Les Stratagèmes (Frontin)/Trad. Bailly, 1848/Livre II/Chapitre II

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Texte édité et traduit par Charles Bailly, 1848.
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II. Choisir le lieu pour le combat.

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1. M. Curius, voyant l’impossibilité de résister à la phalange de Pyrrhus, quand elle était déployée, fit en sorte de la combattre dans un lieu étroit, où les rangs trop pressés devaient s’embarrasser eux-mêmes.

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2. Cn. Pompée, en Cappadoce, choisit pour son camp une hauteur, d’où ses troupes, secondées dans leur élan par la pente du terrain, fondirent sur l’armée de Mithridate, et remportèrent facilement la victoire.

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3. C. César, ayant à combattre Pharnace, fils de Mithridate, rangea son armée sur une colline, ce qui lui valut une prompte victoire : car les javelots, lancés d’en haut sur les barbares, qui montaient à l’attaque, leur firent sur-le-champ prendre la fuite.

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4. Lucullus, au moment de livrer bataille à Mithridate et à Tigrane près de Tigranocerte, dans la Grande Arménie, se hâta d’occuper, avec une partie de ses troupes, un plateau couronnant une hauteur voisine, d’où il fondit sur les ennemis, qui étaient plus bas. Il prit en flanc leur cavalerie, la mit en déroute, et, l’ayant culbutée sur leur infanterie, qu’elle écrasa, il obtint une éclatante victoire.

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5. À l’approche des Parthes, Ventidius ne fit sortir son armée du camp que lorsque ces barbares ne furent plus qu’a cinq cents pas de lui. Alors, courant soudainement à leur rencontre, il s’approcha tellement, que les flèches, qui ne peuvent servir que de loin, leur furent inutiles, et que l’on combattit corps à corps. Cet artifice, joint à l’assurance qu’il avait montrée dans l’attaque, lui donna bientôt la victoire sur ces barbares.

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6. Annibal, sur le point d’en venir aux mains avec Marcellus, près de Numistron, couvrit son flanc de chemins creux et escarpés ; et, profitant de la disposition du terrain comme d’un retranchement, il vainquit cet illustre capitaine.

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7. Près de Cannes, le même général, ayant observé que du lit du Vulturne, plus que de tout autre fleuve, il se lève le matin un grand vent qui lance des tourbillons de sable et de poussière, rangea son armée de manière que toute la violence de ce vent, qu’elle recevait par derrière, donnât dans le visage et dans les yeux des Romains. Admirablement secondé par un désavantage qu’il tournait ainsi contre l’ennemi, il remporta une victoire mémorable.

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8. Marius, se disposant à livrer bataille aux Cimbres et aux Teutons le jour qui avait été fixé, fit prendre de la nourriture à ses troupes pour leur donner des forces, et les plaça devant son camp, afin que l’armée ennemie, plutôt que la sienne, se fatiguât en parcourant l’espace qui les séparait. Il mit encore un autre désavantage du côté des Cimbres : d’après la disposition de sa ligne de bataille, les barbares recevaient en face le soleil, le vent et la poussière.

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9. Cléomène, roi de Sparte, ayant en tête Hippias, général athénien, qui lui était supérieur en cavalerie, joncha d’arbres coupés la plaine dans laquelle il voulait combattre, et la rendit inaccessible aux chevaux.

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10. Les Ibères, surpris par une armée nombreuse, en Afrique, et craignant d’être enveloppés, s’adossèrent à un fleuve qui, en cet endroit, coulait entre des rives élevées. Ainsi défendus d’un côté par le fleuve, étant d’ailleurs les plus braves, ils firent successivement des charges sur les troupes qui s’approchaient le plus, et détruisirent ainsi toute l’armée ennemie.

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11. Le Lacédémonien Xanthippe, en choisissant d’autres lieux pour combattre, changea par cela seul la fortune de la première guerre Punique. En effet, étant appelé comme mercenaire à Carthage, où l’on perdait déjà tout espoir, et sachant que les Africains, dont la cavalerie et les éléphants faisaient la principale force, recherchaient les hauteurs, tandis que l’armée romaine, supérieure en infanterie, se tenait en rase campagne, il y conduisit aussi les Carthaginois ; et là, ayant, au moyen des éléphants, jeté le désordre dans les rangs des Romains, il les dispersa, mit à leur poursuite la cavalerie numide, et tailla en pièces une armée jusqu’alors victorieuse sur terre et sur mer.

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12. Épaminondas, général thébain, prêt à s’avancer en bataille contre les Lacédémoniens, fit courir sur le front de son armée des cavaliers qui élevèrent un nuage immense de poussière devant les yeux de l’ennemi ; et, pendant que celui-ci s’attendait à un engagement de cavalerie, Épaminondas, faisant un circuit avec son infanterie, se posta de manière à pouvoir prendre à dos les Lacédémoniens, fondit sur eux à l’improviste, et les tailla en pièces.

