Les Quatre Évangiles (Crampon 1864)/Luc/24

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Traduction par Augustin Crampon.
Tolra et Haton (p. 367-371).
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CHAPITRE XXIV


RÉSURRECTION. — JÉSUS APPARAÎT A DEUX DISCIPLES QUI VONT A EMMAÜS, PUIS AUX APÔTRES. — ASCENSION (Matth. xxviii, ; Marc, xvi, Jean, xx).


Le premier jour de la semaine, de grand matin, elles vinrent au sépulcre, apportant les parfums qu’elles avaient préparés[1]. ôtée de devant le sépulcre, et, étant entrées, elles ne trouvèrent point le corps du Seigneur Jésus. Remplies d’anxiété, elles ne savaient plus que faire, lorsque près d’elles parurent deux hommes vêtus de robes resplendissantes. Et comme, dans leur frayeur, elles tenaient leur visage abaissé vers la terre, ils leur dirent : Pourquoi cherchez-vous parmi les morts celui qui est vivant ? Il n’est point ici, il est ressuscité. Souvenez-vous de ce qu’il vous a dit lorsqu’il était encore en Galilée : « Il faut que le Fils de l’homme soit livré entre les mains des pécheurs, qu’il soit crucifié, et qu’il ressuscite le troisième jour. » Et elles se ressouvinrent de ses paroles. Étant revenues du sépulcre, elles annoncèrent toutes ces choses aux Onze et à tous les autres. Ce fut Marie-Madeleine, Jeanne, Marie, mère de Jacques, et les autres qui étaient avec elles, qui racontèrent ceci aux Apôtres. Et ils regardèrent comme une rêverie ce qu’elles leur disaient, et ne les crurent point. Mais Pierre se leva et courut au sépulcre, et s’étant penché, il ne vit que les linges par terre, et il s’en alla admirant en lui-même ce qui était arrivé.

13 Or, deux d’entre eux allaient ce même jour à un village nommé Emmaüs[2], distant de Jérusalem de soixante stades ; et ils s’entretenaient de tout ce qui s’était passé. Pendant qu’ils discouraient et se communiquaient leurs pensées, Jésus lui-même les joignit et se mit à marcher avec eux ; mais quelque chose empêchait que leurs yeux ne le reconnussent. Et il leur dit : De quoi vous entretenez-vous ainsi en marchant, et d’où vient votre tristesse ? L’un d’eux, nommé Cléophas, lui répondit : Êtes-vous seul si étranger dans Jérusalem, que vous ne sachiez pas les choses qui y sont arrivées ces jours-ci ? Quelles choses, leur dit-il ? Ils répondirent : Ce qui est arrivé au sujet de Jésus de Nazareth, qui était un prophète puissant en œuvres et en paroles devant Dieu et devant tout le peuple ; et comment les Princes des prêtres et nos Anciens l’ont livré pour être condamné à mort, et l’ont crucifié. Nous espérions qu’il était celui qui doit délivrer Israël[3] ; mais avec tout cela c’est aujourd’hui le troisième jour que ces choses se sont passées. A la vérité, quelques-unes des femmes qui sont avec nous, nous ont fort étonnés ; car, étant allées avant le jour au sépulcre, et n’ayant point trouvé son corps, elles sont venues dire que des anges leur étant apparus, leur ont annoncé qu’il est vivant. Quelques-uns des nôtres sont allés au sépulcre, et ont trouvé toutes choses comme les femmes les avaient rapportées ; mais lui, ils ne l’ont point trouvé. Alors il leur dit : insensés, et lents de cœur à croire tout ce qu’ont dit les Prophètes ! Ne fallait-il pas que le Christ souffrit ces choses, et qu’il entrât ainsi dans sa gloire ? Et, parcourant tous les prophètes, en commençant par Moïse, il leur expliquait ce qui le concerne dans toutes les Écritures. Lorsqu’ils se trouvèrent près du village où ils allaient, Jésus feignit d’aller plus loin. Mais ils le pressèrent, disant : Demeurez avec nous, car il se fait tard, et déjà le jour baisse. Et il entra avec eux. Étant avec eux à table, il prit le pain et le bénit, et l’ayant rompu, il le leur donna[4]. Et leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent : et il disparut de devant leurs yeux. Ils se dirent alors l’un à l’autre : N’est-il pas vrai que notre cœur était tout brûlant au dedans de nous, lorsqu’il nous parlait dans le chemin, et nous expliquait les Écritures ? Et se levant à l’heure même, ils retournèrent à Jérusalem, où ils trouvèrent les Onze, et ceux qui étaient avec eux, assemblés, et disant : Le Seigneur est vraiment ressuscité, et il est apparu a Simon[5]. Eux-mêmes, à leur tour, racontèrent ce qui leur était arrivé en chemin, et comment ils l’avaient reconnu dans la fraction du pain.

Pendant qu’ils s’entretenaient ainsi, Jésus parut au milieu d’eux, et leur dit : La paix soit avec vous ; c’est moi, ne craignez point. Eux, pleins de trouble et de frayeur, croyaient voit un esprit. Et il leur dit : Pourquoi vous troublez-vous, et pourquoi ces pensées s’élèvent-elles dans vos cœurs ? Voyez mes mains et mes pieds, et reconnaissez que c’est bien moi. Touchez et voyez : un esprit n’a ni chair ni os, comme vous voyez que j’ai. Ayant ainsi parlé, il leur montra ses mains et ses pieds. Mais, comme ils hésitaient encore à croire et ne revenaient pas de leur étonnement, tant leur joie était grande, il leur dit : Avez-vous ici quelque chose a manger ? Et ils lui présentèrent un morceau de poisson rôti et un rayon de miel. Lorsqu’il eut mangé devant eux[6], prenant ce qui restait, il le leur donna ; puis il leur dit : C’est là ce que je vous ai dit, étant encore avec vous, qu’il fallait que tout ce qui est écrit de moi dans la loi de Moise, dans les Prophètes et dans les Psaumes s’accomplit. Alors il leur ouvrit l’esprit, pour qu’ils comprissent les écritures, et leur dit : Il est ainsi écrit, et ainsi il fallait que le Christ souffrit, et qu’il ressuscitât d’entre les morts le troisième jour, et qu’on prêchât en son nom la pénitence et la rémission des péchés dans toutes les nations, en commençant par Jérusalem. Vous êtes témoins de ces choses. Et moi, je vais vous envoyer le don promis par mon Père[7] ; tenez-vous en repos dans la ville, jusqu’a ce que vous soyez revêtus de la force d’en haut[8].

