Aller au contenu

Les cavaliers de Miss Pimbêche/20

La bibliothèque libre.
George E. Desbarats, éditeur (p. 75-76).


LES GRAINS D’ELLÉBORE.[1]

Avis à mes contemporains.

À vingt ans, il se crut poète
Et fit des vers, Dieu sait comment !
C’était mon ami, je regrette
De lui parler trop franchement.
Mais, s’il voulait rimer encore,
J’oserais lui dire entre nous :
« Prenez quatre grains d’Ellébore,
« Au temps jadis, ainsi l’on guérissait les fous. »

Il se mêla de politique,
Et voulut sauver son pays ;
Au début de la polémique
C’est le moins qu’il se crût permis.
Les périls, les maux qu’il déplore
L’ont rendu sinistre, jaloux :
« Prenez quatre grains d’Ellébore,
« Au temps jadis, ainsi l’on guérissait les fous. »

Il cherche, au fond de plus d’un verre,
Son avenir et son passé ;
Mais il vit triste et solitaire,
Amours, plaisirs l’ont délaissé.

Bacchus, qu’en vain sa voix implore,
Lui répond : « Cher, c’est fait de vous !
« Prenez quatre grains d’Ellébore,
« Au temps jadis ainsi l’on guérissait les fous. »

Et telle est la piteuse histoire
D’un quidam que vous connaissez.
C’est triste, mais il faut y croire,
Les faits parlent,… c’en est assez.
S’il meurt, nous redirons encore,
Pour le bien de chacun de nous :
« Qui n’a pas besoin d’Ellébore ?
« Au temps jadis, ainsi l’on guérissait les fous.»


  1. On sait qu’anciennement on attribuait à cette plante la vertu de guérir la folie.