Les anciens couvents de Lyon/13. Saint-Charles

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Emmanuel Vitte (p. 247-257).

SAINT-CHARLES



CE mot résume tout un ordre de choses aujourd’hui disparu, tout un ensemble d’institutions dont les sœurs de Saint-Charles, encore existantes, ne forment qu’une partie. Essayons de reconstituer ce passé et cet ensemble, d’autant plus intéressants qu’ils sont exclusivement lyonnais.

Aujourd’hui les écoles populaires sont multipliées presqu’à l’infini dans notre ville, et le petit enfant de douze ans étonne son interrogateur par la quantité de notions qu’il possède déjà. Mais on ignore généralement l’origine de ces écoles dans notre ville et le nom même de celui qui, avant le bienheureux de La Salle, inaugura la régénération intellectuelle des enfants du peuple dans notre cité.

Ce bienfaiteur de la jeunesse populaire était un prêtre du diocèse de Lyon, fondateur de l’œuvre des Petites-Écoles. Son nom, oublié par la postérité qui devrait le bénir, était Charles Démia.

Charles Démia naquit à Bourg-en-Bresse, le 30 octobre 1636. Orphelin de père et de mère à l’âge de neuf ans, il fut élevé par une tante qui ne négligea rien pour le former à la vertu. Il fit ses premières études chez les Jésuites ; à dix-huit ans, il vint à Lyon recevoir la tonsure, puis partit à Paris pour se former, sous le regard de maîtres éminents, à la vie ecclésiastique. Il fut successivement élève du séminaire des Bons-Enfants, de celui de Saint-Nicolas du Chardonnet, et de celui de Saint-Sulpice. Dans cette dernière maison, il fut formé par M. Tronson et devint bientôt, à cette école, un homme véritablement intérieur et dévoué au salut des âmes. Ordonné prêtre le 14 mai 1663, il revint à Bourg, où ses libéralités le firent surnommer le Père des pauvres. Mais il fallait à son activité et à son zèle un plus vaste théâtre. Il vint à Lyon, en 1664, et se présenta à M. l’abbé Hurtevent, premier supérieur du séminaire de Saint-Irénée et enfant spirituel de M. Ollier. Découvrant dans le jeune prêtre des trésors cachés de dévouement et de charité, il le présenta à M. l’abbé de Saint-Just, qui ne tarda pas à le recommander à son frère l’archevêque, Mgr Camille de Neuville. Ce dernier le nomma archiprêtre et visiteur extraordinaire de la Bresse ; puis, après lui avoir offert diverses fonctions qu’il ne put lui faire accepter, le nomma enfin promoteur de son diocèse et le força d’accepter cette charge.

Je n’ai pas à parler des vertus de ce saint prêtre, je n’ai qu’à raconter son œuvre ; nous allons en suivre pas à pas les progrès.

À Lyon, les enfants du peuple vivaient dans un grand libertinage, faute d’instruction ; l’abbé Démia résolut d’apporter un remède à ce mal. D’autres serviteurs de Dieu, grandement admirés par lui, l’avaient déjà précédé dans cette voie. Saint Charles, son patron, avait établi des écoles à Milan ; M. Bourdoise les avait multipliées en France, et il aimait, pour exciter son zèle, à se rappeler une parole de cet admirable prêtre : « Les maux de l’Église ne peuvent être guéris que par les séminaires et les petites écoles : les séminaires sont les écoles des ecclésiastiques, et les petites écoles sont les séminaires des chrétiens. »

M. l’abbé Démia se mit à l’œuvre ; il commença par composer et par présenter des Remontrances à MM. le Prévôt des marchands et échevins de Lyon. Cette première démarche n’eut pas tout le succès qu’il en attendait ; cependant elle contribua beaucoup à la création d’une première école, celle de Saint-Georges, qui fut comme le berceau de cette grande œuvre. Cette école fut ouverte le 9 janvier 1667, et cette date resta toujours chère au fondateur de Saint-Charles.

CHARLES DÉMIA
Instituteur des sœurs de St. Charles
Né à Bourg-en-Bresse, le 3 Octobre 1636
Mort à Lyon, le 23 octobre 1689.

L’année suivante, il présenta de nouvelles Remontrances aux magistrats de la cité. Cette pièce importante, écrite dans un style énergique, fit beaucoup de bien ; elle fut distribuée et envoyée un peu partout et, entre autres lieux, à Paris et à Reims ; à Paris où, selon le témoignage du curé de Saint-Nicolas du Chardonnet, elle produisit de bons résultats ; à Reims, où un chanoine de cette église, M. de la Salle, conçut, en les lisant, la pensée de créer des instituteurs pour la jeunesse. Quelle gloire pour l’abbé Démia et pour l’Église de Lyon d’avoir été les causes lointaines de cette création si persécutée, et cependant si populaire, qui s’appelle l’Institut des Frères des Écoles chrétiennes !

