Les Voleurs
LES VOLEURS
Dame Justice a fait merveille !
Disais-je, croyant voir un jour
Douze voleurs, libres la veille,
Bâiller captifs devant la cour.
Avant que l’écriteau d’usage
À leur pilori soit collé,
Lavater, sur leur plat visage,
Lirait déjà qu’ils ont volé.
Cet homme au front chauve, à l’œil terne,
Est un usurier bien connu ;
Le passant qui, dans sa caverne,
Entre affamé, sort demi-nu.
Au front d’airain, au cœur de roche,
Il rit du pauvre désolé,
L’infâme !… et jusque dans ma poche
Il a volé, volé, volé.
Ce petit drôle, qui regarde
Les poches du voisin souvent ;
(Monsieur Guillaume, prenez garde !)
C’est Patelin toujours vivant.
Pour orner le drap qu’il dérobe,
L’autre jour même il a collé
Un ruban rouge sur sa robe…
Il a volé, volé, volé.
Voilà des fournisseurs d’armée :
Lorsqu’aux pieds d’un vainqueur tremblant,
La France tombait, renfermée
Vivante dans un linceul blanc ;
Ces alchimistes, pêle-mêle,
Autour du soldat immolé,
Soufflaient de l’or dans la gamelle :
Ils ont volé, volé, volé.
Salut au baron de Wormspire !
Littérateur, blagueur, voleur,
Sur le Parnasse, dès l’empire,
Il a fait métier d’oiseleur.
Méfiez-vous, s’il vous accueille,
Frères : tout poëme envolé
S’est pris l’aile à son portefeuille :
Il a volé, volé, volé.
Mais las ! l’erreur était complète :
Mon voisin Prudhomme l’expert,
Où je croyais voir la sellette,
M’indiqua les jurés au pair ;
Et tous ces voleurs, qu’entre mille
Au bagne on eût dit racolés,
Y jetaient un gueux sans asile
Pour de l’air et du pain volés !