CHAPITRE I.
GÉNÉRALITÉS ET MÉTHODE DE JACOBI.
Généralités.
1.Avant d’aborder mon sujet principal, je suis obligé d’entrer
dans certains détails préliminaires et de rappeler succinctement les
principes fondamentaux des Vorlesungen über Dynamik de Jacobi
et la théorie de Cauchy, relative à l’intégration des équations différentielles
par les séries. Je vais donc consacrer ce premier Chapitre
à l’exposition de la méthode de Jacobi, en me contentant le plus
souvent d’énoncer des résultats dont la démonstration est bien connue.
Donnons d’abord quelques explications au sujet des notations et
des dénominations qui seront employées dans tout ce Mémoire.
Les équations différentielles auxquelles nous aurons affaire seront
de la forme suivante
(1)
|
|
|
étant des fonctions analytiques et uniformes des
variables
. Quant à la variable indépendante
, que
nous considérerons comme représentant le temps, nous supposerons
le plus souvent qu’elle n’entre pas explicitement dans les fonctions
.
Le système (1) peut être considéré comme d’ordre
, puisqu’il
équivaut à une équation différentielle unique d’ordre
; mais, si les
fonctions
sont indépendantes de
, cet ordre peut être abaissé
d’une unité. Il suffit pour cela d’éliminer le temps et d’écrire les
équations (1) sous la forme

Afin d’éviter toute confusion, nous fixerons, ainsi qu’il suit, le
sens des mots solution et intégrale.
Si les équations (1) sont satisfaites quand on fait
(2)
|
|
|
nous dirons que les équations (2) définissent une solution
particulière des équations (1).
Si une certaine fonction de
,

demeure constante en vertu des équations (1), nous dirons que cette
fonction
est une intégrale particulière du système (1).
Il est clair que la connaissance d’une intégrale permet d’abaisser
d’une unité l’ordre du système.
Dans les problèmes de Dynamique, les équations (1) se présentent
sous une forme plus particulière, connue sous le nom de
forme hamiltonienne ou canonique.
Les variables se répartissent en deux séries ; nous désignerons
habituellement par

les variables de la première série et par

celles de la seconde série, et les équations différentielles s’écriront
(3)
|
|
|
étant une fonction uniforme des
variables
et
.
Ces équations admettent une intégrale particulière qui est la fonction
elle-même et qui est connue sous le nom d’intégrale des forces vives.
On dit que
forment
paires de
variables conjuguées.
Nous dirons, à l’exemple des Anglais, que le système (3) comporte
degrés de liberté. Ce système est d’ordre
mais la
connaissance de l’intégrale des forces vives permet d’abaisser cet ordre
d’une unité ; le temps n’entrant pas explicitement dans les seconds membres des équations (3), nous pourrons, par l’élimination du
temps, comme nous l’avons dit plus haut, abaisser encore l’ordre
d’une unité, de sorte que finalement un système qui comporte
degrés de liberté peut toujours être ramené à l’ordre
.
On sait, par exemple, que s’il n’y a qu’un seul degré de liberté,
le système peut être ramené à l’ordre 0, c’est-à-dire intégré complètement.
Exemples d’équations canoniques.
2.Le cas le plus simple des équations de la Dynamique est celui
où l’on étudie le mouvement de
points matériels libres dans
l’espace. Soient
la masse du premier de ces points,
ses coordonnées
cartésiennes ; soient de même
la masse du second de ces
points,
ses coordonnées, et ainsi de suite ; soient enfin
la masse du qième point,
et
ses coordonnées.
Projetons la quantité de mouvement du point
sur les trois axes :
soient
les trois projections ; soient de même
les
projections de la quantité de mouvement du point
etc. ; soient
enfin,
les projections de la quantité de
mouvement du point
Soient
les composantes de la force qui agit sur
;
soient
les composantes de la force qui agit sur
, etc. ;
soient enfin
les composantes de la force qui agit
sur
Nous supposerons que les composantes
ne dépendent que des
coordonnées
S’il y a conservation de l’énergie, il existera une
fonction
des coordonnées
dite fonction des forces et telle que

