Les Stations de l’amour/8

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L’Île des Pingouins (p. 86-95).

VIII

Calcutta, le 6 janvier 18…

Je t’ai dit, chère Cécile, que le surlendemain du jour où Flora m’avait amené cette délicieuse petite Maud, je devais assister à l’afternoon-tea et au tennis que Dora donne une fois par semaine à ses amis et à ceux de son père.

Quand j’arrivai dans le jardin, deux parties étaient engagées, dans lesquelles figuraient mes trois amies : je ne pus que les saluer rapidement. Tandis que je causais avec sir Duncan Simpson et quelques personnes, je les suivis du regard dans tous leurs mouvements.

Dora mettait, comme malgré elle, de la dignité, je dirais presque de la majesté dans ses moindres gestes. Flora, plus maîtresse d’elle, était la grâce un peu nonchalante, mais dont je jouissais avec délices en pensant aux heures folles que nous avions passées ensemble.

Dans la partie voisine, Maud, en robe courte, vive, sautillant, riant comme une enfant espiègle et se tournant pour me faire des grimaces, sans que le groupe où j’étais sût à qui elles s’adressaient.

La partie où figurait Dora prit fin et elle s’avança vers nous pour me serrer la main, puis elle ajouta : « Vous m’avez dit, monsieur Fonteney, que vous aimiez beaucoup les fleurs ; voulez vous venir voir ma serre ?… »

Jamais il n’avait été question entre nous de mon amour pour les fleurs, mais je m’inclinai, devinant sa pensée. Je m’éloignai avec elle. En même temps elle appela Flora, qui s’empressa d’accourir, tandis que Maud, dont la partie n’était pas finie, nous regardait partir d’un air boudeur.

— Je parie, dit Flora, qu’avant dix minutes elle nous aura rejoints.

En entrant dans la serre, nous aperçûmes une ravissante collection de fougères, de mousses, de silaginelles, au milieu desquelles un ruisselet et un petit jet d’eau entretenaient une fraîcheur constante. À peine entrés, je saisi Flora, qui était près de moi, et la couvris de baisers qu’elle me rendit avec la même ardeur.

— Attendez un moment, nous dit Dora, en faisant le tour de la serre, regardant s’il n’y avait personne.

Elle revint quelques instants après, et me sauta au cou : « Comme le temps me durait de te revoir, fit-elle. Il me semble qu’il y a un siècle… Je suis tout à fait rétablie, maintenant… Viens vite, je meurs d’envie de t’avoir… Flora, monte la garde. »

Elle m’entraîna au fond de la serre, vers un petit tertre, couvert de mousse. Et la troussant aussitôt, je l’enfilai en levrette, quoique le pantalon nous gênât un peu.

Nous ne tardâmes pas à expirer de bonheur. Dora se releva et m’embrassant : « Ah ! fit-elle, ça m’a soulagée… Que c’est bon !… Flora, à ton tour… je vais veiller… »

Je la fis asseoir et, lui écartant les jambes, je me mis à genoux devant elle, la tête entre ses cuisses ; je commençais à peine à lui faire sentir ma langue, lorsque nous entendîmes la voix de Dora : « Voici quelqu’un !… »

Prompt comme l’éclair je me retirai, quand j’entendis la voix de Maud. Au même instant, celle-ci arriva vers nous en courant. « Je m’en doutais !… Ne vous dérangez pas, mes amours, continuez !… »

Je m’étais remis en position et j’allais reprendre ma douce besogne, quand Flora soupira : « Non, ce n’est pas à continuer, c’est à recommencer. »

Elle avait joui au moment même où je me retirais.

— Ah ! c’est à recommencer ? s’écria Maud… eh bien ! je veux en être, moi.

Et se glissant comme un chat entre mes jambes, elle eut vite dégagé maître Jacques de ses entraves et commencé un mouvement de succion aussi expérimenté que délicat, qui m’eut bientôt mis au niveau de la chère Flora, envers laquelle je redoublais d’ardeur. Je la sentais palpiter sous mes caresses, et malgré le quasi-silence auquel nous étions obligés, elle ne pouvait s’empêcher de pousser de délicieuses exclamations : « Oh ! qu’elle est bonne, ta langue… va, mon chéri… jouis aussi… suce bien, Maud… va… tiens, tiens… »

Dora, qui s’était rapprochée, put recevoir sur ses lèvres les derniers soupirs de la tendre enfant, tandis que, de mon côté, j’exhalai un flot brûlant dans la bouche de la gourmande gamine, qui se releva en s’essuyant les lèvres.

