Les Souspirs amoureux de François Beroalde de Verville/Mes yeux ne sont plus yeux, leur essence est changee

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IX



Mes yeux ne sont plus yeux, leur essence est changee
En ruisseaux eternels pour plorer mon malheur,
Et mon sang n’est plus sang, mais las ! cette froideur
Qui c’est presque desja de moy toute escoulee.

Ma vie n’est plus rien que cette humeur gelee,
Qui esteint mes esprits & la douce chaleur
Dont jadis je vivois s’esloignant de mon cœur
Me laissant un vain corps, de moy s’est envolee.

Las je ne fusse plus n’eust esté qu’en mon ame,
Vos yeux ont ralumé un peu de cette flame
Dont les heureux effects me font vivre icy bas.

Et si quelque pitié ne vous touche maistresse
Pour en user sur moy, au malheur qui me presse
Il me faudra tomber sous l’effort du trespas.