Les ancêtres du violon et du violoncelle/La Lyra

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ANGES MUSICIENS
Frise projetée pour la cathédrale de Strasbourg (xvie siècle).



LA LYRA

I


La lyra ne rappelait aucunement la lyre antique, c’était un instrument à archet dont on faisait usage dans les églises pour doubler et soutenir les voix.

Le nom de lyra ne lui appartenait peut-être pas en propre, car il a été parfois employé, durant le Moyen Âge, comme nom collectif d’instruments à cordes, tantôt du genre pincé, tantôt se jouant avec un archet.

On s’explique aisément que les premiers instruments à archet aient porté pendant un certain temps les noms de leurs devanciers à cordes pincées et que, dans plusieurs contrées, on se soit d’abord servi du mot ancien pour désigner la chose nouvelle. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que les nations modernes, imitant en cela l’antiquité, aient donné indistinctement le nom de lyre à des instruments à cordes de divers systèmes. Plus tard, des désignations particulières, en raison de la taille et de la manière de jouer, furent ajoutées au terme générique et finirent par le remplacer complètement. C’est sans doute ainsi que se sont établies les dénominations collectives qui créent tant de difficultés, car en embrassant trop de choses à la fois, elles ne s’appliquent jamais bien à une seule et finissent par confondre et brouiller les idées attachées à leurs diverses acceptions.


lyra
Manuscrit de Saint-Blaise
(ixe siècle).
Cependant, comme la figure de l’instrument qui nous intéresse se retrouve, à quatre siècles de distance, toujours accompagnée de la même dénomination, il faut bien convenir qu’il portait réellement le nom de lyra.

Lyra a fait lir dans la langue allemande. Lyra mendicorum, — Lyra rustica, — Lyra pagana, s’y disait de la vielle à roue, parce que cet instrument était regardé comme une sorte de lyra commune ou de violon rustique. Liren et plus tard lieren est le verbe qui répond à notre vieux mot vièler qui a eu un sens très étendu, aussi bien en Allemagne qu’en France, et semble s’être appliqué en général à l’action de jouer des instruments à cordes.

Au xvie et au xviie siècles, différentes violes portaient encore le nom de lyra en Allemagne et en Italie. Mais à l’inverse de la lyra primitive qui n’était montée que d’une seule corde, celles-ci en possédaient un plus grand nombre que les autres violes, parfois jusqu’à vingt-deux.

Gerbert a publié le dessin de la lyra, d’après un manuscrit des premières années du ixe siècle, qui existait autrefois à l’abbaye de Saint-Blaise, dans la Forêt-Noire, dont il était prince-abbé.

Ce dessin montre que la lyra avait à peu près la forme d’une mandoline ; elle ressemblait à la moitié d’une poire coupée en deux dans sa longueur. Sa caisse de résonance était faite d’une seule table fixée sur un corps creux et arrondi allant en s’amincissant jusqu’au cheviller, car la lyra n’avait pas de manche, à proprement parler, la partie de l’instrument que le musicien plaçait dans sa main gauche afin de pouvoir toucher la corde avec ses doigts ne se dégageait pas complètement de la caisse et n’en était que la continuation.

Deux ouïes, formant un demi-cercle, sont percées dans la table de chaque côté du chevalet sur lequel passe l’unique corde tendue sur l’instrument. Cette corde est attachée, d’un bout au cordier qui occupe la place habituelle, et de l’autre, à une cheville enfoncée dans le haut, au centre du cheviller qui est en forme de disque. La touche semble figurée par une partie unie qui paraît être au même niveau que la table. L’archet posé en travers, sur la corde, est tenu par une main prête à le faire mouvoir.

C’était donc un instrument à fond bombé, sans éclisses et sans manche.

II

Le célèbre manuscrit, du xiie siècle, de la bibliothèque de Strasbourg, intitulé : Hortus deliciarum, contient une autre représentation de la lyra.

Ce précieux ouvrage, composé par Herrade de Lansberg, abbesse du monastère de Sainte-Odile, en Alsace, renferme parmi ses vignettes une personnification de la philosophie et des sept arts libéraux, qui y sont représentés par sept tympans.

