Les Ribaud/07

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Eusèbe Sénécal & Cie (p. 124-148).

VII

LA CHANSON DU FOU

Enroulée, entortillée dans sa mante, par ce soir sec et froid qui fixe déjà un duvet de frimas aux vitres, aux branches des arbres, Madeleine se promène sans savoir, allant et venant d’après un mouvement automatique, sur la vérandah de la demeure de son père.

C’est par un besoin de réfléchir sérieusement, de rentrer en elle-même, loin du bruit, qu’elle s’est ainsi retirée à l’écart.

C’était bien beau, aussi, cette soirée sereine d’automne, si calme, que les cascades frémissantes répandaient au loin leurs gazouillis d’enfants, si limpide, que le clocher de l’église, les grands ormes, les murs crénelés du Fort, piqués ici et là, de lumière et d’ombre, clairs-obscurs superbes, découpaient chacun leur architecture spéciale sur l’horizon jaunâtre. Avec, là-bas, en perspective, les berges ancrées, les goélettes immobiles transpercées de leurs grands mâts comme d’une lance en plein cœur.

Vraie décoration théâtrale, qu’on eut dite prête à se mouvoir et à se transformer sous les fils secrets d’un machiniste d’opéra.

Mais que faisait, à la vérité, ce tableau tant de fois revu, à la rêverie de Madeleine ?

Elle jetait bien, de temps à autre, son regard sur les lourds bastions du Fort, parce qu’elle désirait mettre un nom, une figure aux ombres incertaines qu’elle voyait passer et repasser derrière les fenêtres ; mais ce nom et cette figure étaient bien autrement vivants et réels dans son cœur, et tout existait autour d’elle sans plus l’intéresser.

Elle le disait tout bas, ce nom, elle lui parlait ; cette figure lui souriait et il se faisait dans son âme un interrogatoire si tendre, si joyeux, où les réponses ne contredisaient jamais, qu’un petit frisson, de bonheur bien plus que de ce soir froid de novembre, la secouait tout à coup agréablement.

Puis c’était encore des rêves fous, des effrois aussi qui l’oppressaient soudainement, des suppositions fantastiques qu’elle imaginait ingénument dans son âme de dix-huit ans.

Qui n’a pas pareillement rêvé ? Qui n’a point ressenti cette étrange ivresse ? Qui n’a pas aussi connu le poids de cette oppression plus lourde à porter que le rocher de Sisyphe ! Oui, pas un vingtième printemps qui ait échappé à cette fournaise.

Tout à coup, une voix la tira de l’abîme où elle était plongée. Une voix discordante et criarde qui s’en venait du Fort sur la cadence d’un pas sonore sur le chemin rocailleux.

En se rapprochant, elle se fit plus nette, laissant mieux saisir le sens des mots à travers les inflexions bizarre, les intonations gutturales, hautes à étrangler, dont un seul être à Chambly était capable.

Madeleine la reconnut bientôt.

C’était Pitre Lajoie, un maniaque inoffensif qui avait parfois des éclairs de bon sens, mais que sa dégaine comique avait, d’année en année, depuis vingt ans, régulièrement livré à la risée des enfants.

Madeleine l’écouta.

« Ces petits Canayens, — pas plus gros qu’ça —
« Parce que leur Papineau les embête,
« S’mêlent de parler d’liberté déjà.
« Cré tas d’fous ! Avez-vous perdu la tête ?

Pitre éternua et reprit deux tons plus haut :

« Vous devez bien savoir, pourtant,
« Que rien d’un coup d’canon… bernique !
« Vous miriez peur — c’est effrayant —
« D’vant ls’Anglais qui vous f’ront la nique.
Oh ! by goch, Papineau,
Oh ! Papineau, d’gogo !

Ce nom de Papineau intercalé là-dedans étonna Madeleine.

