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Les Stations de l’amour/15

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L’Île des Pingouins (p. 156-158).

XV

Calcutta, 25 février 18…

Avant mon départ pour Darjeeling, fixé à demain, nous devions avoir, chère Cécile, une dernière entrevue avec mes petites amies et moi. J’ai dîné hier soir chez sir D. Simpson, qui m’a pris en amitié et qui ne serait surpris qu’à moitié de me savoir l’amant de sa fille.

Il avait été convenu officiellement que Dora et Flora, en revenant de leur promenade quotidienne à cheval, viendraient me prendre, à sept heures, pour me ramener à la maison de sir Duncan, mais comme à tous les traités il y a quelque clause secrète, il était entendu, entre nous, que mes bonnes amies seraient chez moi à cinq heures et demie au plus tard et que Maud, qui n’était pas du dîner, viendrait aussi de son côté.

Toutes trois arrivèrent en même temps à mon bungalow, comme convenu, où je les attendais en tenue de combat. Malgré les plaisirs que nous nous promettions, il y eut d’abord un voile de tristesse jeté sur notre réunion, car elle précédait une séparation.

Aussi, dès qu’elle se fut débarrassée de sa robe et de son chapeau, Flora vint se jeter à mon cou en sanglotant ; Dora ne pleurait pas, mais ses traits étaient contractés, ses lèvres pâles et frémissantes ; Maud s’agitait pour cacher son émotion, se déshabillait, s’arrêtait, tournait, ne savait que dire. Flora, cependant, m’étreignait en répétant à travers ses larmes : « Vous allez nous quitter… partir… »

— Voyons, chère Flora, dis-je en l’embrassant, soyez raisonnable… ce n’est que pour un mois, puisque je vous ai promis d’aller vous voir à Simla.

— Mais oui, fit à son tour Dora… Et puis… puisque nous serons tous en France dans trois mois… Tu connaîtras Cécile et Thérèse.

— Et Line, fit à son tour Maud en délaçant ses bottines. Oh ! que je voudrais la connaître, cette petite… comme nous nous amuserions toutes les deux ! Mais, continua l’espiègle avec un gros soupir, je ne vais pas en France, moi…

— Allons, mon petit chat, dis-je en la soulevant dans mes bras, tu y viendras plus tard. En attendant, nous allons passer un bon mois ensemble, rien que nous deux.

— Avec tante Kate… Tu verras, chéri, tu verras comme elle est polissonne…

— Oui, intervint Flora, qui commençait à se rasséréner en écoutant ce bavardage, si le ménage ne l’a pas changée…

Cependant Dora, pour faire diversion, avait débouché le champagne et rempli nos coupes. Je m’assis sur un fauteuil, et, ayant ouvert ma robe de chambre, je fis asseoir Dora et Flora sur mes cuisses nues, tandis que Maud, accroupie entre mes jambes, jouait à la poupée.

Nous gardâmes le silence, ne pouvant parler. Cette polissonne de Maud avait, sans rien dire, mis un doigt de chaque main sur le clitoris de ses amies et les branlait doucement, tandis qu’elle suçotait et léchait sa petite poupée… Nous devenions haletants tous les trois…

Pourtant Dora se dégagea et se mit debout : « Allons mes enfants, nous n’avons que le temps de rentrer et de nous habiller. Je ne veux pas faire attendre mes invités… »

… Je passe, chère amie, sur les détails du dîner. Nous étions quatorze convives ; j’étais vanné ; Flora et Dora portaient les traces évidentes d’une fatigue qui fut attribuée à une longue course à cheval.

Aujourd’hui, je suis bien reposé, et je vais faire mes derniers préparatifs. Je ne suis pas fâché d’avoir quelques jours de repos. À bientôt, ma chérie ; je t’envoie mes plus tendres baisers : j’ai hâte maintenant de te revoir. Quelles bonnes parties nous allons faire ensemble … À nous trois, avec Thérèse, à nous quatre même, avec Line, je ne regretterai pas mes amies d’ici.

Je t’adore, plus que jamais, ma Cécile.

Pour la vie,
Ton Léo.