Les Quatre Évangiles (Crampon 1864)/Marc/01

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Traduction par Augustin Crampon.
Tolra et Haton (p. 175-179).
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CHAPITRE PREMIER


PRÉDICATION DE JEAN-BAPTISTE (Matth. iii, 1 sv. ; Jean, i, 26 sv.). — BAPTÊME DE JÉSUS ; TENTATION AU DÉSERT (ibid.). — VOCATION DE PIERRE, ANDRÉ, JACQUES ET JEAN (Matth. iv, 13 ; Luc, v, 1 sv.). — DÉMON CHASSÉ (Matth. vii, 28, 29 ; Luc, iv, 31 sv.). — GUÉRISON DE LA BELLE-MÈRE DE SAINT PIERRE (Matth. viii, 14-17 ; Luc, iv, 37 sv.). — DIVERS MIRACLES, GUÉRISON D’UN LÉPREUX (Matth. viii, 1 sv. ; Luc, v, 12.).


1 Commencement de l’Évangile[1] de Jésus-Christ, Fils de Dieu[2]. Selon ce qui est écrit dans le prophète Isaïe[3] : « Voilà que j’envoie mon ange devant vous ; il vous précédera et vous préparera le chemin. » « Une voix a retenti au désert : Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez ses sentiers : » Jean[4] parut dans le désert, baptisant et prêchant le baptême de pénitence pour la rémission des péchés. Tout le pays de la Judée et tous ceux de Jérusalem venaient à lui, et, confessant leurs péchés, ils recevaient de lui le baptême dans le fleuve du Jourdain. Or Jean était vêtu de poils de chameau ; il avait autour de ses reins une ceinture de cuir, et se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage ; et il prêchait ainsi : Un plus puissant vient après moi, et je ne suis pas digne, me prosternant devant lui, de délier sa chaussure. Moi, je vous ai baptisés dans l’eau, mais lui vous baptisera dans le Saint-Esprit[5].

9 Or il arriva qu’en ces jours-là Jésus vint de Nazareth, ville de Galilée, et il fut baptisé par Jean dans le Jourdain. Et comme il sortait de l’eau, il vit les cieux ouverts, et l’Esprit-Saint descendant comme une colombe et se reposant sur lui. Et du ciel une voix se fit entendre : Tu es mon Fils bien-aimé, en toi j’ai mis mes complaisances.

12 Et aussitôt l’Esprit[6] le poussa[7] dans le désert. Et il y demeura quarante jours et quarante nuits, et fut tenté par Satan ; il était parmi les bêtes sauvages, et les anges vinrent le servir[8].

14 Après que Jean eut été mis en prison, Jésus vint en Galilée, prêchant l’Évangile du royaume de Dieu, et disant : Le temps[9] est accompli, et le royaume de Dieu est proche ; faites pénitence et croyez à l’Évangile[10]. Passant un jour le long de la mer de Galilée, il vit Simon et André son frère, qui jetaient leurs filets dans la mer (car ils étaient pêcheurs). Et Jésus leur dit : Venez à ma suite, et je ferai de vous des pêcheurs d’hommes. Aussitôt, laissant leurs filets, ils le suivirent. Un peu plus loin, il vit Jacques, fils de Zébédée, et Jean son frère, qui étaient dans une barque, raccommodant leurs filets. Il les appela au même instant ; et, laissant leur père Zébédée dans la barque avec les mercenaires[11], ils le suivirent. Ils vinrent à Capharnaüm, et dès lors, entrant aux jours de sabbat dans la synagogue, il instruisait le peuple. Et ils s’étonnaient de sa doctrine, car il les enseignait comme ayant autorité, et non comme les Scribes.

23 Or, il y avait dans leur synagogue un homme possédé d’un esprit impur[12], qui s’écria : Qu’y a t-il de commun entre nous et vous, Jésus de Nazareth ? Êtes-vous venu pour nous perdre[13] ? Je sais qui vous êtes, le Saint de Dieu[14]. Mais Jésus, lui parlant avec empire : Tais-toi, dit-il, et sors de cet homme. Et l’esprit impur, l’agitant violemment, sortit de lui en jetant un grand cri. Tous furent saisis d’étonnement, de sorte qu’ils se demandaient entre eux : Qu’est-ce que ceci ? Quelle est cette doctrine nouvelle ? Car il commande en maître[15] même aux esprits impurs, et ils lui obéissent. Et sa renommée se répandit rapidement dans tout le pays de Galilée.

