Les Relieurs français (1500-1800)/Biographie des relieurs

La bibliothèque libre.



LES RELIEURS FRANÇAIS


BIOGRAPHIE CRITIQUE ET ANECDOTIQUE



A
[modifier]

ABELLY (Charles), entra en apprentissage chez Jean De Heuqueville, le 28 juin 1617 et fut reçu maître, le 16 juillet 1637.


ABRAHAM. L’Estoile raconte à la date du 25 juin 1607, qu’il a payé dix sols à M. Habraham pour la reliure d’un recueil in-4o de pièces italiennes sur le différend du pape et des Vénitiens. Il avait déjà dit, à l’année 1604, qu’un pauvre libraire qui venait de perdre sa femme et ses enfants de la peste et s’enfuyait à Orléans au risque d’y porter l’épidémie demeurait rue d’Écosse vis-à-vis son relieur.

Plusieurs relieurs prénommés Abraham vivaient à cette époque ; c’étaient De Meaux, Duchesne, Dufresne, Lefebvre, Paccard et Saugrain.


ACCARD de Chauny (Simon), relia en 1475, pour la duchesse Marie d’Orléans, un livre appelé le Signe d’un homme ou le Signe d’un Quidam. (Archives Joursanvault, n° 852.)


ADAM (Jean), cité par Laborde comme exerçant la reliure à Troyes, en 1415. (Comptes des Ducs de Bourgogne.)


ALIZEL (Louis), administrateur de la confrérie du Saint-Sac, de Saint-Hilaire en 1785.


ALLART (Julien), entra en apprentissage chez Jean Cusson, le 4 janvier 1633, et fut reçu maître, le 6 mars 1639.


AMESSON (Hubert), apprenti de Georges Sainte-Croix, parvint à la maîtrise le 9 novembre 1618.


AMOCHE. Voy. Hamoche.


ANDRÉ (Gilles), apprenti de Nicolas Frémiot en 1638 et maître le 18 septembre 1649.


ANGELIER. Voy. Langelier.


ANGIER (Michel), libraire-relieur de l’Université de Caen au commencement du xvie siècle.

ANGONVILLE. Voy. Ingouville.


ANGUERRAND. Nous trouvons pour la première fois ce nom porté par un compagnon imprimeur au commencement du xviie siècle puis par Anguerrand (N…), compagnon libraire qui, le 21 août 1649, fut l’objet d’une mesure disciplinaire en même temps que vingt-cinq de ses confrères pour avoir étalé des livres sur le Pont-Neuf.

M. Deschamps cite dans son supplément au Manuel de Brunet (t. 2, 748) : Le Thrésor des plus belles chansons nouvelles de ce temps tant à boire qu’à danser avec plusieurs airs de cour nouveaux. Paris, Pierre Anguérrant, S. d. in-12. Il croit que ce recueil, très rare, serait de la première moitié du xviie siècle.

Un compagnon relieur du nom d’Anguerrand figure sans prénom dans une sentence du lieutenant de police du 27 février 1671, défendant aux compagnons libraires et relieurs de tenir boutique et de relier en chambre. C’est peut-être lui qui, s’étant fait recevoir maître plus tard, est nommé ci-après sous les noms d’Etienne Ier ou de Jacques.

— (Étienne Ier), désigné dans une liste de 1690 comme ayant qualité pour être reçu maître, il le fut peu de temps après, puisqu’il est partie au procès de 1698 en qualité de demandeur. Il demeurait rue des Sept-Voyes et dut mourir avant 1713, son nom étant biffé à cette date sur le registre de la confrérie.

— (Jacques), exerçait déjà en 1700. Il remplit les fonctions de Garde de la communauté des relieurs du 17 mars 1725 au 2 avril 1727.

— (Étienne-Louis), reçu en 1707 ou 1708.


ANGUERRAND (Pierre), fut reçu maître le 25 avril 1726. Augustin Duseuil étant mort, c’est Pierre Anguerrand qui lui succéda comme relieur ordinaire du Roi.

BREVET DE RELIEUR ORDINAIRE DU ROY POUR PIERRE ANGUERRAND.

Aujourd’hui 27 février 1746, le Roy étant à Versailles, ayant égard aux témoignages avantageux qui luy ont été rendus de la probité et capacité de Pierre Anguerrand, maître relieur à Paris, et voulant en cette considération le traiter favorablement, Sa Majesté l’a retenu et retient en la charge de l’un de ses relieurs ordinaires, vacante par le décès d’Augustin de Seuil dernier possesseur d’icelle, pour par luy l’avoir et exercer, en jouir et user aux honneurs, autorités, privilèges, franchises, libertés, gages, droits, fruits, profits, revenus et emolumens accoutumés et y appartenant tels et semblables qu’en a joui ou dû jouir led. S. du Seuil et ce tant qu’il plaira à Sa Majesté, laquelle, pour assurance de sa volonté, m’a commandé d’expédier la présent brevet qu’elle a signé etc.

(Archives Nat. O’90, p. 58.)

Élu administrateur de la confrérie du Saint-Sac, de Saint-Hilaire le 15 juin 1747 il fut ensuite nommé Garde de la corporation le 7 mai 1748, place qu’il occupa jusqu’au 28 juillet 1750. Il demeura jusqu’en 1769 rue d’Écosse, puis après rue des Amandiers.