Dès lors, on s’inquiéta des enfants pauvres et l’on procéda, lentement il est vrai, à la création de quelques écoles ; les premières, après celle de Saint-Georges déjà existante, furent celles de Saint-Pierre, de Saint-Nizier, du Bourgchanin et de Saint-Paul. Les difficultés ne manquèrent pas, comme bien on pense ; elles venaient du Consulat, qui ne donnait qu’un secours insignifiant de deux cents livres ; elles venaient même de Mgr l’archevêque, qui d’abord ne vit pas d’un œil favorable la nouvelle entreprise. Mais, par la grâce de Dieu et le zèle de son serviteur, ces difficultés disparurent ; l’abbé Démia fut nommé directeur général des écoles, et il prit soin aussitôt d’en assurer la vitalité.

C’est alors qu’il créa le Bureau des écoles ; ce Bureau était composé de plusieurs personnes tant ecclésiastiques que laïques, qui devaient partager ensemble le soin et la conduite des écoles. Cette petite compagnie eut des assemblées réglées, afin que chacun des membres pût faire part à tous les autres de ses vues et de ses observations. Ces assemblées eurent lieu d’abord tous les trois mois, puis tous les mois, chez M. Démia, qui demeurait à Ainay. La première réunion fut tenue le premier dimanche de mars 1673. Dès 1679, l’existence du Bureau fut approuvée par Mgr de Neuville. Ledit Bureau des petites écoles devait être composé au moins de seize recteurs, dont huit, autant que possible, seraient ecclésiastiques ; le directeur devait toujours être pris parmi ces derniers, et le trésorier parmi les recteurs laïques. Enfin, au mois de mai 1680, on obtint des lettres patentes qui permirent au Bureau d’accepter des successions. Peu à peu l’œuvre s’affermissait.

Mais quels étaient les auxiliaires de M. Démia, dans cette œuvre de régénération ? C’étaient des prêtres ou des clercs engagés dans les ordres ; cette simple réponse, à notre époque d’insulte et d’outrage, devrait clore bien des lèvres. Citons quelques noms : Cuzin, prêtre de Lyon ; Gringoz, prêtre de Bourg ; Châtal, prêtre de Clermont ; Jacquemain, Farinet, Corton, Morand, prêtres de Bresse. Lorsqu’un jeune maître était appelé aux saints ordres, il était envoyé au séminaire de Saint-Irénée pour y faire sa retraite, puis le nouvel élu revenait à son travail d’enseignement chrétien et populaire. Avoir des prêtres comme instituteurs des enfants était la pensée dominante de M. Démia ; aussi, pour en avoir toujours à sa disposition, fonda-t-il le séminaire de Saint-Charles.

Cette œuvre nouvelle, destinée à assurer l’avenir des écoles de garçons, fut commencée le 27 mai 1672. L’abbé Démia loua, rue du Villars, sur la paroisse de Saint-Nizier, derrière l’église et près de la rue Gentil, une maison spacieuse appelée le Petit-Cameau. Il n’en occupa d’abord qu’une partie ; ce n’est qu’en 1697 que la maison fut achetée. Les règlements étaient à peu près semblables à ceux du séminaire de Saint-Irénée. Les élèves, en dehors des exercices pieux, faisant deux parts de leur temps, allaient deux à deux faire la classe dans les différentes écoles de la ville, et le reste de leur journée, soit le matin soit le soir, était consacré à l’étude de la théologie dogmatique et morale : le petit-séminaire des maîtres d’école ou séminaire de Saint-Charles était fondé, il vécut jusqu’à la Révolution.

Telle fut la première œuvre de M. l’abbé Charles Démia : l’enseignement gratuit donné aux enfants pauvres par des maîtres religieux, prêtres ou clercs. Mais il aurait cru cette œuvre imparfaite si, instituant des écoles pour les jeunes garçons, il n’en eût aussi établi pour l’instruction des petites filles. Aussi fonda-t-il une communauté de maîtresses d’école, qui devinrent les sœurs de Saint-Charles. C’est, de tous les établissements de M. Démia, le seul qui ait survécu à nos révolutions politiques.

