Les régiments d'infanterie de Compiègne/54e RI – Journal de Guerre

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Lieutenant-colonel Weill et Lieutenant Delacourt
Les régiments d'infanterie de Compiègne
Amicale des anciens combattants des 54e R.I., 254e R.I., 13e Tal (Compiègne) (p. 7-124).

JOURNAL DE GUERRE
DU
54e Régiment d’Infanterie


I. — LA MOBILISATION

À peine le régiment est-il rentré de son séjour au camp de Châlons (fin juin 1914) que commence la période de tension politique.

La revue du 14 juillet passée, comme chaque année, sur la grande Pelouse du parc du Château, est plus émouvante que d’ordinaire ; C’est en tenue de campagne complète que la garnison défile impeccable sous les ovations de la foule compiégnoise.

Et voici venu le dimanche 26 juillet 1914, qui marque pour le régiment la fin de son heureuse vie de garnison en la bonne ville de Compiègne. Les journaux apportent de graves nouvelles : l’Autriche a déclaré la guerre à la Serbie. La Russie mobilise. La tension entre les peuples s’accentue d’heure en heure, et chacun pressent qu’il sera difficile d’éviter la guerre.

Dès la rentrée des rares permissionnaires de vingt-quatre heures, la caserne est rigoureusement consignée ; le régiment, déjà, vit en cantonnement d’alerte. Le lundi 27, c’est le branle-bas de mobilisation au quartier de Royallieu : distribution des tenues de guerre, des vivres de réserve, des cartouches, etc. Les voitures a bagages et à munitions, chargées devant les bureaux des compagnies, sont prêtes au départ.

Pendant trois jours, c’est l’attente d’une éventualité qui, pour deaucoup déjà, ne fait plus aucun doute. Une foule de parents et d’amis stationne sur la route de Paris pour venir saluer ou emrasser ceux qui vont partir.

Ce n’est pourtant qu’au matin du 1er août que le 54e quitte la caserne de Royallieu pour se rendre à la gare où deux trains l’attendent. Sur tout le parcours, les Compiégnois sont venus témoigner l’estime qu’ils portent aux soldats de la garnison, et des acclamations frénétiques éclatent de toutes parts, mêlées aux cris de « Vive la France ».

Il est 10 heures du matin quand le dernier train franchit le pont de la ligne de Soissons, emportant vers l’Est les espoirs de toute une cité.

Et pendant que, par Reims, Châlons, Bar-le-Duc, Lérouville, le régiment actif s’achemine vers Saint-Mihiel, les premiers réservistes rejoignent les compagnies de dépôt qui les attendent à Royallieu. Les plus jeunes classes de réservistes, constituant le 2e échelon du régiment, le rejoindront le 4 août, le portant à l’effectif de 60 officiers, 3.311 sous-officiers, caporaux et soldats avec 186 chevaux et 52 voitures. Il est encadré ainsi qu’il suit :

État-Major. — Lieutenant-colonel Boissaud, commandant le régiment ; Capitaine-adjoint Chenouard ; Lieutenant Leroy, porte-drapeau ; Lieutenant Decourbe, officier d’approvisionnement ; Lieutenant Maillot, officier payeur ; Chef de musique Quod ; Médecin major de lre classe Bourgeois.
Premier bataillon. — Commandant Fauvart-Bastoul ; Officier-adjoint, sous-lieutenant de cavalerie Durand ; 1re Section de mitrailleuses, Lieutenant Turquet de Beauregard ; Médecin aide-major de deuxième classe Toffin.
1re Compagnie. — Capitaine Varin, Lieutenant Rocquigny, Sous-lieutenant Mespoulet, Sous-lieutenant Hanniet.
2e Compagnie. — Capitaine Gluck, Sous-lieutenant de Chanterac, Sous-lieutenant Coradin.
3e Compagnie. — Capitaine Maire, Lieutenant Gandrot, Sous-lieutenant Sabatier.
4e Compagnie. — Capitaine Bidot, Lieutenant Chauveau des Roches, Sous-lieutenant Fournel.
2e Bataillon. — Commandant Soula, Officier adjoint, sous-lieutenant de cavalerie Le Boucher d’Hérouville ; 2e Section de mitrailleuses Lieutenant Bossard ; Médecin aide-major de 1re classe Brugeas.
5e Compagnie. — Capitaine Leleu, Lieutenant Gallet, Sous-lieutenant Baudens de Pierremont.
6e Compagnie. — Lieutenant Duchêne, Sous-lieutenant Platel, Sous-lieutenant Clertant.
7e Compagnie. — Capitaine Guérin, Lieutenant Marrier de Lagatinerie, Sous-lieutenant Billiard, Sous-lieutenant de de Saint-Pern.
8e Compagnie. — Capitaine Comès, Lieutenant Gallin, Sous-lieutenant Quilgars.
3e Bataillon. — Commandant Ricq, Officier adjoint, sous-lieutenant de cavalerie Marlio ; 3e Section de mitrailleuses, Lieutenant Astolfi ; Médecin aide-major de 2e classe Depierre.
9e Compagnie. — Sous-lieutenant Bonne, Sous-lieutenant Franquet, Sous-lieutenant Delsuc.
10e Compagnie. — Capitaine Bouschet, Lieutenant Champagne, Sous-lieutenant Dieudonné.
11e Compagnie. — Capitaine Dodé, Sous-lieutenant Daigremont, Sous-lieutenant Hachette, Sous-lieutenant Odent.
12e Compagnie. — Capitaine Arrous, Sous-lieutenant Munier, Sous-lieutenant Quentin, Sous-lieutenant Fouré.

