Les Putains cloîtrées/02

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Acte II.

Les Putains cloitrées, Bandeau de début de chapitre
Les Putains cloitrées, Bandeau de début de chapitre

ACTE II.



Scène PREMIÈRE.


Le théâtre représente une chambre très-simple. D’un côté, est un lit ; de l’autre, une table couverte de pots remplis de tisanes : près du lit est une vieille garde-malade.


M. VISE-CUL père, CONCULIE et la vieille GARDE-MALADE.
m. vise-cul, tenant une seringue à la main.


Air : Si l’on pouvait rompre la chaîne[ws 1].

Allons, mettez-vous à votre aise,

conculie, se couchant sur le lit, le derrière
tourné contre M. Vise-Cul.


Monsieur Vise-Cul, suis-je bien ?


vise-cul.


Oui… desserrez, ne vous déplaise,
Les fesses… là… ne craignez rien.
Levez tant soit peu le derrière…
Personne plus adroitement,
Je vous le proteste, ma chère,
Ne sait donner un lavement.

conculie.


Attendez un instant, de grâce.
Je tremble qu’il ne soit trop chaud.

vise-cul.


Oh ! puisque vous êtes en place,
Oui, j’attendrai bien, s’il le faut,
Quel cul ! il est dodu : j’espère…
Mes lunettes, mes yeux, d’honneur,
Ne me suffisent pas, ma chère,
Pour en admirer la blancheur.

Avouez belle Conculie, que mon fils l’a manié plus d’une fois…

conculie.

Ah ! monsieur, que dites-vous là ?

vise-cul.

La vérité : je sais que c’est pour l’avoir aimé que vos parents vous ont fait enfermer ici.

(Il caresse les fesses de Conculie.)
Eh ! le coquin n’était pas malheureux…
Figure
Figure
conculie.

Croyez, monsieur, que jamais… allons, donnez-moi le lavement : il pourrait aussi devenir par trop froid.

vise-cul.

Vous avez raison, et les deux extrêmes ne valent rien : il faut dans tout un juste milieu… surtout pour donner un lavement ; mais je tiens une boutique d’apothicaire depuis trente ans, et je connais mon métier… ouvrez la bouche… allons… la canulle est-elle dedans ?

conculie.

Ah ! ah ! elle enfonce…

vise-cul.

C’est fait… couchez-vous à présent, et retenez-le le plus longtemps que vous pourrez… je m’en vais en donner autant à madame Souple-Fesse… (A la garde-malade), est-elle visible ?

la garde-malade.

Non, monsieur : elle eût désiré que vous vinssiez un peu plus tard, parce qu’il doit nous arriver ici tantôt une novice de la rue Saint-Honoré, à qui les médecins ont conseillé de passer aux grands remèdes…

vise-cul.

Eh bien ! je reviendrai, je verrai en même temps toutes mes autres malades. Je m’enfuis, car j’ai vingt clystères à donner encore dans la ville. Bonjour ma Conculie : sans adieu, ma vieille.

(Vise-Cul sort, la vieille le reconduit.)




Scène II.

CONCULIE, seule.

M. Vise-Cul ne l’a que trop bien deviné ; son fils l’a manié plus d’une fois ce cul qui vient de s’offrir à ses lunettes… hélas ! je n’ai plus ce bonheur… mon amant court le monde : il ne me reste plus que son portrait… Il faut me contenter, en l’admirant, de me branler… me voilà seule… je puis à mon aise…

      Air : Une petite fillette[ws 2].

      La semence la plus pure
      Va couler de mon conin :
Mais hélas ! au lieu de peinture,
      Que ne tiens je son engin :
                        (Elle se branle).
            Et aie, et hue,
            Et aie, et hue,
            Et hue et pousse…

Et v’là comme on décharge.
Ah ! Conculie, ah ! qu’as-tu fait ?
Dans le f..... nage son portrait…
Ah ! qu’il est bien comme il est là !
Le joli portrait que voilà…
Le joli portrait que voilà…

Mais que l’original eût été encore bien mieux…

On sonne : cachons ce portrait, fuyons… allons dans ma garde-robe, je sens mon lavement prêt à opérer ; et, d’ailleurs, ce n’est que quand je suis seule, que je peux causer avec lui. (Elle entre dans sa garde-robe).





Scène III.


La vieille GARDE-MALADE, GRÉGOIRE, ivre,
VISE-CUL déguisé en femme.
la garde-malade.

Eh bon Dieu ! quel train ! on dirait que le mercure fait remuer toute la maison : ah ! c’est vous, Grégoire…

grégoire.

Oui, ma chère Gribiche, j’vous amène mamsell’ Silvie, parce qu’on m’a dit qu’elle logerait ici avec mamsell’ Conculie…

gribiche.

