Les Souspirs amoureux de François Beroalde de Verville 1589/Je ne suis plus celuy qui respiroit la vie

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XII


Ie ne ſuis plus celuy qui reſpiroit la vie
De vos yeux, mon soleil, ie ne ſuis qu'un vain corps.
Amour qui m'a frappé de ſes traits les plus forts

Pour triompher de moy, a mon âme ravie.

Mon eſprit erre en bas en la plaine obſcurcie,
Et mon corps au tombeau croiſt le nombre des morts.
Ma vie ſous l'horreur des meurtriſſants efforts
Qui bourrellent mon cœur, de moy s'eſt departie.

Ie suis l'ombre amoureux de vos rayons formé,
Lors que de vos beautez, chaſtement enflammé,
Ie tirois de vos yeux une ſeconde eſſence.

Puis doncques que ie ſuis de vous ſeule animé,
Il faut que comme vous, de vous ie sois aimé,
Ou pour le moins nourry d'une iuſte eſperance.