Pierre Anguerrand eut de la réputation et c’est de lui que le libraire Barrois veut parler dans la note ci-après qu’il inséra dans le catalogue de M. de Selle rédigé en 1761 : « Les reliures sont pour la plus grande partie des fameux relieurs, Boyet, De Seuil, Padeloup et Anguerran. Ce dernier qui vit encore est très connu par la bonté de ses reliures. Il reliait pour MM. l’abbé de Rothelin, de Cotes et autres curieux qui l’emploient encore. » MM. de La Lande, de Boze, d’Argenson et de Paulmy furent aussi au nombre de ses clients. Lui et son fils Étienne firent opposition aux gardes en charge dans le procès de 1758.


Signature d’Anguerrand
Signature d’Anguerrand


ANGUERRAND (Étienne II), fils de Pierre, eut la maîtrise le 4 décembre 1747. Administrateur de la confrérie du Saint-Sac, de Saint-Hilaire, le 28 juin 1767, il obtint la survivance de son père comme relieur du roi, le 23 juillet de la même année. (Arch. Mat. O1 III, p. 182.) Il demeura rue d’Écosse de 1747 jusqu’au moins en 1775, habita ensuite la rue du Mont-Saint-Hilaire et la rue des Amandiers.

— (Pierre-Étienne), fils d’Étienne II, fut reçu maître, le 14 août 1771 et demeurait rue du Mont-Saint-Hilaire. Lui et son père ne payèrent pas le droit de réunion.

Le n° 25 des Miscellanées bibliographiques de Rouveyre contient un compte de reliures faites pour le roi par P. Enguerrand (sic) et un reçu de lui (signé Anguerrand) daté du 12 février 1784 qui indiquent qu’il avait succédé à son père comme relieur du roi. Il s’agissait dans ce compte de la Description des Ponts de Neuilly, de Mantes, etc., ouvrage in-f° de Perronet, dont 4 exemplaires reliés en maroquin pour le roi et la famille royale, avec armes et dentelles, étaient cotés 60 liv. le vol. et 45 exemplaires, reliés en veau sans armes avec filets, à raison de 30 liv. Ces prix furent réduits par Anisson Duperon à 48 liv. pour les premiers, et 23 liv. pour les autres.

J’ai aussi dans ma collection un Mémoire de relieures faittes pour le Roy pendant l’année 1783 sous les ordres de Monseigneur le Baron de Breteuil pour Anguerrand (sans initiale de prénom) relieur ord. du Roy. Les prix en sont certifiés par Anisson Duperon, à la date du 26 février 1784, comme étant « conformes à ceux précédemment réglez ». Les volumes, presque tous reliés en veau, y sont cotés comme suit : 7 liv. les in-fol°, 4 liv. les in-4o, 3 liv. les in 8° et 1 liv. 5 sols les in-12 ; le tome 13 des Ordonnances des rois de France, in-fol° maroquin bleu aux armes, est marqué 25 livres.


ANTOINE (Claude), administrateur de la confrérie de la Vierge de Saint-Hilaire en 1781 ; vivait encore en 1790.


ARCHANGE (Pierre Ier), reçu maître le 14 août 1727; il demeurait rue d’Ecosse en 1759 et était mort en 1770.

— (Jean-Louis), eût sa maîtrise le 15 juillet 1748, demeura rue d’Écosse, puis rue Chartière et revint rue d’Écosse. C’est de lui dont parle l’Almanach Dauphin de 1777 : « Arcange (sic), rue d’Écosse, renommé pour la main d’oeuvre et dorure sur livres. » Il ne paya pas le droit de réunion.

— (Pierre II), fait maître le 16 mai 1768, date à laquelle il demeurait rue Chartière. Il ne figure pas dans le tableau de 1779.


ARNETT (John-Andrews). On a de cet auteur, dont le vrai nom est Hannett : An Inquiry into the nature and form of the books of the ancients ; with a History of the art of Bookbinding, from the times of the greeks and romans to the present day ; interspersed with bibliographical references to men and books of all ages and countries. Illustrated with numerous engravings. London, 1837, in-12 (212 pp.) Malgré des erreurs historiques en fort grand nombre ce petit ouvrage n’est pas sans intérêt. Le même auteur avait publié en 1835 : Bibliopegia or the art of bookbinding in all its branches, que nous ne connaissons pas, mais dont il y eut une 6e édition en 1865. D’après M. Gruel ce volume serait l’équivalent du Manuel de Lenormand.


ARRAS (Jehan d’), libraire-relieur à Paris, reçut le 28 janvier 1398, du comptable de la duchesse d’Orléans, la somme de 24 sols parisis « pour avoir fait et miz appoint un livre appelé Gyron le Courtoys ; c’est assavoir : recousu la plus grant partie des caiers d’icellui, qui cheoient, et le couvrir de bon cuir vermeil, et mis quatre fermouers, 11 devant, et aux deux costés autres deux, ainsi qu’il appartient. » (La Bibliothèque de Charles d’Orléans, etc., par Le Roux de Lincy, Paris, 1843, in-8°, p. 43.)


AUBERT (Roger), fut nommé maître vers 1695 ; il demeurait rue des Sept-Voyes. Élève de Charles Detunes, sa nomination fut attaquée sans succès dans le procès de 1698, pour vice de forme dans son brevet d’apprentissage.

— (Martin-Roch), reçu en 1708 ou 1709, fut marguillier de Saint-Hilaire en 1735 et remplit les fonctions de Garde du 22 juin 1742 au 22 mai 1744. Il était mort en 1750.

