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Les Tremblements de terre/I/05

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J.-B. Baillière et Fils (p. 84-114).

CHAPITRE V


CENTRE D’ÉBRANLEMENT


La détermination de l’épicentre, le tracé des courbes isoséistes et homoséistes, constituent des problèmes qui dès maintenant sont abordés avec succès. Dans un avenir peu éloigné, la solution s’en fera certainement d’une façon très satisfaisante pour chaque cas particulier ; c’est pourquoi, plus d’un chercheur, ami de la précision que comportent les sciences positives, s’estimera peut-être heureux de borner là le but de son travail. Cependant l’esprit ne s’arrête qu’avec peine à cette limite. Un autre problème plus malaisé se présente invinciblement à la pensée de tous ceux qui s’occupent de la question des tremblements de terre. Si on pouvait le trancher sûrement, on ferait faire un tel progrès à la connaissance des phénomènes séismiques, qu’on serait en droit de se croire à la veille de pénétrer la nature intime des mystérieux agents qui en sont les instigateurs.

Il s’agit de la détermination de la profondeur à laquelle siège le centre d’ébranlement ou ce que l’on appelle encore quelquefois le foyer d’un séisme. Plusieurs procédés ont été proposés pour atteindre ce but.

Le plus communément employé est fondé sur l’observation de la rapidité plus ou moins grande avec laquelle l’intensité des secousses décroît à partir de l’épicentre. Ce procédé a été, de temps immémorial et presque instinctivement, mis en usage par tous ceux qui s’occupent de la question des tremblements de terre. Plus le foyer séismique est profond, et plus l’épicentre couvre une vaste surface, plus l’intensité des mouvements communiqués décroît lentement à mesure qu’on s’écarte de la région la plus maltraitée. Si le foyer était situé au centre même du globe, les secousses se feraient sentir partout à la surface à peu près avec la même énergie. Les différences dans l’action transmises tiendraient exclusivement, comme nous l’avons vu, à la diversité des conditions géologiques locales. Inversement, si le centre d’ébranlement se trouvait près de la superficie terrestre, l’épicentre se réduirait presque à un point et le mouvement transmis décroissant d’intensité à partir de ce point proportionnellement au carré de la distance cesserait rapidement d’être perceptible. C’est entre ces deux conditions extrêmes que les tremblements de terre se développent ; mais, tandis que les cataclysmes séismiques à epicentre très restreint et à ébranlements rapidement décroissants sont très fréquents, le cas contraire ne s’observe que rarement, et encore, dans ces circonstances exceptionnelles, la décroissance d’intensité du mouvement est assez rapide pour que l’on ait pu conclure que, dans tout tremblement de terre, le centre d’ébranlement avait son siège dans l’épaisseur de l’écorce de notre globe. Assurément, ces conclusions, considérées comme absolument rigoureuses, dépassent la limite des observations, car la décroissance de l’intensité des secousses d’un tremblement de terre n’a jamais été déterminée mécaniquement avec précision ; jamais on n’a donné un tracé certain des courbes isoséistes et même, on est en droit de se demander si le défaut d’homogénéité des masses qui composent l’écorce terrestre n’empêchera pas à tout jamais d’atteindre le degré d’exactitude cherché ; mais néanmoins, les faits constatés sont tels qu’il y a la plus grande probabilité en faveur de l’opinion que ces conclusions représentent. Il y a donc lieu de considérer cette méthode, quelque grossière qu’elle soit, comme susceptible de fournir des indications approximatives.

Une autre méthode a été proposée par R. Mallet. Elle repose sur la relation simple qui existe théoriquement entre la direction suivant laquelle les secousses atteignent un lieu donné, et la disposition des crevasses qui s’y produisent, soit dans le sol, soit dans les murs des constructions. En effet, un ébranlement qui se communique à une masse solide se propage en y donnant naissance à des vibrations, c’est-à-dire à des mouvements dans lesquels le sens des déplacements moléculaires change à chaque instant. Si la limite d’élasticité de la masse solide se trouve dépassée, la masse ébranlée se fend, une rupture s’opère, transversalement à la direction dans laquelle le mouvement s’est effectué. Mallet, se basant sur ces idées théoriques, en a conclu qu’il suffisait, par exemple, de constater dans les localités en dehors de la zone épicentrale, la direction des plans de fracture des constructions, pour pouvoir trouver, au moyen de perpendiculaires menées à ces plans, le lieu de leur convergence souterraine, lequel ne serait autre que le foyer séismique.

Ayant appliqué ces principes à l’examen des crevasses des maisons en ruines par suite du tremblement de terre de 1847, près de Naples, il en a conclu que le centre d’ébranlement y avait siégé à une profondeur d’environ 11 kilomètres.

Depuis l’époque où Mallet a publié ses remarquables études, on a cherché bien des fois à appliquer son procédé et l’on y a rarement réussi. Les règles qu’il a données sont presque toujours contredites par l’observation en raison de la complexité des causes qui déterminent le phénomène.