II. — EN COUVERTURE

Le samedi 1er août, très tard dans la soirée, le 54e débarque en gare de Saint-Mihiel. La chaleur accablante a rendu le voyage très pénible ; aussi un repos de quelques heures dans la caserne que vient de quitter le 168e est-il particulièrement bienvenu.

La 12e division est réserve du secteur de Woëvre méridionale, elle appartient au 6e corps d’armée affecté à la 3e armée (général Ruffey).

Dès 5 heures du matin, le 2e le régiment se remet en marche pour se rendre sur les emplacements de couverture qu’il doit occuper sur la Pente est des Hauts-de-Meuse[1]. Une dure étape à travers une région accidentée et, par une chaleur torride, l’amène par Chaillon et Viéville vers midi aux cantonnements de Saint-Maurice-sous-les-Côtes où s’installent l’État-Major et le 3e bataillon, Billy-sous-les-Côtes qu’occupe le 1er bataillon, et Woël où le 2e bataillon est aux avant-postes.

Pendant deux semaines le régiment séjourne dans ces agréables cantonnements, organisant le terrain sur les pentes des Hauts-de-Muse et dans la plaine en avant de Woël.

L’éclatement de deux bombes d’avion, le 13 août, à la lisière de Woël, est le seul incident de cette première quinzaine de guerre.

Le 14 août au matin, le 6e corps d’armée se forme face à l’est sur le front Braquis-Doncourt-Saint-Benoît Le 54e quitte ses cantonnements à 4 heures pour s’avancer en direction du nord-est dans la plaine de Woëvre : le 3e bataillon prend les avant-postes en avant de Jonville avec une compagnie et demie pendant que le reste du régiment cantonne à Doncourt (1er bataillon) et Wadonville (État-Major et 2e bataillon). Les bataillons se succèdent aux avant-postes, le 1er, le 15 août et le 2e, le 16.

III. — LA BATAILLE DES ARDENNES
(17-25 Août 1914.)

Le 17 août, la 12e division se porte sur Étain, avec mission de s’y établir face au nord, la 24e brigade en tête. Le 54e cantonne au sud d’Étain (État-Major et 3e bataillon à Braquîs, les deux autres bataillons à Ville-en-Woëvre moins une compagnie au château et à la ferme d’Hannoncelet) ; le 18e les 1er et 2e bataillons se rapprochent d’Étain et cantonnent à Warcq et Saint-Maurice (deux compagnies du 2e bataillon).

« La 3e armée (général Ruffey) concentrée primitivement à Verdun et en Woëvre avait été remontée vers le nord. Le 20 août, elle tenait un front qui, de Montmédy au nord d’Ëtain, passait par Longuyon en présentant en ce point un angle obtus.
Le 6e corps d’armée au nord de Spincourt était en liaison, à gauche, avec le 5e corps d’armée et à droite avec l’armée de Lorraine.
Le 21 août, le 6e corps d’armée écrase à Fillières des formations du 16e corps d’armée allemand, mais, menacé sur son extrême droite par une attaque en direction de Spincourt, ne peut, en fin de journée, que se maintenir sur la Crusne. Le 24 août, le général en chef envoyait à la 3e armée l’ordre de ramener ses troupes sur le front Montmédy-Damvillers[2]. »

Le 21 août, la marche de la 12e division reprend vers le nord : on traverse des pays qui, déjà, portent la marque de la guerre : Étain, que la population s’apprête à évacuer, Spincourt, où des patrouilles ennemies ont déjà pénétré, coupant les lignes télégraphiques et téléphoniques. Le 54e est en queue de la division. La marche s’effectue sans incidents en colonne de route jusqu’à Ollières ; la formation en lignes de sections par quatre est alors prise jusqu’à Han-devant-Pierrepont au sud duquel le régiment stationne toute l’après-midi : il arrive à la nuit au cantonnement d’Arrancy d’où l’ennemi, le jour même, a emmené quelques otages. Au cours de la journée, les 3e et 4e compagnies en flanc-garde ont eu une escarmouche avec une patrouille de dragons allemands à Mercy-le-Bas, et lui ont tué trois hommes.

C’est le 22 août que le régiment reçoit le baptême du feu. De bon matin, toute la division se porte à l’attaque : sa mission est de déboucher par le nord de Longwy sur Aubange, Athus, en liaison avec le 5e corps d’armée à gauche ; elle marche sur une seule colonne, le 54e à l’avant-garde ; le 2e bataillon est tête d’avant-garde ; le 3e bataillon fournit deux flancs-garde ; à droite, 10e et 11e compagnies et 3e section de mitrailleuses, à gauche 12e compagnie.