— (Jean-Louis), reçu maître le 20 juillet 1733, fut nommé administrateur de la confrérie du Saint-Sac, de Saint-Hilaire le 14 juin 1744 et marguillier de ladite église le 13 juin 1731. Élu Garde en 1753, puis député en exercice dans la communauté des relieurs et papetiers, il demeurait rue Chartière où il habitait encore en 1776. Sous-doyen des marguilliers de Saint-Hilaire de 1779 à 1786, il devint doyen en 1790.


AUBERT (Jean-Martin), sa maîtrise est du 5 février 1743. Administrateur de la confrérie de la Vierge de Saint-Hilaire le 31 mars 1754 et marguillier de la même église le 24 mai 1761, il avait été élu Garde de la communauté le 11 mai 1759 et ne voulut pas payer le droit de réunion en 1776. Il habita toujours rue du Mont-Saint-Hilaire et mourut avant 1786.

— (Joseph), fut reçu maître le 18 septembre 1759 et élu Garde en 1770. Membre de la confrérie de Saint-Hilaire, il fut marguillier de cette église en 1770, puis député en exercice de la communauté des relieurs et papetiers en 1779.

Il demeurait rue Charlière et vivait encore en 1790.

— (Jean-Baptiste), sa nomination de maître est du 16 juin 1766 ; député en exercice en 1779, il fut de la confrérie de Saint-Hilaire et marguillier de cette paroisse la même année. Il demeura rue des Carmes puis rue Chartière et exerçait encore en 1790.


AUBRY (Jacques), un volume de 1494, imprimé par Denis Rosse : Manipulus curatorum etc., vendu par le libraire M. P. Mahé, portait au milieu des plats entre les ornements frappés à froid : Jacobus Aubry me ligavit. (Voy. Catal. P. Mahé, n° 7, juillet 1878, n°814.)


AUDIGER (Antoine), commis au reliage des Comptes de la maison du Roi en 1678. (Voy. Bib. Nat. MS. Fr-11210, volume pour la reliure en parchemin duquel il reçut la somme de 3 livr. 6 sols, 6 deniers.)


AUGÉ (Jean), libraire et relieur, reçu maître le 29 juillet 1621.

— (Nicolas), fut apprentif, en 1660, de Claude Gueffier, relieur. Il n’était encore que compagnon en 1674 et nous le voyons cette année se joindre à d’autres compagnons pour adresser au Roy une pétition dans laquelle ils demandaient tous à être reçus maîtres. On invoquait pour les exclure de la maîtrise l’arrêt de 1667, portant défenses de recevoir « aucuns imprimeurs et libraires, jusqu’à ce qu’il en eust esté autrement ordonné. » Nous avons trouvé les nominations de plusieurs des cosignataires de Nicolas, mais la sienne nous a échappé. Cependant nous croyons que le relieur qui figure dans une liste de 1720 sous le nom de Nicolas Augé n’est autre que l’apprentif de Claude Gueffier.

— (Pierre), est nommé dans la liste des relieurs de 1712 et dans une autre liste de 1727.

Un Auger (sans prénom) exerçait en 1800.


AUROY (Amable), exerça la reliure et ne fut reçu libraire que le 6 septembre 1683 comme gendre de maître. Il avait épousé la fille de Maurice, libraire. Sa femme, Marguerite Auroy, ayant pour compère Jean de Montcornet, graveur, fut marraine de Marguerite, fille du célèbre graveur Pierre Picart qui appartenait à une famille de relieurs. Ce baptême eut lieu à Saint-Severin le 26 mai 1678.

Auroy quitta la reliure et opta naturellement pour la librairie ; sa veuve continua son commerce. (Voy. Bellay et Remy.)


AUVRAY. Dès le xvie siècle le nom d’Auvray se rencontre dans l’histoire de la librairie sans que nous ayons pu nous assurer que tous ceux qui le portèrent furent relieurs en même temps que libraires, ce qui arrivait le plus souvent. Le premier de ce nom qui, à notre connaissance, exerça certainement la reliure est :

— (Jacques), reçu maître le 15 mars 1657 ; viennent ensuite :

— (Pierre), dont la maîtrise est du 1er septembre 1661. À la suite d’une visite faite chez lui et chez plusieurs autres de ses confrères, Bernard et Jean Bernache, Luc-Antoine Boyet entre autres, on découvrit qu’ils reliaient des livres défendus ; ces livres furent saisis et une sentence du Prévôt de Paris en date du 21 février 1698 en ordonna la suppression et la mise au pilon. Les relieurs délinquants eurent à payer 3 livres d’amende avec injonction aux gardes de la communauté de convoquer une assemblée dans la huitaine pour y faire lecture de la dite sentence et l’enregistrer sur le registre de la communauté. Cette lecture devait être réitérée à chaque élection de nouveaux gardes. L’ordonnance fut de plus « leue et publiée à haute et intelligible voix, à son de trompe, et cry public en tous lieux ordinaires et accoustumez par les jurez trompettes, le 23 avril 1698, puis affichée le dit jour esdits lieux ». Pierre demeurait alors rue Saint-Jacques.

— (Thomas) ; exerçait en 1715 et 1727.

— (Pierre-Valéry), reçu dans la corporation le 19 décembre 1729, fut élu Garde le 23 mai 1749 et demeurait rue de Cluny. En septembre 1758, il expertisa, avec Franc. Laurent Lemonnier et Antoine Cosmant, les marchandises et outils d’Antoine-Michel Padeloup qui venait de mourir. Il demeura plus tard rue des Cordiers, et ne paya pas le droit de réunion.

