même si nous supposons infiniment minces les parois qui séparent les uns des autres les aubages du rotor, des fluctuations périodiques de pression en fonction du temps[25] : l’écoulement n’est pas un écoulement permanent (c’est d’ailleurs justement une condition qui lui permet de fournir du travail), et cela rend très complexe l’analyse des transferts d’énergie.

Si nous revenons au cas de la turbine à action à gaz (ou à vapeur), les mêmes considérations s’appliquent encore, mais se trouvent compliquées du fait de la compressibilité du fluide. Les gradients transversaux de pression entraînent corrélativement des gradients de densité : les molécules se tassent contre la paroi concave qui dévie le jet, comme elles se tassent, dans l’atmosphère, au voisinage du sol qui s’oppose à leur déplacement vers le bas par la pesanteur. Il y a, de ce fait, dans l’aubage mobile, une évolution thermodynamique, d’ailleurs réversible et de résultat total nul, superposée à l’évolution purement mécanique que subissent les liquides incompressibles. La compression (adiabatique parce que très rapide) des filets ventraux s’accompagne d’une augmentation momentanée de leur énergie interne.

Il ne peut donc être question que de valeurs moyennes, de la pression et du volume spécifique, dans les diverses sections normales de l’aubage.

On peut construire des turbines à vapeur avec des aubages tels qu’il y ait une chute de valeur de la pression moyenne depuis la section d’entrée jusqu’à la section de sortie de l’aubage mobile. Celui-ci joue alors simultanément les deux rôles répartis entre les aubages fixe et mobile d’une turbine à action pure : il assure la production d’un supplément d’énergie cinétique relative, par les gradients de pression qu’il maintient, et il dévie en même temps la vitesse relative pour annuler l’énergie cinétique absolue.

Dans ces turbines mixtes, la résultante motrice est liée simultanément aux gradients transversaux de pression comme dans la turbine à action, et aux gradients longitudinaux. Le travail est produit en même temps par action cinétique et par réaction dynamique.

On peut éclairer ce second processus moteur par l’exemple d’une turbine particulière où il interviendrait seul. Supposons découpé, dans la paroi d’une chaudière, un disque circulaire rendu mobile autour de son axe de révolution. Dans l’épaisseur de ce disque, perçons des ajutages, d’axe rectiligne, orientés suivant les tangentes à des hélices régulièrement disposées sur un cylindre de révolution coaxial au cylindre de découpage du disque. La chute de pression dans ces ajutages s’y accompagne de la production d’énergie cinétique, obliquement orientée, et de réactions sur les parois qui fournissent un couple moteur.

Dans tous les cas, et sans qu’il soit besoin d’analyser le détail des efforts exercés par action cinétique ou par réaction dynamique, la résultante motrice globale sur l’aubage en translation est obtenue immédiatement en appliquant le théorème des quantités de mouvement, en projection sur la direction de translation, au système mécanique constitué par la masse fluide qui remplit, à un instant donné, l’aubage considéré. La formule ainsi obtenue n’exige même pas l’hypothèse d’un écoulement sans décoordination.


23. Écoulements permanents et périodiques. — L’étude mécanique et thermodynamique des écoulements fluides devient relativement simple dans le cas des écoulements dits permanents caractérisés par ce fait que, en chaque point (x, y, z) du système de référence par rapport auquel on étudie l’écoulement, la pression, le volume spécifique, la température et la vitesse du fluide restent invariables en fonction du temps[26].

De l’invariabilité en direction de la vitesse en chaque point, il résulte que les particules fluides suivent des trajectoires géométriquement immuables, et constituent des filets de forme permanente.

Les caractères du mouvement permanent sont incompatibles avec l’existence, au contact des filets, de parois mobiles capables d’échanger du travail avec elles. C’est évident dans le cas du piston à mouvement alternatif, et nous l’avons reconnu également dans le cas des aubages de turbine qui se substituent les uns aux autres.