La demi-force vive
aura pour expression

et l’équation des forces vives pourra s’écrire

Si je pose

les équations du mouvement s’écriront
(1)
|
|
|
Ainsi les équations du mouvement de
points matériels libres
comportent
degrés de liberté, toutes les fois que les forces ne
dépendent que des positions de ces points dans l’espace, et qu’il y
a conservation de l’énergie. En particulier, le Problème des trois
Corps comportera 9 degrés de liberté. Nous verrons dans la suite
que ce nombre peut être considérablement abaissé.
Si nos
points matériels se meuvent tous dans un même plan, la
position de chacun de ces points sera définie non plus par trois coordonnées,
mais par deux seulement. Le nombre des degrés de liberté
sera par conséquent réduit à
Ainsi, lorsque les orbites des trois corps seront planes et situées
toutes trois dans un même plan, le Problème des trois Corps (que
nous appellerons alors Problème des trois Corps dans le plan) ne
comportera plus que 6 degrés de liberté seulement.
Le cas où il n’y a qu’un degré de liberté étant immédiatement intégrable,
nous nous attacherons surtout au cas qui se présente
immédiatement après, c’est-à-dire au cas où il n’y a que 2 degrés
de liberté. La plupart des résultats qui suivront ne s’appliqueront
qu’à ce cas relativement simple.
Dans beaucoup de problèmes mécaniques, le nombre des degrés
de liberté peut en effet être réduit à 2. C’est ce qui arrive, par
exemple, quand on étudie le mouvement d’un point matériel libre
dans un plan ou, plus généralement, le mouvement d’un point matériel
assujetti à rester sur une surface, toutes les fois que la force
ne dépend que de la position de ce point. Nous citerons entre autres
le problème célèbre du corps mobile attiré par deux centres
fixes, lorsque la vitesse initiale du point mobile est dans le plan des
trois corps.
Mais il est un cas un peu plus compliqué et dont l’importance est
plus grande pour ce qui va suivre.
Soient dans un plan deux axes rectangulaires mobiles Oξ et Oη animés d’un mouvement de rotation uniforme autour de l’origine
O. Soit
la vitesse angulaire de ce mouvement de rotation. Soit P
un point mobile se mouvant dans ce même plan, dont les coordonnées, par rapport à ces deux axes, s’appelleront
et
et dont la
masse sera prise pour unité.
Soit
la fonction des forces dépendant seulement de
et de
de telle façon que les projections sur Oξ et Oη de la force qui agit
sur le point P soient respectivement
et
Les équations du mouvement relatif du point P par rapport aux
axes mobiles 0ξ et 0η s’écriront
(2)
|
|
|
d’où l’on déduit l’intégrale suivante, dite de Jacobi,
![{\displaystyle {\frac {1}{2}}\left[\left({\dfrac {d\xi }{dt}}\right)^{2}+\left({\dfrac {d\eta }{dt}}\right)^{2}\right]-\mathrm {V} -{\frac {n^{2}}{2}}(\xi ^{2}+\eta ^{2})=\mathrm {const.} ,}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/ba2471917b6f90548aac3fe5028722d712de73c5)
qui n’est autre chose que l’intégrale des forces vives dans le mouvement relatif.
Je dis que ces équations peuvent être ramenées à la forme canonique,
le nombre des degrés de liberté étant égal à 2.
Posons, en effet,

les équations (2) deviendront

C. Q. F. D.
Un des cas particuliers du Problème des trois Corps rentre dans
la question que nous venons de traiter.
Supposons que l’une des trois masses soit infiniment petite, de
telle sorte que le mouvement des deux autres masses n’étant pas troublé reste képlérien. Tel serait, par exemple, le cas du mouvement d’une petite planète en présence de Jupiter et du Soleil.
Imaginons que l’excentricité des orbites des deux grandes masses soit nulle, de telle façon que ces deux masses décrivent d’un mouvement uniforme deux circonférences concentriques autour du centre de gravité commun supposé fixe.
Supposons enfin que, l’inclinaison des orbites étant nulle, la petite masse se meuve constamment dans le plan de ces deux circonférences.
Le centre de gravité du système, qui est le centre commun des deux circonférences, peut toujours être supposé fixe : nous le prendrons pour origine ; par cette origine nous ferons passer deux axes mobiles Oξ et Oη : l’axe Oξ sera la droite qui joint les deux grandes masses ; l’axe Oη sera perpendiculaire à 0ξ.
On voit :
1o Que ces deux axes sont animés d’un mouvement de rotation uniforme ;
2o Que les deux grandes masses sont fixes par rapport aux axes mobiles.
Nous avons donc à étudier le mouvement relatif d’un point mobile, par rapport à deux axes mobiles, sous l’attraction de deux centres, fixes par rapport à ces axes. Nous retombons donc sur la question que nous venons de traiter.
Ainsi, dans ce cas particulier, les équations du Problème des trois Corps peuvent être ramenées à la forme canonique avec deux degrés de liberté seulement.
Passons maintenant à une équation que l’on rencontre souvent dans la théorie des perturbations et dont M. Gyldén fait un usage fréquent.
Soit
(3)
|
|
|
Cette équation peut aussi être ramenée à la forme canonique.
En effet,
peut toujours être regardée comme la dérivée par rapport à
d’une certaine fonction
de telle sorte que

