Les ancêtres du violon et du violoncelle/Les Fabricants d’Archets

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Laurent Grillet, 1851-1901
Les ancêtres du violon et du violoncelle, les luthiers et les fabricants d’archets
Paris, C. Schmid (2p. 400-409).


LES FABRICANTS D’ARCHETS


Adam (Jean). — Mirecourt, où il travailla de 1790 à 1820 environ. Archets ordinaires, qui ne portent pas souvent son nom.

Adam (Jean-Dominique). — Mirecourt. 30 décembre 1795 † 1804 environ. Fils, élève et successeur du précédent. Il fit quantité d’archets pour le commerce, lesquels ne portent pas son nom. Ceux qu’il vendait directement sont marqués :

Adam.

Parmi ces derniers, il en est de remarquables, surtout quand les baguettes sont à huit pans.

C’est à Vidal que nous empruntons les dates d’exercices des deux fabricants d’archets précédents[1]. Selon Gustave Chouquet, leur vrai nom était Grandadam, et le dernier qui aurait exercé, dont il ne donne pas le prénom, serait né à Mirecourt le 20 février 1823 et décédé dans la même ville le 19 janvier 1869[2]. Il s’agit peut-être d’un fils de Jean-Dominique Adam, dont nous n’avons pas connaissance.

Baroux. — Paris, rue des Petits-Carreaux, 57, en 1830. Facture soignée.

Bienfait (Paul-Émile). — Paris. Contemporain. Né à Rouen en 1837.

Violoniste qui, depuis cinq ans environ, fait des archets, lesquels ne manquent pas de qualité et sont marqués :

P. E. Bienfait.

Dodd (Edward). — Londres. xviie siècle. Luthier et fabriquant d’archets, originaire de Sheffield, qui mourut à Londres en 1810, âgé, dit-on, de cent cinq ans. Il eut deux fils, Thomas Dodd, qui fut luthier [3], et :

Dodo (John), dit le Tourte anglais. — Kew, fin xviiie et début du xixe siècle. Fils du précédent. Né en 1752. Son existence fut peu heureuse, car il mourut à l’asile des pauvres (Workhousse) de Richmond, le 4 octobre 1839, âgé de quatre-vingt-sept ans.

Ses archets sont très réputés en Angleterre et le méritent pour la beauté du bois et le fini du travail. Cependant, on leur trouve parfois le défaut d’être trop courts.

John Dodd ne voulut jamais former un seul élève.

Eury. — Paris, rue des Lyonnais-Saint-Jacques, 20, en 1820. Archets remarquablement beaux, sur la plupart desquels est gravé au feu :

Eury.

G. Ghouquet croit que ce fabricant d’archets était un descendant de Jacob Eury, bon luthier, établi à Mirecourt dans la seconde moitié du xviiie siècle[4].

Fonclause (Joseph). — Paris, 1838 environ-1864. Né à Luxeuil (Franche-Comté) en 1800. Il fit son apprentissage chez un fabricant d’archets, à Mirecourt. Venu à Paris en 1820, il travailla d’abord chez François Lupot, puis chez François Tourte, ensuite chez J.-B. Vuillaume, où il resta dix ans avant de s’établir à son compte, rue Pagevin, et plus tard à Montmartre. Joseph Fonclause mourut en 1864. Il fut l’un des plus habiles fabricants d’archets de son temps. Henry (Charles dit Carolus) [5] lui fit faire l’archet du violon qu’il offrit au comte de Paris en 1842.

Le nom de Fonclause, gravé au feu, se lit sur la plupart de ses archets.

Henry (J.). — Paris 1848-1870. Né à Mirecourt, le 10 décembre 1823. Il vint à Paris en 1837, travailla successivement chez Georges Chanot et chez Dominique Peccatte, puis s’associa avec Simon en 1848. Trois ans plus tard, en 1851, il se sépara de celui-ci, s’installa seul rue des Vieux-Augustins, 8, et ensuite rue Pagevin, où il mourut en 1870.

Archets estimés, marqués :

Henry Paris.

J. Henry n’était pas de la même famille que les luthiers parisiens de ce nom.

Husson (Charles-Claude). — Mirecourt, où il travailla de 1850 à 1870 environ. Excellent ouvrier, qui eut l’honneur d’avoir MM. Alfred Lamy, Joseph-Arthur Vigneron et Charles-Claude Husson, son fils, pour élèves.

Husson (Charles-Claude). — Paris. Contemporain. Né à Mirecourt en 1847. Fils et élève du précédent.