Que chantait-il donc ce fou ! Et comme le mot « Anglais » seul produisait toujours une impression particulière sur elle en la reportant subitement à son capitaine, elle écouta mieux. Elle ne fit aucun effort d’ailleurs, car la voix de Pitre Lajoie, qui s’était élevée tout en se rapprochant, lui perforait maintenant le tympan ; elle avait repris :

Quand on pens’ qu’on en voit, — y songent-ils ?
Des excités qui s’appell « patriotes, »
Pas d’chiens seulement dessus leurs fusils,
— Y f’raient aussi ben de s’battr’ à coups d’bottes —
Qui veulent tuer les Anglais.
Ils en ont, eux, des carabines
Avec des baïonnettes après…
S’ils leur plantaient ça dans ls’ échines.
Oh ! by goch, Papineau.
Oh ! gogo d’ Papineau.

— Misérable gueux ! Tais-toi ou je t’étrangle

C’était François le bon vieux domestique du docteur Ribaud qui, jaillissant comme une ombre des côtés de Madeleine, avait sauté à la gorge de Pitre Lajoie.

— Ce sont eux, infâme sans cœur, qui te mettent ces saletés dans la bouche ?… Va-t’en… va-t’en loin d’ici… retourne au Fort… lécher les bottes des Angl… Il n’acheva point.

Jamais Madeleine n’avait vu ce pauvre François en colère, lui, si doux, si tendre d’ordinaire et de l’apercevoir pâle, les lèvres blêmes, faisant siffler entre ses dents serrées, plutôt que ne les prononçant, ses apostrophes indignées, elle eut peur.

La colère d’un vieillard est étrangement terrible et elle garde toujours quelque chose de la majesté des cheveux blancs.

— Hi… hi… hi… reprit Pitre demi-riant, car toute l’attaque l’avait surpris comme une mauvaise farce… Savait-il, lui ? Hi… hi… hi… mais je pensais qu’ça vous f’rait plaisir… c’te chanson-là… hi… hi… j’en sais encore un couplet…

— Malheureux, si tu oses continuer… je t’étrangle… Comprends tu… je vais te tuer.

— Hi… hi… c’est ben beau pourtant… j’vas la chanter, s’il vous plaît, à mamzelle Ribaud… elle l’aimera bien… elle.

— Pitre Lajoie… Pitre Lajoie… reprit François, en hachant solennellement chaque mot… Veux-tu te faire tuer ?

Il aurait voulu enfoncer sa terrible menace dans cette tête de fou, qu’il n’osait cependant pas frapper, par pitié ; il voulait lui faire comprendre toute la grandeur de sa rage.

Mais lui :

— Hi… hi… hi… pourquoi qu’vous les aimez pas, vous, père François… les Anglais ?

Il se fit un éclair subit dans le cerveau de Madeleine jusque-là témoin inconscient.

— Calme-toi, François, reprit celle-ci… Voyons, rentre au logis, mon bon François ; laisse donc ce pauvre fou… viens François et elle mit des caresses dans sa voix.

Le vieux domestique la regarda longuement :

— Vous ne direz rien de ça à M. Ribaud, n’est-ce pas, mademoiselle ?

— Non.

— Pas un mot… ni de Pitre… ni de moi… ni de la chanson… pas un seul mot ?

— Pas un mot.

Et François se laissa ramener jusqu’à la porte. Comme Madeleine n’entrait pas avec lui, il prit alors un ton suppliant :

— Vous n’entrez pas, vous, mademoiselle ?

Celle-ci poussa rapidement la porte sans répondre et revint en hâte vers Pitre qui n’avait pas encore bougé.

— Pourquoi dis-tu ça, Pitre, que ta chanson doit me faire plaisir ?

— Mais oui… hi… hi… vous savez ben, mamzelle…

— Voyons, dis-le moi, Pitre ?

— Hi… hi… ben oui… savez ben… à cause du capitaine Smith… c’est un Anglais.

— Ils sont bons les Anglais ?

— Oui, mais les « patriotes » les détestent.

— L’aimes-tu, toi, le capitaine Smith ?

— Hi… hi… oui, pas autant que vous, par exemple… hi… hi.

— Tu crois ?… qui te l’a dit ?

