Les Quatre Évangiles (Crampon 1864)/Jean/02
CHAPITRE II
Trois jours après, il se fit des noces à Cana en Galilée ; et la mère de Jésus y était[1]. Jésus fut aussi convié aux noces avec ses disciples[2]. Et le vin venant à manquer, la mère de Jésus lui dit : Ils n’ont point de vin. Jésus lui répondit : Femme, qu’y a-t-il de commun entre vous et moi[3] ? Mon heure n’est pas encore venue[4]. Sa mère dit à ceux qui servaient : Faites tout ce qu’il vous dira. Or, il y avait là six urnes de pierre servant aux ablutions en usage chez les Juifs[5], et contenant chacune deux ou trois mesures[6]. Jésus leur dit : Emplissez d’eau ces urnes. Et ils les emplirent jusqu’au haut. Alors Jésus leur dit : Puisez maintenant, et portez-en au maître du festin. Sitôt que le maître du festin eut goûté l’eau changée en vin, ne sachant d’où il venait (mais les serviteurs qui avaient puisé l’eau, le savaient), il appela l’époux, et lui dit : Tout homme sert d’abord le bon vin, et après qu’on a beaucoup bu, celui qui vaut moins ; mais vous, vous avez gardé le bon vin jusqu’à cette heure. Ainsi Jésus fit à Cana en Galilée le premier de ses miracles, et il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui[7]. Après cela, il descendit à Capharnaum avec sa mère, ses frères[8] et ses disciples, et ils n’y demeurèrent que peu de jours.
13 La Pâque des Juifs étant proche, Jésus monta à Jérusalem. Il trouva dans le temple[9] des hommes qui vendaient des bœufs, des brebis et des colombes, et des changeurs assis à leurs tables. Et ayant fait comme un fouet avec des cordes, il les chassa tous du temple, avec les brebis et les bœufs, jeta par terre l’argent des changeurs, et renversa leurs tables[10]. Et il dit à ceux qui vendaient des colombes : Emportez cela d’ici, et ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic[11]. Ses disciples se ressouvinrent alors qu’il est écrit : « Le zèle de votre maison me dévore[12]. »
18 Les Juifs[13] prenant la parole, lui dirent : Quel signe nous montrez-vous, pour que vous fassiez ces choses ? Jésus leur répondit : Détruisez ce temple, et je le relèverai en trois jours. Les Juifs répartirent : On a mis quarante-six ans à bâtir ce temple[14], et vous, vous le relèverez en trois jours ! Mais il parlait du temple de son corps[15]. Lors donc qu’il fut ressuscité d’entre les morts, ses disciples se souvinrent qu’il leur avait dit cela, et ils crurent à l’Écriture[16] et à la parole qu’avait dite Jésus.
Lorsque Jésus était à Jérusalem pendant la fête de Pâque, beaucoup crurent en son nom[17], voyant les miracles qu’il faisait. Mais Jésus ne se fiait point à eux, parce qu’il les connaissait tous, et qu’il n’avait pas besoin que personne lui rendît témoignage d’aucun homme ; car il savait lui-même ce qu’il y avait dans l’homme[18].
- ↑ Trois jours après l’arrivée de Jésus en Galilée. — Cana, c’est-à-dire roseau, bourg à 8 lieues de Capharnaüm, et 5 de Tibériade, aujourd’hui Kéfer Kanna. Saint Jean ajoute en Galilée, non pour distinguer ce bourg d’un autre de même nom, mais pour en indiquer la situation à des lecteurs grecs. Les noces des personnes riches se célébraient pendant sept jours. Marie était sans doute parente de l’un des époux, car nous voyons par le vers. 12 que les fils de sa sœur (la femme de Cléophas), Jacques, Joseph, Simon et Jude, les frères du Seigneur, y furent aussi invités.
- ↑ Nommés à la fin du chap. i. Du silence de l’Évangéliste, saint Epiphane conjecture que S. Joseph était mort à cette époque.
- ↑ Cette locution est souvent employée dans la Bible pour mépriser, refuser ou reprendre ; mais sa force dépend des personnes et des circonstances : le ton de la voix, un sourire, pouvait en faire disparaître toute la sévérité. Quant au mot femme, dont Jésus se sert en parlant à Marie, on sait que les Grecs et les Orientaux l’employaient envers les personnes les plus honorables, et qu’il était chez eux l’expression du respect joint à la tendresse. Comp. Xénoph. Cyrop. VII, iii, 4 ; Dion. Cass. 51.
- ↑ En demandant un miracle à Jésus, dit saint Augustin, c’est à la divinité que Marie s’adresse, et le Sauveur répond en Dieu. Il veut faire comprendre aux convives qu’il opérerait ce prodige, non comme fils de la femme, ni pour des considérations humaines, mais en qualité de Fils de Dieu, quand son heure, c’est-à-dire l’heure marquée par son Père, serait venue. Le vers. suivant montre que la sainte Vierge comprit très-bien la réponse de son Fils et n’en fut pas offensée.
- ↑ Ils s’y lavaient les mains avant les repas, y purifiaient les vases, etc. Comp. Marc, vii, 3.
- ↑ Propr. métrètes, mesure attique, qui correspondait à l’épha des Hébreux, et contenait 72 xestes ou setiers, environ 39 litres.
- ↑ Sa gloire, c’est-à-dire sa divinité. — Crurent en lui d’une foi plus ferme. — Le Verbe est vie et lumière : il se révèle ici comme vie ; et « montre, dit saint Augustin, que c’est lui qui, chaque année, fait la même chose dans le fruit de la vigne. »
- ↑ Voy. Frères de Jésus dans le Vocabulaire.
- ↑ Dans le parvis des Gentils. Voy. Matth. xxi, 12, note.
- ↑ Un fait semblable, mais postérieur, est raconté Matth. xxi, 12 ; Marc, xi, 15 ; Luc, xix, 45.
- ↑ Il traite avec plus de douceur ceux qui vendaient des colombes, offrandes ordinaires des pauvres.
- ↑ Ps. lxviii, 10.
- ↑ Probablement des membres du Sanhédrin, qu’on avait informés de ce qui s’était passé.
- ↑ Hérode le Grand fit rebâtir le temple de Zorobabel d’après le style grec, et consacra à cette restauration les neuf dernières années de son règne ; mais on y travailla encore après sa mort, et l’ouvrage ne fut complétement achevé que l’an LXIV après Jésus-Christ, sous Agrippa.
- ↑ Le corps en général est le domicile ou la maison de l’âme (Is. xxxviii, 12) ; le corps des chrétiens est le temple mystique de l’Esprit-Saint (I Cor. vi, 19) ; dans le corps de Jésus-Christ habitait, dit saint Paul (Col. ii, 9) la plénitude de la divinité.
- ↑ Par ex. Ps. xv, 10 ; Osée, vi, 3 ; Jon. ii, 1.
- ↑ Crurent qu’il était le Messie.
- ↑ Jésus connaissait ces esprits mobiles et inconstants, qui s’étaient fait les idées les plus fausses sur le royaume terrestre du Messie, et qui auraient pu, en le proclamant roi d’Israël, exciter une sédition contre les Romains. Ad Maier. Saint Cyrille et d’autres Pères remarquent que c’est un des attributs de la divinité de lire au fond des cœurs.