Il vint à Paris et travailla successivement chez J.-B. Vuillaume (1873), F.-N. Voirin (1875), Gand et Bernardel (1878) : Installé rue du Faubourg-Saint-Denis, 8. Ses archets, de belle facture, portent son nom :

Ch. Husson.

Kittel. — Saint-Pétersbourg, 1830-1880 environ. Bon luthier et très habile fabricant d’archets, surnommé le Tourte russe.

Lafleur (Jacques). — Paris, 1700 environ-1832. Né à Nancy en 1760, il mourut à Paris, du choléra, en 1832. Excellent fabricant d’archets, qui avait ses ateliers rue de la Juiverie, 30.

Lafleur (Joseph-René). — Paris, 9 juin 1812 † Maisons-Laftîtte, 18 février 1874. Fils, élève et successeur du précédent. Il a produit des archets comparables à ceux de François Tourte.

Dans le but d’empêcher l’archet de fouetter, J.-R. Lafleur en fit dont la baguette est aplatie. L’un d’eux est conservé au musée du Conservatoire de musique, à Paris (n° 85. Catalogue de 1884).

Lamy (Alfred). — Paris. Contemporain. Né à Mirecourt en 1850.

Élève de Charles-Claude Husson, à Mirecourt. Il travailla avec Joseph Voirin, à Château-Thierry, puis chez François-Nicolas Voirin, à Paris, où il resta de 1878 jusqu’à la mort de ce dernier, survenue en 1885. Depuis cette époque, il s’est établi rue Poissonnière, 24, et n’a pas tardé à s’acquérir une très belle réputation. Sur ses archets, qui sont fort beaux, on lit, gravé au Feu :

A. Lamy.

Lenoble (Auguste). — Paris, 1862-1895. Né à Mirecourt en 1828, il y fit son apprentissage chez François Peccatte. Pendant les quatorze années (1848-1862) qu’il passa au 8e bataillon de chasseurs à pied, il travailla dans les différentes garnisons où séjourna ce corps, principalement à Rennes, pour Bonnel [6].

En 1862, il vint s’établir à Paris, boulevard des Martyrs, 5 (actuellement boulevard de Clichy) ; puis, en 1866, boulevard des Poissonniers, 32 (actuellement boulevard Rochechouart) ; et, en 1874, rue de Clignancourt, 37, où il mourut le 4 janvier 1895. Archets bien faits, portant son nom :

Lenoble.

Lefèvre. — Paris, rue du Cimetière-Saint-Jean, en 1789. Luthier, dont un archet marqué à son nom : Lefèvre, à Paris, est conservé au musée du Conservatoire de cette ville (n° 63. Catalogue de 1884).

Lupot (François). — Orléans, 1774 † Paris, 4 février 1837. Second fils de François Lupot. Frère du grand luthier Nicolas Lupot. Ses archets sont réputés. C’est lui qui, dit-on, appliqua le premier la coulisse à la hausse[7]. Ses ateliers furent installés rue d’Angevilliers, 18, de 1815 à 1837, date de sa mort.

Maire (Nicolas). — Paris, 1830 environ-1878.

Né à Mirecourt, le 28 décembre 1800, il mourut à Paris le 17 juillet 1878, rue de Viarmes, où il s’était établi après être resté assez longtemps comme ouvrier chez Jacques Lafleur, dont il était l’élève. Archets estimés.

Pageot (Louis-Simon). — Mirecourt, 1790-1800 environ. Facture ordinaire.

Pageot (dit Pajeot). — Mirecourt, 25 janvier 1791 † 23 août 1849. Fils, élève et successeur du précédent. Il fit quantité d’archets excellents, lesquels ne portent pas toujours son nom, car il travailla beaucoup, dit-on, pour le compte de Lafleur.

Panormo (Georges-Louis). — Londres, première moitié du xixe siècle. Fils du célèbre luthier Vincent Panormo de Londres. Un de ses archets est au musée du Conservatoire de musique, à Paris. (N° 71. Catalogue, 1884.)

Peccatte (Dominique). — Paris, 1837-1847 ; Mirecourt, 1847-1874. Né à Mirecourt, le 15 juillet 1810. Fils d’un barbier, il embrassa d’abord la profession paternelle, mais abandonna bientôt le rasoir pour la lutherie. Venu à Paris en 1826, il entra chez J.-B. Vuillaume et ne tarda pas à acquérir une grande habileté dans la fabrication des archets. Il quitta Vuillaume en 1837, pour succéder, rue d’Angevillers, 18, à François Lupot, qui venait de mourir. Dix ans plus tard, en 1847, il retourna à Mirecourt, où il décéda le 13 janvier 1871. Ses archets, qu’il marquait :

Peccatte.

sont remarquablement beaux et très recherchés.

