Les députés des Trois-Rivières (1808-1838)/VÉZINA, Pierre

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Les éditions du « Bien Public » (p. 25-28).

IV

Pierre Vézina

(1772-1852)


Sous le titre L’Ancêtre des Vézina, M. Lucien Serre nous donne de copieux renseignements sur ce personnage et sur l’origine du nom.

« L’origine de ce nom, d’après Tanguay, est Voisine ; nous lui préférons, comme étant plus naturelle celle de Vésine que lui donne N.-E. Dionne, ancien professeur d’archéologie à l’Université Laval. Les Québécois ont encore présent à l’esprit les exploits du célèbre aviateur Vézine lorsque ce dernier survolait leur ville. Comme nom commun qui aurait donné naissance au nom propre, Vézine désigne un vent du sud-ouest, particulier à certaine région du Rhône ; et, ajoute Dionne, une vézinée est une averse. Ces deux vocables appliqués à celui qui le premier aurait porté le nom de Vézine ont-ils servi à marquer l’une de ses qualités morales, l’énergie, laquelle se serait manifestée par des tempêtes ou des averses à la rencontre d’obstacles ou, de contradictions ? S’il n’est pas défendu de le soupçonner nul cependant ne pourrait l’affirmer.

« À la fin du premier volume de son Cours d’Histoire du Canada, l’abbé Ferland nous apprend que Jacques Vézina était de Puyravault dans l’Aunis.

« Le Livre d’or dit qu’il s’est établi à l’Ange-Gardien en 1666. Or nous avons trouvé au greffe de maître Guillaume Audouart à la date du 11 janvier 1660, un transport de concession par Louis Gamaut et Jean Jacquereau à Jacques Vézina. C’est donc en 1660 et non en 1666 que Jacques Vézina s’est établi à l’Ange-Gardien ».

« Jacques Vézina était arrivé au pays en 1659, il était maître tonnelier. Il pouvait alors avoir une cinquantaine d’années, étant né vers 1610 d’après les recensements de 1667 et 1681.

« Jacques Vézina avait épousé Marie Bourdon en France, vers 1640. Leur fils François naquit en 1642, en France.

« Jacques était marguillier en charge lorsque fut construite l’église actuelle de l’Ange-Gardien qui remonte à 1675. Il mourut dans sa 77e année, le 38 juin 1687. »[1]

Dans le même volume, M. Berneval ajoute quelques notes qui complètent l’article de M. Serre.

« Jacques Vézina, né entre 1609 et 1611, ancêtre des Vézina canadiens, dut se marier à Puyravault (Charente-Inférieure) avec Marie Boisdon — non Bourdon — née entre 1615 et 1617. »

« De 1655 à 1659, Jacques Vézina est marchand à La Rochelle.[2]

Fils de Pierre Vézina et de Marie-Charlotte De Guise, Pierre naquit à Québec en 1772 et il épousa en cette ville, le 11 mai 1798, Julie, fille d’Étienne Ménard et de Louise Gauvreau. Il venait d’être admis à la pratique du droit le 10 mars précédent, après avoir fait sa cléricature d’abord chez M. Jacques-François Cugnet, puis, après la mort de celui-ci, sous M. Jean-Antoine Panet. Il alla s’établir aux Trois-Rivières. Il y était dès juin 1799, lorsqu’il signa l’adresse présentée par les citoyens de cette ville au capitaine Boyes, du 26e régiment, lors de son départ des Trois-Rivières où il tenait garnison. M. Vézina fut fait conseil du Roi le 15 juillet 1824.

Lors de l’élection partielle qui eut lieu le 11 avril 1807 pour remplacer John Lees, décédé, comme représentant de la ville des Trois-Rivières à l’Assemblée législative, il y avait quatre candidats sur les rangs : Matthew Bell, Thomas Coffin, Vézina et Hart. Voyant qu’il n’avait aucune chance d’être élu, Vézina se retira de la lutte en faveur de M. Coffin, mais Hart fut élu.