50 Il les emmena ensuite hors de la ville jusqu’à Béthanie, et ayant levé les mains, il les bénit. Et en les bénissant, il se sépara d’eux et il s’élevait vers le ciel. Et eux, l’ayant adoré, retournèrent à Jérusalem pleins d’une grande joie. Et ils étaient toujours dans le temple, louant et bénissant Dieu. Amen[9].

  1. Voici, pour les visites des saintes femmes au sépulcre, la suite des faits :
    1° Marie-Madeleine, Marie, mère de Joseph, et d’autres, sont présentes au sépulcre pendant que Joseph d’Arimathie ensevelit Notre-Seigneur (Matth. xxviii, 61 ; Marc, xv, 47 ; Luc, xxiii, 54, 33) ; c’était le vendredi soir, un peu avant le coucher du soleil. En revenant chez elles, elles achètent des aromates et passent le samedi (sabbat) sans sortir de leur maison.
    2° Le samedi soir, après le coucher du soleil, le sabbat étant passé, elles complètent leur provision d’aromates (Marc, xvi, 1).
    3° Jésus ressuscite le dimanche matin avant le jour (Matth. xxviii, 2-4).
    4° Premières femmes au sépulcre, avant le jour (Matth. xxviii, 1 ; Luc, xxiv, 1 sv. ; Jean, xx, 1 sv.) ; elles aperçoivent la pierre renversée : Marie Madeleine court porter cette nouvelle à Pierre et à Jean (Jean, xx, 2 sv.).
    5° Les autres femmes restèrent au sépulcre, et alors se passe la scène racontée par saint Luc, xxiv, 3-8.
    6° Les mêmes femmes reviennent à la ville, et annoncent la chose aux Apôtres et aux disciples, à mesure qu’elles peuvent les trouver.
    7° Pierre et Jean, déjà avertis par Madeleine, entendent leur témoignage et vont au sépulcre (Luc, xxiv, 12 sv. ; Jean, xx, 3 sv.). où ils entrent et restent quelque temps.
    8° Pendant ce temps, Jésus apparaissant pour la première fois, se montre à Madeleine, qui était revenue au sépulcre à la suite de Pierre et de Jean (Marc, xvi, 9-10 ; Jean, xx, 11-18).
    9° D’autres saintes femmes vont au sépulcre après le lever du soleil, et Jésus leur apparaît (Matth. xxviii, 5-9 ; Marc, xvi, 2-8). Pour la suite des apparitions de Notre-Seigneur après sa résurrection, voy. la note du vers. 34.
  2. Ces deux disciples s’en retournaient chez eux après la fête de Pâque. Emmaüs, l'anc. Amosa du livre de Josué (xviii, 26), auj. El Kobeibéh, d’après la tradition commune, mais plus probablement Kolounièh (c.-à-d. Colonie : comp. Josèph. Bell. Jud. VII, vi, 6), d’après Sepp (Jérusalem et Terre sainte, 1er livr.), était situé à 10 kil. de Jérusalem.
  3. De la domination étrangère, et rétablir le royaume de Juda.
  4. Les anciens Pères et la plupart des interprètes pensent que Jésus, en ce moment, donna son corps adorable à ces deux disciples. L’expression fraction du pain, qui se trouve au vers. 35, désignait chez les premiers fidèles le pain eucharistique (Act. ii, 42).
  5. A Simon Pierre, I Cor. xv, 5). Le pére Patrizzi compte neuf apparitions de Notre-Seigneur après sa résurrection mentionnées dans l’Évangile : 1° A Madeleine (Marc, xvi, 9, 10 ; Jean, xx, 11-18) ; 2° aux saintes femmes (Matth. xxviii, 5-9 ; Marc, xv, 2-8) ; 3° aux disciples d’Emmaüs (Marc, xvi, 12 ; Luc, xxiv, 13-41) ; 4° à Simon Pierre (Luc, xxiv, 35) ; 5° à dix Apôtres (Luc, xxi, 36-41 ; Jean, xx, 19-23) ; 6° aux onze Apôtres (Jean, xx, 24-29) ; 7° aux Apôtres en Galilée, près du lac de Tibériade (Jean, xxi, 1-24) ; 8° aux Apôtres en Galilée, où il leur donne leur mission pour la première fois (Matth. xxviii, 16-20) ; 9° aux Apôtres à Jérusalem, où il leur donne leur mission pour la seconde fois, et monte au ciel (Marc, xvi, 14-20 ; Luc, xxiv, 44-53). — Saint Paul ajoute que Notre-Seigneur apparut en outre à plus de cinq cents frères ensemble, dont plusieurs vivent encore, et quelques-uns sont endormis (morts). I Cor. xv, 6).
  6. En grec : Et en ayant pris, il en mangea devant eux.
  7. L’Esprit-Saint : comp. Jean, xiv, 16-26.
  8. C’est-à-dire du Saint-Esprit.
  9. Le mot amen manque dans beaucoup de manuscrits.