Lors des tremblements de terre de Céphalonie et de Mételin en 1867, et plus récemment, lors du tremblement de terre d’Andalousie en 1884, je n’ai pu constater aucune vérification des idées de Mallet, ni tirer aucun parti de son procédé. À côté d’un exemple qui semble concorder avec la conception de cet auteur, on en trouve dix qui conduiraient à des conclusions absurdes. Il m’a semblé qu’il y avait là une part énorme laissée à l’arbitraire et qu’il fallait éviter avec le plus grand soin de se laisser aller à ses premières impressions, car autrement, on risque fort de prendre des déductions illusoires pour des données positives. Ce n’est donc, évidemment, que dans des conditions tout à fait exceptionnelles, qu’il pourra être permis d’attendre quelques résultats sérieux de l’application de cette méthode.

Cependant, nous ne pouvons clore ce débat, sans citer un exemple intéressant de l’emploi du procédé de Mallet.

Lors du tremblement de terre du 28 juillet 1883, dans l’île d’Ischia, au milieu des ruines des habitations, on observait un grand nombre de fentes dans les murs. M. Mercalli, qui les a observées, a déduit la profondeur du foyer séismique de l’inclinaison des fentes en cinq points situés à des distances inégales de l’épicentre. Parmi les nombreuses observations qu’il a pu faire, ce sont, dit-il, celles qui lui ont paru mériter quelque confiance.

localités distance
de l’épicentre
angle
d’émergence[1]
profondeur
du foyer calculée
Casamicciola marina    1200m  45° km
1,200
Casamicciola 1000 45 1
Forio 2500 15 0,669
Fiajano 3000 30 1,732
Morapane 3000 25 1,399

Pour déterminer la profondeur du centre d’ébranlement, Mallet a imaginé encore une autre méthode fondée également sur la connaissance de l’angle d’émergence du rayon mené au foyer du tremblement de terre, mais indépendant de l’observation des fentes. Le procédé a pour base l’examen du phénomène suivant : Supposons une boule placée sur le bord d’une terrasse. Appelons la hauteur de la terrasse au-dessus du sol, la distance horizontale comprise entre cette verticale et le point où la boule est projetée par une secousse. Soit l’angle d’émergence, , la vitesse du mouvement séismique au moment du choc et l’intensité de la pesanteur, on a l’équation suivante :

Une autre observation, qui peut se faire très fréquemment, permet de déterminer . Mallet suppose que dans le même lieu on a pu constater le renversement d’un corps solide possédant une forme géométrique régulière. Soit la masse de ce corps, la distance de son centre de gravité à l’axe autour duquel s’opère le renversement. La force vive du choc est égale à . Le travail effectué consiste dans le renversement du corps, il est en raison inverse de la distance et égal à la force vive. Soit le moment d’inertie du corps par rapport à l’axe autour duquel il tourne ; soit une certaine fonction de l’angle que forme, avec la verticale, la droite sur laquelle on mesure . On a l’équation :

d’où Mallet déduit la formule :

Il résulte des considérations en question qu’au moyen des deux observations précédentes combinées, on pourrait déduire la valeur de l’angle d’émergence en un point donné, et si, en ce lieu, on connaît la distance à l’épicentre (supposé assez restreint pour être considéré comme un point), en appelant la profondeur du centre d’ébranlement, on a : , ce qui donne la profondeur du foyer.

Cette seconde méthode de Mallet ne paraît pas avoir été sérieusement mise en pratique.

On doit à Falb une méthode qui se rapproche de celle de Mallet en ce que, pour déterminer la profondeur du centre d’ébranlement, elle s’appuie comme la précédente sur la considération de l’angle d’émergence de la ligne qui représente la direction de la secousse. Elle suppose qu’en deux points, E1 et E2, on connaît non seulement les angles d’émergence et , mais de plus, en chacun des deux points la différence de l’azimuth de la composante horizontale du choc et de l’azimuth de la ligne qui joint les deux points E1 et E2.

Soit la différence en question pour le point E1, et la différence correspondante pour le point E2, on a, en appelant la distance des deux points E1 et E2, la formule suivante :

Ce procédé a l’avantage d’être indépendant du tracé des homoséistes et de la détermination de l’épicentre, mais il est évident que dans la pratique il ne vaut pas mieux que le premier procédé de Mallet et la forme mathématique sous laquelle il se présente n’ajoute rien à sa précision.

Il n’a jamais été mis en usage.

L’opinion défavorable que nous venons d’émettre sur les ingénieux procédés, que nous venons d’exposer, est actuellement partagée par la plupart des hommes compétents ; on ne se fait plus guère d’illusion sur la possibilité de tirer parti de ces conceptions. Il n’en est pas de même pour une autre méthode dont la première idée paraît remonter à Hopkins, mais qui a particulièrement été développé et préconisée par Seebach. Elle est fondée sur la considération de l’heure du commencement de la secousse en des points inégalement distants de l’épicentre. Déjà, nous avons dit que l’extension du mouvement dans un tremblement de terre se faisait différemment, suivant que le centre d’ébranlement avait son siège à faible distance de la surface du sol ou qu’il était, au contraire, profondément situé. Dans le premier cas, les secousses se propagent avec une vitesse sensiblement uniforme ; les courbes homoséistes, représentant les lieux où la commotion se fait sentir au bout d’intervalles de temps égaux, sont presque également écartées les unes des autres. Dans le second cas, la vitesse, d’abord très grande, se ralentit ensuite, et d’autant plus que le centre d’ébranlement est plus profond, pour ne devenir constante qu’à une grande distance de l’épicentre. Seebach a exprimé ces relations au moyen d’une élégante construction géométrique qui permet de déduire la profondeur du foyer séismique et la vitesse de propagation du mouvement dans le sol, de la connaissance de la vitesse aux différents points de la surface.