Dès 7 heures, la flanc-garde de droite, après avoir dépassé Praucourt, reçoit des coups de fusil et de mitrailleuse venant de face et de flanc (région est et sud-est de Cutry). Elle répond par son feu. La 10e compagnie pousse jusqu’à l’entrée de Cutry ; elle subit des pertes sensibles et deux de ses officiers sont mis hors de combat : le lieutenant Champagne blessé, le sous-lieutenant Dieudonné tué. La 11e compagnie appuyant à gauche est déployée avec la 3e section de mitrailleuses. Le sous-lieutenant Daigremont est blessé. Les deux compagnies se maintiennent sous le feu de l’infanterie et de l’artillerie jusqu’à midi, puis se replient sur Cons-Lagrandville et Montigny-sur-Chiers.

Pendant ce temps, le gros de l’avant-garde a atteint, par Beuveille, Ugny, Cons-Lagrandville et la route de Cosnes, le plateau de Villers-la-Chèvre. Dès qu’il a franchi le carrefour de la route nationale, vers 8 h. 20, le 2e bataillon fait face à droite et se dirige, les compagnies en lignes de sections par quatre à grands intervalles dans la direction de Longwy dont l’emplacement est indiqué par l’épaisse fumée des incendies. À peine la route quittée, les premières balles sifflent et les premiers obus de 77 éclatent très haut. Le 54e reste pendant une partie de la matinée en réserve au sud de la cote 304 ; puis il prend une nouvelle position au sud-ouest de Cosnes ; il y subit son premier bombardement par « gros noirs » qui cause plus d’étonnement que de mal.

La pression de l’ennemi devenant plus forte et la 10e D. I. engagée devant Longwy se repliant, le régiment reçoit à midi l’ordre de se replier par échelons et de se rassembler à Tellancourt. Le mouvement s’exécute dans le plus grand ordre sous le bombardement, et le rassemblement se fait au nord-ouest de Tellancourt, près du cimetière. De là, le régiment, bien éprouvé en ce premier jour de bataille, gagne le hameau de Révemont, où il passe la nuit : il est couvert par le 2e bataillon vers l’est, entre la Chiers et le bois de Beuveille.

Le 23 août, dès 4 heures, le régiment prend ses emplacements de combat face à l’est. Le front de la brigade est : cote 353, cote 334. Ferme Puxieux, pour appuyer la 24e brigade qui doit attaquer d’Arrancy sur Beuveille. Le 54e occupe la cote 353 avec les 1er et 2e bataillons en première ligne. Un épais brouillard s’étend sur la campagne et les tranchées sont creusées sans incidents. Vers 10 heures le brouillard se lève et le régiment est pris sous le feu de l’artillerie. À midi, le repli ordonné se fait, sans être inquiété, par Longuyon, en direction de Spincourt. Vers 16 heures, le 54e est rassemblé à l’ouest de la ferme Constantine, La brigade bivouaque à la ferme de la Fontaine-Saint-Martin avec avant-postes sur les lisières nord et est du Haut-Bois (1er et 3e bataillons) face à Longuyon.

La journée du 24 août est marquée par de vifs combats ; les avant-postes du 1er bataillon sont violemment attaqués à 4 heures par des forces supérieures ; les 5e et 6e compagnies, mises à 7 heures à la disposition du 1er bataillon, rétablissent la situation grâce à une belle charge à la baïonnette de la 5e compagnie au cours de laquelle le capitaine Leleu est mortellement blessé, ainsi que le sous-lieutenant Baudens de Pierremont. Le combat dans le Haut-Bois et le bois de Rafour dure une partie de la matinée et reste indécis. Vers la fin de la matinée, les éléments du 1er bataillon vont occuper des tranchées à la cote 252 près de Châtillon.

À 8 heures, la 6e compagnie est placée en soutien d’artillerie : les 7e et 8e compagnies vont occuper la crête à 600 mètres à l’est de la ferme de la Fontaine Saint-Martin. Le 3e bataillon est en réserve

À 11 h. 30, les éléments disponibles des 2e et 3e bataillons attaquent Arrancy à la gauche de la 24e brigade et pénètrent deux fois dans le village où ils ne peuvent se maintenir sous le feu violent de l’artillerie qui incendie la localité. Le repli est ordonné vers le sud-ouest (ferme de Constantine et Châtillon). À 20 h. 30, partant de la ferme de Constantine, une compagnie reprend à la baïonnette la ferme de Belletontaine. Cette opération terminée, le front est laissé au 154e R. I. et le 54e bivouaque ensuite à Pillon et à la cote 252 près de Pillon, où il arrive vers minuit.

Au cours de cette rude journée, les pertes ont été sensibles[3].

Le 25 août le régiment, violemment bombardé à partir de 7 heures dans ses tranchées de la cote 252 (1er et 3e bataillons en ligne, 2e en réserve), reçoit vers 11 heures l’ordre de se replier sur Mangiennes et Romagne-sous-les-Côtes et d’aller occuper la côte d’Horgnes à l’est de Damvillers. Il y arrive à 17 heures et s’y retranche, en liaison à gauche à Damvillers avec la 10e division d’infanterie du 5e corps d’armée et à droite avec le 67e régiment d’infanterie établi sur la côte de Morimont.