Peccatte (François). — Mirecourt, 1840 environ-1850 ; Paris, 1853-1855. Frère du précédent. Né à Mirecourt en 1820, il y fit son apprentissage et s’y établit vers 1840. Il quitta cette ville en 1850, pour venir travailler chez J.-B. Vuillaume, à Paris. Trois ans plus tard, en 1853, il s’installa à son compte, rue des Lavandières-Sainte-Opportune, où il mourut le 1er novembre 1855. Marqués :

Peccatte.

comme ceux de son frère, ses archets, d’un très beau travail, passent souvent comme étant de Dominique. On peut les reconnaître par la marque, dont les caractères sont un peu plus forts sur celle de François.

Peccatte (Charles). — Paris. Contemporain. Né à Mirecourt le 14 octobre 1850. Fils du précédent. Il fit son apprentissage chez J.-B. Vuillaume, à Paris, sous la direction de F.-N. Voirin, travailla ensuite chez Lenoble et s’établit en 1870, rue Rochechouart, 90. Depuis 1878, ses ateliers sont rue de Valois, 8.

Archets d’excellente facture, marqués comme ceux de son père :

Peccatte.

Persois. — Paris, où il travailla principalement pour J.-B. Vuillaume, de 1821 à 1843. Il marquait : P. R. S. les archets qu’il vendait directement. Ces derniers, devenus très rares, rivalisent avec ceux de Tourte. Persois mourut concierge d’une maison de la rue Saint-Honoré.

Poirson (Justin). — Paris. Contemporain. Né à Mirecourt en 1851.

Élève de Nicolas Maire, à Paris, chez lequel il entra en 1865. Il travailla ensuite chez J.-B. Vuillaume, puis chez Gand et Bernardel, et s’établit en 1879. Ses archets, de bonne facture, portent cette marque :

Poirson à Paris.

Pragua. — Gênes. Contemporain. Archets soignés.

Sartori (Eugène). — Paris. Contemporain. Né à Mirecourt en 1871, il y fut l’élève de son père, qui était ouvrier chez un fabricant d’archets.

En 1890, il entra chez Charles Peccatte, à Paris ; puis un an après, en 1891, chez Alfred Lamy. Il s’est installé boulevard Bonne-Nouvelle en 1893. Archets de belle facture, signés :

Sartory.

Schwartz (Georges-Frédéric). — Strasbourg, 7 avril 1785 † 29 décembre 1849. Élève de Richard Schwartz, son père, luthier à Strasbourg. Ses archets sont très estimés. Il les marquait :

Schwartz. Strasbourg.

Süss (Christian). — Markneukirchen, 1831 † 1900. Ses archets sont réputés.

Simon. — Paris, 1845-1882. Né à Mirecourt, en 1808, il y fit son apprentissage et vint à Paris en 1838. Il travailla quelque temps chez D. Peccatte, puis chez J.-B. Vuillaume, qu’il quitta en 1846, pour s’établir à son compte. En 1847, il succéda à D. Peccatte, rue d’Angevillers, 18 ; s’associa avec Henry, de 1848 à 1851 ; et resta seul ensuite jusqu’à sa mort, survenue à Paris en décembre 1882.

Archets estimés, marqués :

Simon. Paris.

Sirjean. — Paris, 1818. Rue de l’École, 31.

Thomassin (Louis). — Paris. Contemporain. Né à Mirecourt en 1855, il y fut l’élève de Charles Bazin.

Entré chez F.-N. Voirin, à Paris, en 1872. Après la mort de celui-ci, survenue en 1885, il resta pendant cinq ans avec la veuve, et s’établit boulevard Rochechouart en 1891. Bons archets, signés :

L. Thomassin.

Tourte. — Paris, xviiie siècle. On ignore les dates de sa naissance et de sa mort. Ouvrier habile, qui travailla de 1740 à 1780 environ. Il fit de très belles baguettes cannelées et apporta quelques perfectionnements à la tête de l’archet. C’est à tort qu’on lui attribue la suppression de la crémaillère et son remplacement par la vis à écrou [8].

Tourte (Xavier), dit Tourte l’aîné. — Paris, deuxième moitié du xviiie siècle. Fils aîné du précédent. Ainsi que son père, il apporta plusieurs améliorations à l’archet. De 1770 à 1780, Xavier Tourte en construisit d’une grande légèreté, mais dont le bois n’est pas toujours de très bonne qualité. La plupart de ceux qu’il fit ensuite, d’après le modèle de son frère, sont remarquablement beaux.

