Les Souspirs amoureux de François Beroalde de Verville 1589/Cachez moy ce bel œil : car il m’oste la vie

La bibliothèque libre.

XXXIII.



Cachez moy ce bel œil : car il m'oste la vie,
Helas ! je suis perdu en perdant sa clarté
Las ! je suis consumé aux feux de sa beauté,
Helas ! en le perdant, mon ame est obscurcie.

Je ne le verray plus, & si je meurs d'envie
De le revoir encor plus j'y suis arresté,
Plus alors je voudrois m'en trouver escarté,
Plus mon ame le fait, plus elle en est ravie.

Je mourray le voyant, non je ne mourray pas,
Je mourray m'absentant de ses heureux appas,
Non feray, si feray : mais lequel doys-je faire ?

Mourir en le voyant c'est mourir sans mourir,
Mourir en le perdant, c'est en la mort languir :
Il vaut doncq' mieux servir le bel œil qui m'esclaire.