IV. — MANŒUVRE EN RETRAITE
(26 Août-4 Septembre 1914.)
« L’instruction du 25 août prévoit que la 3e armée s’établira à la droite de Verdun, la gauche à Grandpré ou à Sainte-Menehould-Varennes.
À la date du 26 août, la 3e armée borde la Meuse, depuis Dun-sur-Meuse jusqu’aux abords de Verdun. Le 29 août, le général en chef décide la continuation de la retraite plus au sud et ordonne que le mouvement général s’opérera autour de la région de Verdun jusqu’à ce qu’une reprise générale de l’offensive puisse avoir lieu. La limite à atteindre pour la 3e armée, qui se retirera lentement de façon à pouvoir reprendre l’offensive au nord-ouest, est le nord de Bar-le-Duc. La décision d’arrêt est donnée le 4 septembre. La reprise de l’offensive est ordonnée pour le 6 septembre au matin. »

Le 26 août, vers 8 heures, des cavaliers ennemis étant vus vers Damvillers, évacué par le 5e corps d’armée, la 9e compagnie est envoyée dans le village. À 10 h. 30, le mouvement de retraite se poursuit : le régiment se porte sur Consenvoye, laissant sur la côte d’Horgnes, jusqu’à 14 heures le 3e bataillon qui remplit sa mission sans incident.

À quelques kilomètres de Damvillers le commandant de la 10e compagnie à l’arrière-garde, le capitaine Bouschet est tué par un obus sur son cheval.

Aussitôt que le régiment a franchi la Meuse, le génie fait sauter les ponts du canal et du fleuve. Le régiment cantonne à Esnes. La ligne d’avant-postes du 6e corps d’armée borde la rive gauche de la Meuse.

Du 27 au 31 août, le régiment qui a été reporté en avant de Dannevoux s’organise en vue de défendre le passage de la Meuse. Les lignes d’avant-postes sont sur l’éperon du Bois-des-Moriaux (demi 3e bataillon) et sur la croupe au sud-est de Dannevoux (demi 2e bataillon). Le reste du régiment organise une ligne de résistance passant par la corne est du bois de Septsarges et les lisières nord-est des bois d’En-delà et Suchet (le long du ruisseau de Septsarges).

Le 28, un détachement de 13 officiers et 1.042 hommes arrive en renfort du dépôt. De gros effectifs ennemis sont signalés sur la rive droite de la Meuse : les Allemands s’occupent activement la nuit à la construction de ponts et dès l’après-midi du 29, ils bombardent sans trêve nos positions. Le 31, Dannevoux brûle.

Le bombardement augmente d’intensité le 1er septembre à partir de 4 heures. Sous sa protection et à la faveur du brouillard, l’ennemi franchit la Meuse et attaque dès le petit jour. Les 10e, 11e et 12e compagnies contiennent l’ennemi jusqu’à ce que, succombant sous le nombre. elles se retirent sur l’ordre du général Huguet, commandant la brigade, qui est demeuré au milieu d’elles jusqu’au bout, et démasquent la ligne principale de résistance. Le poste de commandement du régiment est porte au moulin de Guénonville où se rassemblent les éléments des bataillons de première ligne.

Vers 8 h. 30 l’attaque ennemie s’accentue et s’approche de Dannevoux ; mais une contre-attaque à la baïonnette, magnifiquement conduite par le Lieutenant-colonel Boissaud, comme à la manœuvre, reporte la ligne jusqu’à la route. Gercourt-Dannevoux, à la lisière du Bois Juré. Les 5e et 7e compagnies tiennent à Gercourt

À partir de 16 h. 30, le repli s’opérant par échelons, le combat se poursuit dans les bois et vers 20 heures, le régiment tient encore Guénoville et le mouvement de terrain 262 ainsi que le village de Gercourt.

Relevé, le régiment laissant des avant-postes de combat vient bivouaquer à 500 mètres au sud de Montfaucon. Les avant-postes de combat sont remplacés par des avant-postes réguliers fournis par les 1re et 2e compagnies, depuis Septsarges inclus jusqu’à 700 mètres au nord-ouest de ce village.

Les pertes de cette journée ont été sérieuses ; 9 officiers ont été tués ou blessés parmi lesquels le commandant Soula, blessé ; les chiffres concernant les sous-officiers, caporaux et soldats n’ont pu être retrouvés.

Le 2 septembre se passe auprès de Montfaucon ; sous la protection des avant-postes, le 2e bataillon organise une ligne de résistance ferme Fayel-cote 315, les 3e et 4e compagnies sont en réserve à l’ouest de la ferme Fayel ; le 3e bataillon, à la disposition du général de division, est à la corne nord du Bois de Cuisy. Vers 15 heures, l’artillerie ennemie canonne Montfaucon et les tranchées sans nous causer de pertes.

Alerté le 3 septembre à 2 heures et demie du matin, le 54e prend place comme deuxième régiment dans la colonne que forme la division en retraite vers le sud par Avocourt, Aubréville et Parois. Par les routes encombrées alors que l’arrière-garde est harcelée par l’ennemi, il effectue, avec une seule grand’halte de deux heures à Parois, une marche de près de 40 kilomètres pour cantonner le soir à Jubécourt.

Le lendemain, par Julvécourt, Ippécourt, le 54e parvient à Fleury-sur-Aire vers 13 heures. Il y apprend par un laconique communiqué que « les troupes allemandes sont signalées dans la forêt de Compiègne ».

