Les Rêves morts (Montreuil, deuxième édition)/Si vous étiez

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SI VOUS ÉTIEZ

Si vous étiez la primevère
Eclose dans l’herbe, au matin,
Ou la vaine rose trémière
En son corselet de satin,
Je voudrais être la lumière
Ardente et pure du soleil
Ou la pensive jardinière
Qui vous cueillerait au réveil ;

Si dans un ruisseau qui murmure
Je sentais votre âme frémir,
J’y plongerais, je vous le jure,
Dussè-je en cette onde périr ;
Si vous étiez un beau feuillage,
Où l’automne eût mis ses tons d’or,
J’établirais mon ermitage
Dans la splendeur de ce décor ;

Si vous étiez le doux ramage
D’un oiseau chanteur dans les bois,
Je serais attentive et sage
Pour écouter longtemps sa voix.
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Et la neige, blanche et légère,
Qui pour mes yeux a tant d’attrait
Me deviendrait encor plus chère,
Si j’y voyais votre portrait.
Mais, si comme un rayon limpide,
Votre cœur pénétrait le mien,
Il le verrait simple et candide,
Aimant le Beau, cherchant le Bien :
Il y trouverait l’espérance,
Un peu de foi, beaucoup d’amour
Et le doute, amère souffrance
De ceux qui n’ont aimé qu’un jour.
Mon âme n’a pas de mystère
Et mes yeux en sont le miroir
Où vous pourrez encor, j’espère,
Très clairement longtemps la voir.
Je ne suis nulle enchanteresse
Et n’ai pas de secret pouvoir,
Mais pour consoler la détresse
Je sais un mot, c’est : Au revoir.