29 Sortant alors de la synagogue, ils vinrent dans la maison de Simon et d’André, avec Jacques et Jean. Or la belle-mère de Simon était au lit, ayant la fièvre : ils lui parlèrent d’elle aussitôt. Il s’approcha et la fit lever, la prenant par la main ; au même instant la fièvre la quitta, et elle se mit à les servir.

32 Sur le soir, après le coucher du soleil[16], ils lui amenèrent tous les malades et les démoniaques, et toute la ville était assemblée devant la porte. Il guérit beaucoup de malades affligés de diverses infirmités, et il chassa beaucoup de démons, mais il ne leur permettait pas de dire qu’ils le connaissaient[17]. Se levant de grand matin, il s’en alla prier en un lieu désert. Simon et ceux qui étaient avec lui le suivirent ; et l’ayant trouvé, ils lui dirent : Tous vous cherchent. Il leur répondit : Allons dans les villages et les villes d’alentour, afin que j’y prêche aussi, car c’est pour cela que je suis venu. Et il prêchait dans leurs synagogues, parcourant la Galilée entière, et chassait les démons.

40 Un lépreux vint à lui, l’implorant à genoux et disant : Si vous voulez, vous pouvez me guérir. Ému de compassion, Jésus étendit la main, et, le touchant, lui dit : Je le veux, soyez guéri. Et dès qu’il eut parlé, la lèpre quitta cet homme et il fut guéri. Aussitôt Jésus le renvoya, en lui disant d’un ton sévère : Gardez-vous d’en parler à personne ; mais allez vous montrer au Prince des prêtres[18], et offrez pour votre guérison ce que Moïse a ordonné, afin que cela leur soit un témoignage. Mais cet homme étant parti, se mit à raconter et à publier partout ce qui s’était passé : de sorte que Jésus ne pouvait plus paraître dans une ville ; il se tenait dehors en des lieux déserts, et l’on venait à lui de tous côtés.

  1. C’est-à-dire, l’Évangile, l’heureuse nouvelle de la venue du Messie commença ainsi, savoir, par la prédication de Jean-Baptiste, vers. 2-4.
  2. Fils unique de Dieu, par nature, et non par adoption. L’Évangéliste commence par dire de qui est fils celui dont il va raconter l’histoire ; et l’on reconnaît de suite le disciple de saint Pierre, qui, le premier des Apôtres, confessa la divinité du Sauveur par ces paroles célèbres : Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant. Matth. xvi, 16.
  3. Des deux citations qui suivent, la première est de Malachie (iii, 1), la seconde d’Isaïe (xl, 3). Saint Marc ne nomme qu’Isaïe, qui figure le premier en tête des livres prophétiques, comme s’il avait dit : Dans le livre des Prophètes.
  4. Liaison : Selon ce qui est écrit… Jean parut, etc. — L’an 778 de Rome, 25 de l’ère vulgaire, 15 de Tibère associé à l’empire, 12 de Tibère seul empereur, au commencement de l’automne.
  5. Voy. Matth. iii, 11 note, et Baptême de S. Jean dans le Vocabulaire.
  6. L’Esprit-Saint.
  7. Saint Marc aime les expressions fortes et énergiques. De même au vers. suivant : Il était parmi les bêtes sauvages, c’est-à-dire sans aucun commerce avec les hommes.
  8. À la fin des 40 jours. On était alors entre le milieu et la fin de janvier. Saint Jean seul (i, 29 ; iii, 31) raconte les événements qui suivent jusqu’à l’automne, où Jean-Baptiste fut mis en prison, et où Notre-Seigneur retourna en Galilée.
  9. Marqué par les Prophètes.
  10. Au Messie venu sur la terre.
  11. Ce détail fait supposer une certaine aisance dans la famille de Zébédée.
  12. Il suffirait de ce récit pour réfuter ceux qui ne veulent voir dans les énergumènes de l’Évangile que des malades ordinaires. Au vers. 32, saint Marc distingue encore de la manière la plus nette les malades et les possédés.
  13. Seriez-vous déjà venu pour juger le monde, et pour nous renfermer éternellement dans l’enfer ?
  14. Le Messie : comp. Dan. ix, 24.
  15. Sans avoir recours aux rites et aux adjurations en usage dans les exorcismes. Patrizzi.
  16. On avait voulu laisser passer le jour du sabbat. Les Hébreux comptaient les jours d’un coucher du soleil à l’autre.
  17. Fritsche : de parler de lui, ce qu’ils eussent fait, parce qu’ils le connaissaient.
  18. Il ne s’agit pas du grand-prêtre. En grec, au prêtre.