Les invisibles de Paris (Aimard)/II-1/VII

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Roy et Geffroy (p. 234-243).
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VII

LE MASSACRE

Le ciel, d’un bleu profond, était semé d’une profusion d’étoiles brillantes comme de la poussière de diamant.

Pâle, blanche et froide, la lune se mirait dans la mer aux flots transparents.

La brise arrondissait les voiles et courait dans les cordages avec de mystérieux murmures.

Un double sillon phosphorescent, creusé par l’avant du navire, glissait sa double bande d’un blanc verdâtre le long de ses flancs pour la fondre et la réunir à l’arrière.

Le brick, légèrement penché sur bâbord, filait à travers les lames avec toute la mollesse d’une créole se balançant dans son hamac, au gré de son caprice, à l’heure paresseuse de la siesta.

La nature s’était complu dans la perfection de cette nuit.

Chaleur, parfums, clartés, rien n’y manquait.

C’était bien une de ces belles nuits des tropiques, claires comme les tristes jours de nos climats septentrionaux, une de ces nuits qui enlèvent votre âme sur l’aile radieuse des songes argentés, pour la transporter au riant pays de la rêverie et de l’idéal.

Tout, dans ces moments solennels, convie à la vertu, à la fraternité, à l’amour.

Et ce serait si facile d’écouter les milles grandes voix de la création !

Si facile et si tentant !

Hélas ! notre rôle de fidèle conteur ne nous permet pas de nous appuyer plus longtemps sur un piédestal, sur un appui aussi doux, aussi poétique.

Il nous faut revenir à la réalité.

Au milieu de cette nature calme et reposée, sur le pont de ce navire agréablement bercé par la brise de nuit, par le souffle protecteur de la divinité, il se passa la scène qui suit.

Scène horrible, œuvre clés ténèbres, desquelles Satan lui-même détourne la tête, une fois que sa malice infernale a aidé à les commettre.

Un second coup de sifflet, faiblement modulé, venait d’être donné par l’Espagnol.

Au même instant, avec un terrible ensemble, plusieurs coups sourds et rapidement appliqués retentirent à l’avant du brick.

C’était le bruit mat d’un battoir de blanchisseuse frappant du linge mouillé.

Plusieurs murmures, deux ou trois cris étouffés, une agitation soudainement éteinte !

Ce fut tout.

Trois corps soulevés dans l’ombre par des mains impitoyables, glissèrent en travers sur la lisse et s’engloutirent dans les flots, naguère encore si limpides.

Il y eut un bouillonnement.

L’eau prit une teinte rougeâtre.

Le navire embarda.

Puis tout disparut.

Si lestement qu’eût été exécuté ce triple meurtre, si faibles qu’eussent été les cris d’agonie des victimes, le bruit de la lutte qui avait suivi tira l’officier de quart de son assoupissement involontaire.

Il secoua sa fatigue et se leva.

Un instant lui suffit pour deviner le meurtre, pour comprendre la situation.

C’était un homme courageux.

Il n’avait pas d’armes.

Sa première idée fut de s’en faire une avec le premier morceau de bois ou de fer qui lui tomberait sous la main.

Une esparre en chêne de près de cinq pieds de long et de la grosseur du bras d’un enfant de douze à quinze ans gisait oubliée sur la drome.

Le lieutenant sauta sur elle.

Une fois cette arme, peu commode à manier, mais redoutable quand même, dans une main vigoureuse, au bout de son bras, il cria de toute la force de ses poumons :

— Au meurtre ! À l’assassin ! En haut, tout le monde ! À moi ! à moi !

Cette voix de stentor, ces cris d’appel glacèrent les meurtriers d’un effroi facile à comprendre.

Ils hésitèrent une seconde.

On se consulta.

Cette seconde suffit au brave officier pour s’élancer dans l’angle tribord du carrosse.

Là il se mit en défense, et se prépara à vendre chèrement sa vie.

Le lieutenant était un homme de trente à trente-cinq ans, d’une taille colossale et d’une vigueur rare.

