Les habitations ouvrières de M. Émile Cacheux

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Les habitations ouvrières de M. Émile Cacheux
Revue pédagogique, second semestre 1885 (p. 72-73).

Les habitations ouvrières, études sur maisons pour une ou plusieurs familles, par Émile Cacheux, ingénieur des arts et manufactures ; Paris, Baudry, éditeur, 4 vol. in-8. — A aucune époque autant qu’aujourd’hui, la question des habitations ouvrières et des logements à bon marché n’a sollicité l’attention générale ; c’est l’une de celles dont la solution s’impose à une société démocratique. Dans les grandes villes, et particulièrement à Paris, des efforts ont été tentés pour arriver à établir des maisons accessibles par le prix de vente ou de location non seulement aux ouvriers, mais aux gens de toute classe et de fortune modeste. Des sociétés d’étude ont été constituées, des projets présentés à l’administration de la Ville, mais de ces projets aucun jusqu’à présent n’a rallié une approbation unanime.

Dans le livre qu’il vient de publier, M. Cacheux étudie le problème si complexe de la construction à bon marché, il en expose les principes, en développe les moyens pratiques, avec la compétence du constructeur et l’autorité de l’homme qui possède la science de son métier. Plusieurs villes déjà et des chefs d’industrie ont fait établir pour la population ouvrière des habitations suffisamment spacieuses, salubres, dans des conditions de prix très satisfaisantes. Il croit que ce qui a été réalisé dans d’autres pays est également réalisable dans Paris, et il se fait fort de le prouver par des chiffres. Sa démonstration s’appuie sur des exemples qui paraissent indiscutables.

Dans le département de l’Aisne, le familistère de Guise loge une population de douze cents ouvriers et assure à tous ses hôtes, avec l’habitation, tous les avantages réservés a la seule richesse. M. Godin, le fondateur du familistère, a annexé à son établissement une crèche et des écoles où l’enfant reçoit la première instruction jusqu’à quatorze ans ; à cet âge, l’enfant peut, suivant ses goûts et ses aptitudes, faire son éducation dans les ateliers, ou choisir. toute autre carrière. L’usine des fourneaux en fonte établie à Guise a été mise en actions, elle est maintenant la propriété des ouvriers dont la part d’intérêts augmente chaque année. Un autre exemple, cité par M. Cacheux, des bienfaits de l’industrie, au point de vue. de l’amélioration sociale, est fourni par lu ville de Mulhouse, où tout ce qui est nécessaire aux besoins de la vie a été mis à portée de l’ouvrier, habitations bien aménagées et à prix réduits, établissements d’utilité publique de tout ordre, écoles spéciales d’apprentis, ouvroirs, cours d’adultes, écoles de filature et de tissage. Grâce à l’organisation de ses institutions ouvrières, l’industrie mulhousienne a pu traverser sans trouble la crise de 1871.

M. Cacheux ne s’est pas borné à aller chercher des exemples au Join ; il a tenu à se faire la preuve à lui-même, et c’est Paris qu’il a choisi pour champ d’expérience. Aux Lilas, il a fait construire au prix de 4,400 francs et il a vendu au prix de 9,000 francs payables en quinze annuités de 600 francs, des maisons comprenant salle à manger, cuisine, deux chambres à coucher, cabinets, privés, avec cave, grenier et puits mitoyen. À Auteuil, dans l’impasse Boileau, il a fait établir par un entrepreneur dix maisons contiguës moyennant la somme de 36,000 francs. Ces maisons ont été cédées à prix coûtant à la Société de Passy-Auteuil pour les habitations ouvrières.

Le système de vente par annuités, mis en pratique en Angleterre, permet aux ouvriers de devenir sans peine propriétaires de leurs maisons, grâce à l’institution des « Building-Societies », qui leur font l’avance des fonds nécessaires à l’acquisition, contre paiement d’une somme annuelle ne dépassant pas le prix du loyer.

Dans une dernière partie de l’ouvrage, M. Cacheux étudie les moyens pratiques propres à faciliter dans les grandes villes de France, et surtout à Paris, la formation de sociétés analogues à celles qui existent à l’étranger. Il fait suivre son travail d’un projet de statuts pour Sociétés d’habitations économiques, et d’une série de plans de constructions isolées ou disposées par groupes de deux, trois ou quatre logements.

Nous n’oserions pas affirmer que dans le livre de M. Cacheux le dernier mot soit dit sur la question des habitations ouvrières et des logements à bon marché, mais il faut savoir gré à l’auteur d’en avoir préparé la solution.