Soit la profondeur du centre d’ébranlement, la distance d’un point D quelconque de la région ébranlée à ce centre, et la distance du même point à l’épicentre supposé réduit à un point que nous appellerons point épicentral, on a :

équation d’une hyperbole équilatère, dont le demi-axe est égal à .

Soient le moment de la secousse initiale en O, le moment où elle arrive en D. La distance est parcourue dans le temps .

Soit la vitesse de propagation de l’ébranlement dans le sol, on a :

et en substituant à cette valeur dans l’équation (1) il vient :

Si l’on possède trois points D d’observation pour lesquels on connaisse la distance à l’épicentre et le temps d’arrivée de la secousse, l’équation (2) fournit le moyen d’obtenir les valeurs de , de et de . On a donc ainsi un procédé très simple pour déterminer les éléments séismiques cherchés, savoir : la profondeur du centre d’ébranlement, l’instant du choc initial et la vitesse de propagation des secousses.

La relation entre les éléments du problème séismique a été encore présentée par Seebach sous une autre forme.

Si du point O comme centre avec la distance OE comme rayon on décrit un arc de cercle, la droite OD se trouve coupée en un point C dont la distance au point D est égale à .

Si dans l’équation (1) on remplace par , il vient :


équation d’une hyperbole rapportée à deux axes qui se croisent à l’un de ses sommets.

D’après cette équation, on voit que pour toutes les valeurs finies de , et que ces deux quantités ne deviennent égales que pour . Appelons le moment où la secousse arrive au point épicentral ; alors la distance est parcourue dans le temps  ; d’où il suit que :

Si l’on appelle la vitesse avec laquelle le tremblement de terre se propage à la surface du sol, on a aussi :

d’où l’on déduit :

et comme , on en conclut que c’est-à-dire que la vitesse de propagation des secousses à la surface du sol est plus grande que leur vitesse de propagation dans le sol. On sait d’ailleurs que les valeurs de et de sont d’autant plus rapprochées l’une de l’autre que le mouvement transmis est considéré en un point plus éloigné de l’épicentre. En supposant le sol homogène, est constant, est variable et se rapproche d’autant plus de que la secousse se transporte plus loin.

Seebach a tiré de l’équation précédente une construction graphique qui peut offrir un certain intérêt pratique.

On a, en effet :

étant donné par l’observation directe ainsi que , l’hyperbole représentée par cette équation peut être aisément construite. Le demi-axe est égal à et la tangente de l’angle formé par l’asymptote avec l’axe des représente la vitesse de propagation des secousses dans le sol.

La méthode de Seebach donne prise à de graves objections. En premier lieu elle implique l’exactitude d’une hypothèse que l’observation ne semble pas généralement confirmer. Elle suppose, en effet, que la portion du sol qui est le théâtre du séisme est sensiblement homogène. Seebach et ses nombreux disciples admettent tous plus ou moins explicitement que les matières au sein desquelles un tremblement de terre prend naissance profondément sont, au point de vue de leur élasticité, peu différentes de celles qui constituent la partie superficielle de l’écorce terrestre ; ou bien encore, ils considèrent le revêtement extérieur de cette écorce, lequel est relativement très mince et composé de roches éruptives et sédimentaires extrêmement variées, comme pouvant être négligé par rapport à la partie sous-jacente que traversent les secousses séismiques. Ceux qui se servent de cet argument font remarquer que les roches secondaires et tertiaires ne forment en réalité qu’une sorte de placage à la surface de l’enveloppe solide du globe ; les roches cristallines, stratoïdes ou compactes affleurent entre elles et leur servent partout de soubassement, de telle sorte qu’on est en droit d’affirmer que même au milieu des grands bassins sédimentaires, si l’on pouvait pénétrer à une profondeur relativement peu considérable, on serait certain de ne rencontrer que des masses cristallisées d’autant plus denses qu’on s’enfoncerait davantage dans l’épaisseur de l’écorce terrestre. Il y a donc, disent-ils, bien des chances pour que le foyer séismique soit situé dans un milieu de composition uniforme, et, effectivement, plus ce foyer est profond et plus cette conception se rapproche de la vérité. Mais il ne peut plus en être de même quand il n’est situé qu’à quelques kilomètres de profondeur ; dans ce cas, en effet, la partie massive du sol et la partie hétérogène qui lui est superposée ont des épaisseurs comparables et le tout ne peut plus être assimilé à un milieu identique dans toute son épaisseur. Le plus ordinairement même, on ne peut partir de l’hypothèse d’une succession régulière de masses disposées dans un ordre méthodique, car on sait que les tremblements de terre ont pour sièges habituels des régions qui, au moins superficiellement, sont brisées et disloquées.

