Les Stances (Jean Moréas)/39

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Les StancesSociété du Mercure de France (p. 85-88).

LE TROISIÈME LIVRE DES STANCES


I


Été, tous les plaisirs que ta saison m’apporte
Comme ceux du printemps ont perdu leur attrait.
Adieu, le tendre automne ! À présent, qu’à ma porte
Vienne heurter l’hiver, j’ouvrirai sans regret.

Dans l’antique forêt, le vent et la cognée
Sèment de l’arbre fort les rameaux à ses pieds,
Et parmi les humains la juste destinée
Abat à chaque coup gloire, amour, amitiés.


Moins doucement la feuille à la brise soupire,
Que la branche frappée en tombant ne se plaint,
Et lorsque le malheur s’exhale de la lyre,
Tout autre chant n’est plus qu’un écho qui s’éteint.

Vie exécrable, ô jours que corrompt l’amertume,
Je vous surmonte encor, mais mon cœur est brisé ;
Et s’il a plus d’éclat, peut-être, il se consume
Ce feu sombre et divin qui m’avait embrasé.