Les invisibles de Paris (Aimard)/III/VIII

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Roy et Geffroy (p. 468-477).
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VIII

LA CONTRE-PISTE DE RIFFLARD

Une demi-heure après, M. Jules entrait dans un salon de la maison de santé du docteur Martel.

Laissé seul par le domestique qui venait de l’introduire, l’ex-agent de la police s’installa commodément dans un fauteuil au coin de la cheminée et attendit en murmurant à part lui :

— C’est singulier, tout respire l’ordre et l’honnêteté ici. Rien ne sent la comédie ni l’intrigue. Définitivement, j’ai affaire à des gens très forts ! tant mieux, ma foi ! ça me réveillera un peu ! Voyons-les venir.

Quelques minutes se passèrent.

— Ah çà ! se demanda notre homme, me font-ils poser ? ou se concertent-ils pour me recevoir ? Que diantre ! ils sont prévenus de ma visite. Je leur ai pourtant bien laissé le temps de se reconnaître.

Puis :

— Le Rifflard en sera-t-il ?

Sur cette dernière interrogation intime, le docteur Martel entra.

L’ex-agent se leva.

Malgré toute son audace, malgré son assurance passant toutes les bornes, l’intelligent et beau visage du praticien renommé lui imposa.

— À qui ai-je l’honneur de m’adresser ? lui dit le docteur en lui rendant son salut.

— Monsieur est sans doute le docteur Martel ? demanda l’ex-agent, qui, tenant à ménager l’effet que devait produire son terrible nom, répondait à une question par une autre question.

Vieille tactique, qui cette fois n’eut aucun succès.

Le médecin répondit simplement :

— Oui, monsieur. Et vous, qui êtes-vous, s’il vous plaît ?

Impossible de conserver plus longtemps l’incognito.

— Moi, monsieur, fit-il en se redressant et en enflant sa voix avec suffisance, je suis Monsieur Jules.

Tout remarquable qu’il fût comme limier de police, l’ex-agent était bien souvent ridicule.

Il le fut, ce jour et ce moment-là, au suprême degré.

— Monsieur Jules ? chercha le médecin.

— Monsieur Jules, répéta l’autre.

— Connais pas.

Ces deux mots furent prononcés avec un accent de politesse si railleuse, que tout l’orgueil de l’homme de police bouillonna et le sang lui monta au front :

— L’ancien agent…

— Ah ! très bien ! très bien ! repartit le docteur, exactement comme s’il avait voulu dire : Eh bien ! après ? que m’importe à moi ?

Son hôte ne s’y trompa pas.

Il reprit sèchement :

— Je suis enfin, monsieur le docteur, connue ou inconnue de vous, la personne à laquelle vous avez assigné un rendez-vous.

— Vous m’étonnez.

— Pourquoi ?

— Parce que je ne me souviens pas d’avoir donné rendez-vous à qui que ce soit pour cette après-midi. À la rigueur, je comprendrais l’erreur venant d’un de mes amis, mais, comme je vous le répète, monsieur, je n’ai pas l’honneur de vous connaître.

L’honneur était exagéré.

M. Jules le sentit.

Il se mordit les lèvres.

Les deux hommes causaient debout au milieu du salon.

Le docteur Martel n’avait pas offert de siège à son visiteur ; c’est qu’il désirait abréger sa visite.

La mauvaise humeur de l’ex-agent prit des proportions colossales.

— Vous admettrez pourtant bien, monsieur le docteur, que je ne suis pas venu ici à propos de bottes.

— Je ne sais, monsieur… Charles, je crois ?

— Jules !

— Je ne sais, si vous y êtes, comme vous le dites fort spirituellement, à propos de bottes, mais à coup sûr vous vous y trouvez pour un motif que j’ignore.

— Tonnerre ! fit à moitié M. Jules, qui mâcha la moitié du mot en voyant l’air calme et froid de son interlocuteur. C’est trop violent.

— J’attends que vous consentiez à vous expliquer, monsieur.

— Soit.