Oh ! comme elle paraît douce et aimable… entrez, mademoiselle…

Dam ! elle est faite pour être à Bicètre…

gribiche.

L’on vous attendait avec bien de l’impatience : (elle l’embrasse). Vous logerez avec mamselle Conculie qui… mais je cours chercher madame Souple-Fesse.

vise-cul, l’arrêtant.

Que disiez-vous de Conculie ?…

gribiche.

Elle n’est ici qu’à cause d’un certain Vise-Cul…, un petit libertin qu’elle aime…

vise-cul.

Vous l’a-t-elle dit ?…

gribiche.

Non, mais c’est un bruit qui court tout Bicètre ; et puis, d’ailleurs, je vois ça, moi : vous sentez bien qu’à mon âge on a de l’expérience.

vise-cul.

Comment la mère, est-ce que vous auriez passé par là ?

gribiche.


        Air : Des Visitandines[ws 3].
                          1.
Je n’y pense plus sans frémir :
Vous saurez un jour, mon amie
Combien de peine le plaisir
Me laissa pour toute la vie.
Le Ciel, en nous donnant un con,
Nous fit un présent bien funeste :
J’en ressentis tout le poison (bis.)
Daignez m’épargner le reste. (bis.)

                          2.
J’ai reçu bien innocemment
Le jour à la Salpêtrière,
D’un jeune abbé, bien fait, charmant,
Je fixai les yeux la première :
Il vint me voir un beau matin ;
Et avec un air tout céleste.
Il me donna… chancres… poulains, (bis)
Daignez m’épargner le reste (bis).

Mais adieu, mademoiselle, notre entretien a tant de charmes pour moi, qu’on oublie tout auprès de vous ; je cours avertir madame Souple-Fesse : ne vous dérangez pas, je vous en prie.


Scène IV.


VISE-CUL, GRÉGOIRE.
grégoire.

Ah ça ! monsieur, vous voilà dans le paradis de Mahomet : prenez garde de faire des sottises, au moins… Oh, dam ! c’est que, si toutes ces femelles savaient tout ce que ce jupon couvre… je ne répondrais plus de vous : chacune voudrait en tâter, et j’vous promets bien qu’il n’sortirait pas sain et sauf d’ici…

vise-cul.

Oh ! je veux être fidèle à ma Conculie, jusqu’à la mort.

                    Air : Triste raison[ws 4].

J’ai bien souvent juré de ne plus foutre ;
Si j’ai trahi de semblables serments,
C’est que mon vit, aussi dur qu’une poutre,
Dans ma culotte était toujours bandant.

Et tu sens bien que cela me gênait, il fallait bien apaiser les feux…

grégoire.


J’ai bien souvent juré de ne plus boire,
Si j’ai trahi de semblables serments,
C’est qu’ le gosier de l’ivrogne Grégoire,
Com’ vot’ vit était toujours brûlant

Et vous sentez bien que cela me gênait, il fallait bien apaiser les feux.

ensemble.


Mais à présent,
C’est bien différent,
Mes serments
Tiendront plus longtemps.

grégoire.

Chut ! voilà la mère Gribiche, qui revient avec madame Souple-Fesse.

vise-cul.

Souviens-toi de ce que tu dois dire.

grégoire.

Pour vous, vous êtes instruit.

vise-cul.

Je sais mon rôle, comme si j’avais été putain toute ma vie.





Scène V.


Les précédents, SOUPLE-FESSE, mère GRIBICHE,
DEUX JEUNES FILLES.
gribiche, parlant de la coulisse.

Oui, madame, charmante en vérité, ou du moins, on voit qu’elle le fut jadis.

souple-fesse, à Vise-Cul qui veut se lever.

Restez, ma chère enfant : je n’aime pas qu’on se dérange pour moi, surtout quand on est malade… Apportez-moi un godemiché…

gribiche, tirant un godemiché.

Le voici, madame.

la première jeune fille.

N’est-ce pas un godemiché que madame demande ? Le voilà.

la seconde.

Rangez-vous donc, Grégoire, que je donne un godemiché à madame.

souple-fesse.

Oh ! j’ai le mien sur moi… C’est bon… Eh Bien ! Grégoire, le père Florentin.

gribiche.

Ah ! le père Florentin, comment se porte-t-il, Grégoire.

grégoire.

Bien doucement, madame : il a encore pris des pilules ce matin.

gribiche.

Que Dieu nous le conserve ! vous ne connaissez pas le père Florentin, mamselle Silvie, c’est un carme, jugez comme il bande : c’est un homme qui ne passait pas une heure sans tirer un coup ou deux, plus ou moins.

vise-cul.

Et quelle est donc sa maladie ?

gribiche.

Hélas ! il a la chaudepisse…

grégoire.

