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Les Souspirs amoureux de F B de Verville 1589/Lors que Venus print naissance

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ALLIANCE.
ODE.

 
Lors que Venus print naissance,
Une celeste substance,
Dessus la mer desgoutta,
Qui dedans une coquille
La fit la plus belle fille,
Qu'oncques le monde porta.

La nature depitee
De se voir outrepassee,
Voulut imiter les cieux
Et desevisant la rousee
Dans les nacres assemblee,
Faire un chef d’œuvre comme eux.


Quand la coque fut ouverte
On trouva la perle faite,
N'ayant rien que la blancheur
De la beauté tromperesse
De la mignarde Deesse
Qui nasquit de mesme humeur.

Voyant son œuvre estre belle
Sans pouvoir devenir telle
Que celle qu'elle imitoit,
D'une main sagement chiche
En fit le joyau plus riche,
De tous ceux qu'elle conçoit.

Elle en donna abondance,
Mais elle y mit difference,
D'une belle rarité,
Car celle qui est formee
Plus ronde, & mieux coloree
Est la premiere en beauté.

Elle la fit si entiere
Et de si bonne matiere,
Que celuy qui par chaleur
Peut alterer toute pierre,
Et donner teinture au verre,
Ne peut feindre sa couleur.

Mais comme le temps s'escoule
Qu'un an apres l'autre roule,
Que tout peut estre cognu,
Nature qui se promeine
En son ordinaire peine,

Des cieux le secret a sceu.

Lors pour faire experience
De sa nouvelle science,
Imitant la deité,
Une perle elle façonne,
Et liberale luy donne
La vie avec la beauté.

Suivant du patron la trace
Elle luy donna la grace,
L’œil, les cheveux, & le front,
Qui verseront mille flames
Dans les bien-heureuses ames
De ceux qui laboreront.

Parfaisant ce bel ouvrage,
Y mit encore davantage
Un esprit sage & discret,
Puis l'envoyant en ce monde,
Afin qu'elle n'eut sa seconde,
N'en garda point de pourtrait.

Le ciel en avoit fait une
D'une beauté non commune,
Admirable aux eternels,
Et l'autre a esté formee,
Pour ça bas estre admiree
Tant des Dieux que des mortels :

Vous belle qui de ma vie
Tenez la flame asservie
Sous vostre perfection,

Vous estes ceste Deesse
Dont la beauté & sagesse
Merite admiration.

Vous estes la perle heureuse
Que mon ame langoureuse
Adore devotement,
Celle pour qui je souspire,
Celle que seule j'admire
Sous l'enclos du firmament.

Soyez moy donc naturelle,
Autant que vous estes belle,
Et permettez que mon cœur
Qui vit au pris qu'il vous aime,
Et qui respire en vous mesme,
Arreste en vous son bon heur.