Et M. Jules, qui ne voulut pas supporter plus longtemps l’affront que lui infligeait le médecin, en ne l’invitant point à s’asseoir, lui dit de sa voix la plus flûtée :

— Mais, d’abord, permettez-moi de ne pas me tenir debout.

Le docteur sourit.

Du doigt il lui indiqua un fauteuil, puis il s’assit lui-même.

C’était un petit triomphe que l’agent venait de remporter.

Il voulut profiter de son avantage et se pressa d’ajouter :

— Ce matin un individu est venu me trouver à mon agence, rue des Noyers.

— Ah !

— Cet individu venait de chez vous.

— Ah !

— Il m’a laissé entendre qu’il était envoyé par vous.

— Ah !

Ces trois exclamations firent sur M. Jules l’effet que produisent sur le taureau lancé dans l’arène les flèches embandelettées des picadores.

Le docteur Martel lui répondit avec son plus grand flegme :

— Pardon ! mille pardons ! mais, venir de chez moi et être envoyé par moi ne me semblent pas absolument la même chose.

— Comment ça ?

— Le messager dont vous parlez vous a-t-il donné une certitude ?

— Non, mais j’ai cru comprendre…

Errat qui putat, disent les collégiens.

— Qu’est-ce qu’il me fiche avec ses collégiens ? pensait M. Jules, qui, un peu plus, allait exprimer sa pensée tout haut et d’une façon énergique.

Comme il se taisait, le docteur Martel reprit :

— Oserai-je vous adresser une simple question ?

— Osez, monsieur, osez, répondit l’ex-agent, qui voulait faire contre raillerie bon courage.

— Monsieur Charles…

— Jules, sacrebleu !

— Excusez-moi, Charles, Jules… Tous les prénoms se ressemblent, et je les confonds très facilement.

— C’est bon ! c’est bon ! allez.

— Cet individu vous a-t-il laissé son nom ?

— Il m’en a laissé un…

— Bien !

— Mais j’ai de fortes raisons pour supposer qu’il est faux.

— Le champ des suppositions est bien vaste, monsieur… Si nous y mettons le pied, nous risquons, je le crains, de nous embourber jusqu’au genou.

— Oui-dà !

M. Jules n’était un sot qu’à ses heures.

Son sang-froid retrouvé, il jaugeait vite et clair une situation.

Dans ces phrases et dans ces circonlocutions, il devina une manœuvre de l’ennemi

Mais vers quel but tendait cette manœuvre ?

Il se recueillit et n’eut pas l’air de flairer un piège.

Pendant qu’il cherchait le sens de toutes ces tergiversations, dans la partie du mur faisant face au docteur et se trouvant derrière l’agent de police retraité, un panneau glissa lentement.

Une main passa à travers la baie.

M. Jules ne pouvait rien voir.

Seul, le docteur vit la main faire un geste maçonnique, puis disparaître.

Le panneau se referma sans bruit, comme il s’était ouvert.

Le maître de la maison répéta sa question :

— Cet homme vous a dit ?…

— Qu’il était ouvrier cambreur et qu’il se nommait…

— Rifflard ?

— Oui, pardieu !

— Il fallait donc me raconter cela tout d’abord, fit M. Martel avec candeur.

— C’est donc son vrai nom, à ce garçon ? demanda M. Jules, qui ne savait plus sur quel pied se tenir.

— Je ne l’ai jamais entendu nommer autrement.

— Vous le connaissez alors ?

— Qui ?

— Rifflard.

— Un peu. J’ai soigné dernièrement un de ses parents…

— Un ouvrier ou un…

— Un couvreur qui s’était laissé tomber du haut d’une échelle.

— Et vous l’avez guéri ? demanda machinalement M. Jules, qui battait la campagne.

— Je vous remercie bien de vous intéresser à ce pauvre diable. Il en sera quitte dans une quinzaine…, répondit uniquement le docteur.

— Pardon, monsieur… une distraction… ce n’est pas cela que… barbota l’ex-agent ; bref, ce Rifflard…

— Attends donc… il était ici, ce matin même.