Cordée, mamselle, cordée : et comme il ne pourra pas encore foutre de sitôt, il a engagé le père Vit-Grand à venir vous demander à déjeuner ce matin…

souple-fesse.

Comment ! à déjeuner, et rien n’est prêt encore ? en vérité, vous ne pensez à rien…

gribiche.

Eh bien ! madame, j’y vais, j’y vais.

grégoire.

Madame n’a plus rien à m’ordonner…

souple-fesse.

Ce soir, ma tisane… demain mon petit lait…





Scène VI.


SOUPLE-FESSE, VISE-CUL.
souple-fesse.

Mais, en vérité, plus je vous examine, et plus je me persuade que votre médecin a voulu me ménager une surprise agréable.

vise-cul.

Comment donc cela, madame !

souple-fesse.

C’est que vous ne ressemblez pas du tout au portrait qu’il m’a fait de vous dans sa lettre.

vise-cul.

Est-il possible ?

souple-fesse, lisant la lettre.

« C’est une blonde intéressante, d’environ soixante ans…

vise-cul.

Oh ! oh ! j’ai dix-huit ans, madame.

souple-fesse, lisant.

» Elle n’a qu’un œil sur la face, encore est-il tout chassieux…

(Oh ! oh !)

» Plus aucun vestige de fesse : du haut en bas tout est uni…

(Oh ! oh !)

» Je vous demande si cela peut vous convenir. »

Toute la lettre se ressemble……

vise-cul.

C’est que monsieur le docteur n’avait pas mis ses lunettes.

souple-fesse.

Pour moi, Je vous trouve bien…

vise-cul.


                                          Air : A faire.

            D’ailleurs,
            Si je n’ai pas les mêmes charmes
            Que toutes les putains, j’ai leurs armes.
Mieux qu’un autre, je sais aiguillonner un vit.
Et, si j’ose le dire, enfin, foutre en esprit.
Pour apaiser les gens d’un naturel farouche,
Tantôt, de tout mon cœur, me faisant foutre en bouche
Tantôt serrant la cuisse, et resserrant le con,
A peine tolérer qu’on baise un seul teton.





Scène VII.


Les précédentes, TOUTES LES PUTAINS.
gribiche.

Venez, mesdemoiselles, la voilà.

souple-fesse.

Allons, embrassez-la toutes.

vise-cul.

J’allais faire les avances…

tir-lapine.

Je sens, en l’embrassant, un certain chatouillement.

foutaise.

Si elle eût été cette nuit ici… mais d’où vient que mon con me démange.

souple-fesse.

il faut vous gratter, Foutaise.

foutaise.

C’est ce que je vais faire aussi.
[Elle va se mettre dans un coin, et se branle].

Conculie, (au moment où Vise-cul va pour
l’embrasser, elle le reconnaît, jette un cri de
surprise, et tombe évanouie dans ses bras.)

Ah ! ah ! ah ! je me pame !…

vise-cul.

Ah ! mon Dieu ! mon Dieu ! elle s’évanouit…

tir-lapine.

Voici du vinaigre des quatre voleurs, de l’eau de Cologne…

foutaise.

Il faudrait plutôt de l’eau de f…

souple-fesse.

Ce que c’est que de nous… ce sont peut-être ses affaires qui lui prennent… desserrez-là donc.

vise-cul.

La voilà qui revient…

(Gribiche la desserre).
gribiche.

Tenez, Mlle Conculie : voilà ce que j’ai trouvé en vous desserrant : et mais… c’est un portrait…

toutes les filles.

Oh ! le joli jeune homme ! quel plaisir j’aurais avec l’original !

souple-fesse.

Me tromperais-je ! c’est le portrait de Silvie…

souple-fesse.

Oui, voilà tous vos traits ; seulement ici vous êtes en fille, et là vous êtes en homme.

vise-cul.

C’est mon frère… est-ce qu’il aurait possédé la jouissance de vos charmes !

conculie.

Oui, autrefois, nous eûmes ensemble un petit commerce.

gribiche.

Madame ! madame ! voici le père Hilarion.

souple-fesse.

Mesdemoiselles, c’est un nouveau fouteur qui nous arrive ; prenez la posture qui vous convient en pareille circonstance, et que vos charmes à découvert, lui fassent, en entrant, tout-à-coup sensation.

(Toutes les filles s’asseoient, levant leurs jupons, écartant les cuisses, de manière qui on voie leurs c…)
(Vise-Cul et Conculie à droite lèvent aussi leurs jupons, et, sans être aperçue des autres, Conculie tient en main le v.. de Vise-Cul et le branle.)