Ce cantonnement de Fleury permet au régiment de goûter un vrai repos, bien nécessaire après les fatigues des rudes combats précédents.

V. — BATAILLE DE LA MARNE[4]
(5-20 Septembre 1914.)

Le 5 septembre, le 54e quittant Fleury vers 5 h. 30 prend positon face au nord-ouest en avant de Beauzée. Les avant-postes sont établis sur la ligne de résistance : Deuxnouds, cote 294 (2e bataillon) ; La Papeterie-Signal de Beauzée (cote 264) jusqu’à la route Beauzée-Pretz inclusivement (3e bataillon)[5] ; cote 269, Sommaisne inclusivement (1er bataillon) ; les 6e et 8e compagnies sont en réserve générale à Beauzée, au nord du cimetière avec l’état-major du régiment.

Dès la tombée de la nuit, des patrouilles de cavaliers ennemis établissent le contact avec nos avant-postes.

« La 3e armée (général Sarrail) d’après l’ordre du Général en Chef, devait attaquer le 6 septembre en direction du nord-ouest, mais elle a été prévenue par le Kronprinz, qui, la veille au soir, a lancé son ordre d’attaque sur le front général Revigny[6] Bar-le-Duc, sa cavalerie devant pousser son exploitation jusqu’à la ligne Dijon-Besançon-Belfort, tandis que le 5e corps d’armée venant de la Woëvre tenterait de prendre à revers la 4e armée.
Pendant les journées du 6 et du 7 septembre, l’armée Sarrail, avec des alternatives de succès et de revers locaux, maintient à peu près toutes ses positions de Revigny à Verdun, pendant que la 72e division de réserve de la place de Verdun se porte sur la vallée de la Cousance pour agir sur les communications du Kronprinz. Mais une menace se dresse sur ses derrières où des colonnes ennemies sont signalées en marche vers Saint-Mihiel.
Le général Sarrail est autorisé à replier sa droite, s’il le faut, pour assurer ses communications, mais le point important est qu’il ne se laisse pas couper de la 4e armée (à sa gauche) à la soudure de laquelle l’ennemi pèse de tous ses efforts. Grâce aux contre-attaques du 15e corps, la situation de ce point délicat semble rétablie et la 3e armée parvient à se maintenir sur son front en infligeant à l’ennemi de fortes pertes.
Le 10 septembre, le Kronprinz attaque avec violence le 6e corps d’armée à la Vaux-Marie ; le 16e corps allemand subit un échec complet et laisse onze batteries sur le terrain.
Malgré un bombardement effroyable, le fort de Troyon à demi écroulé a résisté héroïquement aux assauts allemands, et, finalement, le 12 septembre ; le Kronprinz, averti du repli des autres armées allemandes, se décide à abandonner la partie et à faire à son tour, le 13, entamer la retraite par ses corps d’armée.
La Bataille de la Marne s’achève en victoire incontestable.»

Le 6 septembre, dès 6 h.30, à la Papeterie, la 10e compagnie (sous-lieutenant Munier) ouvre le feu sur des groupes ennemis sortant de Bulainville et de Nubécourt.

La ligne, attaquée-de plus en plus fortement, est renforcée successivement jusqu’à concurrence d’une compagnie et demie (la 6e entre 294 et la Papeterie, deux sections de la 8e à l’ouest de la Papeterie). Le capitaine Petit est tué. Les avant-postes maintiennent ferme leurs positions. À 13 h. 30, à notre droite, la 40e division d’infanterie attaque de l’ouest vers l’est : le 155e régiment d’infanterie a pour objectif Bulainville, tandis que des éléments du 54e doivent franchir l’Aire à la Papeterie et marcher sur Esvres. Dès que le 155e atteint la ligne cote 294-Papeterie, les deux dernières sections en réserve du 54e (lieutenant Gallin, 8e compagnie) sont lancées sur la Papeterie dont les occupants se sont légèrement repliés en raison de l’incendie. Malgré un feu violent d’artillerie lourde, la ligne est rétablie et maintenue jusqu’à la nuit. Le 155e régiment d’infanterie, dont l’attaque a été arrêtée par les tirs d’artillerie, se maintient entre la Papeterie et la cote 294.

Au signal de Beauzée, le combat n’est pas moins acharné que sur la droite : le 3e bataillon se maintient difficilement jusqu’à 16 heures, moment où sa gauche doit céder du terrain. Une contre-attaque d’un bataillon du 106e, renforcé par la 11e compagnie du 54e, et une autre d’un bataillon du 67e régiment d’infanterie par le sud du signal est arrêtée par le feu des mitrailleuses ; néanmoins la 12e compagnie se maintient sur la cote 264 jusqu’à la nuit.

BEAUZÉ VAUX MARIE
BEAUZÉ VAUX MARIE

À 20 h. 30, le régiment passe en réserve et reçoit l’ordre de cantonner à Amblaincourt où il se reforme.

Le 7 septembre, le régiment ayant quitté Amblaincourt à 2 heures du matin passe la journée en réserve dans un ravin à 1.500 mètres à l’est de Rembercourt-aux-Pots.