Considérons le filet fluide permanent limité par un tube de courant, c’est-à-dire par les trajectoires qui passent par tous les points d’une petite ligne fermée dessinée dans le fluide. Soient A et B deux sections planes quelconques de ce filet, perpendiculaires à la trajectoire moyenne : elles sont traversées simultanément par des masses égales de fluide, puisqu’il n’y a nulle part de variations de densité. Nous appellerons débit du filet la masse qui passe ainsi par unité de temps à travers une section quelconque.

Appliquons le principe de la conservation de l’énergie au système mécanique constitué par le fluide du filet compris, à un instant donné, entre les deux sections A et B. Pendant le temps ses limites avancent de A en A’ et de B en B’. Les masses de fluide comprises entre A et A’ d’une part, entre B et B’ d’autre part, sont toutes les deux égales à La première position AB de notre système, et sa deuxième position A’B’, ont une partie commune A’B où toutes les propriétés du fluide sont restées les mêmes en chaque point ; cette portion commune disparaît donc dans le calcul des variations d’énergie aussi bien interne que potentielle ou cinétique.

Dans notre hypothèse de viscosité nulle, le seul travail fourni au système, au cours du petit déplacement considéré, par les forces de contact est celui des pressions sur les deux sections planes terminales, soit en désignant par les indices 1 et 2 les grandeurs relatives aux sections A et B.

Appelons la quantité de chaleur fournie par unité de temps au fluide dans toute la région comprise entre A et B. Pendant le temps le fluide reçoit

Il est à remarquer que, grâce au régime permanent, cette quantité de chaleur reçue par l’ensemble du fluide pendant le temps (qui correspond à une masse écoulée ), est égale à celle que reçoit une masse élémentaire égale à m lorsqu’elle effectue tout le parcours AB, en prenant successivement les places occupées, à l’instant considéré tout à l’heure, par des masses identiques à ce qu’elle-même devient lorsqu’elle les remplace. On peut rappeler ce résultat en employant, pour représenter la quantité de chaleur la notation

Le gain total d’énergie du système, exprimé en unités de travail, se réduit, en vertu de la remarque faite plus haut au sujet de la partie commune A’B, à


étant l’équivalent mécanique de l’unité de chaleur.

Nous obtenons alors, en écrivant le principe de la conservation de l’énergie, et en divisant partout par le facteur commun

(12) 


ou


et, comme cette équation doit être satisfaite, quelles que soient les sections limites 1 et 2 choisies, elle exige en chaque point la relation

(13)                    


où toutes les différentielles d correspondent à la notation représentant le petit déplacement de la masse élémentaire unité considérée sur sa trajectoire, et où est la quantité de chaleur qu’elle reçoit au cours de ce même petit déplacement.

Mais on a

(14)                                        [27]


dans l’hypothèse où il n’y a pas décoordination d’énergie cinétique, et plus généralement

(15)                                   


relation dans laquelle l’énergie décoordonnée est essentiellement positive.

En portant (15) dans la relation (13), il reste

(16)                                   

Dans le cas des liquides, l’énergie potentielle de gravité n’est pas négligeable ; mais le volume spécifique est constant. Le premier membre de (16) représente alors la décroissance élémentaire, le long du filet, de la fonction

[28]


L’expression entre parenthèses s’appelle la charge totale, et l’on trouve le théorème de Bernoulli : dans un fluide incompressible en écoulement permanent, la charge totale reste constante tout le long d’un même filet s’il n’y a pas de décoordination d’énergie cinétique, et va en décroissant s’il y a décoordination.

Dans le cas des écoulements rapides de gaz et vapeurs, qui nous intéresse plus spécialement, les variations d’énergie potentielle de gravité sont en général négligeables auprès des variations d’énergie cinétique on pourra écrire alors

(17)                                   
C’est la relation généralisée de de Saint-Venant, où nous retrouvons,

dans le cas de la décoordination nulle (), l’expression que nous avions écrite directement, au paragraphe 21, pour le gain d’énergie cinétique d’un fluide compressible et de densité négligeable en écoulement permanent.