Aux élections générales qui eurent lieu aux Trois-Rivières en mai 1808, M. Vézina et le juge Foucher étaient candidats, mais ils furent défaits par MM. Joseph Badeaux et Ezékiel Hart. Huit ans plus tard, le 25 avril 1816, M. Vézina était élu dans la même ville, succédant à M. Amable Berthelot, Il siégea à l’Assemblée jusqu’au 9 février 1820. En politique, M. Vézina était l’émule du juge Foucher, c’est-à-dire bureaucrate, mais il n’eut pas autant de succès dans le fonctionnarisme.

Le 6 juin 1828, Pierre Vézina sollicitait le poste de juge à Sherbrooke. Il renouvela sa demande le 3 mai 1829 mais il n’obtint pas ce qu’il désirait. Il fut nommé, le 15 mai 1830, conjointement avec Benedict-Paul Wagner et Charles Lafrenaye, commissaire pour la construction d’un pont sur le Saint-Maurice. Ce pont était réclamé par les habitants depuis plus de vingt ans. Le 16 février 1832, M. Vézina demandait de nouveau un poste de juge. Sa requête demeura encore sans effet. Le 26 juillet de cette année il fut nommé commissaire pour la subdivision des paroisses et, le 6 octobre suivant, il résignait ce poste. Le 9 juillet 1832, il sollicitait le poste d’avocat-général du Bas-Canada mais ne l’obtint pas. Ce fut M. André-Rémi Hamel, de Québec, qui fut l’heureux mortel à qui échut ce poste envié. Le 22 mars 1834, M. Vézina demandait encore en vain le poste de coroner aux Trois-Rivières. Son rival heureux fut M. David Chisholme. M. Vézina fut fait juge de paix le 13 avril 1837 et commissaire pour administrer le serment d’allégeance aux Trois-Rivières, le 21 décembre suivant. Cette nomination de juge de paix n’eut pas l’heur de plaire à M. Wagner qui présidait la cour des magistrats depuis vingt-cinq ans. En leur qualité de Conseil du Roi, Pierre Vézina et Pierre-Benjamin Dumoulin, avaient préséance sur les autres juges de paix. Aussi Wagner refusa-t-il d’agir et se retira dans la vie privée.[3]

Le 15 décembre 1838, notre héros demanda de nouveau une position de juge. Non découragé par ses nombreux insuccès cet éternel solliciteur réitérait sa requête le 24 juin 1840, mais il ne fut pas plus heureux que précédemment. La guigne le poursuivait évidemment.

Pierre Vézina avait servi dans la milice pendant la guerre de 1812-15. Capitaine au premier bataillon de la division des Trois-Rivières, il fut transféré au troisième bataillon de Berthier le 25 mai 1812. Il fut aussi pendant quelque temps capitaine au huitième bataillon de la division des Trois-Rivières.

M. Vézina reçut une nouvelle commission de conseil du Roi en 1830 et, en 1838, celle de conseil de la Reine.

Il décéda aux Trois-Rivières le 5 décembre 1852, âgé de 80 ans. Il était le doyen d’âge du barreau du Bas-Canada.

De son mariage avec Julie Ménard, il eut entre autres enfants, Pierre-Édouard, qui fut admis au barreau le 27 octobre 1831. Né le 8 octobre 1810, il mourut à Drummondville le 2 juin 1862.

Augustin-Alexandre Vézina, frère de Pierre, était courtier à Québec. Il épousa, en cette ville, le 8 janvier 1816, Marie-Anne Chinic, fille de Martin Chinic, marchand de cette ville.

Benjamin Sulte croyait Pierre Vézina bien naïf. Dans son article sur le comte d’Ancour[4], il raconte ce qui suit :

« L’avocat Pierre Vézina semble avoir imaginé d’identifier le comte de Caulaincourt. On allait jusqu’à dire que le comte avait des remords de sa participation au meurtre du duc d’Enghien ! Là-dessus, Vézina ne douta plus ! »

Si non e vero…

  1. Bulletin des Recherches Hist. XXXIII, 339
  2. Bulletin des Recherches Hist. XXXIII, 649
  3. G. Malchelosse — Appendice au vol. 19 des « Mélanges historiques » de Sulte.
  4. Bulletin des Recherches Historiques, XVIII, 175.