On peut objecter encore contre le procédé graphique imaginé par Seebach qu’il suppose un foyer séismique étroitement localisé dans les profondeurs du sol, et que contrairement à l’opinion théorique dont il est l’expression, il est à peu près démontré aujourd’hui que certains ébranlements souterrains ont pour point de départ une surface très étendue.

En résumé, la méthode basée sur l’examen des courbes homoséistes ne sera probablement trouvée applicable dans l’avenir qu’à un nombre très limité de cas, que l’on pourra distinguer seulement après une discussion attentive et minutieuse.

Il faudra la rejeter quand on constatera par exemple que la vitesse de propagation superficielle augmente au lieu de diminuer avec la distance à l’épicentre, ou bien encore quand l’épicentre sera extrêmement allongé ou très irrégulier.

Lors du tremblement de terre de la côte de Ligurie, en 1887, M. Offret a cherché si la méthode de Seebach était applicable. Dans ce but il a recueilli un grand nombre de données horaires qui permettent de trancher la question. Dans un premier tableau il détermine les vitesses de propagation du mouvement, à partir de l’épicentre jusqu’en des points dont les distances à celui-ci varient de 75 à 400 kilomètres. Un second tableau contient les vitesses pour des points dont l’éloignement varie de 320 à 1500 kilomètres. Or, si l’on consulte le premier tableau, on voit que pour les localités dont les distances à l’épicentre varient de 75 à 250 kilomètres, la vitesse constatée varie de 500 à 800 mètres environ par seconde ; de 250 à 300 elle varie de 700 à 1000 mètres et de 300 à 400 elle est comprise entre 800 et 1200 mètres.

Le second tableau montre que pour des localités dont l’éloignement à l’épicentre est compris entre 500 et 1000 kilomètres, la vitesse varie de 1100 à 1700 mètres par seconde, et enfin, pour Lisbonne, ville située à 1500 kilomètres de l’épicentre, la vitesse moyenne superficielle trouvée a été de près de 2 100 mètres.

Dans la discussion de ces chiffres, M. Offret a tenu grand compte des erreurs possibles et cependant il fait remarquer avec raison que les vitesses trouvées, quelque imparfaitement fixées qu’on les suppose, laissent apercevoir avec netteté le sens de leur variation de grandeur.

Elles croissent avec la distance à l’épicentre. — Ce fait, dit-il est en contradiction avec les idées admises jusqu’à présent par tous les savants qui se sont occupés de la détermination de la profondeur du foyer séismique. On ne peut donc partir dans tous les cas de cette idée théorique que le sol est sensiblement homogène à une faible profondeur et négliger les variations de composition et de structure qui existent dans la partie superficielle de la croûte terrestre.

Cet exemple montre avec quelle réserve extrême il faut accueillir la théorie de Seebach. Cependant elle ne doit pas non plus être rejetée a priori. Quelquefois elle pourra être mise en usage ; elle conduira par une voie simple et élégante à la solution de l’importante question qui nous occupe. Son emploi est d’autant plus digne d’être recommandé qu’elle a pour base l’examen de données horaires qui, grâce au perfectionnement et l’installation plus fréquente des séismographes, seront de plus en plus obtenues avec précision.

Jusqu’à présent c’est elle qui a été employée de préférence en Allemagne et en Autriche. Son application à différents tremblements de terre a donné pour les vitesses de propagation superficielle des nombres compris entre 10 et 35 kilomètres (je néglige à dessein les nombres trouvés en deçà ou au delà de cette limite, lesquels ne me paraissent pas présenter les conditions désirables de certitude).

Von Lasaulx, l’un des partisans les plus zélés de la méthode de Seebach, l’a appliquée aux données qu’il avait recueillies lors des deux tremblements de terre de Herzogernrath de 1873 et de 1877. Dans le premier cas, il a trouvé que le foyer séismique était situé à une profondeur de 28 kilomètres ; dans le second, à environ 27 kilomètres et demi (3,619 milles allemands). Dans ce cas la secousse aurait employé 56s,2 pour parvenir du centre d’ébranlement à l’épicentre.

Von Lasaulx a été un des savants les plus recommandables parmi ceux qui dans ces dernières années ont cultivé la physique terrestre. L’examen qu’il a fait des deux tremblements de terre d’Herzogernrath peut passer pour un modèle en ce genre. Cependant, si l’on compare, par exemple, dans l’opuscule qu’il a publié sur le tremblement de terre du 24 juin 1877, les renseignements recueillis par lui et les conclusions qu’il en a tirées, on est étrangement frappé de l’incertitude des premières et de la confiance du regretté physicien dans les secondes. Dans la notice en question tout s’enchaîne si méthodiquement, les faits sont présentés inconsciemment avec un tel art, les déductions paraissent si logiques, qu’involontairement on se laisse aller à accepter toutes les déductions de l’auteur et à considérer comme démontré ce qui en réalité n’est que vaguement aperçu.

