CHAPITRE X.
APPLICATION À L’ÉTUDE DES VARIATIONS SÉCULAIRES.
Exposé de la question.
130.On peut faire des principes du Chapitre précédent une
application importante à l’étude de certaines équations que les
astronomes ont souvent considérées.
Soient
(1)
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nos équations canoniques, et soit
Supposons que nos variables conjuguées et soient les
variables képlériennes du no 11, que dépende seulement de
et de c’est-à-dire des deux grands axes, et qu’en négligeant
et les termes suivants représente la fonction perturbatrice.
Alors est développable suivant les sinus et cosinus des multiples
des deux anomalies moyennes et j’appellerai la valeur
moyenne de cette fonction périodique de et de
On a souvent, pour étudier les variations séculaires des éléments
des deux planètes, négligé dans les termes périodiques et réduit,
par conséquent, cette fonction à sa valeur moyenne Nos équations
deviennent alors
(1 bis)
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Est-on certain, en opérant de la sorte, d’obtenir exactement les coefficients des termes séculaires de et de je veux dire les
coefficients des termes dont la période croît indéfiniment quand
les masses tendent vers 0 ? Il est évident que non ; mais l’approximation
est généralement assez grande et les astronomes s’en sont,
à juste titre, contentés jusqu’ici. De là l’intérêt qui s’attache à
l’étude de ces équations (1 bis).
et ne dépendant pas de et de il vient d’abord
de sorte que et peuvent être considérés comme des constantes.
Nous pourrons donc nous contenter d’envisager les quatre paires
de variables conjuguées,
(notations du no 11), que nous appellerons pour un instant
Alors ne dépend d’aucune de ces huit variables et nos équations
(1 bis) deviennent
(1 ter)
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La fonction ne dépend que de nos huit variables et
puisqu’elle est indépendante de et de et que et sont désormais
regardées comme des constantes. Nos équations (1 ter) ont
donc la forme canonique.
Quand et auront été déterminés par les équations (1 ter),
on calculera et par les équations
qui s’intégreront par de simples quadratures, puisque et n’entrent
pas dans le second membre.
Les fondateurs de la Mécanique céleste ont envisagé ces équations en réduisant à ses premiers termes, c’est-à-dire à ceux
qui sont du second ordre par rapport aux excentricités et aux
inclinaisons. Les équations sont alors linéaires et à coefficients
constants. Depuis, Le Verrier et Cellérier ont envisagé les termes
du quatrième ordre et ont reconnu qu’ils n’altèrent pas la stabilité.
Mais les principes du Chapitre précédent permettent, comme
nous allons le voir, de généraliser ce résultat et de montrer qu’il
est encore vrai (au point de vue du calcul formel bien entendu)
quelque loin que l’on pousse l’approximation.
Nouveau changement de variables.
131.Si l’on adopte les variables (4) du no 12, est développable
suivant les puissances de et il n’y
a
pas, comme nous l’avons vu, de termes de degré impair, par rapport
à ces quantités
(2)
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Nous pourrons donc écrire
comprenant l’ensemble des termes du ième degré par rapport
aux quantités (2). Il s’agit d’intégrer les équations canoniques
Mais nous avons encore un changement de variables à faire pour
amener nos équations à la forme la plus commode.
Supposons d’abord que l’on néglige les termes d’ordre supérieur
au deuxième par rapport aux quantités (2) et que l’on écrive
est une constante, est un polynôme homogène et du second
degré par rapport aux variables (2). Si donc on forme les équations canoniques
(3)
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ces équations seront linéaires par rapport aux variables (2).
Supposons que, au lieu de développer suivant les puissances
des variables (2), nous développions suivant les puissances des
excentricités et des inclinaisons et qu’on obtienne ainsi le développement suivant
représentant l’ensemble des termes du degré par rapport aux
excentricités et aux inclinaisons.
D’après ce que nous avons vu au no 12, les variables (2) sont
développables suivant les puissances des excentricités et des inclinaisons,
de telle sorte qu’en arrêtant chacun de ces développements
à son premier terme il vienne
(4)
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(j’ai posé pour abréger, comme au no 12, ).
Il résulte de là que
et que, pour obtenir il suffit de remplacer dans les
variables (2) par leur valeur approchée (4).
Inversement, on obtiendra en remplaçant dans les quantités
par
Mais le développement de est bien connu ; n’est autre
chose, en effet, que l’ensemble des termes séculaires de la fonction
perturbatrice qui sont du deuxième degré par rapport aux excentricités
et aux inclinaisons.
Je puis en conclure deux choses :
1o Que les équations linéaires (3) peuvent se déduire par un
changement de variables très simple des équations (A) et (C) de
la Mécanique céleste de Laplace (Livre II, Chap. VII, t. Ier,
nos 55 et 59, p. 321 et 334, édition de Gauthier-Villars, 1878)
qui servent à calculer les variations séculaires des excentricités et
des périhélies, des inclinaisons et des nœuds ;
2o Que la fonction est d’une forme particulière et peut s’écrire
Elle est ainsi la somme de quatre formes quadratiques, la première
dépendant seulement de et de la seconde formée avec et
comme la première avec et la troisième dépendant seulement
de et de la quatrième formée avec et comme la troisième
avec et
Cela posé, nous allons faire un changement linéaire de variables
en nous arrangeant de façon à ne pas altérer la forme canonique
des équations.