Si maintenant nous posons

l’équation (3) pourra être remplacée par les équations canoniques (3) du numéro précédent avec 2 degrés de liberté seulement.
C. Q. F. D.
Je citerai encore un dernier exemple. Considérons un corps solide pesant, suspendu à un point fixe, et étudions les oscillations de ce corps. Pour définir complètement la position de ce corps, il faut se donner trois conditions ; il faut connaître en effet les trois angles d’Euler formés par un système d’axes invariablement liés au corps avec un système d’axes fixes.
Le problème comportera donc 3 degrés de liberté ; mais nous verrons plus loin que ce nombre peut être réduit à 2.
J’en ai dit assez pour faire voir combien de problèmes mécaniques
se ramènent à l’intégration d’un système canonique comportant
2 degrés de liberté et pour faire comprendre l’importance
de ces systèmes ; il est donc inutile de multiplier davantage les
exemples.
Premier théorème de Jacobi.
3.Jacobi a montré que l’intégration des équations canoniques
(1)
|
|
|
se ramène à l’intégration d’une équation aux dérivées partielles
(2)
|
|
|
où
est une constante arbitraire et où
sont supposées
représenter les dérivées partielles de la fonction inconnue.
Soit, en effet,

une solution de l’équation (2) contenant, outre la constante
,
constantes d’intégration

de telle façon que l’on ait, quels que soient les
,

Jacobi a démontré que l’intégrale générale des équations (1) peut s’écrire
(3)
|
|
|
Les
constantes d’intégration sont alors

Un autre théorème dont nous aurons à faire usage est celui de Poisson.
Soient
et
deux fonctions quelconques des
et des
Convenons d’écrire
![{\displaystyle \left[\mathrm {U} ,\mathrm {V} \right]=\sum \limits _{i=1}^{i=p}\left({\frac {d\mathrm {U} }{dx_{i}}}{\frac {d\mathrm {V} }{dy_{i}}}-{\frac {d\mathrm {U} }{dy_{i}}}{\frac {d\mathrm {V} }{dx_{i}}}\right).}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/d279f4d3df5e315525ec0724db2403fd96cf1b08)
Soient maintenant
et
deux intégrales des équations (1).
On voit immédiatement qu’on exprimera que
est une intégrale
des équations (1) en écrivant
![{\displaystyle \left[\mathrm {F} ,\mathrm {F} _{1}\right]=0\,;}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/b673b982edc0f93df0cf4e62e2379cd9ea94afd1)
étant aussi une intégrale, on aura également
![{\displaystyle \left[\mathrm {F} ,\mathrm {F} _{2}\right]=0.}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/07a17419a94c2bb1f0d4cac651a6e7421ad98df2)
Poisson a démontré que l’expression
est également une
intégrale des équations (1). C’est ainsi que, dans le problème des
corps,
si l’on suppose que
et
soient les premiers membres de la première et de la seconde équation des aires,
sera
le premier membre de la troisième équation des aires.
Deuxième théorème de Jacobi ; changements de variables.
4.Nous ne conserverons pas d’ordinaire comme variables indépendantes
les coordonnées rectangulaires, et les composantes des
quantités de mouvement. Nous en choisirons de mieux appropriées
à notre objet, en nous efforçant toutefois de conserver aux équations
la forme canonique.
Voyons donc comment on peut changer de variables sans altérer
la forme canonique des équations (1).
Soit

une fonction quelconque des
variables
et des
variables nouvelles
.
Posons maintenant
(4)
|
|
|
Les équations (4) seront regardées comme définissant les relations
qui lient les variables anciennes

aux variables nouvelles

Jacobi a démontré que, si l’on fait ce changement de variables,
les équations resteront canoniques, et cela quelle que soit la
fonction
.
Changements de variables remarquables.
5.Sauf un cas exceptionnel, tous les changements de variables
qui n’altèrent pas la forme canonique peuvent être déduits du procédé du no 4. Il est cependant des cas où il est plus simple
d’opérer autrement. Nous en allons donner deux exemples.
Supposons que l’on ait les équations canoniques
(1)
|
|
|
et que l’on fasse le changement de variables suivant
(2)
|
|
|
Comment doit-on choisir les constantes α et β pour que les équations
restent canoniques quand on prend comme variables nouvelles
les
et les
.
Si nous désignons par

des accroissements virtuels des
et des
, que nous multipliions
les équations (1) respectivement par
et
et que nous ajoutions,
il viendra