Toute cette scène n’avait pas duré plus d’un quart d’heure, et nous fûmes prêts en un instant à retourner sur la pelouse. Cependant, jetant un dernier regard dans la serre, j’aperçus, sur une petite table, une boîte de couleurs, et un chevalet avec une chaise devant.

— Qu’est-ce que cela ? demandai-je en sortant.

— C’est l’attirail de peinture de Dora, répondit Flora. Vous ne savez donc pas qu’elle fait l’aquarelle à ravir. Elle ne vous l’a donc pas dit ?

— Jamais !… Comment, Dora, vous êtes modeste à ce point ?…

— Bah ! je n’y ai pas seulement pensé.

— Chère amie, il faudra me montrer vos merveilles…

— Vous savez bien, répondit-elle avec un sourire malin, que je vous montre tout ce que vous voulez. Eh bien ! oui, je vous ferai voir mon atelier avec tout ce qu’il y a dedans. En attendant, venez prendre un cocktail.

Nous avions rejoint la compagnie qui s’était fort éclaircie pendant notre courte absence. Il n’y avait plus, avec Sir Duncan, que trois ou quatre personnes, et parmi elles la mère de Maud.

— Monsieur Fonteney m’a demandé à visiter mon atelier et à voir mes croûtes, dit Dora à son père.

— C’est une faveur, me dit celui-ci, que ma fille n’a encore, je crois, accordée à aucun gentleman. Vous y verrez de très jolies choses.

— Eh bien ! me demanda Dora, quand voulez-vous ?… Demain matin !… cela vous convient-il ?… c’est dimanche.

— Entièrement à vos ordres, miss, fis-je en m’inclinant.

— Faisons mieux, dit alors Sir Duncan : ma chère Dora, priez M. Fonteney de venir, sans façon, déjeuner avec nous. Vous lui montrerez ensuite vos pochades à votre aise.

Je ne pus qu’acquiescer, et je pris congé.

Le lendemain, j’arrivais chez Sir Duncan à l’heure convenue, où je rencontrai un capitaine du génie, que je connaissais et qui est le secrétaire du père de Dora. Le déjeuner achevé, Dora demanda : « Maintenant, messieurs, voulez-vous venir voir mes peintures ?… »

— Non, répondit son père, j’ai à causer avec le capitaine ; M. Fonteney t’accompagnera.

J’offris le bras à Dora et nous sortîmes. Je pense t’avoir dit qu’elle occupait un petit bungalow indépendant de l’habitation de son père, à une trentaine de mètres de celle-ci. Ce cottage n’a qu’un rez-de-chaussée auquel on accède par une véranda ; une pièce centrale servant à la fois de salon et d’atelier, flanquée à droite et à gauche de deux chambres à coucher, compose avec ses dépendances l’appartement de Dora.

La porte du salon s’ouvrit devant nous et j’aperçus debout dans la pénombre, une petite indienne en pagne de soie, à peine brunie, fort jolie, avec de grands yeux effarouchés, qui pouvait avoir douze ou quinze ans. À peine la porte était-elle refermée que Dora me sautait au cou, me serrait dans ses bras et me donnait les plus tendres baisers, en me disant : « Enfin, nous sommes chez nous !… Je t’ai tout à moi… rien qu’à moi !… »

Et comme je lui montrais la petite indienne qui nous regardait, stupéfaite : « Ne t’inquiète pas, chéri, me dit-elle, c’est Amalla, une enfant que j’ai achetée à ses parents, pendant une promenade à cheval à travers la campagne.

— Achetée ?…

— Oui, elle me coûte même fort cher : je l’ai payé cent roupies.

Je n’en revenais pas.

— Eh oui ! reprit Dora, cela est assez fréquent ici. Sa famille était tombée dans la plus profonde misère. Il y a quinze mois que je l’ai et je ne me suis pas un seul instant repentie de l’avoir prise avec moi. Daisy, ma dame de compagnie, lui apprend à lire et à écrire, et elle parle déjà passablement l’anglais ; je crois qu’elle m’est attachée, et elle est tout à fait habituée à moi maintenant.

Pendant que Dora me donnait ces détails, la petite bengalie, accroupie sur la natte, levait sur sa maîtresse ses grands yeux, devinant qu’il était question d’elle (car Dora me parlait en français) ; elle buvait ses paroles et me regardait curieusement, avec une expression de plus en plus douce.

— Viens ici, Amalla, dit Dora.

La petite se leva et se tint debout entre les jambes de sa maîtresse. Sans rien dire, en souriant, Dora écarta le pagne léger qui s’enroulait autour du buste gracile de la fillette, puis elle ouvrit le petit corsage…

— Laisse-moi montrer à mon ami ta jolie petite gorge.