Posons pour cela
et étant deux angles dépendant de et de
Posons ensuite
J’ai ainsi des relations qui définiront les variables nouvelles
en fonctions des variables anciennes.
J’introduis encore quatre nouvelles variables définies
par les relations
d’où
D’après le théorème du no 4, la forme canonique des équations
ne sera pas altérée si l’on remplace les variables anciennes
par les variables nouvelles
Il reste à montrer comment on choisira les angles et en fonctions
de et de
On choisira l’angle de telle façon que la forme quadratique
se réduise à une somme de deux carrés
On aura de même
On choisira de même l’angle de telle façon que
on aura alors
Remarquons que dépendent de et de
La relation entre les variables et qui s’écrit
(5)
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est une substitution linéaire orthogonale ; c’est grâce à cette circonstance,
comme nous l’avons expliqué au no 5, que la forme canonique des équations n’est pas altérée. Le problème est donc
ramené à la recherche des angles et c’est-à-dire au choix de
la substitution orthogonale (5), mais cette recherche revient à
l’intégration des équations (A) et (C) de Laplace citées plus haut ;
le calcul numérique peut donc être long, mais il a déjà été fait en
ce qui concerne le système solaire.
On obtiendra des résultats analogues dans le cas où, au lieu de
trois corps, on en considérerait
La fonction serait encore la somme de quatre formes quadratiques,
mais chacune de ces quatre formes au lieu de dépendre
seulement de deux variables en contiendrait
Nous aurons alors variables analogues aux analogues
aux analogues aux analogues aux Tout se ramènera
encore à déterminer une substitution linéaire orthogonale qui,
appliquée aux variables transforme la première de ces quatre
formes quadratiques en une somme de carrés.
Mais revenons au Problème des trois Corps.
Faisons un dernier changement de variables en posant
ce qui, d’après le no 6, n’altère pas la forme canonique des équations.
est alors développable suivant les puissances des et périodique
par rapport aux on a d’ailleurs
c’est-à-dire que ne dépend pas des
Application de la méthode du Chapitre IX.
132.Après ces divers changements de variables, nos équations
se présentent sous la forme suivante
(2)
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Pour pouvoir appliquer à ces équations les méthodes du Chapitre
précédent, il faudrait pouvoir développer suivant les puissances croissantes d’un paramètre très petit. Nous ne pouvons plus pour
cela nous servir de puisque tous les termes du second membre
sont du même degré (de degré i), par rapport à heureusement
les quantités qui sont de l’ordre du carré des excentricités et
des inclinaisons sont elles-mêmes très petites.
Nous n’avons donc, pour être ramené au cas traité dans le Chapitre
précédent, qu’à poser
étant une constante très petite, et les quantités étant finies.
Il vient alors
(2 bis)
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sera homogène et du degré par rapport aux de sorte que,
quand on remplacera par il viendra
s’obtenant en remplaçant par dans
Nos équations deviennent alors, si l’on observe que se réduit
à une constante,
(3)
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On voit que les équations ont conservé la forme canonique ; la
fonction se réduit alors à
On voit qu’elle est développée suivant les puissances de elle est
périodique par rapport aux variables de la seconde série enfin
le premier terme ne dépend pas de ces variables Nous nous
trouvons donc dans les conditions où les résultats du Chapitre
précédent sont applicables.
La seule hypothèse que nous devions faire, c’est qu’il n’y ait pas
entre les quatre constantes de relation linéaire à coefficients entiers. La probabilité pour que cette relation existe
est nulle, mais on peut encore se demander s’il n’y a pas une relation
simple de cette forme qui soit assez près d’être satisfaite pour
que les séries ne convergent plus que très lentement. On sait que
Le Verrier a discuté cette question, mais il a dû la laisser indécise
en ce qui concerne les planètes inférieures, parce que les masses
en sont mal connues et que les coefficients dépendent de ces
masses.
Il est clair que tout ce qui précède s’applique, sans qu’on ait
rien à y changer, au cas où l’on aurait plus de trois corps.
Ainsi on peut satisfaire formellement aux équations qui définissent
les variations séculaires par des séries trigonométriques de
la forme de celles de MM. Newcomb et Lindstedt. Alors
sont exprimés par des séries dont les termes
sont périodiques par rapport à Ce résultat aurait été envisagé
par Laplace ou Lagrange comme établissant complètement la stabilité
du système solaire. Nous sommes plus difficiles aujourd’hui
parce que la convergence des développements n’est pas démontrée ;
le résultat n’en est pas moins important.
Remarquons, en terminant, que, dans le cas où il n’y a que trois
corps et où ils se meuvent dans un plan, nos équations canoniques
(3) peuvent être ramenées à n’avoir plus qu’un seul degré
de liberté ; on peut donc les intégrer par de simples quadratures.
Inutile de rappeler que l’intégration des équations (3) équivaut
à celle de l’équation aux dérivées partielles
où est la fonction inconnue, les les variables indépendantes
et dont le premier membre est la fonction où a été remplacé
par