Les filles de Loth et autres poèmes érotiques/19

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Le Parricide par ignorance
Les filles de Loth et autres poèmes érotiques, Texte établi par Bernard, Edmond Dardenne, Imprimerie de la Genèse (Sodome) (p. 95-97).

Les filles de Loth et autres poèmes érotiques, Bandeau de début de chapitre
Les filles de Loth et autres poèmes érotiques, Bandeau de début de chapitre

LE PARRICIDE PAR IGNORANCE


Voyons, du calme ; à quoi bon s’insurger
Contre le sort ? Hé ! mon ami, nous sommes
Tous plus ou moins mortels… les pleurs des hommes,
En pareil cas, peuvent-ils alléger
Le sac d’ennuis jeté sur leurs épaules ?
La chose n’est, certes, pas des plus drôles,
Mais il faut en prendre notre parti.
Ainsi, mon cher, vous êtes averti :
Votre femme est perdue. Avant l’aurore
Elle aura dû trépasser. Je veux bien
La venir voir demain matin encore,
Mais pour la forme… Allez, en bon chrétien,
Chercher un prêtre, et priez pour son âme.

Le médecin ayant dit, s’en alla ;
Jean resta seul avec sa pauvre femme.

« Eh quoi ! fit-il, Madelon, la voilà !…
Celle qu’un jour, à mon bras suspendue,
Je fis entrer, joyeux, à la maison,
La voilà roide, immobile, étendue…
Oh ! comme au temps de sa verte saison
Elle était fraîche et gaillarde ! Ses hanches
Faisaient dresser, sous leurs cottes si blanches,
Les vits de tous… Hélas ! c’est dans ce lit
Où le trépas la couche et la pâlit,
Que je lui pris son mignon pucelage.
Ô douce nuit ! Oh ! le blanc étalage
De ferme chair ! Son corps solide ouvrait
Avec ardeur ses jambes amoureuses ;
J’aurais alors juré qu’on ne pourrait
Jamais forcer les portes ténébreuses
Par où la pine arrive jusqu’au cœur
De l’épousée attendant son bonheur !
Que je bandais ! Ô Dieu ! je bande encore
En cet instant où je me remémore
Cette nuit-là. J’écartais doucement
Ses poils frisés, tout en couvrant ses charmes… »

Et ce disant, Jean, les yeux pleins de larmes,
Pensant encore être à ce doux moment,
Baisait sa femme à couilles rabattues…
Froide et pareille aux inertes statues,

Sans un seul coup de cul, sans un hoquet,
La Madelon reçut dans son baquet
Le foutre épais du veuf inconsolable.

L’aurore vint, et d’un rayon aimable
Illumina la chambre des époux.

« Eh bien ! mon cher, dit, en ouvrant la porte,
Le médecin, maintenant portez-vous
Votre malheur avec une âme forte ?
Hein ! Quoi ? que vois-je ? oh diable !… »
Jean trembla,

Épouvanté devant son sacrilège.
« Ah ! sapristi ! fit le docteur, voilà
Bien du nouveau ! je sors donc du collège ?
Eh quoi ! j’avais condamné Madelon,
Et je la voix qui respire ?
— Ma femme ?
— Elle est sauvée !
— Est-ce vrai ?
— Sur mon âme ! »
Jean, entr’ouvrant soudain son pantalon,
Montre sa pine, et raconte à voix basse
Ce qu’il a fait, tout en demandant grâce :
« En de tels cas, le coït peut souvent
Bien opérer, dit le docteur. Avant
Quatre ou cinq jours, vous verrez Madeleine
Boire et manger, et foutre à motte pleine. »

Jean, tout joyeux, n’eut rien de plus pressé
Que de conter son cas au voisin Pierre
En lui disant comment un vit dressé
Pouvait tirer Lazare de sa bière :
« Hélas ! fit Pierre, étouffant un sanglot,
Si tu m’avais dit ce secret plus tôt,
Je n’aurais pas, la semaine dernière,
Laissé mourir mon brave homme de père ! »