Il applique la méthode de Seebach et trace la figure géométrique recommandée par l’auteur en considérant la propagation du tremblement de terre au travers des homoséistes compris entre les environs d’Aix-la-Chapelle et Haldern, localité située au delà de Bonn. L’épicentre réduit à un point est supposé placé assez arbitrairement à 7 kilomètres d’Aix-la-Chapelle un peu au delà de la frontière hollandaise. Sur le tracé graphique qu’il a donné, les abscisses représentant les distances comptées à partir de ce point, les ordonnées représentant en minutes le temps de l’arrivée de la secousse en chaque localité, il trouve ainsi que Düsseldorf, Cologne, Bonn, Solingen, Neviges, Haldern donnent des points appartenant à une même ligne droite. Wittlaer s’en écarte très peu. Voilà donc l’asymptote de l’hyperbole obtenue. Mais si on se reporte au recueil des observations, on n’en trouve qu’une seule, celle de Bonn qui soit rigoureusement exacte ; toutes les autres sont fournies par des horloges de chemin de fer ou par des montres comparées plus tard à ces horloges.

Von Lasaulx n’indique pas comment étaient réglées en 1877 les horloges des chemins de fer allemands. Il n’est pas probable qu’elles aient été, surtout à cette époque, mieux réglées que les horloges françaises, c’est-à-dire à une minute près au moment du réglage qui ne se fait pas tous les jours. D’ailleurs, l’heure recueillie en chaque point par von Lasaulx n’est donnée qu’à une minute près, il ne faut donc pas se laisser éblouir par les secondes qui figurent dans le tableau des heures transformées en heures de Cologne. L’heure de Bonn est seule fournie à 10 secondes près, grâce à la donnée recueillie à l’observatoire astronomique de cette ville. En réalité, toutes les autres heures indiquées peuvent être fautives d’une minute et alors on voit avec ces erreurs possibles ce que devient l’asymptote si rigoureusement tracée par von Lasaulx.

Des réflexions analogues peuvent être faites à propos des heures de la secousse dans les localités voisines de l’épicentre et même en deux points à Rolduc et à Kerkrade l’heure est donnée par des arrêts de pendule et von Lasaulx considère cet arrêt comme ayant été instantané, ce qui ne saurait être exact. En admettant que les heures de Rolduc et d’Aix-la-Chapelle soient fautives d’une minute, le nombre obtenu par von Lasaulx fait plus que doubler immédiatement. Et si, d’autre part, on admet une erreur de même ordre et de sens inverse, dans la position du point de rencontre de l’asymptote avec l’axe des , on voit le faible degré d’exactitude du nombre admis par le savant physicien.

Nous avons cherché à utiliser la méthode de Seebach pour déterminer la profondeur du centre d’ébranlement du récent tremblement de terre de la côte de Ligurie. La chose semblait se présenter dans les conditions les plus favorables. On avait, en effet, tout le long de la ligne de chemin de fer qui longe la corniche de Marseille à Gênes, une série nombreuse de localités où l’heure d’arrivée de la secousse avait été déterminée sur des horloges de chemin de fer qui venaient d’être réglées. Sur cette même ligne des observatoires astronomiques avaient fourni l’heure exacte. Plus loin de bonnes observations avaient été faites dans les établissements météorologiques d’Italie et de Suisse par des hommes expérimentés ; enfin à une distance plus grande on trouvait les données résultant de la constatation des perturbations magnétiques. Eh bien, tout cela transporté sur le papier quadrillé destiné au tracé de la courbe a donné des résultats tellement incohérents qu’il a fallu renoncer à l’espoir d’obtenir une ligne régulière quelconque. Assurément, dans les nombres qui figurent sur les tableaux dressés par M. Offret, on pourrait faire un choix et obtenir ainsi une courbe qui ressemblerait un peu à une branche d’hyperbole, mais nous ne croyons pas qu’un tel procédé puisse être rationnellement employé.

La complexité du tracé que nous avons obtenu dans cet essai est pour nous la preuve que l’hétérogénéité du terain traversé par la commotion souterraine exerce une influence capitale sur le mode de propagation de l’onde séismique et ce résultat met ainsi en évidence la cause pour laquelle le procédé de Seebach n’a pas été applicable.

Kortum a montré dans un travail spécial adjoint à l’une des notices de von Lasaulx l’influence considérable qu’exerçait une petite erreur dans la détermination du temps sur le nombre qui représente la profondeur du foyer séismique ; et, pour rémédier autant que possible à cette circonstance fâcheuse, il a proposé d’appliquer la méthode des moindres carrés à la correction des nombres fournis par l’observation directe. Assurément il y aurait avantage notable à suivre le conseil de Kortum si l’incertitude des nombres obtenus provenait exclusivement d’erreurs personnelles d’observation ; mais tel n’est pas le cas, et quand la méthode de Seebach n’est pas applicable, il est certain que celle de Kortum ne l’est pas davantage.

Un savant auquel on doit des vues originales et d’ingénieuses observations sur les tremblements de terre, Falb, a eu l’idée, pour résoudre la question du centre d’ébranlement, de recourir à la détermination de l’intervalle de temps qui s’écoule entre l’arrivée d’une secousse et celle du bruit qui la précède ou qui l’accompagne ordinairement. C’est un fait bien connu et que l’on peut vérifier dans tous les séismes importants, qu’un bruit plus ou moins intense est presque toujours le phénomène initial et précurseur d’une commotion du sol. On l’a comparé tantôt au grondement d’un tonnerre lointain, tantôt au roulement d’un train de chemin de fer, au bruit occasionné par le passage d’une voiture lourdement chargée sur un pavé inégal, au cliquetis d’un bruit de chaînes.