Sur l’un d’eux, au centre, la jeune fille qui figure la musique joue d’une harpe à neuf cordes, désignée sous le nom de cithara[1] ; devant elle, est accrochée une lyra, semblable à celle du manuscrit de Saint-Blaise que nous venons de décrire ; derrière elle se trouve un organistrum, instrument monté de trois cordes mises en vibration par une roue, ancêtre de la vielle actuelle, dont il a été parlé dans l’introduction.


organistrum, cythara et lyra
Manuscrit de Herrade de Lansberg (xiie siècle).

Mais la lyra n’était pas seulement en honneur sur les bords du Rhin, il semble même qu’elle fût très répandue, car nos belles églises romanes des xiie siècle et xiiie siècles en possèdent de nombreux exemples. On en voit un peu partout, à Vézelay (Yonne), à Saintes et à Aulnay (Charente-Inférieure), mais principalement sur le portail occidental de Moissac (Tarn-et-Garonne), du xiie siècle.

Le tympan de ce portail représente la vision de saint Jean, sujet qui fut bien souvent traité par les artistes de ce temps-là. Cette sculpture, déjà fort avancée comme art, est toute symbolique, et le texte de l’apôtre est assez exactement rendu, avec quelques modifications cependant. Ainsi, les quatre animaux de l’Apocalypse n’ont que deux ailes au lieu de six et sont dépourvus de ces yeux innombrables dont parle l’évangéliste. De plus, et c’est là le point le plus intéressant, les harpes de l’Écriture sont ici remplacées par des instruments à archet, que les vingt-quatre vieillards, vêtus de longues robes avec des couronnes sur leurs têtes, tiennent dans leurs mains gauches.

Tous ces personnages tournent leurs regards vers le trône de Dieu et la position occupée par deux d’entre eux ne permet pas de voir s’ils ont chacun un instrument. Un seul, celui qui est tout en haut à droite du Père Éternel, frotte l’archet sur le sien (cet archet est brisé, il n’en reste que la partie se trouvant au-dessus des cordes) ; les autres, tenant tous un vase ou une coupe dans leurs mains droites, ne font pas le simulacre de jouer, mais plutôt de chanter.

En somme, il y a vingt-deux instruments sur ce tympan, parmi lesquels on compte : trois vièles à cinq cordes, dont l’une a deux paires de cordes doubles et une corde simple, et dix-neuf lyras. Trois de ces dernières sont brisées, et sur les seize à peu près intactes, deux semblent être munies de deux cordes ; mais il est bien difficile de préciser, étant donné l’état actuel de la pierre. Aussi, comme elles sont exactement de même forme que les quinze à une seule corde, qui ne sont pas brisées, nous croyons devoir les compter au nombre des lyras. C’est de celles-ci que nous allons nous occuper tout d’abord, réservant les vièles pour plus tard.

Les trois personnages, que nous donnons, sont ceux de droite du linteau en bas du tympan

vieillards de l’apocalypses tenant chacun une lyra
Portail occidental de l’église de Moissac (Tarn-et-Garonne) . xiie siècle.

Quoique les archets ne soient pas représentés (cela serait assez difficile, les vieillards ayant déjà un objet dans chacune de leurs mains), on se trouve bien en présence d’instruments à archet ; le cordier, le chevalet élevé, ainsi que l’emplacement des ouïes le démontrent surabondamment. Il n’y aurait ni cordier, ni chevalet élevé avec un instrument pincé, et un seul trou rond, percé au milieu de la table, fissurerait certainement l’ouïe ; en tous cas, s’il y en avait plusieurs, ces ouvertures n’occuperaient pas la même place que sur la sculpture. Mais la corde unique est encore la preuve la plus convaincante, car il n’a jamais existé, à notre connaissance, de monocorde pincé, lequel n’offrirait aucune ressource.

Absolument semblables, ces trois instruments qui ont presque la forme d’un losange, sont plus élégants et plus gracieux que ceux des manuscrits de Saint-Blaise et de Strasbourg. C’est sans doute pour un besoin décoratif et afin qu’il s’harmonise mieux avec les ornements qui l’entourent, que celui du personnage de droite est un peu plus allongé que les deux autres ; mais il n’en diffère que par ses proportions.