Pour que les équations restent canoniques après la substitution
(2), il faut donc et il suffit que l’on ait identiquement
(3)
|
|
|
Comme les
dépendent seulement des
les
des
, les
des
, les
des
, on devra avoir identiquement
(4)
|
|
|
Les relations (2) étant linéaires, les
sont liés aux
, et les
aux
par les mêmes relations qui lient les
aux
. De même pour les
.
Les relations (4) subsisteront donc quand on y remplacera
et
par
, et
et
par
,
et
par
, etc. On devra
donc avoir
(5)
|
|
|
La réciproque est vraie et la relation (5) entraîne les relations
(3) et (4).
Ainsi la condition nécessaire et suffisante pour que les équations
restent canoniques, c’est que l’on ait identiquement

Quelle est maintenant la condition pour que ces équations restent
canoniques et qu’en même temps on ait

Je dirai qu’un changement linéaire de variables, tel que (2), est
orthogonal, si l’on a identiquement

c’est-à-dire si l’on a

Cette dénomination se justifie d’elle-même, puisque, dans le cas
où le nombre des variables est 2 ou 3, et où l’on peut regarder les
ou les
comme les coordonnées d’un point dans le plan ou
dans l’espace, une pareille substitution n’est autre chose qu’un
changement rectangulaire de coordonnées.
Cela posé, si l’on fait subir aux
et aux
une même substitution orthogonale,
on aura

d’où

Les équations resteront donc canoniques.
6.Les équations resteront encore canoniques si l’on fait un
changement de variables portant seulement sur
et sur
, par
exemple, et si l’on pose

et que l’on prenne pour variables nouvelles
et
,
au lieu de
et de
; ces équations resteront canoniques, dis-je, pourvu que le
déterminant fonctionnel, ou jacobien, de
et
par rapport à
et
soit égal à 1.
Ainsi, si l’on pose

la forme canonique des équations ne sera pas altérée et les variables
et
seront conjuguées comme l’étaient
et
.
7.Nous avons défini plus haut le changement de variables

qui n’altère pas la forme canonique des équations, quand
est une
fonction quelconque des
et des
.
Cette forme n’est pas altérée non plus si l’on permute les
avec
les
et si l’on change en même temps
en
.
Si donc
est une fonction quelconque de

et si l’on pose

la forme canonique des équations ne sera pas altérée quand on
prendra pour variables nouvelles les
et les
, et qu’on changera
en même temps
en
.
Elle ne sera pas altérée non plus si l’on change
`

en

étant une constante quelconque.
Considérons donc encore une fonction
des
et des
, et posons

la forme canonique ne sera pas altérée, si l’on prend pour variables
nouvelles les
et les
et qu’on change en même temps
en 
Mouvement képlérien.
8.Appliquons les principes qui précèdent au mouvement képlérien.
Dans tout ce qui va suivre, nous supposerons toujours que les
unités aient été choisies de telle sorte que l’attraction des deux
unités de masse à l’unité de distance soit égale à l’unité de force ou,
en d’autres termes, que la constante de Gauss soit égale à 1.
Considérons donc le mouvement d’une masse mobile sous l’action
d’une masse fixe située à l’origine des coordonnées et égale
à
Soient
les coordonnées de la masse mobile, et
les composantes de la vitesse ; si nous posons

les équations du mouvement s’écrivent
(1)
|
|
|
D’après le no 3, l’intégration de ces équations est ramenée à celle
de l’équation aux dérivées partielles
(2)
|
|
|
où
est une constante arbitraire. Posons

l’équation deviendra

On peut satisfaire à cette équation en introduisant deux constantes arbitraires
et
et en faisant
(3)
|
|
|
La fonction
ainsi définie dépendra de
ou, ce qui revient au même, de
et la solution générale des équations (1) s’écrira

et
étant trois nouvelles constantes arbitraires. Si nous posons

nous pourrons écrire

Les constantes d’intégration sont alors au nombre de six, à savoir

Il est aisé d’apercevoir la signification de ces constantes et de les
exprimer en fonctions de celles qui sont habituellement employées.
Si
et
désignent le grand axe, l’excentricité et l’inclinaison, on a

