Les filles de Loth et autres poèmes érotiques/25
LES BOUCLES D’OREILLES À TAUPIN
Un’ bonn’ fé’ lorsqu’il vint au monde,
Comm’ talisman, au p’tit Taupin,
Donna deux boucl’s d’oreill’s bien rondes
Voici le discours qu’ell’ lui tint :
« Si tu veux, autrement qu’en rêve,
Fêter l’amour, ce Dieu malin,
Il ne faut pas qu’on t’enlève
Tes boucl’s d’oreill’s mon p’tit Taupin. » bis
Ell’s ont gardé leurs belles formes
Quoiqu’ayant couru des dangers :
Il a fallu des soins énormes
Pour ne pas les endommager.
Depuis le temps qu’il les balance
On peut dir’ que c’est un rud’ chopin
Pour la r’population d’là France
Les boucl’s d’oreill’s à Taupin. bis.
Il couche avec, d’peur qu’on lui prenne,
Au lieu d’les mettre dans un écrin ;
On n’a pas de plaisir sans peine.
Et chaque jour, comme il craint
De les perdre en faisant un’ course,
Ou d’les laisser dans un sapin,
Il les suspend dans une bourse,
Ses boucl’s d’oreille’s, Monsieur Taupin. bis.
Il évite dans les familles,
Habituellement, d’en causer,
Surtout devant les jeunes filles,
Ça pourrait les faire jaser.
Mais un soir qu’il était pompette,
Dans un dîner des plus rupins,
Il les a mis’s dans une assiette, bis
Ses boucl’s d’oreill’s. Monsieur Taupin.
Afin d’payer ses arrérages,
Au Mont-d’-Piété, c’matin encor.
Il a voulu les mettre en gage :
Quel malheur qu’elles soient pas en or !
Ell’s s’oxydent — la chose est notoire —
Car, depuis qu’il n’est plus rupin,
Elles sont devenues toutes noires,
Les boucl’s d’oreill’s à Taupin. bis.