Les Signes parmi nous/27

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Éditions des Cahiers vaudois (p. 214-219).

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Caille s’était mis à courir, voyant que l’heure était venue ; on ne fut pas si long à lui ouvrir que l’autre fois, parce que ce ne fut pas Mademoiselle Parisod qui vint lui ouvrir, mais une petite fille d’environ quinze ans, son apprentie.

Elle le regarda et était tranquille sous ses cheveux blonds.

Il entra vite. La petite fille dit :

— Venez seulement.

Elle lui fit traverser la cuisine. La chambre donnait sur le derrière de la maison.

Il vit encore sur la table la machine à coudre et les ouvrages de lingerie en train (qui étaient des réparations, parce que la toile trop chère empêchait que personne se risquât à du neuf ;) puis Mlle Parisod mit de côté la chemise qu’elle ourlait.

Dans ce presque rien de jour qui restait, on la vit pencher en avant sa grande figure ; tout de suite, le toit plia.

Il posa son chapeau sur le lit.

Et la petite fille prit place à côté de lui, qui était toute rose et blonde, mais on ne voyait déjà plus ce rose, et seulement de ses cheveux la tresse très serrée qui lui tombait jusqu’au milieu du dos ; tous deux agenouillés, à présent, eux qui le pouvaient ; et celle qui ne le pouvait pas restée sur sa chaise, mais qui avait baissé la tête et avait joint les mains.

Tout de suite, le toit plia, et, plus encore qu’aucune autre, à cause que vieille et mal assise, la maison se mit à bouger ; seulement ces choses sont déjà pour nous comme du passé, et il n’y a plus de danger pour nous, parce que nous sommes de l’autre côté.

Qu’importe qu’il fasse noir ? « à celui qui vaincra je donnerai à manger de l’arbre de vie qui est au milieu du paradis de Dieu. »

Et il fait de plus en plus noir, mais ceci encore est écrit :

« À celui qui vaincra, je donnerai à manger de la manne cachée. »

Et, à présent, il fait complètement nuit :

« À celui qui vaincra, je donnerai l’étoile du matin. »

On n’a pas peur ; comment aurait-on peur ? L’ange qui tient le sceau du Dieu vivant a crié à haute voix aux quatre anges qui ont reçu le pouvoir de nuire : « Ne nuisez point à la terre, ni à la mer, ni aux arbres, jusqu’à ce que nous ayons marqué au front les serviteurs de notre Dieu. »

La chambre fut rouge jusque sous le lit : ils avaient fermé les yeux pour mieux voir. Le bruit vint, ils n’entendirent pas ; c’est au-dedans de nous que le bruit se fait, et une voix parle : « Le voici qui vient sur les nuées et toutes les tribus de la terre se frapperont la poitrine en le voyant… Ils n’auront plus faim, ils n’auront plus soif, car l’Agneau qui est au milieu du trône les paîtra et les conduira aux sources d’eau vive. »

Écoute seulement dans ton cœur les paroles qui sont prononcées et le son des harpes vient aussi, à cause de ceux qui se tiennent sur la mer de verre et ils ont des harpes pour louer Dieu.

Cette grande rougeur, de nouveau ; les noces de l’Agneau sont venues, son Épouse s’est parée ; cette grande rougeur, puis la nuit, mais déjà les oiseaux sont apparus dans le milieu du ciel et il leur est dit : « Assemblez-vous, oiseaux, pour le festin du grand Dieu, pour manger la chair des rois, la chair des capitaines. »

« Pour manger la chair des capitaines, pour manger la chair des Puissants… »

« Pour manger la chair des Puissants, pour manger la chair des chevaux et la chair de ceux qui les montent… »

Rien de ce qui était n’est plus ; voyez luire le Trône sur les nuées et autour du Trône est un arc-en-ciel.

Car l’orage est fini pour nous, les sept lampes sont allumées ; saint, saint, saint est le Seigneur.

Tu es avec moi, ma sœur, et tu viens, et, toi aussi, ma fille, tu es avec moi et tu viens, et je n’ai pas besoin de vous dire : « Prenez garde ! » vu qu’il n’y a plus ni ronces, ni ornières, ni cailloux sur notre chemin, qui est fait devant nous de l’aplanissement des eaux.

Et écoutez à présent ce qui nous est dit : « Est-ce vous ? » parce que nous sommes attendus ; et il nous est dit : « Prenez place. »

Et, derrière nous, tout s’est effacé, mais devant nous se tient la nouvelle Jérusalem qui est descendue du ciel, d’auprès de Dieu.

Sa lumière est semblable à une pierre précieuse, elle est bâtie en carré.

Elle a une grande et haute muraille, avec douze portes et douze anges aux portes.

Il n’y a pas besoin de lune, ni de soleil pour l’éclairer, car il n’y aura plus de nuit.

Et celui qui se tient aux portes de la ville a une canne d’or pour mesurer la ville, ses portes, ses murailles.