Tous ceux qui s’occupent de physique terrestre admettent qu’il est engendré par la même cause qui produit l’ébranlement du terrain et que les deux phénomènes prennent simultanément naissance. S’il précède généralement la secousse, c’est que les vibrations qui lui correspondent se propagent plus rapidement que celles auxquelles on doit les mouvements destructeurs. Dès lors, plus on est éloigné du centre d’ébranlement et plus l’intervalle de temps compris entre le moment de la perception du bruit et celui de la sensation du choc doit augmenter, le rapport entre la vitesse de propagation de la secousse et celle du son étant supposé fixe. Il existerait donc, d’après cela, dans l’observation du laps de temps qui s’est écoulé entre ces deux phénomènes en un lieu donné, un moyen de savoir si l’on est à une distance plus ou moins grande du foyer séismique. Le calcul est analogue à celui qui permet de déterminer la distance à laquelle on se trouve d’un nuage orageux lorsqu’on connaît le temps qui s’est écoulé entre l’arrivée de l’éclair et celle du coup de tonnerre correspondant. Il y a cependant une difficulté de plus que dans le cas du phénomène qui nous sert de terme de comparaison, car on connaît la vitesse de transmission de la lumière ainsi que celle du son dans l’air, tandis que généralement on ne connaît ni la vitesse de propagation du mouvement, ni celle du son dans le sol.

Voyons cependant quel parti Falb a su tirer de sa méthode et comment il a su en soumettre les éléments au calcul.

Soit la vitesse du mouvement séismique dans le sol, et la vitesse du bruit correspondant.

Soit le temps écoulé depuis l’origine du mouvement jusqu’à l’arrivée de la secousse en un point E1 de la surface du sol, et le temps écoulé de même jusqu’à l’arrivée du son au même point.

En appelant la distance du point E1 au centre d’ébranlement O, on a :

Appelons la différence , et, comme précédemment, la profondeur du centre d’ébranlement, l’angle d’émersion.

et comme on a il vient :

Et d’autre part, en appelant la distance du point E1 à l’épicentre E supposé réduit à un point, on a :

De la sorte, la profondeur du centre d’ébranlement et l’angle d’émergence se trouvent exprimés en fonction de , , et . Si l’on suppose constant le rapport de les deux formules précédentes deviennent :


En supposant le sol homogène, et peuvent être déterminés directement par l’observation, car à une distance suffisante de l’épicentre les vitesses de propagation des vibrations observées dans la couche superficielle du sol deviennent respectivement pour le choc d’un tremblement de terre et pour le bruit qui l’accompagne égales à et . Ces deux quantités sont d’ailleurs susceptibles d’être expérimentalement mesurées.

La connaissance de et de résulte aussi d’observations directes.

Von Lasaulx a tenté d’appliquer cette méthode de Falb à la recherche des éléments séismiques du tremblement de terre de Herzogenrath du 24 juin 1877, mais il a été immédiatement arrêté par une difficulté, n’est pas constant ; alors, au lieu d’employer les procédés que nous venons d’indiquer pour obtenir la connaissance de et de et par suite pour arriver à la détermination de , il a utilisé les nombres qu’il avait obtenus pour et pour au moyen de la méthode de Seebach. Il a ainsi calculé en deux localités ébranlées par le tremblement de terre.

Les valeurs de et de qui lui servent de point de départ sont : , par seconde.

Pour calculer la première observation dont il se sert est celle qui a été faite à Rolduc, localité distante de du point épicentral E. En ce lieu l’arrivée du bruit a précédé celle de la commotion de 1 seconde, d’où il suit qu’à partir du centre d’ébranlement jusqu’en ce point, a été égal à 493 mètres et .

Si eût été constant, le bruit aurait précédé la secousse de près de 7 secondes à Düsseldorf et d’un peu plus de 9 secondes à Bonn, eu égard à la distance de ces deux villes du point épicentral. Il n’en a rien été. À Düsseldorf on avait déjà ressenti deux ou trois oscillations du sol lorsque le bruit a commencé. À Bonn, c’est seulement à la fin de la secousse, deux secondes et demie après son début que le bruit s’est fait entendre.

Il en résulte, par exemple, qu’en prenant pour Bonn les mêmes valeurs de et de que pour Rolduc, on trouve :

la distance de Bonn au point épicentral étant de .

Le rapport va donc en augmentant avec la distance des localités considérées au point épicentral. Les choses se passent donc comme si la vitesse de propagation de la secousse dans le sol demeurant constant, la vitesse de propagation des vibrations correspondant au bruit allait en diminuant, à mesure qu’on s’éloigne du point épicentral. Von Lasaulx partant des valeurs de trouvées pour Rolduc et pour Bonn, a calculé le coefficient de ce retard. Il a trouvé ainsi, que pour avoir en chaque lieu l’heure qui serait observée pour l’arrivée du bruit, si conservait partout la valeur qu’il a au point épicentral, il faut avancer l’heure constatée effectivement d’un nombre de secondes égal à .