Amalla se défendait faiblement. Pour l’encourager, je mis mes lèvres sur celles de Dora et nous nous baisâmes avec passion. En même temps, j’ouvrais la robe de mon amie et je mettais au jour ses seins d’une blancheur de lait.

— Montre-moi les tiens, Amalla, que je voie s’ils sont aussi gros…

Je vis deux petits globes bien ronds, fermes et bruns, fort appétissants, avec leurs petits bouts roses sur lesquels je portai un doigt qui la fit tressaillir. Soudain, elle se jeta sur Dora et prit dans sa bouche le bout d’un des seins qu’elle se mit à sucer. Mais celle-ci se leva en se rajustant, et nous dit : « Mes enfants, ne nous échauffons pas. Il me semble, cher ami, que vous n’êtes guère pressé de voir mes œuvres ».

— Pardon, chère amie, mais que puis-je voir de plus joli que ce que vous m’avez montré ?… Mais dites-moi, en lui désignant Amalla du coin de l’œil, est-ce que ?…

Elle me devina, et me répondit à l’oreille : « Tu es bien curieux !… Eh bien ! oui, là… es-tu content ?… Il faut bien qu’elle me serve à quelque chose… Je t’assure qu’elle a une petite langue fort habile. »

— Et vous, Dora, est-ce que vous lui rendez la pareille ?

— Indiscret !… Non, jamais avec la bouche ; mais quelquefois avec le doigt, quand je suis bien contente d’elle… C’est sa plus grande récompense. Figure-toi qu’il y a huit jours, Maud était venue prendre sa leçon de peinture. J’achevai un travail sans m’occuper d’elle, quand un léger bruit me fit lever la tête, et je vis dans un coin de l’atelier, ma Maud et Amalla, étendues toutes deux sur la natte, les mains passées sous leurs jupes, qui… se branlaient. J’allais me fâcher, mais leur position était si drôle, elles avaient l’air si absorbé dans leurs exercices, que j’éclatai de rire et leur criai : « Ne vous gênez pas, polissonnes !… »

Elles se gênaient si peu, que presque aussitôt leurs soupirs simultanés m’annonçaient la fin de leur amusement.

Dora me montra ensuite ses dessins, ses aquarelles vraiment fort belles : marines, paysages, portraits, etc.

— Ne me donnerez-vous pas un souvenir, ma chérie ?… Je serais si heureux de rapporter à Cécile quelque chose de vous !…

— Tout, mon ami, tout ce que tu voudras. Prends !… tout ce que j’ai est à toi…

Et avant que j’eus le temps de la remercier, elle ajouta : « Mais tu n’as pas tout vu !… »

Ouvrant alors un petit bureau fermé à clef, elle en tira un carton d’où elle sortit une trentaine d’esquisses, les unes inachevées, les autres complètement terminés, et les étala sous mes yeux.

Ce fut un éblouissement !… C’étaient elles : Dora, Flora, Maud, Kate, Amalla, nues ou à peine vêtues, dans toutes les positions, s’amusant isolément ou se caressant en groupe de deux ou de trois, se branlant, se gamahuchant, mettant en évidence leurs trésors de beauté, leurs seins palpitants, leurs croupes bondissantes, leurs hanches se tordant, les nez et les bouches fourrageant dans les toisons, s’étreignant, les doigts s’enfonçant dans les chairs, les cheveux épars ou couvrant à demi les poitrines et les gorges… L’amour lesbien sous toutes ses formes, la passion dans toute son intensité, avec toutes ses fureurs, avec une vérité d’attitude, un frémissement de vie dans tous ces corps !…

Dora était ravie de l’enthousiasme que je manifestais et qui s’adressait autant à l’exécution qu’au choix des sujets. À la fin, n’y tenant plus, je la saisis dans mes bras et l’embrassai longuement sur les lèvres, lui disant : « Oh ! viens… viens… je te veux… »

Mais elle, se dégageant, me dit encore : « Tu n’as pas tout vu !… »

Elle reprit un autre carton dans lequel se trouvaient, avec quelques ébauches, huit aquarelles qui représentaient un homme… moi, ton Léo, avec elle et Flora, puis tous quatre ensemble, faisant… tout ce que je t’ai raconté et tout ce que son imagination féconde lui suggérait que nous puissions faire encore !