D’autre part,
est la longitude du nœud,
celle du périhélie,
est le moyen mouvement et
n’est autre chose que l’anomalie
moyenne.
Si la masse mobile, au lieu d’être soumise à l’attraction de la
masse
était soumise à d’autres forces, nous pourrions néanmoins
construire la fonction
et définir ensuite six variables nouvelles
(4)
|
|
|
en fonction des
et des
par les équations
(5)
|
|
|
seulement
et
ne seraient plus des constantes.
Nous pouvons nous servir alors des six variables (4) pour définir
la position et la vitesse de la masse mobile. Nous donnerons à ces
variables (4) le nom de variables képlériennes. Il importe de
remarquer que la définition de ces variables képlériennes dépend
de l’origine à laquelle la masse mobile est rapportée et de la valeur
choisie pour
Si la masse mobile est une planète qui est soumise à l’action
prépondérante de la masse
et à diverses forces perturbatrices, on
voit que ces variables képlériennes ne sont autre chose que ce que
les astronomes appellent les éléments osculateurs de cette planète.
Dans le cas particulier où l’orbite du corps
est plane, on peut
prendre, comme variables nouvelles,

avec l’anomalie moyenne
et la longitude du périhélie
Les variables
képlériennes ne sont plus alors qu’au nombre de 4.
Il importe de faire quelques remarques au sujet de l’emploi
de ces variables képlériennes : remarquons d’abord que les variables
anciennes

et la situation du corps
ne changent pas quand on augmente
ou
de 2π, sans toucher aux autres variables. Ces variables anciennes
sont donc des fonctions périodiques de
et 
En second lieu, on doit toujours avoir

Enfin, si
les variables anciennes et la situation du
corps
ne dépendent plus de
et, si
elles ne dépendent
plus de
Cas particulier du Problème des trois Corps.
9.Revenons au cas particulier du Problème des trois Corps dont
il a été question plus haut.
Deux masses égales, la première à
la seconde à
décrivent
deux circonférences concentriques autour de leur centre de
gravité commun supposé fixe. La distance constante de ces deux
masses est prise pour unité de longueur, de telle façon que les
rayons des deux circonférences soient respectivement
et
que le moyen mouvement soit égal à l’unité.
Supposons maintenant que dans le plan de ces deux circonférences
se meuve une troisième masse, infiniment petite et attirée
par les deux premières.
Nous prendrons pour origine O le centre commun des deux
circonférences, et nous pourrons rapporter la position de la troisième
masse, soit à deux axes rectangulaires fixes
et
soit à deux axes mobiles Oξ et Oη définis comme au no 2. Le
moyen mouvement des deux premières masses étant égal à 1, nous
pouvons supposer que l’angle de Oξ et de
(c’est-à-dire la longitude
de la masse
) est égal à
Comme la constante de Gauss est supposée égale à 1, la fonction
des forces se réduit à

en appelant
la masse infiniment petite du troisième corps,
la
distance des deux corps
i, et
la distance du corps
au corps
de masse
de telle façon que
![{\displaystyle {\begin{aligned}r_{1}^{2}&=\eta ^{2}+(\xi +\mu -1)^{2}=\left[x_{2}-(1-\mu )\sin t\right]^{2}+\left[x_{1}-(1-\mu )\cos t\right]^{2},\\r_{2}^{2}&=\eta ^{2}+(\xi +\mu )^{2}=\left[x_{2}+\mu \sin t\right]^{2}+\left[x_{1}+\mu \cos t\right]^{2}.\end{aligned}}}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/b3ec56a7ff506e07e93230fba095f2f0f002c727)
L’équation des forces vives s’écrit alors

Convenons d’appeler
le premier membre de cette équation,
sera une fonction de
de
et de
et les équations
du mouvement s’écriront

Remplaçons les variables
par leurs valeurs en
fonctions des variables képlériennes
ainsi qu’il a été dit
dans le numéro précédent.
deviendra une fonction de
et
et les équations du mouvement s’écriront

Ces équations seraient déjà de la forme canonique si
ne dépendait
que des quatre variables képlériennes, mais
est aussi
fonction de
il faut donc transformer ces équations, de façon que
le temps n’y entre plus explicitement. Pour cela, voyons comment
dépend de
On voit aisément que
peut être regardée comme une fonction
de
et
Si, en effet, on augmente
et
d’une même
quantité, sans toucher aux autres variables, on ne change ni
ni
ni
ni
ni
ni par conséquent
Il résulte de là que