Cette seconde création n’eut pas des progrès bien rapides, les développements en furent tardifs ; les arbres de longue durée ne croissent qu’insensiblement. Ce n’est qu’en 1675 qu’on trouve à Lyon deux écoles de filles, l’une sur la paroisse de Saint-Nizier, l’autre sur la paroisse de Saint-Paul. M. Démia fut prié d’en prendre soin ; il les perfectionna et en établit de nouvelles dans les paroisses voisines ; puis il établit, comme pour les écoles de garçons, un bureau composé de pieuses dames qui devaient s’occuper des écoles de filles ; cette Compagnie fut formée au mois de décembre de l’année 1677.

Elle fut créée par délibération du Bureau des Recteurs qui résolurent, afin que le même esprit présidât à l’œuvre commune, que quelques-uns d’entre eux assisteraient toujours aux assemblées des dames, comme le Directeur général, l’Assistant, le Secrétaire. Les noms des dames du bureau méritent d’être cités : Mme Guyot, trésorière de l’œuvre, Mme de la Valetette et sa sœur Mme de Sylvecane et les demoiselles de Murat, Alexandre, Cropet, Chrestin et Gaillac. M. Démia les réunissait dans sa maison d’Ainay le premier lundi de chaque mois, qui était le jour fixé pour les assemblées des dames.

Une fois le Bureau formé, M. Démia s’occupa des maîtresses ; c’étaient des filles sages, douces et pieuses, mais indépendantes et vivant séparément. Il les réunit en communauté, et, dans cette vue, il loua une maison et y rassembla toutes celles qui dépendaient du Bureau ; c’est à l’année 1680 qu’il faut fixer la naissance de cette communauté nouvelle, à laquelle il donna une direction éclairée et une règle sage. Telle fut la première forme de cette congrégation : il n’y avait pas encore de noviciat pour former de nouvelles maîtresses, ni de dotation pour assurer l’existence de la communauté. Si M. Démia eût vécu plus longtemps, il eût certainement mis la dernière main à son œuvre ; mais une mort prématurée vint l’enlever à l’âge de cinquante-trois ans, le 23 octobre 1689. Il laissait sa fortune aux écoles qu’il avait fondées, et, comme se survivant à lui-même, il laissa deux petits ouvrages précieux pour la direction des âmes, le Trésor clérical composé pour le séminaire de Saint-Charles, et une Retraite spirituelle destinée à la communauté des maîtresses.

M. l’abbé Gabriel Nicolas, qui, du vivant de l’abbé Démia, avait été établi préfet et supérieur du séminaire de Saint-Charles, ne négligea rien pour assurer l’affermissement de la communauté des maîtresses. C’est alors qu’on loua une maison fort spacieuse, près des Cordeliers, et dont on n’occupa qu’un seul étage ; le local était destiné à la communauté, à l’école de Saint-Nizier et à une école de travail.

Il n’est pas sans intérêt de savoir quelle était alors (fin du dix-septième siècle) la forme de la communauté de Saint-Charles. Pour le temporel, elle dépendait du Bureau des Écoles qui, outre leur nourriture, estimée au prix de cent livres pour chacune, donnait tous les ans pour leur entretien dix écus aux sous-maîtresses, douze aux maîtresses et vingt à la supérieure, sommes reçues par le supérieur de Saint-Charles, qui les remettait à la supérieure des maîtresses. La communauté se composait alors de treize sœurs, dont une avait le titre de mère. Deux autres, la maîtresse du travail et la sœur économe, partageaient avec elle la conduite de la maison, et déjà l’on commençait à former de nouvelles sœurs. Le règlement, qui concernait l’intérieur de la maison et la vie commune, était entre les mains de la supérieure ; il n’était que manuscrit. Chaque année on faisait une retraite du 4 novembre, jour de la fête de saint Charles, au 11 novembre, jour de la fête de saint Martin. Il n’y avait alors point de vacances, mais les maîtresses et les sous-maîtresses prenaient alternativement trois semaines de repos, qu’elles allaient passer au faubourg de Vaise, dans une maison de campagne louée aux religieuses de Sainte-Élisabeth. Elles ne faisaient point de vœux, elles lisaient une formule de protestation de servir Dieu dans les écoles des pauvres, mais il n’y avait pas de vœu proprement dit. Le costume ne fut pas d’abord distinct de celui des personnes de leur temps qui faisaient une profession particulière de piété : elles étaient vêtues de noir. Plus tard, cette couleur devint de rigueur, ainsi que le bonnet noir pour les maîtresses et le bonnet blanc pour les sous-maîtresses. Ces dernières différaient peu des novices ; on les nommait les unes et les autres les jeunes ou les inférieures, et comme il n’y avait pas encore de maîtresse de novices, c’était la supérieure qui en exerçait les fonctions. Plus tard encore un costume définitif fut adopté. Alors on voit apparaître le bonnet noir, dont les extrémités sont en gaze légère montée sur des fils de fer ; par-dessus, les religieuses ont une espèce de bagnolet en soie noire, bordée d’une dentelle de même couleur ; elle couvre les épaules, et se termine en pointe avec de nombreux petits plis. Un fichu noir plissé autour du cou, à la mode arlésienne, cache la taille, et par-dessus une large écharpe en soie noire entoure les reins, revient sur les bras et tombe par devant comme une large étole. Quoique noir, ce costume ne manquait pas d’élégance. Il en avait peut-être trop, car Monseigneur le cardinal Fesch, d’accord avec les mères conseillères, décida plus tard qu’on adopterait un costume plus conforme à la sainte vertu de la pauvreté. Ce fut aux vacances de l’année 1812 que la communauté en général prit le costume qu’elle porte encore aujourd’hui.