L’Almanach de Paris de I785 cite un relieur du nom d’Auvray habitant la même rue.


AYMART (René), reçu maître relieur le 3 avril 1636.



B
[modifier]

BACAULT ou BACOT (Charles), reçu maître en 1714.

— (Jean-Charles), son nom se trouve parmi les relieurs qui figurent dans un arrêt du 21 mars 1751.

— (François-Pascal), reçu le 13 juillet 1735 ; il demeurait rue du Four et faisait partie de la confrérie de Saint-Hilaire. Il mourut après 1786.

— (Michel), reçu le 2 janvier 1739, demeurant rue Chartière.

— (Siméon), maître le 22 juin 1753 et élu Garde le 9 mai 1774. Membre de la Confrérie de Saint-Hilaire, il y figure encore en 1790. Il habitait rue d’Écosse. Sa fille Geneviève épousa André II Derome le 28 juillet 1777.

L’un des trois Bacot ci-dessus fut accusé en 1758 d’avoir touché 34 livres de la vente des Peaux dites Bénéfice et de n’en avoir pas fait la répartition comme il le devait.

— (Antoine), reçu le 6 mars 1769, demeura rue Chartière puis rue du Mont-Saint-Hilaire.

Ces trois derniers Bacot ne payèrent pas le droit de réunion.

Un nommé François-Louis Bacot remplaça Kilcher comme Porte-Verge de l’œuvre des Marguilliers de Saint-Hilaire, en 1786.

L’arrêt du 21 mars 1751, défendant aux relieurs de faire des apprentifs pendant six ans indique au nombre des signataires de la délibération prise par la corporation à ce sujet un relieur nommé V. Bacault ; il est possible qu’il s’agisse de François-Pascal ou de Michel Bacot dont l’initiale du prénom aura été changée par erreur.


BADIER (Florimond). Sans un espace de vingt-trois ans dans les dates, on serait porté à confondre cet artiste reçu maître en 1645, avec celui appelé le Gascon, dont le véritable nom est inconnu et qui jouissait déjà de quelque réputation eu 1622. Ce prénom de Florimond, celui d’un saint évêque vénéré en Gascogne el qui n’était guère en honneur que dans cette province, semble indiquer en effet son pays natal[1]. De plus, on prononçait le nom de famille à la gasconne, car tout le monde écrivait Badière, au lieu de Badier. Cette prononciation finit même par prévaloir à tel point que l’orthographe primitive en fut changée et que ses descendants, qui comme lui exercèrent la reliure jusque dans la seconde moitié du xviiie siècle, ne furent plus désignés que sous le nom de Badière.

Mais si, jusqu’à présent, le nom de Florimond Badier, loin de profiter en quoi que ce soit de la grande réputation qui s’attache à celui du Gascon, en a même été obscurci, n’est-il pas étrange d’avoir à démontrer qu’au contraire ce sont surtout ses œuvres, à lui Badier, sur lesquelles on s’appuie le plus pour proclamer la gloire de son émule, peut-être son compatriote ? En un mot, les œuvres de Florimond Badier sont débaptisées sans merci, on lui en nie la paternité pour en faire honneur au Gascon dont cependant on ne connaît pas une seule reliure qu’on puisse affirmer être de lui authentiquement et sans conteste. C’est une réhabilitation par conséquent qu’il nous faut entreprendre si nous voulons rester entièrement dans la vérité ; voyons donc ce qu’il en est réellement, de ces erreurs causées par des attributions hâtives et trop facilement acceptées.

Que Florimond Badier ait quitté les bords de la Garonne ou toute autre localité, pour venir à Paris, il est certain qu’il s’engagea comme apprentif chez Jean Thomas, doreur, le 30 novembre 1630. Son brevet d’apprentissage légalisé et en règle fut passé chez Cressé, notaire, et enregistré le 29 juillet 1636. Il travailla ensuite comme compagnon pendant quelques années, puis, ayant épousé la fille du relieur Jean Gillede, il se fit recevoir maître le 6 juillet 1645. À cette occasion il versa neuf livres pour la confrérie et vingt sous pour les pauvres.

Il existe un volume in-folio : De Imitatione Christi, de l’Imprimerie royale, dont la dorure, contrairement aux habitudes du temps, porte la marque en or : Florimond Badier, Fecit, Inv. Exposée depuis peu à la Bibliothèque nationale sous le n°649, cette reliure a appelé l’attention des amateurs, et suscité les éloges des uns ou les critiques des autres. M. Gruel l’a donnée à grands frais dans son Manuel, et en a reproduit les plats extérieurs et intérieurs, y compris leurs couleurs variées, avec une perfection qu’il est impossible de surpasser. Il dit justement que « l’importance de cette magnifique reliure n’échappera à personne : car, à tous les points de vue, elle est d’un intérêt considérable ». Un autre praticien, loin de penser de même, se montre au contraire très sévère et résume ainsi sa critique passablement violente : « Aussi prétentieux qu’inhabile, l’auteur a signé ce volume : Florimond Badier, inv. et fecit, et cela en lettres énormes. Fecit malheureusement ; invenit, jamais ! »

Moins prévenu, notre censeur étonné de l’étrangeté, très digne de remarque à cette époque, de la signature d’un doreur accompagnée du mot invenit, se serait préoccupé d’en rechercher la raison et n’aurait pas eu de peine à découvrir qu’en effet, le style de ces entrelacs et de ces fers exclusivement pointillés était tout à fait nouveau. Cette découverte l’eût peut-être rendu moins tranchant… mais n’anticipons pas sur les considérations que nous aurons encore à invoquer et nous en tenant pour l’instant à ce fameux volume de l’Imitation tant décrié, qu’il nous soit permis de donner ici notre humble avis sur sa valeur, en y mettant simplement la plus grande sincérité possible.