Si alors nous posons

ne dépendra plus que de
et
et les équations du
mouvement, qui s’écriront
(1)
|
|
|
seront canoniques.
C’est sous cette forme que nous écrirons ordinairement les équations de ce problème.
Lorsque la masse
est supposée nulle, la masse
devient
égale à 1 et est ramenée à l’origine ;
se réduit à
la fonction
des forces
se réduit à
et l’on trouve

et

Quand
n’est pas nul, on voit immédiatement que
peut se
développer suivant les puissances croissantes de
ce qui nous
permet d’écrire

On voit que

est indépendant de
et de 
De plus,
dépendra à la fois des quatre variables ; mais cette
fonction sera périodique par rapport
et
et elle ne changera
pas quand l’une de ces deux variables augmentera de
Observons enfin que, si
l’excentricité est nulle et le
mouvement direct, et que
ne dépend plus alors que de
et
Au contraire, si
l’excentricité est nulle, mais le
mouvement rétrograde, et
ne dépend plus que de
et
Emploi des variables képlériennes.
10.Soient
les coordonnées rectangulaires d’un point ;
les composantes de sa vitesse ;
sa masse.
Soit
la fonction des forces, de sorte que les composantes de la force appliquée au point soient

Si nous posons

les équations du mouvement du point prendront la forme canonique

.
Nous avons défini au no 8 une certaine fonction

Nous avons vu que, si l’on fait le changement de variables défini
par les équations

les variables nouvelles ne sont autre chose que les variables képlériennes
que nous venons de définir.
En vertu du théorème du no 7, les équations conserveront la
forme canonique et s’écriront

Il peut arriver que, la force restant constamment dans le plan
des
, il en soit de même du point mobile.
Dans ce cas on aura constamment

et la fonction
dépendra seulement de
et de la longitude
du périhélie
; on aura

Nous poserons, pour conserver la symétrie,

le nombre des variables képlériennes sera réduit de six, à quatre, à
savoir
et
et les équations deviennent

Cas général du Problème des trois Corps.
11.Venons au cas général du Problème des trois Corps : soient
ABC le triangle formé par les trois corps ;
les côtés de ce
triangle ;
les masses des trois corps.
La fonction des forces s’écrit alors

Nous appellerons la fonction des forces
désignant une constante
quelconque que nous nous réservons de déterminer plus
complètement dans la suite.
Je supposerai que le centre de gravité du système des trois corps
est fixe et j’appellerai D le centre de gravité du système des deux
corps A et B.
Je considérerai deux systèmes d’axes mobiles :
Le premier système, toujours parallèle aux axes fixes, aura son
origine en A.
Le second système, toujours parallèle aux axes fixes, aura son
origine en D.
J’appellerai
les coordonnées du point B par rapport
aux premiers axes mobiles ;
et
les coordonnées du point C
par rapport au second système d’axes mobiles.
La force vive totale aura alors pour expression

(voir Tisserand, Mécanique céleste, Chap. IV).
Si alors nous posons

les équations prendront la forme canonique

Reprenons la fonction

définie par les équations (4) du no 8.
Construisons-la d’abord en faisant

Posons ensuite
(1)
|
|
|
Construisons ensuite cette même fonction
en faisant

appelons

la fonction ainsi construite et posons
(2)
|
|
|
Soit ensuite

Les dérivées de
par rapport à
seront respectivement
Si nous posons de plus
(3)
|
|
|
les équations (1), (2) et (3) définiront les douze variables anciennes
et
en fonctions de douze variables nouvelles, que je répartirai
en deux séries de la manière suivante :
(4)
|
|
|
Le théorème des nos 4 et 7 montre alors que la forme canonique
des équations n’est pas altérée.
Il est aisé de se rendre compte de la signification de ces variables
nouvelles.
Tout se passe comme si deux masses, égales respectivement à
et à
avaient pour coordonnées par rapport à des axes fixes, la
première
la seconde
et comme si ces deux masses fictives étaient soumises à des forces admettant la fonction
des forces
Si alors, à un instant quelconque, les forces appliquées à la première
masse fictive venaient à disparaître, et qu’elles soient remplacées
par l’attraction d’une masse
placée à l’origine, cette
masse se mouvrait suivant les lois de Képler et les éléments de ce mouvement képlérien seraient
et
De même, si la seconde masse fictive n’était plus soumise qu’à
l’attraction d’une masse fixe
placée à l’origine, les
éléments du mouvement képlérien qu’elle prendrait alors seraient
et
Observons que
ne dépend pas seulement des variables (4),
mais de
et de
En général,
et
seront très petits, de sorte qu’on pourra poser

en regardant
comme petit, et conservant le plus souvent à
et
des valeurs finies ;
qui pourra alors être regardé comme
une fonction des variables (4) de
et de
pourra alors avec avantage être développé suivant des puissances croissantes de 

