Les Stations de l’amour/9

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L’Île des Pingouins (p. 96-102).

IX

Paris, 9 janvier 18…

Nous partirons bientôt pour Nice où mes parents me réclament à cor et à cri. Je laisserai à Lyon Thérèse qui m’a demandé huit jour de congé pour aller voir sa famille. Le temps va me sembler long pendant son absence…

Après une semaine passée en notre compagnie, Gérard nous a quittées hier, pour se rendre au Creusot. Cette séparation a été une sorte de délivrance, et si j’ai pleuré sur le quai de la gare, au moment du départ, c’est moins à lui même qu’à ma propre jeunesse que je disais un adieu peut-être éternel. Il était ému, mais je suis certaine qu’il ressentait un sentiment analogue, et je l’ai bien compris au geste qu’il a fait une dernière fois à la portière du wagon, qui signifiait clairement : « Eh bien ! n’en parlons plus ! »

Physiquement et moralement, il a vieilli de dix ans. J’étais allée, avec Thérèse, l’attendre à son arrivée ; je le cherchais vainement parmi les passagers qui débarquaient, alors qu’il était devant moi et me souriait en prononçant mon nom.

— Gérard ! criai-je à mon tour, en me jetant à son cou et en pleurant.

— J’ai bien changé, n’est-ce pas ? Oui, je le sais, mais je suis toujours le même pour vous chère, Cécile.

Hélas non ! le pauvre ami n’était plus le même, je m’en suis bien vite aperçue. La fièvre des affaires s’est emparée de lui et l’obsède. Nous avons passé la nuit au Havre où il a couché avec moi. Revenus à Paris le lendemain, nous l’avons installé dans l’appartement de papa, prenant, bien entendu, nos repas en commun. Thérèse a passé plusieurs nuits avec lui, mais elle ne s’est laissée faire, m’a-t-elle dit, que pour m’être agréable.

Il a cherché à être aussi aimable que possible, mais ce n’était plus la même chose… Thérèse t’écrira, de son côté, ce qu’elle en pense. Quant à moi, je désire ne plus le revoir.

. . . . . . . . . . . . . .

Mardi 12 janvier.

Je vais te raconter la dernière aventure de Thérèse.

J’avais dû sortir après le déjeuner pour quelques courses urgentes dont papa m’avait chargée. Sans m’en expliquer le motif, Thérèse me demanda la permission de s’absenter, promettant de rentrer à sept heures précises.

Elle arriva, à sept heures et quart, toute souriante. « Me voilà, fit-elle gaiement, je suis en retard ?… »

— Un peu… j’allais me mettre à table. Peut-on, dis-je avec une froideur feinte, demander à mademoiselle où elle a passé son après-midi ?…

— Oui, madame, répondit-elle sur le même ton.

Après s’être mise en déshabillé, elle vint s’asseoir sur mes genoux en m’embrassant. La coquine me connaît bien et ne se laisse pas prendre à mes bouderies, quand elles ne sont pas sérieuses.

— Ainsi, lui demandai-je, tu est contente ?… tu t’es bien amusée ?… « Oui, je suis très enchantée de ma journée ».

Nous nous mîmes à table, et pendant tout le dîner nous ne parlâmes que de choses insignifiantes devant la bonne qui nous servait.

Dès que nous fûmes seules dans ma chambre, je lui dis, avec un peu d’impatience : « Eh bien ! me diras-tu où tu es allée ?… »

— Devine !…

Une idée me traversa l’esprit : « Je parierais que tu as été rejoindre la Saint-Léon !… »

— Oh ! fi !… mieux que cela, ma chère… Je suis allée voir Valentine à sa pension.

— Valentine !… Alors, tu reviens de Sèvres ?…

— Parfaitement. L’idée m’est venue dès que tu as été sortie. Après le déjeuner je me suis fait conduire à la gare. J’avais emporté la partition de sonates qu’elle t’a demandée et une boîte de chocolat que j’ai achetée chez Pihan. Arrivée à la pension, je fus reçue par la directrice, qui me reconnut immédiatement, et je lui demandai à voir Valentine de ta part. Elle l’envoya chercher de suite. Je te laisse à penser la surprise de la chérie quand elle m’aperçut. Elle me sauta au cou pour m’embrasser et ses premières paroles furent pour me demander comment tu allais.

— Cécile va très bien, mais elle a eu des visites à faire et m’a chargée de vous apporter cette partition de musique et ce petit paquet.