Les ouïes sont conformes au dessin publié par Gerbert et représentent aussi un demi-cercle finement découpé, sauf sur la lyra du milieu, où ce sont des flammes, comme la viole d’amour en aura à la un du xviie siècle.

Le cheviller est également arrondi ; quant au cordier, très primitif, son examen nous montre que l’on ne se mettait pas en frais pour confectionner cet accessoire. Celui qui se voit sur la lyra de droite est simplement fait avec une corde ou une lanière de cuir, doublée et nouée au quart de sa longueur de façon à former deux boucles. À la plus longue de ces boucles est attachée la corde dont est monté l’instrument, tandis que la plus petite s’accroche au bas de la caisse. C’était très rudimentaire, mais bien suffisant pour attacher une seule corde, et il est fort probable que la lyra du ixe siècle avait aussi un cordier fabriqué de la même manière, avec des bouts de corde assemblés ; les torsades dont ce cordier est orné autorisent cette supposition.

Une adhérence complète de la pierre étant indispensable pour maintenir les lyra aux places respectives qu’elles occupent, l’artiste de Moissac s’est trouvé, par suite de ce fait, dans l’impossibilité de montrer toutes les faces de leurs caisses de résonance. Sans cela, nous verrions certainement celles-ci avec les fonds bombés que l’on devine, car le soin avec lequel il a rendu les plus petits détails, qu’il n’a pu inventer, est une preuve évidente qu’il a copié et reproduit fidèlement des instruments du temps. Or, ces instruments possédant, de face, tous les caractères de la lyra, leurs caisses de résonance devaient les posséder aussi.

Nous croyons que ces caisses étaient faites d’un seul morceau de bois creusé, car, avec les contours en losange de la table, il aurait fallu un luthier assez habile pour leur donner une forme bombée sans y mettre des éclisses autour.

Parmi les moulages que M. Pillant a eu l’heureuse idée de rassembler au musée du Conservatoire national de musique, à Paris, se trouve la reproduction d’une lyra du portail de Moissac, qui est classée sous le nom de petit rebec monocorde[2]. Il y a là une erreur assez excusable, car la lyra et le rebec avaient tous deux une caisse sonore à fond bombé, sans éclisses.

En général, les exemples de la lyra qui se trouvent sur les anciens monuments religieux sont, le plus souvent, d’une exécution si sommaire, que leur classement devient très difficile. Cependant, toutes les fois que l’on rencontre un instrument de ce genre où les accessoires ne sont pas indiqués, s’il possède un cheviller petit et arrondi en forme de disque, comme ceux que l’on vient de voir, c’est incontestablement une lyra ; car un petit cheviller sous-entend généralement une seule corde. Tandis que si le cheviller est plus grand et fait, par conséquent, supposer trois chevilles, on doit considérer l’instrument comme étant une rubèbe ou un rebec, car ces deux noms s’appliquent au même instrument, qui est un dérivé ou plutôt une augmentation de la lyra, par le nombre des cordes.

La vièle à archet se distingue par sa caisse plate et son manche dégagé, Toutefois, il arrive que ces détails ne sont pas suffisamment caractérisés, surtout sur celles de forme ovale ou ronde, soit par suite de l’adhérence de la pierre ou de la négligence de l’artiste. Dans ce cas, en l’absence d’indications par le manque d’accessoires, c’est encore le cheviller qu’il faut interroger, car il devra être plus grand puisqu’il doit contenir quatre ou cinq chevilles. Lorsque ces dernières sont indiquées par des trous ou des petits reliefs, on peut connaître facilement le nombre exact des chevilles, et, par suite, celui des cordes.

Ces explications démontrent qu’il n’est pas commode de débrouiller toutes ces variétés d’instruments à archet.

III

Rien ne prouve que la lyra soit moins ancienne que le crouth, il est plus que probable qu’ils sont nés vers la même époque et aussitôt que l’archet a été connu ; car tous deux ne sont que l’application de cet agent du son à des instruments à cordes pincées existant avant eux. On a vu dans le chapitre précédent que le crouth n’était qu’une lyre à archet. Quant à la lyra, elle devait être la continuation du monocorde des anciens, et toute sa supériorité sur son prédécesseur consistait dans la faculté qu’elle avait acquise par l’archet, de pouvoir soutenir les sons.