Si l’on fait
il vient

et
ne dépend plus alors d’aucune des variables de la seconde série
j’ajouterai que, quel que soit
est une fonction
périodique de période
par rapport à ces variables de la seconde série.
Disons quelques mots de certains cas particuliers. Si les trois
corps restent constamment dans le plan des
on aura
et
ne dépendra que de
et
de sorte qu’on n’aura plus que quatre couples de variables conjuguées

ainsi qu’il a été dit au no 10.
12.Reprenons la notation du no 11 et les équations de ce numéro.
Je vais mettre ces équations sous une forme nouvelle qui me
sera utile dans la suite.
Considérons d’abord le cas particulier où les inclinaisons sont nulles et où les trois corps se meuvent dans un même plan.
Posons
(1)
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Il vient

On voit ainsi que les nouvelles variables
sont encore conjuguées et par conséquent que le changement de
variables (1) n’altère pas la forme canonique des équations.
Venons maintenant au cas général et reprenons les notations du no 11.
Posons
(2)
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On vérifierait, comme ci-dessus, que ce changement de variables
(2) n’altère pas la forme canonique des équations.
Cette forme canonique ne sera pas altérée non plus, d’après la
remarque du no 6, si nous faisons
(3)
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Les équations restent canoniques et les deux séries de variables
conjuguées sont les suivantes :
(4)
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Voici quel avantage peut avoir le choix des variables (4)
La fonction
exprimée à l’aide de ces variables, est développable tant suivant les puissances de
que suivant
les cosinus et sinus des multiples de
et de
les coefficients
dépendant d’ailleurs d’une manière quelconque de
et de
En effet, d’après les définitions des variables précédentes, on a

on déduit de là :
1o Que
est développable suivant les puissances de
le premier
terme du développement étant un terme en
2o Que
est développable suivant les puissances de
le premier
terme étant en
3o Que
est développable suivant les puissances de
4o Que de même
est développable suivant les puissances de
5o Que
est développable suivant les puissances de
et
par conséquent suivant les jouissances de
et de
Or on a

Donc
sont développables suivant
les puissances de
et
de même
sont développables suivant
les puissances de
et
Mais la forme du développement de la fonction perturbatrice est bien connue.
Elle est développable suivant les puissances croissantes des excentricités
et des inclinaisons et suivant les cosinus des multiples
de
et
et un terme quelconque du développement est de la forme suivante (Tisserand, Mécanique céleste, t. I,
p. 307)

les
étant des entiers positifs ou nuls et les
des entiers quelconques.
On a d’ailleurs

un nombre pair
et, d’autre part,

On peut conclure de là que la fonction perturbatrice est développable
suivant les puissances de

et, par conséquent, suivant les puissances de
(5)
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Je puis observer de plus que le développement de

ne contient que des puissances paires des variables (5) ; j’en conclurai
que le développement de
sera de la forme suivante
(6)
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étant un coefficient qui dépend seulement de
et 
Les nombres
sont des entiers positifs ou nuls, dont la somme

est égale à
un nombre pair positif ou nul.
J’ai laissé subsister dans l’expression (6) le double signe
ou
on doit prendre le cosinus quand la somme

est paire, et le sinus dans le cas contraire.
Il résulte de là que la fonction
ne change pas quand on change
à la fois le signe des
des
et des
et qu’elle ne change pas non
plus quand on change
et
en
et
et qu’en même temps l’on change les signes des
des
des
et des
La fonction
jouit d’une autre propriété sur laquelle il est
nécessaire d’attirer l’attention ; elle ne change pas quand on change
à la fois le signe de
et
Problème général de la Dynamique.
13.Nous sommes donc conduit à nous proposer le problème
suivant :
Étudier les équations canoniques
(1)
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en supposant que la fonction
peut se développer suivant les
puissances d’un paramètre très petit
de la manière suivante :

en supposant de plus que
ne dépend que des
et est
indépendant des
et que
sont des fonctions périodiques de
période
par rapport aux 
Réduction des équations canoniques.
14.Nous avons vu que l’intégration des équations (1) du numéro
précédent peut se ramener à l’intégration d’une équation aux dérivées partielles
(2)
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Imaginons que l’on connaisse une intégrale des équations (1) et
que cette intégrale s’écrive