Après une moment de silence, elle me dit : « Bien que tout cela ait été fait « de chic », je n’en suis pas mécontente ; mais il faudra que vous me donniez quelques poses… »

— Oh ! chère Dora, tout ce que vous voudrez ; mais pourrai-je garder mon sang-froid, lorsque je tiendrai Maud ou Flora nue dans mes bras ?…

— Ça, fit-elle en souriant, c’est mon affaire… Eh bien ! nous prendrons jour… Croyez-vous, cher Léo, ajouta-t-elle, que cela ferait plaisir à votre femme d’avoir quelques-unes de ces aquarelles ?… Ne s’effarouchera-t-elle pas de vous voir en cet état, avec d’autres ?…

— Au contraire, elle sera ravie, enchantée, soyez-en certaine !… Je lui ai tout écrit et vous avez lu sa réponse.

Dora me donna quatre compositions que je t’envoie ; je n’ai pas besoin de te recommander de les serrer au plus profond de ton secrétaire. Mais ne les regarde pas trop avec mademoiselle Thérèse !…

Après avoir remis ses cartons dans son petit bureau, elle me dit : « Viens, maintenant, mon chéri… »

Et elle m’entraîna vers sa chambre.

Nous nous étendîmes sur le sofa, et je mis immédiatement à l’air sa gorge qui palpitait de désir. J’eus vite fait d’enlever mes vêtements que je jetai à terre. Amalla courut les ramasser, puis revint près de nous, après avoir prudemment donné un tour de clef à la porte de l’atelier. Dora, pendant ce temps, avait desserré le cordon de sa jupe, et caressait mon priape déjà plein de feu et d’impatience. Amalla, debout, nous regardait en souriant.

— Tiens, petite, lui dit Dora, vois comme il est beau… prends-le !…

Elle ne se le fit pas dire deux fois et saisit à pleines mains l’objet que Dora lui montrait, pendant que mes doigts se promenaient sur la toison d’or de ma belle amie et que nos langues se fêtaient de concert. Je sentis Amalla prendre dans sa bouche la tête rose de maître Jacques, qu’elle mordilla doucement. Dora se dégagea un instant et regarda en souriant l’occupation à laquelle se livrait sa petite élève : puis elle lui dit : « Arrête, Amalla, c’est pour moi… Viens, j’ai une fantaisie, comme Flora… »

Elle me fit alors remonter jusqu’à la hauteur de sa bouche, et saisissant à son tour maître Jacques de ses lèvres avides, nous dit : « Là, comme cela… baise-moi dans la bouche… fais comme si c’était… ailleurs… et toi, Mimi, fais-moi… là… avec ta langue, ma petite… »

Amalla avait déjà commencé une besogne à laquelle elle paraissait très habituée, et je sentais ses petites menottes me caresser doucement les fesses, pendant que moi-même, obéissant docilement à Dora, je faisais, entre ses lèvres, le mouvement de va-et-vient.

Ni l’une ni l’autre ne pouvant parler, tout se passa silencieusement, mais, quand, à la fréquence de mes soupirs, Dora comprit que j’allais rendre l’âme, elle me serra plus fortement contre elle, de peur que je me retirasse, et… je crus qu’elle allait m’avaler tout entier, pendant que je sentais son ventre se soulever et se crisper dans une torsion finale.

M’étant alors relevé, j’aperçus Amalla qui s’affaissait à son tour sur la natte, car son doigt lui avait rendu le même service que sa langue à sa belle maîtresse. Je passai par-dessus son corps pour aller au cabinet de toilette et me rhabiller.

Quand je revins, Dora me sauta au cou, en disant : « C’est bien bon et je comprends que Flora aime tant cela ; mais c’est vraiment un plaisir trop court. Maintenant, mon chéri, il faut nous séparer, et soyez bien sage, monsieur, jusqu’à jeudi ; nous irons vous voir toutes les trois. »

Amalla m’avait pris la main et l’embrassait avec effusion.

— Vous savez, me dit Dora sur le seuil du bungalow, cette petite, maintenant, vous aime autant que moi.

Je donnai à Amalla une tape amicale sur la joue, qui la fit tressaillir de joie, et je rentrai chez moi.

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Deux mots maintenant en réponse à ta lettre du 8 décembre. Ce que tu m’as raconté de ta femme de chambre m’a fait venir l’eau à la bouche, et tes descriptions enflammées m’ont… embrasé aussi. Cependant, je trouve que tu as été bien vite en besogne. Tu ne connais guère cette fille que tu es en train d’adorer, et je crains que les ivresses de votre lune de miel ne te fassent exagérer les charmes de ta nouvelle amie. Je ne saurais trop te recommander la prudence dans les confidences que tu me parais disposée à lui faire ; j’attends avec une certaine impatience ta prochaine lettre, dans laquelle j’espère ne pas trouver trace des déceptions que je redoute.

Je t’envoie mes plus tendres caresses.

Léo.