— Tout le monde… Il vous aime ben aussi lui, à ce qu’il paraît.

— Ce n’est pas lui qui t’a montré ta chanson ?

— Ah ! non… c’est le lieutenant Gore… Pas de danger qu’il dise quelque chose contre les Canayens, le capitaine Smith.

— Que fait-il au Fort, le capitaine ?

— Y commande ses soldats… y lit… Ah ! y s’ennuie des fois… y pleure aussi parait-il.

Madeleine eut un soupir douloureux.

Et toi, qu’est-ce que tu fais ?

— Moi… moi… hi… hi… je travaille…

— Encore… À quoi travailles-tu, Pitre ?

— Je frotte les fusils, les épées, les sabres, les baïonnettes… Je balaie… Ah ! il faut qu’ils soient luisants les fusils, ces jours-ci… ça sera pas drôle pour les « patriotes » comme c’est dit dans ma chanson…

— Comment ? Pourquoi, pas drôle, Pitre ?

— Savez pas… mamzelle… mais y vont s’battre… peut-être demain… peut-être après-demain… Si vous voyiez ça, des balles… de la poudre…

Mon Dieu ! gémit Madeleine en se retenant des mains à la clôture du chemin.

— J’vous assure que c’est là que votre capitaine Smith va leur en faire danser un rigodon aux patriotes, avec « leurs fusils pas d’chiens. » C’est-y bête, hein ! ces gens-là ?…

— Tais-toi… c’est assez… dit Madeleine.

— Ah ! ça serait ben fait… c’est dit dans ma chanson, hi… hi… j’vas vous chanter le couplet si vous voulez…

— Non, non… va-t’en… va-t’en… et Madeleine, atterrée, rentra précipitamment.

Mais la voix stridente de Pitre, retentissante dans la sonorité de la nuit, recommença, pénétrant jusqu’au fond du cœur de Madeleine.

« Ah ! s’ils continuent à crier trop fort,
« Y pourrait arriver qu’ça s’rait pas drôle,
« J’m’en suis aperçu… les soldats du Fort,
« Sont décides à leur fair’ changer d’rôle.

Madeleine se couvrit les oreilles de ses mains pour n’en pas entendre davantage, mais la voix perçante de Pitre traversait les murs comme une vrille.

Hein ! ce serait-il bon pour eux
De s’faire fricasser par douzaines ?
À moins qu’ils soient assez peureux
Pour demander : Pardon, capitaine.
Oh ! by goch, Papineau,
Oh ! gogo d’Papineau.

Et Pitre, déjà loin, acheva sur une note, moins dramatique et lugubre par le ton lamentable et élevé qu’il avait pris, que par ce grand nom de Papineau qu’il avait juché dessus.

Madeleine, folle, étourdie de tout ce qu’elle venait de voir et d’entendre, — la chanson de Pitre, son entretien avec lui, la subite colère de François — n’avait vu le jour se faire dans son cerveau que par éclairs, petit à petit.

Elle s’était sentie d’abord rouler dans un chaos d’idées. Des rayons et des ombres se succédaient sans cesse dans son esprit, grandissant tout à coup une parole, un fait, pour les rapetisser, les anéantir et leur faire perdre toute signification, l’instant après.

Deux noms, cependant, se détachaient toujours très nets des incidents divers dont elle venait d’être témoin : son père et Percival. Et dans ses efforts pour débrouiller ce qui s’agitait, lui grouillait dans la tête, ces deux noms-là venaient constamment se glisser à travers ses raisonnements et ses suppositions.

Qu’il y eut quelque chose de terrible qui la menaçait dans son bonheur, elle n’en doutait pas, d’instinct. Comme c’était aussi l’instinct, qui, dans son ignorance des choses du dehors, l’avait, mieux que les termes méprisants qu’elle contenait, fait se boucher les oreilles devant la chanson de Pitre.