La couverture du volume de Florimond est en maroquin rouge avec compartiments de couleurs diverses également en maroquin uni, sauf quatre d’entre eux qui, placés bien en évidence, sont marbrés ou teintés en imitation d’écaille[2]. Le système de la décoration est celui des entrelacs à triples filets, et la disposition des compartiments découpés suivant la forme des entrelacs qui les entourent est un excellent spécimen du genre. Les motifs de dorures, à tortillons et aux petits fers pointillés, sont peu importants et se remarquent moins que tous ces entrelacs variés s’enchaînant naturellement et avec élégance.

La doublure en maroquin citron avec compartiments de couleurs est d’une composition visant à la richesse, mais sans grand sentiment artistique. Ce sont des découpures de peaux de couleurs d’une grande naïveté formant rosace et des pièces de coins taillées en parasols chinois. La dentelle des bords est poussée très adroitement, ainsi que les petits fers pointillés à dessins contournés, dont les motifs produiraient un meilleur effet s’ils étaient moins disséminés.

L’exécution est, à notre idée, fort habile et quoique le maître ait fait preuve plus tard d’une plus grande assurance de main, nous n’en considérons pas moins son travail, l’un de ses premiers évidemment, comme supérieur à un grand nombre de dorures du même style qui sortirent par la suite de chez ses confrères, ses contemporains.

L’ensemble de la composition et les moyens employés (entrelacs et fers filigranés) étaient réellement nouveaux ; ils faisaient diversion aux encadrements intérieurs avec fers aux traits fins se pratiquant depuis plus de vingt ans[3].

Nous croyons donc que le praticien qui se montra si sévère n’avait pas suffisamment examiné le volume qu’il critiquait et se pressa un peu trop, car il revint, sans le vouloir, c’est vrai, mais très explicitement, sur son premier jugement. Il le fit à propos de reliures anonymes aux marques des frères Dupuy, de Séguier et de Fouquet dont il vanta l’exécution en les attribuant au Gascon, alors que ces œuvres ne peuvent être que de Florimond Badier lui-même.

Mais il nous faut revenir à cet exemplaire de l’Imitation pour y étudier une particularité qui emprunte une certaine valeur à l’apposition alors inusitée du nom de l’exécutant poussé en or, particularité qui ne peut être elle-même qu’une véritable signature pour beaucoup d’autres reliures où elle est reproduite. Nous voulons parler d’une tête au pointillé qui ne se répète pas moins de dix fois sur chacun des plats extérieurs et de seize fois sur chaque doublure, soit pour le volume un total de cinquante-deux têtes. Est-il admissible que l’auteur de cette reliure y aurait prodigué autant de fois un fer qui ne lui aurait pas appartenu personnellement et exclusivement ?

Cette figure humaine mêlée aux ornements est bien connue ; elle passe, toujours d’après l’élastique tradition, pour être non seulement la marque du Gascon, mais encore son portrait. Où se trouve l’origine de cette tradition ? Nulle part, bien entendu, et il faut sans doute n’y voir que le fruit de l’imagination des bibliomanes du temps de Thouvenin, les dignes précurseurs d’Ed. Fournier en matière d’histoire de la reliure. Aussi prompts à expliquer les choses les plus obscures qu’à baptiser un genre sans tenir compte de la chronologie, ces amateurs épris de Fanfares, ou d’inductions tout aussi retentissantes que peu justifiées et qu’un de nos amis appelle plaisamment des fanfarons, changent parfois d’avis. Cette tête, par moments, n’est plus pour eux l’image du Gascon (ce qui est vraisemblable puisqu’elle se trouve répétée cinquante-deux fois sur une reliure signée Badier), et devient simplement un fer à l’usage de tous, pouvant être emprunté et employé par le premier venu. Affirmation sans valeur, car on ne saisit pas bien la raison d’après laquelle des relieurs se seraient vus contraints de reproduire cette tête, non une autre, et par suite d’avoir recours à l’obligeance d’un confrère, ce à quoi on ne se soumet que quand on ne peut faire autrement.

D’ailleurs les décorations à bases d’entrelacs avec dentelles filigranées, qui sont surtout celles sur lesquelles se voit la petite tête, ne datent que de 1645 et si on la retrouve sur des dorures à encadrements intérieurs comme on en fit avant le retour des dispositions à entrelacs, ces dorures absolument conformes par les gerbes aux pointillés de Badier, portant de plus en bordures les mêmes roulettes qu’il employa constamment, sont, à n’en pas douter, postérieures à 1645[4].

Aucune des reliures ornées de ce curieux profil ne remontant avant cette date, ne serait-il pas singulier, par conséquent, que le Gascon, qui exerça son art au moins depuis 1622, se soit seulement avisé à la fin de sa carrière de se faire une marque ? N’est-il pas au contraire très naturel que Badier ait voulu s’en créer une au début de la sienne ?

