Les Souspirs amoureux de François Beroalde de Verville 1589/Tandis que languissant pour vos fieres beautez

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STANCES.


Tandis que languissant pour vos fieres beautez
Je sens dedans mon sang le soin qui me tourmente
Je n'ay devant les yeux que mille cruautez
Qui deschirant mon cœur sont la derniere attente
Du bien-heureux loyer de mes fidelitez.

Le triste desespoir qui bourelle mon cœur,
Me presse incessamment sous l'ardeur de ma peyne,
Car d'un ciel desdaigneux la mortelle rigueur,
Pour redoubler en moy les tourmens de ma gesne,
M'a fait naistre ça bas sujet à tout malheur,

Les extresme soucis dont je suis tourmenté
Font sortir de mes yeux une source eternelle
Pour pleurer les ennuis, dont je suis agité
Et pour me ruyner dans mon ame fidelle,
Agravent les rigueurs de vostre cruauté,

La mort de tous costez pres à prez me poursuit,
Redoublant les douleurs de mon cruel martire,
Et son traict inhumain peu à peu de destruit,
Ores que malheureux ma langueur je souspire
Attendant les horreurs d'une derniere nuict.

La peine, le desdain, la perte, la douleur
Du desespoir, du ciel, de mes pleurs, de mon ame,
S'aigrissent dedans moy & doublent ma langueur,
Cependant qu'adorant la beauté qui m'enflame,

Je sens dedans mes os leur sanglante fureur.

Ainsi pressé de mal je me sens ruyné,
Sans oser m'asseurer qu'en ma perseverance
Je voye mon tourment quelquefois terminé,
Car il faut qu'en aymant je n'aye autre esperance
Qu'au malheur amoureux où je suis destiné.