Scène VIII.


les précédentes, SUBLIMÉ, en carme.
sublimé, entrant, les voit dans cette posture ;
surpris, il lève sa robe ; et tirant son v.., il
leur dit :


                                    air : J’ai perdu mon âne[ws 5].

Je bande comme un carme,
Je bande comme un carme.

les filles.

Ave, ave, père Vit-Grand.
Que Dieu vous le rende à l’instant.

sublimé.

Je bande comme un carme,
Je bande comme un carme.

                                    2.
            Gentilles femelles,
            Gentilles femelles.
En vous voyant l’on comprend bien,
Comment le père Florentin,
            Vient de l’échapper belle,
            Vient de l’échapper belle.

                                    3.
            Puisque vous voilà douze,
            Puisque vous voilà douze.
L’une après l’autre, s’il vous plaît.

souple-fesse.


Commencez par moi…

(Sublimé enfile Souple-Fesse).
les filles.


Commencez par moi…C’est bien fait !…

souple-fesse.


Ne soyez point jalouses…
Ne soyez point jalou…ou … ses…

gribiche.

Voici le docteur…

(Sublimé se retirant sur-le-champ).
souple-fesse.

Qu’il aille au diable : il arrive bien à propos…





Scène IX.

les précédents, LE DOCTEUR.

Bonjour, mes belles malades.

vise-cul, fils.

O Ciel ! c’est mon père…

conculie.

Je tremble…

vise-cul, père.

Eh bien ! comment se porte-t-on aujourd’hui ? (Il va visiter chaque fille.) Le chancre disparaît, Foutaise. (A une autre.) Il n’y a plus qu’une petite pustule… Votre poulain se referme, mamselle Tire-Lapine… Et vous, madame, comment vous trouvez-vous ?

souple-fesse.

Ah ! monsieur, ce n’est pas de moi qu’il s’agit à présent ; c’est de notre nouvelle arrivée, mamselle Silvie… Tenez : la voilà, M. Vise-Cul…

sublimé.

Vise-Cul ! c’est son père… Oh ! j’ai la fièvre…

le docteur, à son fils.

Eh bien ! qu’est-ce, ma chère enfant ?… Vous cachez cette jolie entrée du temple de Cithère… N’ayez pas peur… (Il lui passe la main sous le jupon). O Ciel ! qu’est-ce que je touche-là !… un vit !… Mesdames… ce n’est point une fille…

Que vois-je ! c’est mon fils !
Figure
Figure
toutes.

Son fils !…

vise-cul, père.

Comment, malheureux ! depuis deux ans que je ne t’ai vu, je te retrouve à Bicètre !… Et quel est ce révérend père dont la figure est si bien envermillonnée ?…

souple-fesse.

C’est le père Vit-Grand, que le père Florentin nous a envoyé à sa place pendant sa maladie…

vise-cul, père.

Mais le père Florentin… je viens de le voir ; il m’a dit qu’il se proposait de venir vous voir aujourd’hui… (Le docteur examinant Sublimé, qui fait tout ce qu’il peut pour se cacher). Daignerez vous nous expliquer, mon père… Comment, maraud, c’est toi !…

souple-fesse.

Oh ! traitez-mieux le père Vit-Grand.

vise-cul, père.

Il peut avoir le vit grand, mais c’est Sublimé, le valet de chambre de la belle Silvie…

souple-fesse.

O Ciel ! c’est un valet… moi qui…

sublimé.

Eh bien, madame, vous avez dû voir si la besogne commençait bien. Il ne tient qu’à vous de la finir.

souple-fesse.

Que faire à présent ?

vise-cul, père.

Ma foi, je n’en sais.

vise-cul, fils.

Mon père…

vise-cul, père.

Eh bien ?




VAUDEVILLE.

vise-cul, fils.


                          air : Du vaudeville des Visitandines[ws 6].
                                                1.

Mon père, dans cette retraite
Quoiqu’on veuille la retenir,
Ah ! Conculie est femme honnête,
Sans risque on peut nous unir.
Oui, que notre hymen s’accomplisse,
Pour ma santé ne craignez rien,
Cher papa, je vous promets bien
Qu’elle n’a pas la chaudepisse.

vise-cul, père.


                                                2.

Allons, puisqu’à la bagatelle,
Maître fripon, depuis longtemps,
Tu t’es amusé avec elle,
Épouse-la donc, j’y consens.
On te passe cet artifice,
Si ton cœur est tant amoureux,
Avec elle il vaut encore mieux
Attraper quelque chaudepisse.


  1. Cf. recueil La clé du caveau, 535.
  2. Cf. recueil La clé du caveau, 612.
  3. Cf. recueil La clé du caveau, 863.
  4. Cf. recueil La clé du caveau, 573.
  5. Cf. recueil La clé du caveau, 239.
  6. Cf. recueil La clé du caveau, 863.