Les Villes à pignons/Le Port déchu

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Deman (p. 12-13).


Le Port déchu


 
Un pauvre phare aveugle, où mord la rouille ;
Quelques ancres sur le môle désert ;
Un cabestan fendu qui plus ne sert,
Et tout au loin, le pas d’une patrouille.

Nulle chanson de matelot ne brouille
Les fils du silence tissés dans l’air,
Des gens muets rentrent par nombre pair
En des maisons antiques qu’on verrouille.


Pourtant, au coin du quai, s’élève encor,
Battue et gémissante au vent du Nord,
L’image, en bois sculpté, de la Fortune.

Mais que vienne l’instant où la nuit choît,
L’eau se ternit et plus ne mire en soi,
Jusqu’au matin, que l’or mort de la lune.