Le 8, dès 4 heures, il reçoit l’ordre de se porter en avant : le 2e bataillon doit occuper la ligne station de Vaux-Marie-Fontaine des trois Évêques,

le 3e bataillon se placer en échelon à gauche en arrière, le 1er rester en réserve au sud-est de la cote 287.

Vers 6 h. 45, au signal d’Erize-la-Petite, pendant que les ordres sont donnés, un obus de gros calibre éclate à proximité de l’État-Major du régiment, tue le lieutenant-colonel Boissaud, le commandant Ricq et de nombreux agents de liaison. Le capitaine Comès, commandant le 2e Bataillon, est mortellement blessé. Le capitaine Gorges est blessé.

Les bataillons, aux emplacements assignés, sont soumis toute la journée à un bombardement d’une violence qu’ils n’ont pas encore connue.

Le 2e bataillon tire quelques coups de fusil sur l’ennemi qui occupe des tranchées à 700 mètres environ au nord. Bien qu’aucun combat n’ait été engagé, cette journée est une des plus rudes de la grande bataille.

Relevé à 3 h. 30 le 9 septembre par le 106e régiment d’infanterie, le 54e se retranche sur une ligne qui passe par le Signal du Fayel (1er bataillon) et la cote 289 (2e bataillon), le 3e bataillon étant en réserve dans le ravin au nord de Marats-la-Petite. Le régiment reçoit un nouveau renfort venant du dépôt transféré à Laval.

Les 9e et 11e compagnies se portent vers 14 heures à la cote 287 (au nord de Rembercourt) et reçoivent à 20 h. 15 l’ordre de se porter à la cote 267 (au nord-ouest de Rembercourt). Elles y parviennent. vers minuit, au moment où l’ennemi déclanche une attaque sur ce point. Entraînées dans le repli de la ligne, elles rejoignent le 1er bataillon en traversant Rembercourt, non sans subir de fortes pertes.

Le 10 septembre, les 1er et 2e bataillons sont attaqués vers 4 heures. L’ennemi, accueilli par un feu bien ajusté, ne tarde pas à se replier après avoir subi de grosses pertes. Notre front est complètement dégagé à 7 heures et l’ennemi se retranche sur la croupe 287-267. Pendant le reste de la journée les tranchées sont bombardées par l’artillerie adverse. Les bataillons couchent sur les positions qu’ils occupent.

La nuit et la matinée du 11 sont très calmes jusqu’à 8 heures. Cependant, l’attaque ennemie étant toujours à redouter, tout le monde veille. La canonnade reprend modérément et par intermittence à partir de 8 heures. Le bruit d’une grande victoire des armées françaises du centre et de la gauche se confirme d’heure en heure. Une pluie diluvienne tombe, inondant les tranchées et le ravin de Marats.

Toute la journée du 12, notre artillerie canonne la position ennemie. L’artillerie allemande se tait. Les patrouilles trouvent la crête 287-267 faiblement tenue. Le 13, elle ne rencontrent que quelques cavaliers ; une section du régiment atteint Pretz-en-Argonne. À 15 heures, arrive l’ordre de reprendre la marche en avant. À 21 heures, après avoir traversé le champ de bataille, par a cote 309 Erize-la-Petite et Chaumont-sur-Aire, le 54e arrive à Courcelles-sur-Aire où il établit son bivouac pour la nuit. Sauf quelques maisons, le village est en ruines. La ferme des Anglecourt où le 3e bataillon est envoyé est également détruite.

Grâce à sa défense héroïque, le régiment pendant que l’ennemi succombait sur la Marne, a contribué une première fois, à sauver Verdun !

Sous une pluie battante, par Amblaincourt, Deuxnouds, Souilly et Lempire (où il cantonne le 14 septembre), il remonte vers Verdun, traverse les faubourgs de cette ville et, après être resté en position d’attente pendant quelques heures à Bras, atteint Douaumont où il cantonnera les 16, 17 et 18 septembre. Le 19, il cantonne à Beaumont. Pendant le séjour dans ces deux villages, le régiment passe une partie de la journée rassemblé dans les ravins voisins du cantonnement.


VI. – LA TRANCHÉE DE CALONNE-LES-ÉPARGES[7]
(21 Septembre 1914-4 Août 1915.)

La Stabilisation du Front.

« L’État-MaJor allemand se décida le 19 septembre à porter sur notre droite un coup soudain qui, pensait-il, nous prendrait au dépourvu au moment où l’attention était attirée par la tournure des événements à l’ouest de Oise.
Brusquement l’ennemi exécuta une double poussée au sud-ouest et à l’ouest de Verdum avec l’intention d’isoler cette place.
L’attaque à l’ouest sur l’axe Varenne-Clermont-en-Argonne fut enrayée par notre 3e armée à partir du 24.
L’attaque en Woëvre en direction de Saint-Mihiel eut pour nous des conséquences plus graves.
Dès le 20 septembre, la 75e Division de réserve attaquée sur les Hauts-de-Meuse par des forces supérieures cédait le promontoire d’Hattonchatel et les Éparges et se repliait sur la tranchée de Calonne et Spada. Bientôt les Allemands entraient à Saint-Mihiel.
À partir du 22, la 1re armée française agissant de concert avec la 3e faisait déboucher dans le flanc de l’ennemi toutes ses troupes disponibles et arrêtait l’effort des Allemands en les obligeant à faire face au sud. »

Le 21 septembre, la 12e division d’infanterie est envoyée dans la région au sud de Verdun où l’ennemi attaque. Le régiment quitte Beaumont à 16 heures et s’achemine vers Watronville au pied des Hauts-de-Meuse en direction des cantonnements qu’il a quittés au milieu d’août. C’est à Watronville que le 21 septembre le lieutenant-colonel Guy prend le commandement du 54e qu’il va, le soir même, mener au combat.