Les chefs des conjurés ne le connaissaient pas.

Ils l’avaient à peine entrevu un instant, en montant à bord.

Le voyant enveloppé dans son caban, endormi, accablé par les fatigues de la journée, ils l’avaient négligé pour s’occuper de ses hommes, dont la fidélité et la force leur semblaient plus à craindre.

Ils se trompaient.

Ils le reconnurent à leurs dépens.

Les cris du lieutenant avaient porté leurs fruits.

On venait de l’entendre, à coup sûr.

Dans l’intérieur du navire les hommes se hâtaient, sautaient à bas de leurs hamacs, criant, jurant, se bousculant, prêts en un clin d’œil à monter sur le pont.

La situation devenait critique pour les conjurés.

De sûre qu’elle était, la partie se faisait douteuse et pleine de danger.

Il fallait en finir à tout prix.

Trois hommes se jetèrent sur le lieutenant, la hache et le sabre hauts.

Il fit tournoyer son esparre autour de sa tête.

L’esparre retomba.

Deux coups furent parés, un troisième reçu.

Seulement ce ne fut pas le lieutenant qui le reçut, mais bien un de ses assaillants.

Ce dernier tomba le crâne fracassé.

— Et d’un ! cria le lieutenant. À moi ! à moi ! répétait-il en faisant un moulinet de défense à l’aide de sa lourde et terrible massue.

— À mort ! hurlaient les assassins.

Mais ils se tenaient à forte distance, épiant le moment de se ruer à corps perdu sur leur adversaire, qui ne pouvait continuer longtemps ses parades désespérées.

Cependant plusieurs matelots arrivèrent sur le pont.

Ceux-là étaient fidèles à leur devoir et dévoués à leurs chefs.

Ils s’étaient armés à la hâte.

Il fallut leur faire face.

Ce secours donna un instant de répit au courageux officier.

La lutte devint générale.

Au bruit, aux cris, le capitaine du brick s’était réveillé.

Il sortit sans armes de sa cabine pour voir ce qui causait tout ce tumulte.

— À moi ! criait toujours le lieutenant.

— Me voici, tenez ferme ! lui répondit le capitaine apparaissant au capot de la chambre.

L’homme qui tenait la barre se pencha vers lui, et sans lui laisser le temps d’ajouter un mot, il lui brûla la cervelle.

Le pauvre marin tomba raide à la renverse aux pieds de son lieutenant, qui, poussant un cri de douleur et de rage, ne laissa pas longtemps sa mort sans vengeance.

D’un coup d’esparre il abattit le timonier agonisant sur le corps de sa victime.

D’un second coup, il lui défonça la poitrine.

En proie, alors, à une folie furieuse, le brave officier, ne songeant plus à son propre salut, dédaignant toute précaution qui eût pu prolonger sa défense et sa vie, se rua d’un bond au milieu des assassins.

Et il se passa un des épisodes les plus curieux de cette nuit sanglante.

Seul contre dix, le lieutenant de la Rédemption brisait tout, renversait tous les hommes qui se rencontraient sur son passage.

Pas de sabre, pas de pique d’abordage, pas de hachette qui résistât au choc de la terrible esparre.

Un moment il put croire qu’à lui seul il délivrerait le navire de l’engeance maudite qui l’infestait.

Mais, hélas ! sa victoire ne dura qu’un éclair.

Les matelots du brick, à peine éveillés, mal armés, n’opposaient qu’une faible résistance à leurs agresseurs.

Ils tombèrent l’un après l’autre, victimes de leur devoir et de leur fidélité.

Seul, le cuisinier du bord, un nègre doué d’une force athlétique et d’un courage féroce, parvint à se ranger auprès de son lieutenant.

Il se nommait Scipion.

— Courage, Scipion ! lui cria son chef, tout en maniant avec une adresse de bâtonniste son arme vengeresse, courage ! Ces bandits-là ne savent qu’assassiner, ils ne savent pas combattre !