Elle se replongea plus profondément encore dans sa rêverie. C’était devenu un besoin de tirer la réalité, quelle qu’elle fût, de ses suppositions et de ses pensées. Des jours disparus elle en analysa les incidents ; elle refit sa vie à rebours, chercha dans ses actes la raison de son angoisse présente et n’en trouva point.

Sa pensée revint bientôt sur Percival… et sa douleur, la douleur qu’elle avait ressentie tantôt quand Pitre lui avait appris qu’il allait se battre, s’éveilla de nouveau, lui triturant le cœur. Pauvre Percy… se dit-elle, dans un murmure de caresse… que c’est donc épouvantable la guerre !… se battre !… Et moi qui m’imaginais que c’était gai d’être soldat… Enfant que j’étais, je ne voyais que les parades militaires, les exercices de tir, les marches de plaisir à travers les rues… Il les connaissait bien, lui, Percival, les jours lugubres qui pouvaient venir… les jours de combat… les jours où ses soldats tireraient de vraies balles… où il remettrait au fourreau son épée peut-être teinte de sang…

— Oui, se battre, tuer ses adversaires…. des fils… des pères… se battre…

Madeleine fixa un regard affreux dans le vide… Tuer des pères… se battre, soupira-t-elle…

Pâle, hagarde, elle se leva subitement toute droite.

— Se battre ! reprit-elle… mais… les « patriotes » mon Dieu ! mon père…

Elle poussa un cri sourd et retomba sur son siège, avec un sanglot convulsif à la gorge.

 

Derrière la porte, au fond, un homme à cheveux blancs guettait. Il s’approcha d’elle doucement et, doucement, fléchissant ses vieilles jambes, il s’agenouilla à son côté.

Madeleine ne paraissait plus appartenir à ce monde.

— Mademoiselle, dit-il, tout bas, et il la toucha légèrement à l’épaule.

Elle ne bougea pas. Il reprit, plus haut :

— Vous pleurez, mademoiselle ?

Celle-ci releva son front baissé où se peignait une expression de pénible douleur.

— Tiens, c’est toi, François, et elle plaça sa tête sur l’épaule du vieux serviteur.

— Pourquoi pleurez-vous… Madeleine ?… Est-ce que je puis l’apprendre ?

— Bon François, va… Non, tu ne peux pas l’apprendre… tu le sais.

— C’est vrai, je le sais… Je vous l’avais dit, aussi, d’entrer avec moi.

— C’est affreux, n’est-ce pas ?… Il me semble que j’étouffe… Combien j’ai dû vous faire souffrir, papa et toi… Et moi qui l’avais si bien promis à notre Gabriel de ne pas lui faire de peine… Est-ce que je me doutais ?… Mais tu pleures, toi aussi, François ?

— Mais non, Madeleine, je ne pleure pas… tu sais bien, Madeleine… ce sont… hum… ce sont…mes yeux… qui…

— Tu ne me hais point, toi, François, et papa non plus ?

— Madeleine ! que dis-tu ?

— C’est que je m’explique maintenant le regard triste et froid de mon père… Mon Dieu, c’est horrible aussi : aimer celui qui pouvait le tuer… aimer son ennemi…

— Son ennemi ?… Mais tu rêves, Madeleine.

— Ah ! je ne rêve pas, mon pauvre François… car ils vont se battre… les soldats anglais contre les patriotes…

— Hein ! comment ?

— Pitre me l’a dit. Tout est prêt au Fort. Les balles sont distribuées, les fusils luisants… Ce sera demain ou après-demain… Comprends-tu ça, François ? Peux-tu bien t’imaginer mon supplice ? Mon père d’un côté… Percival de l’autre ; d’un côté ce que j’adore, de l’autre ce que j’aime… car c’est un patriote, mon père, hein ?

Le front de François se plissa sous le coup d’une perplexité subite. Il aurait voulu répondre orgueilleusement à Madeleine : Mais, cristi ! je pense bien, que c’est un patriote, le docteur Ribaud. Au lieu de cette phrase qui lui serait spontanément montée aux lèvres, il répondit tout bas, péniblement, comme s’il eut inventé une horrible calomnie :

— Mais non, Madeleine…

— Vrai… reprit-elle vivement, il n’est pas patriote ?