Deux applications différentes ont été faites du monocorde, l’une dans la théorie, l’autre dans la pratique de l’art. De là deux espèces qu’il ne faut pas confondre, bien qu’elles aient la même origine.

La première, qui était déjà connue dans l’antiquité, a été employée au iie siècle par Ptolémée, pour démontrer les rapports mathématiques des sons par la longueur des cordes. Plolémée désigne son monocorde sous le nom de canon qui signifie règle, dans ses Eléments harmoniques. Puis, on se servit bientôt du même instrument pour enseigner la musique vocale, afin d’apprendre l’intonation des sons aux élèves.

Le monocorde employé à cet usage fut d’abord une simple caisse carrée, oblongue, à surface plane en bois de cèdre ou de sapin, à chaque extrémité de laquelle se trouvait un chevalet immobile. Une corde de boyau ou de métal était tendue sur ces deux chevalets, attachée à demeure d’un côté de la caisse et de l’autre à une cheville qui permettait de la tendre à volonté. Sous cette corde, on promenait un chevalet mobile, nommé magas, que l’on fixait de distance en distance aux différents endroits indiqués sur la table de l’instrument, par une ligne parallèle à la corde, qui rendait un son plus ou moins élevé, selon la place occupée par le chevalet.

Régulateur par excellence, il fut appelé indifféremment : canon harmonicus, régula harmonica, monocorde, et quelquefois aussi du nom de son chevalet diviseur ou sillet mobile, c’est-à-dire magas ou magadis, sous lequel on a également désigné une sorte de petite harpe grecque, d’une espèce particulière et d’origine orientale.

Presque tous les anciens traités de musique et de mathématiques contiennent des descriptions et des dessins de cet instrument dont la forme a peu varié. Celui qui est reproduit ici a été dessiné d’après Gerbert[3].

L’emploi du magas ou sillet mobile devait offrir de grands inconvénients pour l’étude de la musique vocale. Il fallait, en effet, quand l’élève avait chanté une note et saisi l’intonation, qu’il attendît que le chevalet fût d’abord déplacé, puis replacé à un autre endroit avant d’obtenir l’indication d’un nouvel intervalle.

À ces désagréments devait s’en joindre un autre non moins grand ; on ne pouvait utiliser cet instrument, toujours à cause de son chevalet diviseur, pour accompagner une mélodie quelconque, aussi lente soit-elle. La seule chose possible, dans ce cas, était de s’en servir comme d’un diapason, pour donner la première note du ton.

Un autre instrument, plus commode et plus pratique, s’imposait donc pour soutenir la voix, surtout dans les premiers temps du déchant[4], et comme on songea tout d’abord à remplacer le sillet mobile par les doigts, qu’il devenait alors indispensable d’en rendre l’application facile, on ne put conserver la forme du monocorde scolastique, et l’on adopta celle que nous voyons à la lyra, forme qui doit être imitée d’un instrument pincé plus ancien.
monocorde
Manuscrit de Saint-Glaise (ixe siècle).

En y comprenant la note donnée par la corde à vide, la lyra ne produisait que cinq sons différents ; car, à cette époque, la main gauche restait en place, on ne démanchait pas ; du reste, il aurait été impossible de le faire, puisqu’il n’y avait pas de manche et que la caisse allait en s’élargissant depuis le cheviller. Cet instrument, qui paraît n’avoir joué un rôle que dans la musique sacrée, offrait donc de bien modestes ressources, et l’on ne s’expliquerait guère sa présence dans nos orchestres modernes. Toutefois, ses cinq notes devaient suffire pour doubler les anciens plains-chants, dont l’étendue ne dépasse pas un intervalle de quinte ou de sixte au plus, et l’on pouvait à la rigueur faire une sixième note par l’extension du petit doigt de la main gauche.

Mais, aussi modiques que fussent ses moyens, ils étaient encore plus grands qu’il ne fallait pour soutenir la monotone psalmodie sur deux seuls degrés conjoints, comme par exemple, mi, fa, mi, fa, mi, que l’on appelait chanter en ison[5] et qui a été pratiquée, depuis le vie siècle à ce que l’on croit, par quelques ordres de moines, qui n’eurent pas d’autre chant.