Tourte (François), dit Tourte le jeune. — Paris, 1747 † 1835. Frère du précédent. Il ne reçut aucune instruction et ne sut jamais lire ni écrire. D’abord apprenti, puis ouvrier horloger, il abandonna celle profession au bout de huit années, pour embrasser celle de son père et de son frère. Ainsi que nous l’avons déjà dit, François Tourte amena l’archet à son état de perfection [9]. Sa réputation est universelle.

Né rue Sainte-Marguerite, il passa presque toute son existence quai de l’École, 10 :

Il avait sans doute choisi ce domicile afin de pouvoir satisfaire plus facilement sa passion pour la pêche à la ligne ; car, à peine sa journée de travail terminée, on le voyait toujours sur la berge se livrer à son plaisir favori.

À quatre-vingt-cinq ans, il cessa de travailler et mourut trois ans plus tard, en avril 1835.

F. Tourte ne marquait jamais ses archets ; il y en a cependant quelques-uns qui contiennent cette étiquette minuscule, collée dans la coulisse :

Vigneron (Joseph-Arthur). — Paris. Contemporain. Né à Mirecourt en 1851, il y fut l’élève de Charles Husson et ne vint à Paris qu’en 1880, pour entrer chez Gand et Bernardel, où il resta jusqu’en 1888. À cette date il s’installa rue de Cléry, 54, qu’il n’a pas quittée depuis.

Ses archets, d’un très beau travail, sont marqués :

A. Vigneron à Paris.

Voirin (Joseph). — Paris, 1855 environ-1867. Né à Mirecourt, vers 1830, il fit son apprentissage dans cette ville et travailla ensuite pendant quelques années, à Paris, avant de s’y établir, vers 1855, rue Sainte-Marguerite. En 1867, il alla diriger les ateliers de la maison Gautrot (actuellement maison Couesnon), à Château-Thierry, où il est encore. Albert Lamy y resta quatre ou cinq ans sous sa direction avant de venir à Paris.

Quoique d’une très grande habileté, Joseph Voirin est peu connu. Il est vrai que la plupart de ses œuvres ne portent pas son nom.

Voirin (François-Nicolas). — Paris, 1870-1885. Frère du précédent. Né à Mirecourt le 1er octobre 1833, il y fit son apprentissage et entra chez J.-B. Vuillaume, à Paris, en 1855, où il resta jusqu’en 1870. À cette époque, il alla s’établir rue du Bouloi, 3, et devint bientôt très célèbre.

Jamais réputation ne fut plus méritée que la sienne, car ses œuvres si recherchées aujourd’hui sont remarquablement belles et justifient l’appellation de Tourte moderne, donnée à leur auteur.

Le 4 juin 1885, F.-N. Voirin fut frappé d’une attaque d’apoplexie, devant le no 17 de la rue du Faubourg-Montmartre. Un archet, recouvert d’un étui en papier portant son nom, qu’il allait livrer, le fit reconnaître. Transporté chez lui, il y mourut sans avoir repris connaissance.

Ce grand artiste marquait ses archets :

F. N. Voirin, à Paris.

Vuillaume (Jean-Baptiste). — Paris, 1823-1875. Ce luthier, dont nous avons déjà parlé, s’occupa beaucoup de la construction de l’archet. On a vu, par les notices précédentes, que la plupart des ouvriers qu’il employa à cette fabrication sont devenus célèbres.

J.-B. Vuillaume fit une étude approfondie de l’archet de F. Tourte et arriva, à l’aide d’un procédé graphique, à faire reproduire mathématiquement le filage des baguettes de ce maître.

En 1834, il fit construire des archets en acier (il en existe au musée du Conservatoire de musique, à Paris). Plus tard, il imagina l’archet à hausse fixe. Afin de pouvoir tendre la mèche à volonté, une hausse mobile en cuivre se trouvait à l’intérieur de la première. De plus, la hausse intérieure et la tête étaient percées de part en part pour recevoir des petites pinces cylindriques qui fixaient les crins à chacune de leurs extrémités. Afin que la hausse ne puisse tourner, il en fit faire ayant une coulisse ronde, laquelle se place dans une rainure aménagée à cet effet.

Les archets de J.-B. Vuillaume sont très beaux.


  1. Vidal. La lutherie et les luthiers, p. 367.
  2. G. Chouquet. Le musée du Conservatoire national de musique, Paris, 1881, p. 23.
  3. Voir Les luthiers anglais
  4. Ouvrage cité.
  5. Voir Les luthiers français
  6. Voir Les luthiers français
  7. On nomme coulisse la doublure en métal dont est garnie la hausse dans la rainure qui s’applique sur la baguette.
  8. Voir dans ce volume, p. 396.
  9. Voir dans ce volume, p. 388 et 399.