— C’est vrai, lieutenant ! répondit le nègre, qui, armé seulement d’un long couteau de cuisine, faisait bonne contenance. Ils ne savent même pas mourir. Voyez !

Ce disant, il lui montrait un de leurs ennemis auquel il venait d’enfoncer son couteau dans le ventre.

Le misérable se tordait dans les convulsions de l’agonie, blasphémant, reniant Dieu et demandant grâce à Scipion, qui lui tenait le pied sur la poitrine.

Se défendant l’un l’autre, attaquant même à plusieurs reprises, ces deux hommes, forts de leur conscience et de leur bravoure à toute épreuve, tinrent pendant près de cinq minutes leurs ennemis en respect.

Il fallait en finir.

L’alarme avait été donnée.

Les matelots fidèles au capitaine étaient massacrés ou hors de combat.

On n’avait plus de ménagement à garder.

Les assaillants s’écartèrent du lieutenant et du nègre, évitant de la sorte les rudes atteintes de l’esparre et la pointe mortelle du couteau du cuisinier.

— Plus d’armes blanches ! cria la voix aux inflexions presque féminines.

Plusieurs coups de feu furent tirés sur les deux hommes.

Le nègre fut touché.

Il poussa un rugissement de désespoir, lâcha son arme, et dans un dernier spasme de dévouement, il vint tomber devant son chef auquel il cherchait à faire un rempart de son corps.

Il était mort.

Mais sa chute avait coûté cher à ses adversaires.

Deux d’entre eux avaient reçu jusqu’au manche la lame de son couteau en pleine poitrine.

Le lieutenant restait bien seul cette fois

Plus de secours à attendre.

Rien que la ressource de mourir bravement après avoir immolé le plus d’ennemis possible aux mânes de ses amis, à sa propre mémoire.

Au moment où le lieutenant se tenait ce langage digne d’un homme de cœur, son arme se brisa dans ses mains.

Un coup de hache, adroitement donné, lui coupa l’esparre en deux, juste à deux doigts de son poignet.

Un cri de triomphe retentit du côté des assaillants.

Se baisser, ramasser le long couteau du nègre Scipion, se le visser à la main fut l’affaire d’un instant pour le lieutenant aux abois.

Voyant qu’il ne se rendait pas, les hommes commandés par les trois négociants espagnols se jetèrent tous à la fois sur ce cerf qui sentait l’hallali, semblables à une meute de chiens ardents et âpres à la curée.

Seulement le cerf leur tint tête à cette dernière reprise.

Plus d’un, parmi les chiens, bondit et rebondit éventré, se retirant piteusement de la bagarre, le ventre ouvert ou la tête fendue.

Ils s’étaient attachés, suspendus, rivés à lui.

L’officier traînant cette grappe humaine, à chaque pas, la secouant à droite et à gauche, faisait des efforts prodigieux pour reconquérir la liberté de ses mouvements.

Le sang s’échappait de plusieurs blessures qu’il avait reçues depuis le commencement de la bagarre.

Il luttait.

Il sentait le râle de l’agonie lui monter aux lèvres.

Il ne demandait ni grâce ni merci ; il n’en appelait qu’à sa propre force.

Il luttait encore.

Il combattait toujours.

C’était superbe !

Mais, comme toutes les belles choses de ce bas monde, sa défense eut une fin.

Pendant que l’intrépide lieutenant de la Rédemption annihilait les efforts et les attaques de ses nombreux et lâches ennemis, celui des trois Espagnols qui paraissait le chef de cette hideuse révolte prit un revolver, s’avança lentement vers le groupe formé par lui et par les siens, et, visant à hauteur du front, il attendit.

Dès la première éclaircie qui lui permit d’entrevoir la noble et courageuse tête de l’officier, il fit feu.

Les bras de ce dernier laissèrent échapper les deux adversaires qu’il serrait à la gorge.

L’Espagnol tira un second coup de revolver.

Le lieutenant tomba, entraînant dans sa chute trois ou quatre matelots acharnés sur son corps.