Dans cette psalmodie, qui rappelle le Moyen Âge et qui date peut-être du temps où les premiers chrétiens se réunissaient dans les catacombes de Rome, une des deux notes est souvent répétée cinq ou six fois de suite avant que l’on utilise l’autre. C’est donc plutôt un récit qu’un chant proprement dit.

Sa tradition s’est conservée dans certains couvents où l’on ne chante pas d’autre façon. Mais une troisième note ayant été ajoutée aux deux premières, on y récite sur trois degrés conjoints au lieu de deux, et comme celui du milieu est le principal, que les deux autres ne sont employés à tour de rôle qu’un peu avant la fin de chaque verset, lequel se termine généralement sur le son central, cela produit l’effet d’une dominante du mode mineur, qui serait ornée, tantôt par l’une et tantôt par l’autre de ses deux notes voisines. C’est ainsi que nous avons entendu psalmodier il y a quelques années, à la messe de la communauté du couvent de la Visitation, à Paray-le-Monial (Saône-et-Loire).

Placées dans le chœur derrière une grille qui les met à l’abri des regards profanes, les nonnes ont chanté, pendant toute la durée de l’office divin, soit en soli, soit ensemble à l’unisson, des antiennes et des cantiques, sur trois notes, mi, fa, mi, ré, mi, répétées lentement, d’une voix nasillarde, presque à bouche fermée et sans l’accompagnement d’aucun instrument. Nous croyions que l’air allait changer après le premier cantique, mais pas du tout, il n’en fut rien, les antiennes se sont succédé les unes aux autres, et toujours sur trois notes jusqu’à la fin de la messe. Cependant, la terminaison se faisant parfois sur le premier degré, on avait alors l’impression d’un récit construit avec les trois premières notes d’une gamme mineure.

Ce chant monotone provoque la tristesse au bout d’un certain temps, exécute surtout par des voix tremblotantes de femmes ; et c’est sans doute ainsi que doivent chanter les âmes qui errent à la porte du Paradis.

À partir du xiiie siècle, on ne trouve plus guère de représentations de la lyra, qui fut sans doute abandonnée depuis cette époque à cause de son peu de ressources.

Certaines locutions populaires, imitées des Grecs et des Latins, peuvent se rattacher à la lyra. Ainsi on dit en France : Qu’a de commun l’âne avec la lyre ? Et en Allemagne : L’âne que fait-il de la lyre[6] ? — Donner à l’âne une harpe ou une lyre[7]. — Que doit faire le corbeau de la harpe, l’âne de la lyre[8] ? — On voit qu’en tout pays, maître Aliboron passe pour être à la fois le type de l’ignorance et insensible à la musique.

Peut-être s’est-on inspiré du crouth et de la lyra, pour faire les premières vièles à archet, et a-t-on combiné les principes du premier avec la forme de la seconde, qui était plus petite et par conséquent plus facile à manier ? En tous cas, la lyra ne doit pas être considérée comme l’ancêtre direct du violon, parce qu’elle ne possédait aucun des caractères principaux de celui-ci, qui sont les éclisses et le manche. Cependant, si la lyra ne peut prétendre à cet honneur, elle a du moins celui d’avoir précédé le rebec et la gigue, instruments très estimés des ménestrels et des trouvères, durant tout le Moyen Âge, et qui plus tard, exclusivement employés par les ménétriers pour faire danser, provoquèrent la joie et la gaîté.

  1. La harpe est souvent désignée au Moyen Âge sous le nom de cithara.
  2. N° 1214. Premier supplément au catalogue de 1884, par Léon Pillant, conservateur du musée, Paris, 1894, p. 47.
  3. Ouvrage déjà cité.
  4. Déchant ou Discant est le terme par lequel on désignait primitivement le contrepoint.
  5. On désignait ainsi un chant ou une psalmodie qui ne roulait que sur deux notes.
  6. « Was fängt der Esel mit der Leier an ?  »
  7. « Eir Esel ein Harpffen oder Leyren gegen. »
  8. « Was soll der Dul die Harpff idem Esel die Leyr ?  »