Les Quatre Évangiles (Crampon 1864)/Jean/16

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Traduction par Augustin Crampon.
Tolra et Haton (p. 494-498).
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saint Jean


CHAPITRE XVI


SUITE DU DISCOURS APRÈS LA CÈNE : JÉSUS-CHRIST ANNONCE A SES APÔTRES LES PERSÉCUTIONS QUI LES ATTENDENT, ET LES CONSOLE PAR LA PROMESSE QU’ILS RECEVRONT L’ESPRIT-SAINT.


Je vous ai dit ces choses, afin que vous ne soyez point scandalisés. Ils vous chasseront des synagogues : et l’heure vient où quiconque vous fera mourir, croira faire à Dieu une offrande agréable. Et ils vous traiteront ainsi, parce qu’ils ne connaissent ni mon Père, ni moi. Mais je vous ai dit ces choses, afin que, lorsqu’en sera venue l’heure, vous vous souveniez que je vous les ai dites. Je ne vous les ai pas dites dès le commencement, parce que j’étais avec vous.

5 Et maintenant[1] je m’en vais à celui qui m’a envoyé, et aucun de vous ne me demande : Où allez-vous ? Mais parce que je vous ai dit ces choses, la tristesse a rempli votre cœur. Cependant je vous dis la vérité : il vous est bon que je m’en aille ; car, si je ne m’en vais pas, le Paraclet ne viendra point à vous ; mais si je m’en vais, je vous l’enverrai[2]. Et lorsqu’il sera venu, il convaincra le monde en ce qui touche le péché, la justice et le jugement : le péché, parce qu’ils n’ont pas cru en moi ; la justice[3], parce que je m’en vais à mon Père, et que vous ne me verrez plus ; le jugement[4], parce que le Prince de ce monde est déjà jugé.

12 J’ai encore beaucoup de choses à vous dire ; mais vous ne pouvez les porter à présent. Mais, lorsque sera venu cet Esprit de vérité, il vous enseignera toute vérité. Car il ne parlera pas de lui-même, mais il dira tout ce qu’il aura entendu, et vous annoncera les choses à venir[5]. Il me glorifiera[6], parce qu’il recevra de ce qui est à moi[7], et vous l’annoncera. Tout ce qu’a le Père est à moi. C’est pourquoi j’ai dit : Il recevra de ce qui est à moi, et vous l’annoncera.

Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus ; et encore un peu de temps, et vous me verrez, parce que je vais à mon Père[8]. Sur quoi ses disciples se disaient l’un à l’autre : Qu’est-ce qu’il nous dit : Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus ; et encore un peu de temps, et vous me verrez, parce que je vais à mon Père ? Ils disaient donc : Qu’est-ce qu’il dit : Encore un peu de temps ? Nous ne savons ce qu’il veut dire. Jésus, connaissant qu’ils voulaient l’interroger, leur dit : Vous vous questionnez l’un l’autre sur ce que j’ai dit : Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus ; et encore un peu de temps, et vous me verrez. En vérité, en vérité, je vous le dis, vous pleurerez et vous gémirez, et le monde se réjouira[9], tandis que vous serez dans la tristesse ; mais votre tristesse se changera en joie[10]. Une femme, lorsqu’elle enfante, a de la tristesse, parce que son heure est venue ; mais lorsqu’elle a enfanté un fils, elle ne se souvient plus des douleurs à cause de la joie, parce qu’un homme est né dans le monde. Vous donc aussi, vous avez maintenant de la tristesse ; mais je vous verrai de nouveau[11], et votre cœur se réjouira, et nul ne vous ravira votre joie. Et en ce jour-là, vous ne m’interrogerez plus sur rien. En vérité, en vérité, je vous le dis, tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, il vous le donnera[12]. Jusqu’à présent vous n’avez rien demandé sien mon nom : demandez et vous recevrez, afin que votre joie soit pleine[13]. Je vous ai dit ces choses en paraboles[14]. Vient l’heure où je ne vous parlerai plus en paraboles, mais où je vous parlerai ouvertement de mon Père. En ce jour, vous demanderez en mon nom, et je ne vous dis point que je prierai mon Père pour vous[15]. Car mon Père vous aime lui-même, parce que vous m’avez aimé, et que vous avez cru que je suis sorti de Dieu. Je suis sorti du Père[16], et je suis venu dans le monde ; maintenant je quitte le monde, et je vais au Père. Ses disciples lui dirent : Voilà que vous parlez ouvertement et sans vous servir d’aucune parabole[17]. A présent nous voyons que vous savez toutes choses, et qu’il n’est pas besoin que personne vous interroge[18] : à cause de cela nous croyons que vous êtes sorti de Dieu. Jésus leur répondit : Vous croyez maintenant[19] ? Voici que vient l’heure, et déjà elle est venue, où vous serez dispersés chacun de votre côté, et où vous me laisserez seul : et je ne suis pas seul, parce que mon Père est avec moi. Je vous ai dit ces choses afin que vous ayez la paix en moi. Dans le monde vous aurez des tribulations ; mais ayez confiance, j’ai vaincu le monde[20].