On peut ensuite, après cette correction faite à la quantité , et prenant la valeur de donnée par la méthode de Seebach, calculer pour différents points de la région ébranlée et constater ainsi l’accord plus ou moins satisfaisant que l’on trouve entre les divers nombres obtenus pour .

Mais après tout ce que nous avons dit précédemment de la méthode de Seebach, on comprend aisément qu’elle mérite peu de confiance et qu’il serait avantageux de ne pas lui emprunter l’une des données fondamentales d’un calcul.

On arrive à ce résultat au moyen d’une autre procédé proposé par Falb, qui permet d’obtenir la valeur de sans connaître ni , ni . Ce procédé, qui se recommande par sa simplicité, n’est qu’une modification du précédent. Il suppose la connaissance de l’intervalle de temps compris entre l’arrivée du bruit et celle de la secousse en deux localités, dont l’une est le point épicentral.

Soient et les intervalles en question, on a :

et


ce qui permet de déterminer .

Le plus souvent il n’est pas difficile de recueillir des renseignements sur la valeur de en des lieux divers voisins du point épicentral. Alors les valeurs de que l’on obtient pour les localités éloignées du point épicentral se servent mutuellement de moyen de contrôle.

C’est ainsi que von Lasaulx ayant pu être renseigné sur la valeur de , dans les trois localités de Elmpt près de Erkelenz, de Roetgen et de Düsseldorf situées à des distances variées du point épicentral, et connaissant d’ailleurs d’après l’observation de Rolduc, a déduit trois valeurs de de ces données.

À Elmpt , (non corrigé) secondes d’où l’on déduit : .

À Roetgen , (non corrigé) secondes, d’où : .

À Düsseldorf , (corrigé) d’où .

Von Lasaulx se montre très satisfait de l’accord relatif qu’il trouve entre les diverses valeurs qu’il obtient ainsi et de leur faible écart avec celles qu’il a déduites des observations de Rolduc et de Bonn par la méthode de Seebach ou par la combinaison de celle-ci avec celle de Falb. La moyenne des six valeurs de qu’il trouve, est égale à .

Cependant, si comme il l’admet, le rapport n’est pas constant, il faut reconnaître que la méthode de Falb devient bien incertaine. Pour mon compte, bien qu’ayant eu plusieurs fois l’occasion de sentir des secousses de tremblement de terre et d’entendre le bruit séismique, j’ai toujours constaté que l’arrivée du bruit précédait celle de la secousse. C’est pourquoi j’éprouve une certaine répulsion à accepter comme exactes les observations de Düsseldorf et de Bonn citées par Von Lasaulx, malgré l’importance des sources auxquelles elles sont empruntées. Il y a lieu d’en attendre la confirmation par des constatations nouvelles.

En tous cas, la méthode de Falb mérite au plus haut degré d’appeler l’attention de toutes les personnes qui s’intéressent à l’examen des phénomènes séismiques. L’étude des bruits souterrains qui accompagnent les commotions du sol mérite d’être faite tout autant que celle des secousses et avec la même précision.

Il y a lieu de s’inquiéter aussi au point de vue théorique de la cause pour laquelle le bruit et le choc se transmettent avec des vitesses inégales. Dans une note imprimée dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences j’ai émis l’hypothèse que peut-être le bruit est dû aux vibrations longitudinales et la secousse aux vibrations transversales produites par un même ébranlement. Si cette hypothèse était exacte, devrait être constant et égal à 0,58, tandis que Falb et von Lasaulx ont trouvé pour ce rapport le nombre 0,97.

Dans un mémoire publié par Dutton et Hayden sur le tremblement de terre de Charleston[2], ces savants distingués ont exposé un procédé pour calculer la profondeur du centre d’ébranlement fondé sur la considération de la distribution des lignes isoséistes. L’idée première de la méthode remonte à R. Mallet qui l’avait accessoirement présentée.

De même que la loi de décroissance des vitesses de propagation du mouvement à la surface du sol à partir de l’épicentre varie avec la profondeur du centre d’ébranlement, de même la loi de la distribution des intensités se modifie par cette cause. On conçoit donc à priori qu’il soit possible de tirer parti de ce fait pour déterminer la position dans le sol du foyer séismique. Voyons comment Dutton et Hayden ont appliqué le principe en question :



Fig. 20.

Soient la profondeur du centre d’ébranlement, la distance d’un point D de la surface du sol au point épicentral E, l’intensité du mouvement à l’unité de distance à partir du foyer séismique et l’intensité au point D. L’intensité variant en raison inverse du carré de la distance, on a :

Les ordonnées de la courbe qui représente les intensités décroissent rapidement à une certaine distance du point E et plus loin ne varient que lentement ; c’est ce que l’on peut voir aisément en supposant successivement , , , etc. Elle présente donc un point d’inflexion dont la position peut être calculée en égalant à 0 la différentielle seconde de l’équation précédente. Il vient, en effet :







On voit d’après cela que l’abscisse du point d’inflexion est indépendante de l’intensité de l’ébranlement initial, qu’elle dépend uniquement de la profondeur du foyer séismique.