Le régiment quitte Watronville à 16 heures pour se rendre à Mouilly par Haudiomont, le carrefour des Trois-Jurés et la ferme d’Amblonville. À travers la forêt qui couvre les Hauts-de-Meuse, par une nuit profonde, il s’achemine vers de nouvelles destinées. Il croise des éléments des régiments de réserve du 15e corps, puis l’ordre arrive de mettre baïonnette au canon. Vers le milieu de la nuit, après de longues heures de marche, le régiment s’arrête : le : 1er et le 2e bataillon bivouaquent à la sortie est de Mouilly et le 3e, en flanc garde, repose sac au dos ; le fossé de la route dite Tranchée de Calonne, près de son carrefour avec la route Mouilly-les Éparges est son cantonnement durant cette glaciale nuit d’automne. Pas de ravitaillement ; on mange quelques vivres de réserve, et, sans couvertures, on dort à la belle étoile : la dure campagne d’hiver commence ; aux rigueurs des combats vont s’ajouter celles du froid.

La 23e brigade attaque le 22 septembre dans la direction de Saint-Rémy-Herbeuville, le 54e, appuyé par un bataillon du 67e, se portant à l’assaut de Saint-Rémy.

Quittant le cantonnement de Mouilly à 4 heures, le bataillon Fauvart-Bastoul (1er) se porte par la Tranchée de Calonne, vers le carrefour de la route de Vaux-les-Palameix, d’où il doit se diriger sur Saint-Rémy. Ne pouvant atteindre cet objectif fortement tenu par l’ennemi, il se déploie dans les bois à droite et à gauche de la Tranchée de Calonne, à 500 mètres du carrefour.

Le bataillon Chenouard (2e) suit la route de Mouilly à Combres et atteint sans résistance la lisière est du bois de Saint-Rémy, à cheval sur la route de Combres (5e compagnie au nord de la route, 7e compagnie au sud) ; le bataillon Eydoux, du 67e, s’établit en réserve.

Le bataillon Arrous (3e) reste sur sa position au carrefour du chemin des Éparges, en soutien de l’artillerie établie à la cote 372. À 5 heures, le 1er bataillon, fortement attaqué de front et sur son flanc gauche, subit de lourdes pertes ; il reçoit en renfort la 6e compagnie et une compagnie du 67e. Mais à 12 h. 30, ayant perdu les trois quarts de son effectif, il doit se replier dans le ravin sud de la côte de France à cheval sur la route de Mouilly. Le bataillon du 67e le remplace en première ligne. Le 2e bataillon du 54e reçoit l’ordre de se placer face au sud parallèlement à la route Mouilly-Saint-Rémy et le 3e bataillon du 54e d’envoyer deux compagnies sur la croupe 372 en soutien d’artillerie.

L’ennemi ne progresse plus vers le nord. L’après-midi, les deux bataillons disponibles du 67e le chassent du bois de Saint-Rémy À 18 heures, le 2e bataillon du 54e relevé par le bataillon Cabotte du 106e, se rassemble dans le ravin au sud de la côte de France, puis il rejoint le 1er bataillon à Mouilly où ils cantonnent, tandis que le 3e bataillon est maintenu au carrefour du chemin des Éparges[8].

La journée du 23 septembre marque un répit pour le régiment : le 2e bataillon relève, dans l’après-midi, le bataillon Cabotte du 106e régiment d’infanterie aux lisières du bois de Saint-Rémy ; il a trois compagnies en ligne : 5e au sud, 7e et 8e au nord de la route de Combres ; la 6e restant en réserve au carrefour de Saint-Rémy, Il est en liaison, à droite avec le 67e régiment d’infanterie, à gauche avec le 283e régiment d’infanterie.

Le 1er bataillon relève au carrefour des Éparges le 3e bataillon qui s’installe en position de réserve dans le ravin au sud de la côte de France, à cheval sur la route Mouilly-Saint-Remy.

À 17 heures deux bataillons du 67e font un mouvement offensif Sur le Village de Saint-Rémy qu’ils occupent, portant la ligne d’avant-postes sur la croupe de Combres.

Après une nuit sans incidents, de violents combats vont se dérouler dans ces bois au cours de la journée du 24 septembre. Dès le matin, les deux bataillons du 67e ont reçu l’ordre de reprendre leurs positions de la veille à la lisière des bois de Saint-Rémy ; leur mouvement est couvert par les 11e et 12e compagnies du 54e qui occupent la croupe 381 à l’ouest du Moulin-Petit. En exécutant cet ordre, ces deux compagnies subissent de très lourdes pertes ainsi qu’un peloton de la 9e compagnie envoyé en renfort ; à 8 heures. Le lieutenant Duval, commandant la 12e, est grièvement blessé.