— D’abord, qu’entends-tu par patriote, Madeleine ? Si tu veux dire celui qui aime sa patrie ; si tu veux dire celui qui se couche en travers du seuil de sa porte pour protéger et sa famille et son foyer ; si tu veux dire celui qui ne permet jamais que sa race soit bousculée sous le talon des autres races ; si tu veux dire celui qui se donne, lui et les siens, pour défendre l’honneur de son pays ; si tu veux dire celui qui venge les insultes quelles qu’elles soient, faites à son drapeau… alors…

Et, grisé de tout l’enthousiasme qui l’enflammait, son bras noueux tendu dans un geste superbe, son regard de feu dans les yeux de Madeleine, François, qui brusquement s’était relevé fier, s’agenouilla de nouveau doucement à ses côtés.

— Veux-tu dire que mon père n’est pas tout ça, François ?

— Oui, il est tout ça… moi aussi je suis tout ça.

— Eh ! bien ?…

— Ce ne sont point ces patriotes-là que tu veux dire, toi, Madeleine, n’est-ce pas ?

— Non… oui… Mais est-ce que les autres patriotes… les patriotes de Papineau… les patriotes qui vont se battre, les patriotes qui vont se faire tuer « pas d’chiens sur leurs fusils, » comme dit Pitre, n’aiment pas aussi leur pays, ne veulent pas défendre leur race et leur drapeau ?

— Ah ! sapristi, oui, Madeleine… Ils le sont, mille tonnerres !… C’est-à-dire qu’ils veulent… ils pensent que… c’est ceux-là qui vont se battre contre les Anglais… et François, tout interdit et perdu dans ses explications, se plongea le nez dans son grand mouchoir à carreaux.

Madeleine resta pensive. Tout-à-coup :

— Alors, c’est moi qui ne suis point patriote en aimant celui qui veut combattre ma race et ma nationalité ?

— ?

— Tu ne réponds pas, mon François… Ah ! c’est vrai… Je comprends tout maintenant… Je trahis mon nom, ma race, ma famille. Mon Dieu ! pourquoi m’avez-vous mis cet amour dans le cœur ?

Tous deux restèrent immobiles, sans ajouter un mot. Une idée s’empara de Madeleine.

Elle saisit tout à coup les vieilles mains calleuses de François dans les siennes et, lentement, comme pour le convaincre :

— Non, François, ce n’est pas un bourreau, Percival, et je ne veux point qu’il se batte contre les miens… J’irai le trouver au Fort, plutôt ; je le lui demanderai, oh ! d’une manière si suppliante, qu’il ne me refusera point.

— Madeleine, ne fais pas ça… je te le défends au nom de ta race qui est aussi la mienne, je te le défends. Mes cheveux blancs me donnent le droit de te parler ainsi.

— Oui, je le ferai pourtant… je m’agenouillerai, je me roulerai à ses pieds…

— Madeleine, interrompit la voix indignée de François, songe que tu t’appelles Ribaud, et les Ribaud ne s’agenouillent jamais que devant Dieu… Je te le défends au nom de ton père… comprends-tu ?… au nom de ton père. C’est l’honneur, aussi, qui te le défend…

— L’honneur ?… Mais je ne veux pas qu’il y ait de sang, je ne veux pas qu’il y ait de haine entre Percival et moi, entre sa race et la mienne… Veux-tu que j’aime ton ennemi ?

— Eh bien ! s’il faut que tu l’aimes, au moins, Madeleine, aime-le brave, aime-le loyal. N’abuse pas de ton amour pour lui faire commettre une lâcheté ou une trahison… Crois-moi, ce serait un malheur qui écraserait bientôt vos consciences ; la sienne parce qu’il aurait manqué à son devoir de soldat, la tienne en comprenant la honte qu’il y a de donner son nom à un traître.

— Ah ! comme je t’aime, toi aussi, mon François.