Un supérieur de Saint-Charles contribua beaucoup à l’accroissement et à l’affermissement de la double communauté. M. l’abbé Bourlier, qui était passé de Saint-Sulpice à Saint-Charles, assura des ressources au séminaire et parvint à faire doter la communauté des sœurs, c’est-à-dire, selon l’expression du temps, à assurer les maîtresses. Sur ses instances, le Bureau s’engageait à entretenir toute leur vie dans la communauté les maîtresses qui auraient passé dix ou douze ans au service des écoles. C’était d’une importance extrême : les inquiétudes de l’avenir, capables d’ébranler des vocations même solides, étaient ainsi supprimées et, partant, la communauté était affermie. C’est lui aussi qui, en 1715, fit changer les sœurs une dernière fois de local en les transférant des Cordeliers, où elles étaient, dans une maison attenante à la chapelle du séminaire de Saint-Charles, derrière Saint-Nizier : c’est là qu’elles résidèrent jusqu’à la Révolution ; ce fut leur troisième demeure.

On organisa aussi les écoles de travail, où l’on recevait les pauvres filles qui, au sortir des écoles, n’avaient pas de ressources suffisantes pour payer les frais d’un apprentissage. Cet essai avait déjà été tenté du vivant de M. Démia, mais les maîtresses étaient des personnes séculières, et leurs réunions formaient plutôt des ouvroirs que des écoles ; ce n’est que plus tard que ces dernières furent définitivement fondées. Deux sœurs y demeuraient tout le jour sans en sortir pour venir, comme les autres, dîner à la communauté. Ces écoles rendirent les plus grands services.

Il existe, à la Croix-Rousse, une rue de l’Enfance. Sont-ils bien nombreux les Lyonnais qui connaissent la raison de cette dénomination ? Il y avait là jadis la maison de l’Enfance, destinée à recevoir les personnes du sexe tombées en démence. Cette maison fut donnée au Bureau par Philippe Bourlier d’Ailly, trésorier de France et l’un des recteurs, au mois de mai 1746. Au mois d’août de la même année, le Bureau fit l’acquisition d’une maison qu’il réunit à l’ancienne, et fit ensuite construire deux autres corps de bâtiments spacieux et séparés. Ce vaste immeuble devait servir de retraite aux sœurs âgées ou infirmes, de local pour les écoles de garçons et de filles, et d’établissement-pour un pensionnat de demoiselles. Et pour ne pas abolir l’œuvre première, on éleva un corps de bâtiment séparé, où les filles et les femmes aliénées continuaient d’être reçues. À la tête de cette maison de la Croix-Rousse était une sœur économe ; on y suivait autant que possible les règlements généraux et particuliers de la maison de Lyon.

Je ne dirai rien des diverses épreuves par lesquelles passa cette communauté à l’époque où le clergé de Saint-Nizier chercha à s’emparer du local et de la chapelle de Saint-Charles. La communauté sortit victorieuse de cette épreuve, et alors M. Brunon, supérieur du séminaire, qui comptait cinquante-deux ans d’exercice, qui avait vieilli dans les traditions de Saint-Charles, les recueillit et composa une nouvelle règle, qui fut approuvée, en 1754, par le cardinal de Tencin.