— Vous en êtes sûr ?

— Certes… Eh ! mais, j’y suis !… où diable avais-je la tête, continua le docteur. J’oubliais que cette nuit…

— La nuit dernière ?

— Oui… il m’a amené un blessé.

— Un blessé… ah ! ah ! nous y venons, se disait M. Jules dans son for intérieur… Va toujours ! va toujours ! nous verrons bien comment tu sortiras de là, mon beau troubadour de la trousse.

— Oui, un homme percé de part en part… Je ne sais si je parviendrai à le sauver.

— Voyez-vous cela ! Un assassinat ?

— Non pas.

— Un duel ?

— Oui… du moins c’est ce que ce bon Rifflard m’a dit en me l’amenant.

— Et ce blessé, vous l’avez toujours chez vous ?

— Chez moi.

— Dans votre établissement ?

— Dans cette maison même.

— Où l’avez-vous mis ?

— Comment dites-vous cela ? fit le docteur avec stupéfaction.

— Où l’avez-vous mis, le blessé ?

— Mais… où voulez-vous qu’il se trouve sinon dans un bon lit, entouré de tous les soins exigés par son état ?

— Ah ! bien ! par exemple, je voudrais le voir ! ne put s’empêcher de dire M. Jules, confondu de tant d’audace unie à tant de simplicité.

— Mais, monsieur Jules, Dieu me pardonne, vous me faites subir un interrogatoire. Seriez-vous encore chef de la police de Sûreté, et cacheriez-vous votre jeu ?

— Hélas ! non, monsieur… ma démission a été bel et bien acceptée depuis longtemps déjà. Le gouvernement croit pouvoir se passer de moi… Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit… Excusez-moi et laissez-moi vous avouer que je m’intéresse beaucoup à ce malheureux blessé.

— Vous ! serait-ce un parent ?

— Non pas.

— Un ami ?

— Pas précisément, non plus.

— Alors, je ne vois… continua le docteur Martel.

— C’est à propos de lui que le sieur Rifflard est venu me trouver ce matin à mon agence.

— Venait-il de la part du blessé ?

— C’est cela même.

— De la part de M. le comte de Mauclerc ?

— Précisément.

Le docteur se leva :

— Il fallait donc le dire tout de suite, monsieur

— Mais je ne fais que ça ! cria l’agent.

— Voilà une heure que nous jouons aux propos interrompus


— Regarde-le bien et souviens-toi, c’est l’assassin de ton père.

— Allons ! bien… vous allez voir que…

— Tout est clair et limpide ! acheva le docteur.

— Tant mieux ! hurla M. Jules.

— Pourquoi tant mieux ?

— Parce que vous ne trouverez aucun inconvénient…

— À quoi, cher monsieur !

— À me laisser voir le blessé ! fit l’agent, redevenant maître de la position, à son compte du moins.

— Oh ! voilà qui est bien une autre affaire ! répondit le médecin.

— Pardieu ! pensa l’autre, j’en étais bien certain, qu’il refuserait…

Puis, voulant pousser son adversaire jusque dans ses derniers retranchements, il ajouta :

— Et pourquoi donc cela ? Quelle difficulté ?

— Sa faiblesse, provenant de l’énorme quantité de sang qu’il a perdue. M. de Mauclerc se trouve dans un état de prostration complète ; depuis quelques heures, il n’a pas fait un geste ! Toute secousse pourrait lui devenir mortelle.

— Mortelle ?

— Je ne puis dire le contraire, dit le docteur avec impassibilité.

— Pauvre cher comte ! répliqua l’agent avec une compassion ironique : ainsi vous refusez de me le laisser voir ?

— Dame !

— Entrevoir seulement.

— Vraiment, je le regrette, mais…

M. Jules se frottait les mains, sans s’apercevoir que ce geste trivial de contentement n’était guère en situation.

Le docteur l’examinait du coin de l’œil.

— Pourtant… fit-il d’une voix timide.