Têtes au pointillé employées par Badier
Têtes au pointillé employées par Badier
[5]

Non ! cette tête, c’est bien certain, ne se passait pas de mains en mains et n’était pas un ornement banal que chacun pouvait emprunter comme on le faisait par exception pour les monogrammes, armoiries, ou autres signes héraldiques quelconques ; n’y avait-il pas là toute une série : tête à gauche, tête à droite, têtes dos à dos ? Cette singularité n’indique-t-elle pas d’autant mieux une propriété individuelle que c’était, nous le répétons, foujours la même physionomie, d’une seule et unique dimension, en un mot les mômes fers ? Et ces fers n’appartenaient-ils pas en propre à Badier qui dut être par conséquent le seul à s’en servir ?

Après tout, que ce soit un simple motif d’ornement employé par l’artiste pour signer ses œuvres ou que ce soit son portrait qu’il fit graver avec la prétention d’en décorer ses livres, cette fameuse tête, qui nous apprendrait dans le dernier cas qu’il était assurément fort laid, n’en indique pas moins de toutes façons que les reliures sur lesquelles elle figure sont incontestablement de Florimond Badier ! D’une exécution remarquable, et on l’a reconnu hautement du moment qu’on les attribuait à celui qui passe pour le plus grand maître de son temps, elles ne perdront rien de leur valeur à ne plus être prises pour des Gascon !

Toutes les reliures où apparaît cette même tête étant, on n’en saurait douter désormais, de Florimond Badier, il en résulte que le praticien dont nous parlions tout à l’heure lui a opposé ses propres œuvres pour nier son talent et que, tout en croyant anéantir sa célébrité, il ne lui rendait pas moins, à son insu, la justice la plus éclatante.

Ces charmants volumes au chiffre des Dupuy, notamment le Paradisus animæ christianiæ , exposé à la Bibliothèque nationale sous le n° 643 (voy. pl.XX), la Vie du cardinal de Berulle aux armes de Séguier, de la collection du baron de Rothschild ; en un mot, tous ces volumes sur lesquels s’étale le symbole inexpliqué jusqu’ici, qui n’est, c’est sûr, que la marque du pauvre Badier, ont donc été attribués à tort au Gascon ? Il est évident que d’autres reliures, non revêtues cependant du précieux profil, mais conçues dans le même style et d’une exécution identique aux volumes signés et à tête devront être rendues à leur auteur véritable. C’est ce qui arrivera pour quantité de volumes, entre autres pour l’Adonis de La Fontaine, manuscrit de Jarry, appartenant à M. Eug. Duluit ; cette reliure, quoique sans la moindre petite figure, ne saurait être attribuée, pour peu que la comparaison soit sincère et faite sans parti pris, ni au Gascon ni à d’autres, mais seulement au même Florimond Badier.

Enfin tous les volumes à tête étant de notre artiste serviront maintenant à faire reconnaître ses autres œuvres sur lesquelles il ne la poussa pas. Qu’elles soient composées dans le système des entrelacs ou dans celui des encadrements intérieurs, ses pointillés lui sont trop personnels pour qu’on s’y trompe désormais, surtout si, étant de bonne foi, on tient compte, sans les exagérer, des inégalités d’exécution provenant de causes diverses comme il s’en remarque souvent dans les productions des meilleurs maîtres.

L’œuvre de Badier peut se diviser en trois catégories : les deux premières inspirées du style des entrelacs de la fin du xvie siècle dont il semble avoir été le rénovateur, mais en remplaçant, dans les entrelacs, les branchages et autres ornements de cette époque par des rinceaux à palmettes entièrement au pointillé. Il y avait la catégorie riche (pl. XX) et la simple (pl. XXI), suivant que ces pointillés couvraient plus ou moins les intervalles de ces entrelacs ; tandis que la troisième consistait à l’application de ces mêmes pointillés en gerbes plus ou moins serrées dans les côtés et aux coins de ces encadrements intérieurs, très en vogue depuis nombre d’années (pl. XXII).

La qualité de doreur, que prenait Jean Thomas, le patron d’apprentissage de Badier, ainsi que l’invetit et le fecit, que ce dernier mit au bas de la dorure qui nous paraît avoir été l’une de ses premières, prouvent certainement que l’élève fut doreur comme le maître. Nous n’avons pu trouver la preuve qu’il ait exercé la reliure en même temps, mais la chose nous semble peu probable. En effet, on connaît un certain nombre de volumes dorés par lui aux armes de Mazarin, et cependant son nom ne figure pas dans les comptes de ce célèbre bibliophile à côté de ceux de douze relieurs qu’il employait. Ne faut-il pas supposer que, n’ayant fait que dorer ces volumes et son travail lui ayant été payé par le relieur, comme c’est l’usage, le nom de Florimond Badier n’avait pas à passer sous la plume de Naudé ? Il est vrai que les seuls comptes que l’on connaisse n’embrassent que quelques années de la vie du cardinal !

Notre artiste est peut-être le seul qui, à ces époques éloignées, ait eu l’idée de signer ses œuvres, ce qui certes est une exception très à remarquer. Mais, simple doreur et travaillant pour des relieurs non doreurs, censés, vis-à-vis de leurs clients, avoir tout fait dans les volumes qu’ils leur livraient, ces industriels ne durent-ils pas se refuser à lui laisser mettre son nom sur ses dorures exécutées pour leur compte ? Ceci se comprend très bien et nous expliquerait pourquoi on ne trouve que très peu de reliures portant son nom (on n’en connaît que duex jusqu’à présent). Désireux cependant de marquer ses oeuvres, est-ce alors qu’il aurait imaginé de pousser cette fameuse tête ? C’est possible ! Dans tous les cas, il faut reconnaître que le malheureux, malgré cette précaution, courait le risque d’avoir son linge... non ! son oeuvre démarquée à tout jamais !