Il résulte de là que si l’on a un moyen pratique de déterminer sur un rayon partant de l’épicentre à la surface du terrain le point où la décroissance des intensités se fait le plus rapidement, la distance de ce point à l’épicentre multipliée par donnera la profondeur du foyer séismique. Le point en question ne peut évidemment être apprécié avec précision qu’au moyen de séismographes convenables distribués dans la région ébranlée. Mais en attendant que des observations scientifiques puissent être établies de manière à constituer un ensemble coordonné, la méthode qui vient d’être exposée peut encore conduire à des données approximatives intéressantes.

En fait, la décroissance rapide cherchée se manifeste sur les bords de la zone centrale à laquelle nous avons donné le nom d’épicentre, réservant celui de point épicentral au point situé sur la verticale du foyer séismique, et bien que les effets destructeurs produits ne soient pas rigoureusement proportionnels à l’intensité de la cause qui les engendre, on peut dans la pratique confondre la courbe qui représente ces effets avec celle qui donnerait les intensités. Le point d’inflexion de l’une est certainement peu différent de position du point d’inflexion de l’autre.

Quand l’épicentre a la forme d’une ellipse plus ou moins allongée, c’est le plus petit rayon de l’ellipse qui doit être multipliée par pour fournir la profondeur du centre d’ébranlement. Cette méthode, appliquée par les savants américains au tremblement de terre de Charleston du 31 août 1886, a donné pour la profondeur cherchée le nombre de 29 kilomètres.

Appliquée au tremblement de terre d’Andalousie du 25 décembre 1884, elle donne 18 kilomètres pour la profondeur du foyer séismique correspondant. La même méthode appliquée au tremblement de terre d’Ischia y donnerait pour la profondeur du foyer seulement 250 mètres, ce qui n’a rien d’improbable.

Il est à remarquer à ce propos qu’une échelle des intensités convenablement choisie devrait, à la simple vue des courbes isoséistes tracées sur la carte d’une région ébranlée par un tremblement de terre, permettre de déterminer le lieu des points qui correspondent à la décroissance plus rapide des intensités. Le long de ces points les courbes isoséistes devraient se resserrer, se rapprocher les unes des autres. Il faut reconnaître que l’échelle Rossi-Forel ne remplit que bien imparfaitement cette condition. Les différents degrés sont trop écartés, et d’autre part, il est difficile d’en augmenter le nombre à cause de l’impossibilité de les caractériser convenablement.

Quand les courbes isoséistes seront tracées non plus d’après les effets mécaniques produits grossièrement appréciés, mais d’après les intensités véritablement établies d’une façon scientifique, on sera encore en butte à de nombreuses causes accidentelles d’inexactitude dont l’influence est loin d’être négligeable. Cependant, malgré ses imperfections, la méthode de Dutton et Hayden se recommande par sa simplicité, par la facilité de son emploi et, en somme, par les résultats certainement approchés auxquels elle conduit. Ainsi que le remarquent ces auteurs eux-mêmes, elle n’est susceptible ni d’une grande précision, ni de graves erreurs.

Il est à noter que les diverses méthodes qui ont été employées pour calculer la profondeur des foyers des tremblements de terre s’accordent dans leur application pour montrer que ces foyers sont situés presque tous à de faibles profondeurs.

D’après Dutton et Hayden, parmi les principaux séismes des cent cinquante dernières années, neuf seulement auraient eu leur foyer plus profond que celui du tremblement de terre de Charleston. La plupart l’auraient eu à une profondeur bien moindre.

En résumé nous voyons que toutes les méthodes proposées jusqu’à présent pour déterminer la profondeur du centre d’ébranlement ne doivent être mises en usage qu’avec une extrême réserve. De plus, à cause de l’hétérogénéité du terrain, et de l’étendue généralement notable occupée par le foyer souterrain, on peut affirmer dès maintenant qu’elles ne conduiront jamais qu’à des résultats grossièrement approximatifs, lesquels cependant ne sont pas à dédaigner.

En s’appuyant sur les données imparfaites qu’a fournies jusqu’à présent l’observation, et sur les procédés de calcul qui leur ont été appliqués, on peut actuellement assurer que les tremblements de terre ont leur siège à une très médiocre profondeur, quand on compare celle-ci à la longueur du rayon terrestre. Dans des cas exceptionnels, le point de départ du mouvement a été considéré comme pouvant se trouver à une profondeur de 60 kilomètres ; mais, dans la plupart des séismes, on a reconnu qu’il devait être à une distance bien moindre de la surface du sol. Il est donc à peu près certain que c’est dans l’épaisseur de l’écorce terrestre, et non dans l’immense noyau incandescent qu’elle recouvre, qu’il faut chercher la cause des phénomènes. Tout au plus, a-t-on le droit de l’attribuer aux parties de l’écorce en contact avec le noyau sous-jacent supposé fluide.

  1. L’angle d’émergence est l’angle que fait avec l’horizon le rayon mené du centre d’ébranlement au lieu d’observation ; il est égal à l’angle que fait la fente considérée avec la verticale.
  2. Sciences, t. IX, no 224, p. 489.