cela veut dire que l’on aura identiquement
(3)
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Je me propose de démontrer que la connaissance de cette
intégrale permet d’abaisser d’une unité le nombre des degrés de liberté.
En effet, l’équation (3) signifie qu’il existe une infinité de fonctions
satisfaisant à la fois à l’équation (2) et à l’équation
(4)
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Cela posé, entre les équations (2) et (4) éliminons
il viendra
(5)
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Dans l’équation (5),
n’entre pas ; rien n’empêche alors de
regarder
non plus comme variable, mais comme un paramètre
arbitraire ; l’équation (5) devient alors une équation aux dérivées
partielles à
variables indépendantes seulement.
Le problème se ramène ainsi à l’intégration des équations

qui sont des équations canoniques ne comportant plus que
degrés de liberté.
Ainsi, si, en général, on connaît une intégrale d’un système
d’équations différentielles, on pourra abaisser l’ordre du système
d’une unité ; mais, si ce système est canonique, on pourra en abaisser
l’ordre de deux unités.
Prenons pour exemple le problème du mouvement d’un corps
pesant suspendu à un point fixe ; nous avons vu que ce problème
comporte 3 degrés de liberté ; mais on connaît une intégrale
qui est celle des aires ; le nombre des degrés de liberté peut donc
être abaissé à 2.
Qu’arrive-t-il maintenant lorsqu’on connaît, non plus une seule,
mais
intégrales des équations (1) ?
Soient

ces
intégrales, de sorte que
![{\displaystyle \left[\mathrm {F} ,\mathrm {F} _{1}\right]=\left[\mathrm {F} ,\mathrm {F} _{2}\right]=\dots =\left[\mathrm {F} ,\mathrm {F} _{q}\right]=0.}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/8357ab8e7fd07b9508a1f52497d8ea16bbd749c3)
Peut-on, à l’aide de ces intégrales, abaisser de
unités le nombre
des degrés de liberté ? Cela n’aura pas lieu en général ; il faut pour
cela que les
équations aux dérivées partielles
(6)
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soient compatibles ; ce qui exige les conditions
(7)
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Si les conditions (7) sont remplies, on éliminera entre les équations (6)

et l’on arrivera à une équation aux dérivées partielles
où
ces
dérivées n’entreront plus et que l’on pourra considérer comme dépendant seulement des
variables indépendantes

tandis que les
premières variables

seront regardées comme des paramètres arbitraires.
On sera ainsi conduit à un système réduit d’équations canoniques
ne comportant plus que
degrés de liberté.
Reprenons, par exemple, le Problème des trois Corps en conservant
les notations du commencement du no 2. Nous avons vu
que le nombre des degrés de liberté est égal à 9.
Mais nous avons les trois premières intégrales du mouvement
du centre de gravité qui peuvent s’écrire
(8)
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Il est aisé de vérifier que
![{\displaystyle \left[\mathrm {F} _{2},\mathrm {F} _{3}\right]=\left[\mathrm {F} _{3},\mathrm {F} _{1}\right]=\left[\mathrm {F} _{1},\mathrm {F} _{2}\right]=0.}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/ffe71e608718f693ebf390cf66ac28b50e5470e9)
Le nombre des degrés de liberté peut donc être abaissé à 6.
Si l’on se borne au cas du Problème des trois Corps dans le
plan, le nombre primitif des degrés de liberté n’est plus que de 6.
Mais il n’y a plus que deux analogues à 8. Après la réduction, il
y aura donc seulement 4 degrés de liberté.
Imaginons maintenant que l’on connaisse, outre les
intégrales
une autre intégrale
pourra-t-on en
déduire une intégrale du système réduit ? Cette question peut
s’énoncer autrement.
On connaît une équation aux dérivées partielles

compatible avec l’équation
sera-t-elle encore compatible avec le système
(6)
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On voit tout de suite que la condition nécessaire et suffisante
pour qu’il en soit ainsi, c’est que l’on ait
![{\displaystyle \left[\mathrm {F} ,\mathrm {F} _{q+1}\right]=\left[\mathrm {F} _{3},\mathrm {F} _{q+1}\right]=\dots \left[\mathrm {F} _{q},\mathrm {F} _{q+1}\right]=0.}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/97bf248f8eed0a6835f385ed3c306abbd42afa3c)
Revenons, par exemple, au Problème des trois Corps et considérons
les trois intégrales des aires
(9)
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Il est aisé de vérifier que l’on a