Aller au contenu

Les Villes à pignons/Pauvres Vieilles Cités

La bibliothèque libre.



Pauvres Vieilles Cités


Pauvres vieilles cités par les plaines perdues,
Dites de quel grand plan de gloire,
Vers la vie humble et dérisoire,
Toutes, vous voilà descendues.

Vous ne comprenez plus vos hauts beffrois en deuil,
Ni ce que disent aux nuées
Tant de pierres destituées
De leur ancien et bel orgueil.


Vos carrefours, vos grand’places et votre port,
Tout est muet et léthargique ;
Tout semble aller à pas logiques
Vers l’horizon où luit la mort.
 
Seule, quand le marché aligne au jour levé,
Sur le trottoir, ses éventaires,
Un peu de vie hebdomadaire
Se cabre aux joints de vos pavés.

Ou bien, quand la kermesse et ses cortèges d’or
Mènent leur ronde autour des rues,
L’émoi des foules accourues
Vous fait revivre une heure encor.
 
Vos mœurs sont pareilles à vos petits jardins :
Buissons corrects, calmes verdures,
Mais une odeur de moisissure
Séjourne en leurs recoins malsains.


Vos gestes sont prudents, mesquins et routiniers,
Vous ne penchez sur vos négoces
Que des yeux mornes ou féroces,
Qui ne comptent que par deniers.

Vos cerveaux sans révolte et vos cœurs sans fierté,
Se complaisent aux moindres choses,
Et de pauvres apothéoses
Font tressaillir vos vanités.

Vous ne produisez plus ni communiers ni gueux,
Et vivez à la dérobée
Des miettes d’ombre et d’or tombées
Du festin rouge des aïeux.

Pourtant, si triste et long que soit votre déclin,
Notre rêve ne veut pas croire
Que plus jamais la belle gloire
Ne bondira de vos tremplins.


Vous vous armez encor de trop d’entêtement,
Damme, Courtrai, Ypres, Termonde,
Pour n’être plus au vent du monde
Que des tombeaux d’orgueil flamand

Et n’avoir plus aucun remords, aucun sursaut
En ces heures de somnolence,
Où le visage du silence
Se mire seul dans vos canaux.