Si, entre les sections A et B, le fluide vient en contact avec des parois mobiles avec lesquelles il échange du travail, nous savons que l’écoulement ne peut plus être permanent. Mais il peut être pulsatoire, autrement dit périodique si le régime de fonctionnement est régulier. Alors le raisonnement qui a conduit, pour le principe de conservation de l’énergie, à la forme simple (12) reste exact à condition de l’appliquer à un déplacement AA’ tel que le temps dt considéré soit égal à une période (ou à un nombre entier de périodes) de l’écoulement pulsatoire, pour que tout soit identique, aux instants initial et final, dans la partie A’B commune aux deux positions du système fluide.

Appelons la puissance motrice du mécanisme compris entre A et B ( pouvant être négatif si ce mécanisme est une pompe). Le fluide reçoit (algébriquement) de ce mécanisme le travail que l’on peut écrire encore Il faut donc ajouter, aux deux termes du premier membre de l’équation (12), le terme supplémentaire qui est, au signe près, le travail produit par le mécanisme par unité de masse de fluide écoulé.

Cette équation (12) devient alors, en disposant ses termes dans un ordre commode,

(18)          
                           


elle met en évidence le rôle essentiel que joue la fonction ou chaleur totale du fluide, dans le calcul du travail fourni par unité de masse du fluide entre deux points d’un écoulement périodique.

Cette formule, qui peut s’écrire

(19)          


permet de retrouver l’impossibilité d’obtenir du travail dans un écoulement strictement permanent, car alors s’identifie avec et représente, par conséquent, le travail élémentaire de la résultante des forces de pression sur l’unité de masse (cf. équation 10). On a donc :


et cette relation, jointe à la relation (15) annule identiquement le second membre de (19).


24. Tuyères motrices. — Dans tous les moteurs thermiques, courants, l’écoulement du fluide moteur est provoqué mécaniquement : On produit ou entretient (par vaporisation ou explosion) une pression élevée d’amont dans un récipient clos (chaudière, cylindre) d’où s’écoule le fluide.

Il est intéressant de noter que l’on peut concevoir un autre genre d’évolution motrice, dans lequel la circulation du fluide moteur serait entretenue par un processus purement thermique.

Posons le problème sous sa forme la plus simple. Est-il possible de réaliser dans des tuyères convenablement aménagées, des échanges thermiques ayant pour résultat de rendre le gaz à la sortie dans un état thermodynamique identique à celui de l’entrée, mais avec une énergie cinétique plus grande ?

Cela entraînera évidemment la possibilité de transformer ce surplus d’énergie cinétique en travail par un rotor de turbine à action qui rendra alors le gaz dans un état identique, aussi bien mécaniquement que thermodynamiquement, à son état de départ, donc susceptible de recommencer indéfiniment la même évolution en circuit fermé.

Cela entraînera aussi la possibilité de réaliser des tuyères à réaction, ouvertes aux deux extrémités, et capables de fournir, par leur déplacement dans l’air, un effort propulseur sans intervention d’aucun mécanisme déformable.

Or, le résultat défini ci-dessus est obtenu si, au cours de son écoulement de A en B, la masse élémentaire de fluide a passé par une succession d’états tels que son point figuratif dans le diagramme de Clapeyron ait parcouru, dans le sens des aiguilles d’une montre, un cycle fermé de surface non nulle : chaque masse élémentaire a fourni un travail positif, et, comme il n’y a aucune paroi mobile susceptible de recevoir du travail, ce travail a été transformé en énergie cinétique que les particules se fournissent les unes aux autres dans l’écoulement[29] : il est ainsi transformé intégralement si nous supposons qu’il n’y a aucune décoordination. En pratique, l’entretien d’un tel système exige seulement que l’énergie cinétique décoordonnée soit plus faible que le travail total produit par le fluide.