— Pourtant ? demanda l’autre, qui chercha la signification de cette réticence, persuadé qu’il était de l’impossibilité où se trouvait le médecin de lui montrer son malade.

— Si vous y tenez…

— Oh ! beaucoup !

— Eh bien ! j’y consens.

— Ah bah !

Stupéfaction sans égale de la part de M. Jules.

— À une condition.

— Laquelle ?

— Dans le cas où le blessé viendrait à vous reconnaître, ce dont je doute…

— Et moi aussi…

— Dans ce cas, vous vous engagez sur l’honneur à ne pas lui adresser la parole…

— Ça, je le jure.

— Même s’il paraissait le désirer.

— Je m’y engage sur ce que j’ai de plus sacré.

— Par vous-même ?

— Par moi ! Ma foi, docteur, vous avez mis le doigt dessus… Voilà le seul serment que je respecte un peu.

— Respectez-le absolument, aujourd’hui, monsieur Jules, sinon, je vous le répète, vous compromettrez les jours de M. de Mauclerc !

— Ce pauvre ami !

— Ah ! c’est votre ami !

— Intime, docteur ! je l’aime comme s’il était mon frère.

— Mes compliments à tous les deux, répliqua le docteur Martel avec un sourire poli.

M. Jules se serait fâché s’il n’avait pas voulu voir le dernier acte de la petite comédie qu’il se donnait à lui-même.

Il était bien sûr de son affaire.

Tout le présageait : le docteur allait se voir forcé de se démentir ou se couvrir de confusion ou de honte.

M. de Mauclerc, que l’ex-agent de police venait de laisser rue des Batailles, à Chaillot, ne pouvait, à moins d’avoir un double, un sosie, un ménechme, se trouver en même temps allée des Veuves, chez le docteur Martel.

Mais, pendant la scène précédente, la contenance du médecin avait toujours été si simple, si naturelle, que, malgré toute sa finesse, malgré toutes les présomptions qui parlaient contre son adversaire, M. Jules se trouva dérouté.

— Bigre ! murmurait-il, quel gaillard ! quel toupet !… Oui, mais, comment va-t-il se tirer de là ? Je ne me contenterai pas de voir… Je ferai comme Thomas, moi, je toucherai.

La voix du docteur le tira de ses hésitations.

— Venez-vous, monsieur ?

— Je suis à vos ordres.

M. Martel sonna.

— Un domestique parut, portant un candélabre.

Son maître lui dit :

— Joseph, éclairez-nous. Nous allons chambre numéro 9, chez le blessé de cette nuit.

Le domestique les précéda.

M. Jules se laissa faire.

Il n’y comprenait plus rien du tout.

La maison de santé du docteur Martel était un vaste établissement, entouré de jardins anglais, où les convalescents respiraient à leur aise un air libre et pur.

En ce moment, presque toutes les chambres se trouvaient occupées.

Le trajet du salon à la chambre numéro 9 fut long.

Il dura près de dix minutes.

Il fallut traverser de longs corridors, monter plusieurs escaliers de dégagement, en descendre d’autres.

Enfin, le domestique qui les éclairait s’arrêta devant une double porte soigneusement capitonnée.

— Entrez, dit le docteur à M. Jules.

L’ex-agent obéit.

Il commençait à douter de lui-même.

Intérieurement, il se demandait : Ah çà ! ai-je vu ou n’ai-je pas vu le comte de Mauclerc, blessé, dans la mansarde de Filoche et de Fifine ?

Cette comédie était jouée avec une si rare perfection ! À quoi bon aller jusque-là, pour reculer au dernier moment ? Pourtant il était bien sûr de ce qu’il avait vu. Jamais ses yeux ne l’avaient trompé.

Mais l’aisance du médecin, la bonne foi qui se manifestait dans chacune de ses paroles le confondaient.

Il en vint à s’inquiéter du dénouement de cette singulière aventure.

M. Jules n’aimait, n’appréciait et ne comprenait que les coups de théâtre préparés par lui-même.

Mais dans cette affaire il sentait le beau rôle lui échapper.