L’Espagnol vint à lui, approcha du cœur de son terrible ennemi le canon de son arme et le coup partit.

Les matelots se relevèrent.

Le lieutenant demeura sans mouvement sur le pont, baigné dans une mare de sang.

— À la mer ! dit froidement le négociant espagnol.

— À la mer ! à la mer ! hurlèrent en chœur les révoltés, qui, humant le carnage et la destruction à pleines narines, ne possédaient plus rien d’humain.

L’officier fut saisi par les pieds et par la tête.

On le porta à la coupée.

Un instant après, il était lancé par-dessus le bord, aux acclamations triomphantes de ces cannibales.

Cette dernière exécution faite, les misérables respirèrent.

La lutte avait été chaude.

Tous les marins de l’équipage de la Rédemption qui ne faisaient point partie de la conspiration avaient été massacrés sans miséricorde.

De ce nombre, se trouvaient le capitaine du brick, le second, qu’on avait assassiné dans son lit ; le cuisinier du bord, et l’intrépide lieutenant, qui avait si longtemps tenu les assassins en échec.

Cinq matelots les avaient suivis ou précédés dans leur unique et vaste tombe.

Seulement les révoltés payaient cher ce qu’ils osaient appeler leur victoire.

Un des trois négociants avait été tué par le lieutenant.

Le timonier aussi.

Trois hommes, dont deux domestiques, et l’un des matelots qui avaient tourné casaque.

En tout cinq.

Demeurés maîtres du navire, les conjurés se mirent à chercher s’il ne restait pas encore sur ou sous le pont quelque victime à jeter à la mer.

Tout ce qui ne faisait point partie de leur bande était contre eux.

Ils ne voulaient laisser vivre aucun témoin qui aurait pu devenir gênant par ses dénonciations ultérieures.

En dehors de ces précautions cruelles, sanguinaires, mais rationnelles, vue prise de leur abominable crime, ils avaient un autre but, une seconde raison de se conduire avec tant de barbarie.

Nos lecteurs le verront dans peu.

Durant le combat, le bâtiment, abandonné à sa propre impulsion, était venu en travers et il avait complètement masqué par suite de la mort du timonier.

Le maître d’équipage, l’un des principaux révoltés, plaça un matelot à la barre et lui fit exécuter les manœuvres nécessaires pour remettre la Rédemption en bonne route.

Ce matelot se contenta donc d’assister, témoin inactif, au massacre que nous venons de raconter.

Il n’avait même point participé à la première tuerie.

On l’avait gardé pour remplir les fonctions qui venaient de lui incomber.

Heureusement pour ces misérables, la mer était belle et la brise faible.

Autrement, le brick, abandonné à lui-même, ayant masqué en grand, courait le risque d’être démâté.

Peut-être pouvait-il lui arriver pis encore.

On a vu des navires se perdre par une mer tranquille comme un lac d’huile.

La manœuvre exécutée, des fanaux furent allumés, et l’on commença la reconnaissance des morts, absents ou présents.

Pendant qu’on procédait à ce funèbre examen, le second maître, qui venait de prendre le quart d’officier, se tenait auprès des porte-haubans du grand mât.

Tout à coup il jeta un cri affreux.

Cri de terreur et d’angoisse indicible.

Puis, se rejetant vivement en arrière, il appela à l’aide, de tout ce qui lui restait de force.

Les révoltés se retournèrent en même temps du côté d’où partaient ces appels désespérés.

Ce qu’ils aperçurent les rendit immobiles de stupeur et d’épouvante.

En effet, le spectacle qui vint frapper leurs regards était bien fait pour frapper de terreur et d’horreur le cœur le plus endurci, le plus insensible.

La main de Dieu était là qui se manifestait dans toute sa puissance.

Un spectre, ruisselant d’eau et de sang, les traits livides, horriblement contractés par la douleur et par la haine, venait subitement d’apparaître dans les porte-haubans du grand mât.

Ce spectre, dont les rayons blafards de la lune doublaient l’apparence fantastique, jeta un rugissement de bête fauve et s’élança en avant, la tête la première, les bras tendus, cherchant une proie.

