Aller au contenu

Les Trois Dames de la Kasbah/XXIII

La bibliothèque libre.
Calmann Lévy (p. 42-43).
◄  XXII
XXIV  ►


XXIII


Et puis ils retrouvèrent le silence et l’obscurité.

En montant encore, ils étaient arrivés maintenant au point le plus élevé de la ville arabe, dans le quartier d’Alger qui est, la nuit, le plus sombre et le plus solitaire.

C’était noir, noir, ces rues étroites et voûtées. Les murs étaient si vieux, qu’ils étaient usés. — Les étages montaient en débordant les uns sur les autres, et les deux côtés de la rue se touchaient, s’étayaient par le haut, soutenus par des rangées de grands jambages de bois tout enchevêtrés. On avait accumulé là-dessus tant de couches de chaux, que toutes ces choses blanchies étaient soudées entre elles et en avaient perdu leurs formes, comme mortes de vétusté.

Les portes, rares, se renfonçaient bien bas, comme pour se cacher, et dans ces grands pans de murs, qui s’en allaient de travers avec des airs caducs, il n’y avait jamais de fenêtre ; si, par hasard, on avait été obligé d’y percer une ouverture, on l’avait faite toute petite, et entourée d’une cage de fer.

Cela semblait mystérieux et impénétrable.

Leurs pas mal assurés butaient contre de vieilles marches de pierre, toutes bossuées et informes, et il y avait de distance en distance de blanches traînées de lune, qui ressemblaient à des linceuls.

Le silence de nouveau les gênait, et l’inquiétude de cette ville les avait repris…