Nous regrettons de n’avoir pu nous procurer des renseignements biographiques sur Badier et d’ignorer la date de sa mort. (Voyez Gascon.)


Signature de Florimond Badier
Signature de Florimond Badier


BADIER (Jean ou Jean-Baptiste), fils de Florimond, fut reçu maître le 25 janvier 1663. Il paracheva l’apprentissage de Robert Ferret qui l’avait commencé chez Paul Chevrol. Sa fille épousa le libraire Claude Le Tilleur.

Deux Badier frères sont cités parmi des relieurs ayant qualité pour être reçus maîtres en 1690 ; ils parvinrent sans doute à la maîtrise, mais nous n’avons trouvé que le nom de l’un d’eux, celui de

— (Pierre), figurant sur une liste de la Confrérie.

— (Siméon-Charles), reçu maître le 14 décembre 1711, demeurait rue Saint-Jacques en 1759. Il est porté au tableau de cette année sous le nom de Badière, ainsi que son fils :

— (Pierre-François), reçu le 31 mai 1730 et nommé Garde le 28 juillet 1750. Il demeurait rue Saint-Jean-de-Beauvais en 1759 et 1769. Pierre-François Badière reliait pour le comte de Sainte-Maure, écuyer du roi, et s’opposa avec d’autres créanciers à la levée des scellés qui avaient été apposés aux Tuileries à la mort du comte, leur débiteur, le 14 septembre 1763 (Arch. Nat. V8 90).

BAILLET (Jean Ier), apprentif de Jean Nyon, relieur, fut reçu maître en 1658 ; gendre de Jacques Dubreuil, on l’appelait : Baillet-Dubreuil. C’est chez lui que Denis Dangerville fit son apprentissage.

— (Jean II), apprentif de Pierre Trouvain, relieur, fut reçu maître en 1665. Ayant épousé la fille de Thibaut-Duval, on le nommait Baillet-Duval pour le distinguer de Jean Ier, son cousin vraisemblablement. Lors de l’entrée en apprentissage chez lui de Claude Lottin, en 1666, il demeurait rue des Carmes Saint-Hilaire. Baillet-Duval s’opposa à l’enregistrement de l’édit de 1683 pour les libraires et fut demandeur dans le procès de 1698.

En 1690 nous avons trouvé deux Baillet fils nommés parmi ceux « à recevoir ayant qualité » ; l’un d’eux désigné comme :

— (Jean III), Baillet fils fut reçu, demeura rue Chartière en 1695, et figura comme demandeur dans le procès de 1698. Il avait acheté par devant notaire, le 24 août 1692, à Jacques Dubreuil, tous ses outils servant à relier, soit une grande presse et son barreau, une pierre à battre, une presse à endosser et autres ustensiles de l’état pour 80 livres payables 3 livres par mois.

Jean Baillet qui a rempli les fonctions de Garde de la communauté de 1702 à 1704 n’est peut-être aussi que Jean III ?

L’un des deux premiers Baillet demeurait en 1684 rue Chartière, dans une maison appartenant au relieur Eloy Lerasseur, tandis que l’autre recevait, la même année, comme plusieurs pauvres de la corporation, un secours de 1 livre 10 sols.

BAILLET (Jacques) , reçu le 20 août 1726 alla habiter, Versailles.


BAILLEUR (Jean), est qualifié relieur dans un acte notarié d’après lequel l’imprimeur Jean Amazeur lui versait, le 7 juin 1544, dix livres tournois « pour les excès et navremens que son gendre Jean Leblanc, tavernier, avoit fait subir à la femme du relieur depuis huit jours ». Mme Bailleur, de son nom Antoinette Canetier, semblait vouée aux querelles de mauvais voisinage, car la même année elle se battit avec une de ses voisines ; mais cette fois, au lieu de recevoir une indemnité, le mari dut en payer une. (Actes notariés communiqués par le bar. Pichon.)

La Caille cite un Jean Bailleur dont la marque était des fleurs de lis avec ces mots : Nosce te ipsum et qui édita, en 1581, Lactance Firmian des divines Institutions, etc, in-16. Nous ne savons s’il s’agit du mari d’Antoinette Canetier ou de son fils ?


BAILLY (Nicolas), entra en apprentissage chez Gilles Dubois en 1663.

— (Jacques), fils df feu Georges Bailly, laboureur à Quintrancourt, diocèse de Rouen, fut placé comme apprentif en 1666, chez Michel Dauplet, relieur, et fut reçu maître en 1683.

— (Martin), doreur, reçu vers 1695 demeurait alors rue de Beauvais. Il fut élu Garde pour l’exercice de 1711 et était mort avant 1750.

BAILLY (Jean-Louis), reçu en 1718 ; nommé Garde de 1742 à 1744, il mourut avant 1750, mais sa veuve vivait encore en 1770.

L’un de ces deux artistes travailla pour le comte d’Hoym (Voy. Vie de C. H. Comte de Hoym par le baron J. Pichon, t. Ier, p. 163).