On peut concevoir, par exemple, une évolution de ce genre qui comporterait les quatre phases successives suivantes :

1o Compression adiabatique dans un divergent ;
2o Apport de chaleur à pression constante ;
3o Détente adiabatique dans un convergent ;
4o Refroidissement à pression constante ramenant au point figuratif
de départ[30].


  1. La caractéristique énergétique était supposée connue.
  2. Cette restriction écarte le cas de mouvements tourbillonnaires extrêmement divisés, a courbures de plus en plus accentuées, qui constituent l’une des formes du phénomène irréversible de décoordination de l’énergie cinétique en énergie interne (thermique).
  3. Cette nouvelle restriction correspond au second processus possible de décoordination thermique irréversible de l’énergie cinétique : c’est la décoordination par viscosité. Il est à noter qu’elle intervient, de façon essentielle, pour mener à achèvement la décoordination commencée par des tourbillonnements à dispersion progressive.
  4. Ne pas confondre cette notation avec celle que nous avons utilisée antérieurement pour désigner le volume d’une masse m quelconque, et dont nous n’aurons plus besoin car nous pourrons la remplacer par
  5. Il pourrait d’ailleurs être constitué par la superposition de plusieurs champs permanents indépendants dus à des actions distinctes.
  6. La portion voisine du fluide est en équilibre macroscopique par rapport à chacune d’elles.
  7. Le degré de rigueur à exiger dans cette condition dépend du fluide considéré : il varie dans le même sens que la propriété physique du fluide qu’on appelle sa viscosité.
  8. Elle impose donc, pour les directions perpendiculaires à la vitesse de translation un caractère supplémentaire de rigueur, variable d’ailleurs avec la viscosité du fluide considéré, à la condition même que nous avons admise pour définir cette vitesse de translation
  9. C’est-à-dire en projection sur la tangente à la trajectoire des masses élémentaires.
  10. On voit, de façon analogue, que la courbure des filets fluides est liée à l’existence de gradients transversaux.
  11. Nous adopterons, pour cela, une unité de masse aussi petite qu’il sera utile.
  12. La possibilité de cette création d’énergie cinétique orientée par la détente adiabatique d’un gaz dans un cylindre est introduite par la construction même du cylindre et du piston, qui transforme en un déplacement orienté l’augmentation de volume non orientée a priori que provoque l’agitation moléculaire. L’accélération de la masse gazeuse exige d’ailleurs une résultante non nulle des pressions qu’elle subit, c’est-à-dire une pression plus faible sur le piston que sur le fond fixe, autrement dit une perturbation momentanée.
  13. Nous négligeons les cas où des dimensions verticales très considérables (circulation des vents), ou des compressions très élevées amenant le gaz à des densités notables, font intervenir des travaux de pesanteur appréciables.
  14. Autres que ceux qui accompagnent, le cas échéant, dans l’équilibre, les gradients d’énergie potentielle de position.
  15. On appelle couramment rendement de la soufflerie le rapport entre l’énergie cinétique qui passe par unité de temps au col de la soufflerie, et la puissance mécanique dépensée pour entretenir ce courant malgré les décoordinations : cette appellation pourrait créer une confusion, à éviter, avec la notion de rendement, au sens normal de ce mot, qui désigne la fraction d’une dépense d’énergie donnée qui est transformée de la manière utile. Un rendement énergétique a donc essentiellement une valeur inférieure à l’unité. Au contraire, la grandeur envisagée ici peut être supérieure à 1 et croîtrait indéfiniment si l’on évitait progressivement toutes les décoordinations.
  16. Nous admettons qu’il n’y a pas d’échanges appréciables de chaleur, par suite de la grande vitesse d’écoulement.
  17. Elle pourra subir, bien entendu, des diminutions réversibles, liées à des termes négatifs.
  18. On peut, en particulier, réaliser l’équivalent d’un apport de chaleur au moyen d’une combustion dans l’air même qui s’écoule.
  19. Nous continuons à négliger les variations de l’énergie potentielle de gravité (qui deviendraient essentielles dans le liquide des moteurs hydrauliques).
  20. Puisque nous supposons qu’il ne se produit aucune décoordination.
  21. Nous étudions la turbine marchant en régime permanent.
  22. Le mouvement de la turbine est réglé pour que la vitesse relative soit tangente à la paroi de l’aubage, condition indispensable pour ne pas avoir de décoordination par choc.
  23. Il s’agit de la section du filet d’eau ; elle ne se confond avec la section de l’aubage que si l’eau remplit celui-ci. Cette condition, sans laquelle sont à craindre des chocs, avec décoordinations importantes qui entraînent de mauvais rendements, sera en général satisfaite dans les bonnes turbines.
  24. Remarquons que, puisque reste isotrope, et puisque la courbure varie forcément le long du filet (qui ne peut pas se refermer sur lui-même), ces gradients transversaux, variables le long du filet, exigent corrélativement des gradients longitudinaux, différents d’un filet a un filet voisin. Donc et par conséquent aussi la section, subissent, le long de chaque filet, des variations (dont la somme, prise de l’entrée jusqu’à la sortie, est nulle d’après notre hypothèse de départ).
  25. L’épaisseur non nulle des cloisons de séparation — qui se déplacent — entraîne de plus que les filets liquides dessinés par rapport aux axes fixes ne suivent même pas des trajectoires géométriquement permanentes.
  26. Cela exige aussi que, s’il y a des échanges de chaleur, ceux-ci correspondent à des flux de valeur invariable en chaque endroit.
  27. Il est à remarquer que, dans un écoulement permanent, étant défini en chaque point (x, y, z), le terme a, de ce fait, une forme géométrique analogue à celle du terme les surfaces équibares remplaçant simplement les plans horizontaux

