Les Vivants et les Morts/Je sais que rien n’est plus

La bibliothèque libre.


JE SAIS QUE RIEN N’EST PLUS…


Je sais que rien n’est plus pour moi, et cependant
Je regarde parfois les choses de l’espace,
Je vois l’ombre de l’if qui divise l’étang,
Et l’azur s’entr’ouvrir pour un oiseau qui passe.

La cloche d’un couvent disperse dans les airs
Son rêve débordant et son Credo candide :
Douce cloche, oasis d’argent du bleu désert,
C’est vous la palme et l’eau des soirs tendres et vides !…

Dans la rue, un enfant, un marchand, un tonneau
Rendent le calme éther et le pavé sonores ;
Je rêve d’un jardin tropical, sur les flots
Où gonflent mollement les pompeuses Comores.

Et je regarde luire, entre les toits serrés
Où mes tristes regards lentement aboutissent,
Ces cieux du soir qui sont si doux et si propices
Aux âmes qui n’ont pas encor désespéré…