— (Robert-Jean), eut sa maîtrise en 1747, demeura rue de la Vieille-Boucherie et, en 1770, place Cambray ; il ne paya pas le droit de réunion. M. Gruel a donné le fac-similé d’une reliure signée Bailly et qu’il attribue à Robert-Jean. D’après cette reproduction et la description du travail cette reliure était d’une grande originalité.

— (Martin Louis-Étienne), reçu en 1761, est désigné en 1770 et 1776 comme habitant Poissy.

À la fin du xviiie siècle un Bailly reliait des petits Almanachs, des chansonniers galants et des Recueils de bouquets à Chloris en y mettant force fleurs peintes, feuilles de talc, papiers d’or et d’argent toutes choses fort clinquantes qui plaisaient alors quoique d’assez mauvais goût.

Il y eut des Bailly relieurs dans le siècle présent ; l’un d’eux exposa en 1844 des livres dont les tranches étaient à vignettes coloriées. Nous ne savons s’ils descendaient de la même famille.


BALLAGNY (Jean), reçu en 1606, figure sur les listes de la confrérie de Saint-Jean jusqu’en 1629 comme libraire-relieur. Il lui fut enjoint par arrêt du 9 mai 1620 ainsi qu’à d’autres libraires-relieurs qui exerçaient « dans l’Isle en dehors de l’enclos du Palais, de se retirer dans le quartier de l’Université ».

BALLAGNY (Michel Ier), doreur, apprentif de Savinien Pigoreau, fut reçu maître en 1609.

Le Syndic et les adjoints de la Communauté eurent la prétention d’en exclure les doreurs de livres, quoique ceux-ci aient dûment payé leurs maîtrises et les redevances imposées aux membres de la corporation. Ils inquiétèrent Ballagny, à propos d’un de ses apprentifs, Claude Bauche, qu’il avait chassé de chez lui pour « quelques larcins commis à son préjudice ». Non content d’abreuver d’injures Ballagny, le père de l’apprentif infidèle se joignit aux syndic et adjoints, et ils obtinrent du prévôt de Paris, aux dates des 8 février 1618, 21 août 1620 et 20 février 1621, plusieurs sentences défendant à Ballagny et à son maître Pigoreau qui était intervenu, de prendre la qualité de libraire, de tenir boutique et annulant de plus le brevet d’apprentissage de Claude Bauche. Mais sur les appels de Pigoreau et de Ballagny, le Parlement rendit, le 20 mars 1621, un arrêt ordonnant que les deux appelants demeureraient maîtres libraires-doreurs de la ville de Paris, jouiraient des privilèges accordés aux libraires et déclarant bon et valable le brevet d’apprentissage de Claude Bauche.



Michel Ballagny eut encore pour apprentifs Étienne Sauvage, reçu maître en 1659, Pierre Houlette et Adrien Guilbert qui restèrent compagnons. Il paraît avoir été avec Pigoreau un des doreurs en réputation à cette époque. D’après Lacaille il édita plusieurs ouvrages.

BALLAGNY (Michel II), né le 22 mars 1618, fut reçu en 1638.

  1. Nous devons dire toutefois, que ce nom de Badier se rencontre dans d’autres provinces, notamment en Touraine où on le trouve assez souvent.
  2. Les relieurs d’autrefois, nous l’avons déjà remarqué, n’employèrent jamais le mot de mosaïque et donnaient à ce genre de travail le nom technique de reliures à compartiments. (Voyez Dudin.) On applique aujourd’hui cette dénomination aux diverses divisions d’une composition d’ensemble, mosaïquée ou non, sans avoir égard à la signification spéciale que les anciens relieurs lui attribuaient.
  3. M. Destailleur possédait un volume qui s’est vendu sous le n° 740 de son catalogue : Les plaidoyez et harangues de Monsieur Le Maistre. Paris, P. Le Petit, 1657, in-4 et dont la doublure du deuxième plat portait le nom de l’artiste qui l’avait doré : Badier, facieb mais sans le mot invenit. Sa création remontant à douze ans passés, il n’avait plus à la souligner. Voici du reste la description de cette reliure d’après le catalogue : « mar. rouge, dos et plats couverts de comp. de fil. droits et courbes, dorures au pointillé, doublé de mar. rouge dent., coins remplis et milieux, tr. dor. M (D. Morgaud, 1891.)
  4. Nous ne connaissons, il est vrai, qu’une seule reliure à encadrements intérieurs avec têtes et encore ne la connaissons-nous que par la photogravure reproduite planche 41 dans La retiure ancienne et moderne publiée chez Rouveyre et Blond en 1884. Quant aux autres reliures analogues, mais sans têtes, et qui ne sauraient être attribuées qu’à Badier, d’après les fers filigranés toujours les mêmes, elles sont assez nombreuses. Nous nous bornerons à citer le n° 624 à l’exposition de la Bibliothèque Nationale : Traité de connaissance des animaux par de La Chambre, Paris, 1648, in-4. Aux armes de Condé ; puis le Joannis Cassiani Eremitx relié pour le chevalier Digby, qui est conservé à la bibliothèque Mazarino et dont nous avons reproduit le dessin pl. XXII.(Il y manque toutefois la fleur de lys du milieu, supprimée par notre dessinateur sans que nous sachions pourquoi ?)
  5. WS : Dix sciècles de reliures d’Yves Devaux : p 144 …cette tête était la marque de Florimond Badier ; hypothèse qui est à présent abandonnée