    Cette analogie conduit à assimiler le terme à une seconde énergie potentielle et à donner au théorème de Bernoulli l’énoncé suivant : la somme de l’énergie de pression, de l’énergie de gravité et de l’énergie cinétique de chaque masse liquide reste constante (s’il n’y a pas de décoordination).

    Cette présentation n’est pas très heureuse, à cause de l’analogie qu’elle semble établir avec l’équation de conservation de l’énergie d’un pendule. Le terme traduit en effet des échanges d’énergie entre la masse considérée et le reste du liquide. Le terme est une véritable énergie potentielle de la masse unité envisagée, considérée en soi : si cette masse est isolée du reste et qu’elle tombe de elle acquiert une quantité d’énergie cinétique égale à Considérons, au contraire, le cas où elle descend de sans accélération, dans la conduite d’alimentation d’une turbine :

    Elle a encore perdu l’énergie potentielle de gravité son énergie interne n’a pas changé (puisqu’elle est incompressible et que nous supposons la décoordination nulle), et elle n’a pas acquis d’énergie cinétique ; il n’est pas rationnel cependant de dire qu’elle a acquis une autre énergie potentielle équivalente, car le travail de la pesanteur a été transmis par elle aux tranches d’aval. L’augmentation de pression signale la possibilité pour la masse considérée de recueillir ultérieurement, des masses d’amont, un travail équivalent à celui qu’elle a transmis aux masses d’aval.

  28. La surface du cycle fermé représente d’ailleurs, à volonté, c’est-à-dire le travail qu’a fourni la masse unité ou c’est-à-dire l’énergie cinétique qu’elle a reçue (si le mouvement est permanent, la décoordination nulle, et la variation d’énergie potentielle négligeable).
  29. Le refroidissement d’un courant gazeux rapide apparaît beaucoup plus difficile à réaliser qu’un apport de chaleur, que peut fournir une combustion.