Il avait débuté par avoir peur d’une révélation, dangereuse pour lui, seul motif qui l’eût déterminé à accepter un rendez-vous dans cette étrange demeure.

Et qui lui avait inculqué le désir ardent de venir à ce rendez-vous ? Un homme qui lui était totalement inconnu à lui, l’ex-chef de la police de Sûreté, tandis que lui, M. Jules, il était parfaitement connu de cet homme.

Cependant il recueillit toutes ses forces.

Il comprit que la plus légère hésitation le rendrait ridicule, et faisant de nécessité vertu, il se décida à pousser l’aventure jusqu’au bout.

Reculer n’était plus possible.

En apparence, il demeura donc ferme, impassible, résolu.

Le docteur venait d’ouvrir la seconde porte avec toutes sortes de précautions.

Tous deux pénétrèrent dans une chambre faiblement éclairée par une lampe-veilleuse à verre dépoli.

Un tapis épais assourdissait les pas.

De lourdes tentures-portières et de vastes rideaux interceptaient tout courant d’air.

La chaleur de cette chambre était suffocante.

Elle exhalait une senteur de pharmacie, particulière aux chambres de malade.

Une sœur grise se tenait assise à la tête du lit, dont les rideaux étaient presque fermés. Elle priait.

Elle ne s’aperçut sans doute pas de l’entrée des deux hommes ; elle demeura la tête penchée sur sa poitrine, le visage enfoui dans ses coiffes, achevant ses prières, ainsi que le laissait deviner le mouvement continu de son chapelet, dont les grains en bois de cèdre glissaient rapidement entre ses doigts.

Le docteur et l’agent de police s’arrêtèrent au milieu de la chambre.

— La mise en scène est bonne, marmotta celui-ci, rien n’y manque ! Tout est vrai… Il faudra voir seulement quel est le pantin qui s’est permis de se mettre dans la peau du bonhomme.

Comme si le médecin eût deviné les pensées secrètes de l’homme de la police, il se pencha de son côté et lui dit tout bas :

— Ne voulez-vous pas le voir ?

L’autre le regarda avec effarement.

— Voulez-vous, oui ou non ?

— Oui, répondit M. Jules, en laissant échapper un son étranglé de son gosier.

— Venez, et n’oubliez pas votre promesse.

— Le diable me brûle si j’y manque !

Le docteur Martel lui saisit le bras.

Ce bras tremblait.

Le docteur ne prit ou ne parut pas prendre garde à ce tremblement nerveux.

Il s’approcha du lit, et il en écarta doucement les rideaux.

— Qu’est-ce que c’est que ça ? s’écria l’ex-agent.

— Silence donc ! fit le médecin en lui mettant la main sur la bouche.

Mais cette précaution était inutile.

M. Jules venait de faire trois pas en arrière et de reculer en chancelant jusqu’à un canapé, au dossier duquel il se cramponna.

Et il restait là, bouche béante, les yeux hors de la tête, au comble de la surprise et de l’épouvante.

— Que comptiez-vous donc trouver dans ce lit de souffrance ? dit le médecin, avec une ironie mordante, que sa stupéfaction l’empêcha de remarquer.

Ce qu’il voyait, du reste, était bien fait pour mettre M. Jules hors de lui-même.

Sur ce lit, aux rideaux relevés, entre la sœur grise et le docteur Martel, le comte de Mauclerc pâle comme un cadavre, dormait d’un sommeil profond.

Mauclerc, qu’il venait de laisser entre Filoche et Fifine !

Mauclerc, que la moindre secousse pouvait tuer !

Mauclerc, que, matériellement parlant, nulle puissance humaine n’avait pu transporter en aussi peu de temps du sixième étage de la rue des Batailles, au rez-de-chaussée de l’allée des Veuves.

Mauclerc, enfin, qu’il reconnaissait en se disant :

— Si je le reconnais, ce n’est pas lui qui est mourant, c’est moi qui deviens fou !…