Cette proie ne lui fit pas faute.

Elle ne se sentit pas la force de lui échapper.

Elle l’attendit en tremblant.

Le spectre tomba sur le second maître, qu’il renversa sous lui et dont il étreignit le cou entre ses mains puissantes et crispées, avec des ricanements, des rauquements de tigre dévorant un cadavre encore pantelant.

Le misérable matelot se défendit de son mieux, toujours en implorant l’aide et le secours de ses camarades.


Il déplia le papier. Le papier était blanc.

Vains efforts !

L’étau humain se resserrait de plus en plus autour de sa gorge.

En moins de temps qu’il ne nous en faut pour raconter le fait, ses cris, ses appels se changèrent en un râle convulsif.

L’agonie venait.

La mort n’était pas loin.

Un suprême et dernier cri de secours, poussé par le second maître, tira les révoltés de leur stupeur et de leur inaction.

D’un commun accord, ils s’élancèrent au secours de leur compagnon.

Les sentant venir, le spectre se releva.

Avec lui, il redressa d’une secousse brève et sèche le corps du matelot, qu’il étreignait toujours à la gorge, et, sans prononcer un mot, il laissa les autres approcher.

Les matelots se jetèrent sur lui.

Ils le saisirent.

Il se laissa faire.

Seulement, il tenait si fermement serrée la gorge du second maître, qu’en l’enlevant entre leurs bras au-dessus de leurs têtes effarées, les matelots étaient obligés de soulever en même temps leur misérable compagnon, qui ne respirait presque plus.

Ce fut une lutte sans nom, une mêlée indescriptible, qui dura plus de deux minutes.

Le second maître ne râlait plus.

Le spectre n’avait pas voulu le rendre.

Un coup de hache lui fendit le crâne et le lui ouvrit jusqu’à la mâchoire.

L’étau ne se desserra pas.

Ce fut si horrible à voir que les révoltés reculèrent consternés. Ils ne voulaient pas jeter le second maître à la mer.

Puis, jeter le spectre à la mer, c’était peine perdue, puisqu’il revenait, puisqu’il remontait à bord, comme si de rien n’étaient les terribles blessures qui lui hachaient les mains, les bras, la poitrine et le visage.

Puisque le spectre n’était autre que le lieutenant de la Rédemption !

Le lieutenant, leur indomptable ennemi, que la mort n’osait pas essayer de mater.

Le lieutenant, qui, la tête fendue, portant toujours sa victime étouffée, étranglée, entre ses bras, monta sur le rebord du navire, s’y tint debout et, prêt à se lancer dans les flots, leur cria d’une voix qui n’appartenait plus à ce monde :

— Lâches ! traîtres ! soyez maudits ! maudits !… et pendus ! oui, pendus ! Cela dit, il se jeta à la mer, les mains toujours plongées dans la gorge de sa victime, qui avait été l’un de ses assassins.

Comment cet homme de fer était-il parvenu à s’accrocher au navire ?

Comment avait-il pu remonter sur le pont, malgré ses nombreuses blessures et le sang qui en coulait à flots ?

Nul ne le comprit.

Mais le fait est là, patent, irréfutable ; nous le racontons tel qu’il s’est passé.

Le retour du lieutenant portait le nombre des morts à six, du côté des révoltés.

Il ne restait à bord du brick que neuf hommes vivants.

Encore, dans ce nombre, fallait-il compter le mousse du capitaine, pauvre enfant d’une dizaine d’années qui s’était laissé entraîner par les menaces des conjurés.

Depuis que la révolte avait commencé, ce mousse ne faisait plus que pleurer et se lamentait en tremblant de tous ses membres.

Les meurtres si atroces, si cruellement accomplis sous ses yeux, lui avaient presque donné envie de se révolter contre les révoltés.

Mais la peur de la mort l’emporta sur ses instincts généreux.

Elle le retint.

On se remit enfin à débarrasser le pont des cadavres qui l’encombraient.