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Les Signes parmi nous/30

La bibliothèque libre.
Éditions des Cahiers vaudois (p. 229-232).

30

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À présent, le voilà qui s’est soulevé sur le coude, il entendit de nouveau crier le foin, le foin de nouveau faisait un bruit ; même une sauterelle, restée prise dedans, quand la sauterelle saute, on l’entend.

— Tu dors ?

Il s’entendait très bien lui-même, quoiqu’il eût parlé bas ; elle aurait répondu, il l’aurait entendue.

Tout qui s’entend de nouveau ; il se soulève plus encore, il regarde, il commence à voir.

Il commençait à voir, et non plus par brusques éclairages, mais continuellement, quoique mal ; il n’y avait plus ces grands trous de nuit et plus ces trop éclatantes lueurs ; c’était comme quand un tout petit peu de lampe pâle éclaire ; d’où ? il cherche ; il voit que la pâleur venait par le vide qu’il y avait entre le toit et le mur.

Et puis elle parut grandir, mais peut-être est-ce seulement que mes yeux prennent l’habitude et refont les choses, n’étant plus dérangés tout le temps dans leur besogne de voir ; et cependant, elle, elle renaissait ; sa hanche prit forme, son épaule blanche, la figure ensuite, qui était moins blanche ; et il vit qu’elle dormait, couchée sur le côté.

Peu à peu elle était repétrie devant lui ; elle dormait ; il se dit : « Il ne faut pas la déranger. »

Et il se tourna seulement encore un peu pour la mieux voir.

À présent, je vois ses cheveux. Je regarde comment elle est toute. Elle a les lèvres grosses, j’aime ; on était bien.

Quelque chose se mettait à chanter en lui qu’il n’aurait peut-être pas su exprimer avec des mots, mais un chant montait quand même à sa bouche, sans mots écrits, et le chant était :

« Tu as les lèvres grosses, j’aime. Tu as la peau tendue, tu as les coudes grenus… »

« Quand on la tient on a les bras remplis, comme quand on tient une gerbe. On t’a tenue, on avait les bras pleins. »

Quelque chose lui chante et il laisse chanter. Et puis il retire tout à fait son bras, il s’assied ; il continue :

« Tu es une bonne fille. Mais tu as assez dormi, on va te réveiller. On va te donner pour ça un baiser… »

« Et puis te caresser le haut du bras, depuis l’épaule. C’est où c’est le plus rond… »

« Dis donc ! »