Et maintenant nous pouvons nous faire une idée plus exacte de cette œuvre, qui d’abord paraît un peu compliquée. Elle comprend deux communautés distinctes et parallèles : le séminaire des maîtres, et la communauté des maîtresses. Le premier était composé d’élèves, de deux professeurs, de quatre directeurs et d’un préfet ou supérieur. Depuis la fondation jusqu’à la Révolution, il y eut six supérieurs, Gabriel Nicolas, Esparron, Bourlier, Chambon, Brunon et Gay : dans la communauté des sœurs, composée de novices, de sous-maîtresses, de maîtresses, parmi lesquelles on prenait les différentes dignitaires, et d’une mère supérieure, je ne cite que quelques noms de révérendes mères : avant la Révolution, la mère Chavarot, la mère Homeler, la mère Bertheaud, la mère Sicard, et depuis la Révolution, la même mère Sicard, la mère Angélique Perrin, la mère Marie Morel, la mère Marie Nicoud, la mère Dupont. Au spirituel, cette communauté dépendait du supérieur du séminaire de Saint-Charles. Au-dessus de ces deux communautés, il y avait le Bureau composé de seize recteurs, ecclésiastiques ou laïques, sorte de protecteur et d’économe collectif veillant au développement de l’œuvre. Enfin, délégué de Mgr l’archevêque et présidant à tout cet ensemble, il y avait le directeur général des écoles. M. Démia fut le premier directeur ; M. Marin lui succéda ; après lui, ce fut toujours le suffragant qui fut chargé de ces fonctions ; ce furent Antoine Sicaud, dont le titre était Mgr de Sinope, puis Mgr de Cydon, Nicolas Navarre, ensuite Mgr d’Égée, Jean-Baptiste-Marie Bron, et enfin Mgr de Sarepta, l’abbé de Vienne.

Quand éclata la Révolution, les dames de Saint-Charles furent protégées contre les premiers orages ; mais, en 1791, les municipaux pénétrèrent dans leur maison pour leur intimer l’ordre d’en sortir et pour instituer à leur place des maîtresses séculières. Les religieuses quittèrent leur costume et se dispersèrent. Mais, onze ans plus tard, le calme se rétablissait, et M. de Charpieux, maire de Lyon, s’efforça de relever la communauté disparue ; il réussit dans sa généreuse tentative, et au mois de novembre 1802, les sœurs de Saint-Charles, au nombre de seize, sous l’autorité et la conduite de la révérende mère Anne Sicard, déjà supérieure au moment de la dispersion, vinrent habiter le Petit-Collège, qui leur avait été offert. Elles restèrent là deux ans, furent transférées, près de Saint-Jean, dans la rue Tramassac, où elles louèrent une maison. Mais ce local devenant trop étroit pour la communauté qui croissait chaque jour, elles obtinrent, en 1808, à la montée des Carmélites, l’ancienne maison des Bleues-Célestes qu’elles occupent encore aujourd’hui. Enfin, elle fut approuvée comme hospitalière et enseignante par des décrets impériaux de 1810 et 1813.

Dès lors, nous entrons dans l’histoire contemporaine, et mon dessein n’est pas d’aller plus loin. Je me contente d’exposer ce qu’est aujourd’hui la communauté de Saint-Charles.

Une personne qui entre à Saint-Charles subit d’abord une année d’épreuve, puis elle reçoit l’habit religieux. Elle ne fait alors que des vœux d’un an et elle n’est admise à la profession qu’après cinq années de postulat. Les vœux alors sont perpétuels. Après dix ans de vêture, les sœurs reçoivent une croix en argent. Le costume, entièrement noir et en laine, est composé d’une robe en escot, d’une pèlerine en mérinos à laquelle tient un capuce de même étoffe, et d’un bonnet en gaze monté sur fil de fer ; elles portent un cordon et un chapelet au côté, ainsi qu’un anneau au doigt. Les novices sont distinguées des professes par un bonnet blanc, et les sœurs converses par une robe de couleur grise. Les sœurs récitent tous les jours le petit office de la sainte Vierge ; elles font une oraison de demi-heure le matin, puis assistent à la sainte messe ; il y a en outre un quart d’heure d’oraison avant le souper. La journée se termine par la récitation de l’office et la prière.

La congrégation compte près de deux mille sœurs et plus de deux cents établissements. Ses longs et beaux services ne l’ont pas mise à l’abri des mesures d’exception qui sont à l’ordre du jour ; mais les communautés se retrempent dans l’épreuve, et, avec Dieu, qui commande aux vents et aux tempêtes, le calme et la paix succèdent toujours aux troubles et aux orages.

SOURCES :

Les Almanachs de Lyon.

La vie de M. Démia, sans nom d’auteur, Rusand, éditeur, 1829.

Notes de la communauté de Saint-Charles.