— Oh ! merci Thérèse… Viens dans ma chambre…

Dès que nous y fûmes arrivées, la charmante enfant se suspendit à mon cou et me couvrit de caresses que je lui rendis avec entrain : « Que tu es gentille d’être venue, ma Thérèse !… Tu m’aimes toujours ?… »

— Tu le vois bien, Line, puisque je n’ai pas pu attendre la fin du mois pour te revoir.

Et la regardant bien en face : « Avez-vous été sage, mademoiselle ?… Voyons vos yeux… »

— Oh ! oui !… Rien qu’une fois avec mademoiselle Berthe ; et encore elle n’a pas voulu me le faire, mais je me suis branlée en lui faisant mimi : et avant-hier, encore une fois, avant de m’endormir en pensant à, toi… Mais maintenant je t’ai, je te tiens, je te veux… Oh ! vite, ma Thérèse, ne me fais pas languir…

Et sa main fourrageait. La mienne aussi, du reste… si bien qu’un instant après, j’étais obligée de lui mettre la main sur la bouche pour l’empêcher de crier.

— Ah ! fit-elle, ça va mieux, j’en avais bien besoin…

Nous ne pouvions nous déshabiller, ni fermer la porte à clef. Cependant, je mourais d’envie de sentir frétiller sa petite langue entre mes cuisses. Pour me distraire, je visitai son linge, j’examinai ses livres, ses cahiers ; elle tournait autour de moi comme une chatte, me becquetant, me pelotant, me caressant de mille façons. Elle me dit tout à coup : « Oh ! montre-moi tes belles fesses, si blanches, si potelées. J’en ai rêvé bien souvent… »

Et elle passa sa main dans la fente de mon pantalon.

N’en pouvant plus, je me renversai sur son lit, en lui disant : « Ta langue, ma chérie, ta langue… fais-moi mimi… bien doucement… »

La petite polissonne ne se fit pas prier et me lécha avec rage, au point que je dus la prier de ralentir son mouvement.

Quand nous eûmes terminé, quatre heures sonnèrent. Line me dit : « Voilà la récréation ; mademoiselle Berthe est libre, je vais la faire venir… Je veux que vous fassiez connaissance, tu verras comme elle est gentille ; je ne lui ai rien dit de tes rapports avec ma sœur ; je suis sûre qu’elle te plaira… »

Avant que j’eusse pu l’en empêcher, elle s’était envolée ; elle reparut au bout de quelques minutes, tenant par la main la sous-maîtresse que j’avais aperçue lors de notre dernière visite. Line nous présenta l’une à l’autre, et voyant qu’aucune n’osait commencer la conversation, elle nous dit : « Mes chères amies, vous savez qui vous êtes ; je t’ai dit, Thérèse, que c’est Berthe qui m’a donné mes premières leçons de… ce que tu sais bien ! Et vous, Berthe, je vous ai raconté que j’avais trouvé chez ma sœur une charmante amie qui s’est assurée que j’en avais profité. Maintenant, vous n’allez pas rester là, à vous examiner. Nous sommes seules ; je vais veiller… »

Et elle se tint près de la porte entr’ouverte, les yeux sur le vestibule d’accès.

Ce petit discours fit monter au visage de Berthe une légère rougeur, et je ne trouvai rien de mieux à faire que de lui tendre la main et lui dire en souriant : « Voulez-vous m’embrasser, mademoiselle… »

Ah ! je t’assure que la conversation ne languit pas !… Quelques minutes après, elle était dans mes bras, me baisant sur la bouche ; nos baisers répétés nous mettaient en feu ; son apparente timidité avait disparue et son visage respirait le désir et la volupté. Elle m’écrasait les seins par-dessus mon corsage. Tout à coup, Line, qui nous regardait, lui dit : « Regarde donc, Berthe, ce que je t’ai dit qu’elle avait de si beau !… »

J’étais assise sur le lit : Berthe me renversa, et se mit à chercher sous mes jupes, pendant que j’écartais les jambes. Elle arriva juste au point sensible qu’elle fit tressaillir ; se mettant à genoux, elle enfonça sa langue dans la grotte et saisit à pleines lèvres ce clitoris que tu connais, et qui bandait sous ses caresses. Quelle adroite gougnotte !… quelle agilité, quel art dans le frétillement rapide de sa langue pointue et pénétrante !… J’avais mis mes jambes sur ses épaules, et lui serrai tellement la tête que je faillis l’étouffer. Elle se releva à demi suffoqué mais souriante, et se précipita sur ma bouche, criblant mes lèvres de baisers passionnés. Line, restée près de la porte, nous disait : « Oh ! mes chéries, j’ai joui en vous voyant. Ce n’est pas à moi, ma petite Berthe, que tu fais minette comme cela… »

Je l’ai cru sans peine : la pauvre enfant, un pareil afflux de volupté la tuerait.