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13. Contre l’armée innombrable des Perses, trois cents Spartiates défendirent le pas des Thermopyles, défilé où seulement un pareil nombre d’ennemis pouvaient les combattre de près. Ainsi égaux en nombre aux barbares, quant à la facilité d’en venir aux mains, mais plus braves qu’eux, ils en tuèrent une grande partie ; et ils n’auraient pas été vaincus, si les Perses, guidés par le traître Éphialte, de Trachinie, ne les eussent pas surpris par derrière.

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14. Thémistocle, général athénien, voyant que le parti le plus utile à prendre, de la part des Grecs, contre la flotte immense de Xerxès, était de livrer bataille dans le détroit de Salamine, et ne pouvant y déterminer ses concitoyens, amena les barbares, au moyen d’une ruse, à mettre les Grecs dans la nécessité de profiter de leurs avantages. Par une trahison simulée, il envoya un messager à Xerxès, pour l’avertir que les Grecs alliés songeaient à se retirer, et qu’il rencontrerait trop de difficultés s’il fallait qu’il assiégeât leurs villes l’une après l’autre. Ce stratagème réussit d’abord à ôter le repos aux barbares, qui furent pendant toute la nuit sur leurs gardes et en observation ; puis à obliger les Grecs, dont les forces étaient entières, à combattre avec les barbares, fatigués de leur veille, dans un lieu étroit, comme il le désirait, où Xerxès ne pouvait tirer avantage des nombreux vaisseaux qui faisaient sa force.


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14. Phalangi regis Pyrrhi. Polybe (liv. xviii, ch. 11) indique l’usage que Pyrrhus faisait de cette phalange, dont on trouve déjà une image du temps d’Homère :

…………… Οί γὰρ ἄριστοι
Κρινθέντες Τρῶάς τε καὶ Ἕκτορα δῖον ἔμιμνον.
Φράξαντες δόρυ δουρὶ, σάκος σάκεϊ προθελύμνῳ·
Ἀσπὶς ἄρ᾽ ἀσπίδ᾽ ἔρειδε, κόρυς κόρυν, ἀνέρα δ᾽ ἀνήρ.
(Iliados lib. XIII, v. 128.)
« Les plus braves (des Grecs), rangés en bataille, s’apprêtent à recevoir les Troyens et le divin Hector ; ils se serrent lance contre lance, pavois contre pavois ; le bouclier est uni au bouclier, le casque au casque, le guerrier au guerrier. »

15. C. Cæsar adversus Pharnacem.Voyez le récit plus étendu de César, Guerre d’Alexandrie, ch. lxxiii-lxxvi.

16. Cavas et præruptas. Tite-Live, qui rapporte (liv. xxvii, ch. 2) que la victoire resta indécise, ne parle pas de ces chemins escarpés derrière lesquels Annibal aurait, d’après Frontin, retranché une partie de son armée.

17. Vulturnum. Au lieu de ce mot, il faudrait Aufidum, d’après Tite-Live (liv. xxii, ch. 43-46).

Les inconvénients du soleil, du vent, de la pluie, etc., qui sont l’objet d’une recommandation absolue de la part de Végèce (liv. iii, ch. 13), ont paru trop peu importants à plusieurs écrivains modernes. Il y a cependant un grand nombre de faits accomplis dans nos dernières guerres, qui viennent à l’appui de l’ancien précepte : nous n’en citerons qu’un. Pendant la campagne de France, le 27 mars 1814 à Connantray, la cavalerie de la garde russe, profitant d’une giboulée qui fouettait violemment le front de l’armée du duc de Raguse et du duc de Trévise, fit une charge générale, et mit les Français en déroute, en leur prenant vingt-quatre pièces de canon.

18. Adverso sole.Voyez les récits de Plutarque, Vie de Marius, ch. xxvi ; de Florus, liv. iii, ch. 3 ; et de Polyen, liv. viii, ch.10, § 3.

19. Planitiem… arboribus prostratis impedivit. Les tacticiens ont de tout temps recommandé les stratagèmes de ce genre : Miltiade en donna un exemple à Marathon. Voyez Cornelius Nepos, Vie de Miltiade, ch. v.

20. Hiberi in Africa. Ces Ibères étaient sans doute des Espagnols mercenaires au service de Carthage.

21. Epaminondas. Polyen (liv. i, ch. 3, § 14) rapporte le même fait.

22. Lacedæmonii trecenti. Ce récit de Frontin ne donne qu’une idée incomplète et inexacte du combat des Thermopyles. Voyez, pour plus de détails, Hérodote, liv. vii, ch. 213-214 ; Justin, liv. ii, ch. 11 ; Diodore de Sicile, liv. xi, ch. 13 ; Polyen, liv. vii, ch. 15, § 5.

23. Adversus multitudinem Xerxis navium. Cf. Hérodote, liv. viii, ch. 41 ; Justin, liv. ii, ch. 12 ; Polyen, liv. i, ch. 30 ; Plutarque, Vie de Thémistocle, ch. xii et suiv. ; Diodore de Sicile, liv. xi, ch. 19.


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