Les Reposoirs de la procession (1893)/Tome I/Moulins
MOULINS
La colline est pleine de géantes Folles à la file dont les caboches virevirent.
Ces méninges extravagantes sur ces corps roides ainsi que des menhirs me firent songer à ces vieillardes qui pétrissent leur boule de mémoire entre leurs pouces devant les seuils enjolivés d’enfants, puis bizarrement j’imaginai des orgues de Barbarie jouant devant des sourds.
— Que je vous plains, pensai-je, géantes Folles à la file dont les caboches virevirent !
Cela tournait toujours quoique sans avancer, telles des roues au moyeu englué dans une ornière de brise.
Désireux de placer ma commisération, je m’approche et dis :
— Que je vous plains, géantes Folles à la file dont les caboches virevirent !
Cela tournait encore, comme les soleils éteints d’un vieux feu d’artifice, sans répondre.
Alors, visant les oreilles dures, j’y criai :
— Que je vous plains, géantes Folles à la file dont les caboches virevirent !
Cette fois, ensemble elles chantèrent :
— Hommes, ces Vierges Folles sont des Vierges Sages dont le pèlerinage qui demeure engendre le salut des pèlerins qui passent et qui sont les vrais Fous : la sagesse consistant à réaliser le pain dont rêve l’oisive folie. Galériennes asservies de votre rire en promenade, nous stagnons là depuis des temps et pour des temps encore ; mais que nous soyons de grosses oies sur le foie grandi desquelles vous comptiez ou bien des pélicans s’éventrant pour vos repas, gardez-vous de narguer ces maternités obligatoires ou charitables, ô vous qui cesseriez de vivre si nous commencions à mourir ! enfin apprenez qu’ici-bas l’on voit tourner seule notre collerette et non point notre tête, car nous sommes les Décapitées dont la tête mûrit là-haut sur les épaules de Dieu.
Mes pieds ayant repris le rosaire des sentiers fleuris, je me demandais :
— Les moulins ont-ils une âme de poète, ou les poètes une âme de moulin ?