  1. En gr. le vers. 5 commence ici.
  2. Comp. vii, 39, et Matth. iii, 11.
  3. La justice de qui ? Maldonat, Ad. Maier : La justice de Jésus-Christ ; le Saint-Esprit convaincra le monde que je suis juste et saint, et non un imposteur, un faux prophète ; en effet, je m’en vais à mon Père pour être glorifié par lui : or mon Père ne glorifierait point un imposteur. Bossuet, Patrizzi : La justice des disciples de Jésus-Christ ; car je m’en vais à mon Père, sans que pour cela vous cessiez de croire en moi. Cette justice, qui consiste dans la foi, est opposée au péché du monde, qui est l’incrédulité. Comp. Rom. iii, 22 ; x, 10 ; Hébreux, xi, 1. La première interprétation nous paraît préférable.
  4. C’est-à-dire la condamnation de Satan, le prince de ce monde, dont l’empire est renversé par Jésus-Christ, et doit peu à peu disparaître. C’est ce que l’Esprit Saint manifestera au monde par la prédication des Apôtres, par les miracles qu’il leur donnera le pouvoir d’opérer, par la propagation de la religion chrétienne, par la sanctification des fidèles, etc.
  5. Car ou bien donne la raison de : vous enseignera toute vérité ; ou bien explique pourquoi le Saint-Esprit n’apprendra pas autre chose aux Apôtres que ce que Jésus-Christ avait alors à leur dire, et qu’ils ne pouvaient encore porter. Ce dernier sentiment est celui du P. Patrizzi. — Entendu, du Père et de moi.
  6. Il apprendra au monde que je suis le Messie, le Fils de Dieu.
  7. Il tire de moi l’être divin et la science divine. L’évangéliste dit recevra, au lieu de reçoit, à cause du futur qui suit. De ce passage, les saints Pères et le concile œcuménique de Florence concluent avec raison que le Fils est Dieu, et que le Saint-Esprit procède du Fils comme du Père.
  8. Vous me verrez : quand et comment ? 1° Saint Chrysostome. Tolet, Jansénius, Patrizzi : Après la résurrection de Jésus-Christ ; traduisez : et vous me verrez aller à mon Père, en sorte que le second un peu de temps désigne les quarante jours qui ont précédé l’ascension. 2° Klofutar : Vous me verrez venant à vous par l’Esprit-Saint que vous recevrez le jour de la Pentecôte ; il tiendra ma place ; son habitation dans vos âmes sera pour vous comme la perpétuité de ma présence : ainsi un peu de temps désigne l’intervalle qui restait jusqu’à l’ascension, et parce que je vais, etc., donne la raison de tout le verset. 3° Saint Augustin, Maldonat, Bossuet : Vous me verrez à la fin des temps, quand je viendrai pour le jugement universel. « Ainsi, dit Bossuet, ce que Notre-Seigneur appelle un peu de temps, c’est tout le temps de la durée de ce siècle : tant à cause que ce temps finit bientôt pour chacun de nous, qu’à cause qu’en le comparant à l’éternité qui doit suivre, c’est moins qu’un moment. » On pourrait réunir les deuxième et troisième sens : Je suis encore un peu de temps avec vous, jusqu’à l’ascension ; et après un peu de temps je serai encore avec vous, d’abord par le Saint-Esprit que je vous enverrai, ensuite quand je viendrai des cieux une seconde fois pour vous y amener avec moi.
  9. S’imaginant, dit Ad. Maier, avoir par ma mort anéanti mon ouvrage.
  10. Quand vous serez réunis à moi pour une éternité de gloire et de bonheur.
  11. Voy. la note du vers. 16.
  12. Sur rien, soit parce que l’Esprit-Saint vous éclairera, soit parce que, dans le ciel, tous les mystères vous seront révélés. — Donnera : nouveau motif de consolation proposé par Notre-Seigneur aux Apôtres. Demander au nom de Jésus-Christ, c’est demander par ses mérites, par sa qualité de Fils de Dieu, de Sauveur du monde.
  13. Quand j’étais avec vous, vous vous adressiez à moi, et moi je vous obtenais tout de mon Père ; maintenant que je vous quitte, adressez-vous vous-mêmes à mon Père ; il suffit, pour être exaucés, que vous invoquiez mon nom. C’est pour cette raison que l’Église, dans la liturgie, adresse ordinairement ses prières à Dieu le Père, et les termine par ces paroles : Par Jésus-Christ Notre-Seigneur, etc.
  14. Dans un langage encore obscur pour vous.
  15. « Jésus-Christ, dit saint Augustin, comme homme intercède pour nous (Rom. viii, 34), comme Dieu nous exauce avec son Père. » Ni l’un ni l’autre n’est ici nié ; Jésus ne dit qu’une chose, c’est que son Père, de lui-même et sans autre intercesseur, les aime assez pour les exaucer.
  16. Et c’est la vérité : oui, je suis sorti, etc.
  17. Parabole a encore ici le sens de langage obscur et mystérieux. Allusion au vers. 16.
  18. Pour obtenir de vous une réponse, un éclaircissement désiré. Allusion au vers. 19.
  19. Jésus met en doute ou nie tout à fait que la foi de ses Apôtres soit encore bien affermie, et leur prédit au vers. suiv. qu’ils vont l’abandonner.
  20. Ces choses, tous les discours après la cène. — En moi, dans la foi en moi, et dans mon amour. — J’ai vaincu, prétérit prophétique : la victoire est commencée ; elle sera bientôt consommée par ma mort sur la croix, par ma résurrection, mon ascension glorieuse et la mission du Saint-Esprit.