— À mon tour, mon ange, dis-je à Berthe…

Mais elle m’arrêta : « Non, ma chérie, je suis tellement brisée que cela n’est pas possible… mais avec ton doigt, si tu veux… »

Et tandis que ma bouche était sur la sienne, je la branlai jusqu’à ce qu’elle râlât en inondant ma main.

— Je te veux, me dit-elle, je te veux toute entière… je veux te voir toute nue, voir tes nichons, les manier, les sucer, manger ton clitoris… je veux que tu me baises avec ton… il est assez long pour cela… Veux-tu ?

— Oui, oui, lui dis-je, tu me plais, je ferai tout ce que tu voudras, mais ne fatigue pas trop notre chère Valentine.

— Tu veux que je te la conserve, répliqua-t-elle en riant. Ne crains rien, ma chérie ! elle a dû te dire que c’était moi, au contraire, qui étais obligée de la modérer ; mais ce n’est pas l’envie qui me manque.

Tout en causant et en échangeant de menues caresses, le temps passait et nous entendîmes sonner la cloche.

— Voilà l’étude, nous dit Line, il faut que je me sauve ; adieu mes chéries. Thérèse, embrasse bien fort Cécile pour moi.

Et se penchant à mon oreille : « Tu sais comment ?… Et vous deux, faites encore une fois l’amour à ma santé !… »

Et elle se sauva.

— Voulez-vous venir un moment dans ma chambre ? me dit alors Berthe. Je suis libre jusqu’à six heures.

— Oui, je veux bien… allons-y !…

C’était à quelques pas, dans le même corridor. Dès que nous fûmes entrées, elle donna un tour de clef à la serrure : « Comme cela, dit-elle, nous ne serons pas dérangées. »

— Et si, par hasard, on venait frapper ?…

— Je répondrai que je m’habille.

En même temps, elle avait dégagé ses dessous, et me sauta au cou : « Est-ce que je vous plais vraiment ?… »

— Oui, beaucoup, lui répondis-je en la culbutant sur un petit lit où il n’y avait qu’un matelas sans draps.

Et je travaillai si bien la belle que deux fois de suite elle jouit à en mourir. Je te laisse à penser, ma chère Cécile, si elle me donna ensuite de tendres baisers pour me remercier.

Pendant qu’elle me reconduisait, je lui dis : « Sais-tu, petite amie, que tu es la plus heureuse des gougnottes : tu as tout un sérail à ta disposition. »

Elle eut un petit rire d’assentiment.

— Et la Directrice ne s’aperçoit de rien ?

— Oh ! je crois bien qu’elle se doute de quelque chose. Mais comme, malgré ses grands airs, elle a deux amants, qu’elle me sait au courant de ses fredaines, et que d’autre part, je remplis scrupuleusement mes fonctions elle ferme les yeux, d’autant plus qu’il n’y a pas le moindre scandale.

— Et tu ne rencontres pas de rebelles ?

— Non ; d’abord parce que je ne m’adresse qu’à celles que j’ai bien observées et dont j’ai deviné le tempérament ; ensuite, lorsque j’ai envie d’une « nouvelle », je le dis à l’une de mes deux ou trois confidentes qui me la préparent.

— De sorte, mademoiselle, que les pucelles vous tombent toute rôties ?…

— Mon Dieu, oui ; et ce qu’il y a de plus joli, c’est que je les croque, et qu’elles sont encore pucelles…

— Il se fait tard, il faut que je rentre maintenant… Adieu, ma petite Berthe…

Et voilà, ma Cécile, la cause de mon retard.

. . . . . . . . . . . . . .

Je lui ai pardonné de bon cœur son incartade. Elle a une manière si plaisante de vous raconter ces petites polissonneries, qu’on ne peut lui en vouloir. Ce n’est peut-être pas la dernière fois que j’aurai à te mettre au courant de ses aventures. C’est un vrai « homme » pour l’entrain à l’attaque et la vigueur au combat. Cela tient sans doute à sa conformation physique, qui fait d’elle une hermaphrodite.

Un million de baisers de ta

Cécile.