À 15 heures, l’ennemi déclanche une violente attaque sur le 67e régiment d’infanterie qui, débordé sur sa droite, se replie vers le nord par la Tranchée de Calonne. Les trois bataillons du 54e se déploient face au sud : le 2e bataillon se place le long de la route Mouilly-Saint-Rémy à cheval sur la Tranchée de Calonne, le 3e bataillon se déploie sur la côte de France. Au 1er bataillon, les 1re et 4e compagnies barrent la Tranchée de Calonne au sud et à hauteur du carrefour des Éparges, les 2e et 3e compagnies sont à la cote 372 en soutien d’artillerie. L’ennemi lance à plusieurs reprises ses troupes à l’attaque, mais il est finalement arrêté au sud de la côte de France.

À 16 heures, l’ordre arrive de rallier le régiment à la ferme d’Amblonville. Le mouvement est exécuté à 18 heures sauf pour les 5e et 7e compagnies maintenues à leur emplacement jusqu’à la nuit et la 1re compagnie jusqu’au lendemain. Le régiment, après cette rude journée qui a fixé le front dans les bois autour du carrefour de la Tranchée de Calonne et de la route Mouilly-Saint-Rémy, s’établit au bivouac à 20 heures dans le bois Filla, couvert par deux compagnies à la lisière du bois Le Soff. Le 25 septembre, il organise, en réserve, la lisière du bois Filla.

À partir de ce moment, le 54e va devenir l’hôte des bois Loclont et de Saint-Rémy. D’abord en deuxième ligne autour de Mouilly (23 septembre), en position de réserve en vue d’une attaque (27 septembre), de nouveau autour de Mouilly (28 septembre) il relève à cette date en première ligne le 132e régiment d’infanterie dans le bois Loclont.

Pendant le mois d’octobre les bataillons sont alternativement en ligne dans les bois Loclont et de Saint-Rémy, puis en réserve à Mouilly et au repos à Rupt-en-Woëvre où le régiment cantonne en entier du 28 au 31 octobre. On progresse un peu à chaque relève, creusant des tranchées, couchant sous de précaires abris de feuillages, subissant chaque fois de nouvelles pertes du fait des obus dont aucun abri efficace ne protège, ou de ces interminables fusillades nocturnes qui se déclanchent de part et d’autre au moindre bruit.

À partir du 31 octobre, le régiment a un bataillon en première ligne, dans les tranchées du bois Loclont, en liaison, à gauche, avec le 67e régiment d’infanterie, à droite, avec la 30e brigade, un bataillon en réserve à Mouilly où se trouve le poste de commandement du Colonel et un à Rupt. Les relèves ont lieu tous les deux jours sur les diverses positions. La première ligne se trouve peu à peu portée jusqu’à moins de 50 mètres des tranchées ennemies, sur les pentes nord-ouest du bois de Vaux-les-Palameix à environ 250 mètres du fond du ravin qui le sépare du bois Loclont Trois compagnies sot en première ligne, la quatrième est en soutien à la Grande Laie sommière du bois Loclont.

C’est maintenant la rigueur des nuits d’hiver en plein bois, le long séjour au petit poste avancé avec les pieds dans la boue ou la neige, la fatigue des rudes travaux auxquels chacun participe de son mieux, établissement de tranchées, banquettes de tir, créneaux, construction d’abris, pose de fils de fer barbelés, sous la fusillade incessante et les obus. Comment relater ces relèves interminables dans les layons rectilignes toujours fangeux, ces corvées de ravitaillement au Ravin de France qui abrite les cuisines, d’où l’on revient brisé par le poids d’un repas déjà froid et souvent trouvé peu substantiel par les appétits que le travail a aiguisés ?

Quelques points du secteur sont particulièrement dangereux : les petits postes établis dans les layons par exemple, et surtout cette, fameuse « tranchée tragique », qui, prise d’enfilade à ses deux extrémités, est la hantise de ceux qui montent en ligne, auxquels elle fut souvent fatale.

Le cantonnement de Mouilly où se tient le bataillon de réserve est d’un séjour plus agréable. Les bombardements y sont assez rares, on y couche sur la paille des granges et les quelques civils qui, au début, ont refusé d’évacuer le village, s’ingénient à favoriser l’existence de la troupe.

Bien abrité au fond de sa vallée, Rupt-en-Woëvre ne subira de bombardements véritables qu’en juillet 1915. C’est le cantonnement de repos rêvé, à 4 kilomètres des tranchées, et pendant plus de dix mois, le régiment ne connaît de l’arrière rien d’autre que ce petit village meusien. Le fantassin, roi de la bataille, n’y a cependant pas la considération des divers autres éléments qui y sont cantonnés à demeure : États-Majors de la brigade et de la division, trains de combat, échelons d’artillerie, etc. La population civile, qui n’est pas évacuée, s’est faite commerçante et ravitaille les soldats qui veulent améliorer leur ordinaire.

À tour de rôle une compagnie du bataillon de Mouilly cantonne à la ferme d’Amblonville, vide de ses habitants.

La vie, presque monotone, dans ce coin des Hauts-de-Meuse, est cependant marquée de rudes épisodes.

Le 26 décembre 1914. — Après un réveillon passé dans la paille des cantonnements de Rupt, le régiment qui y était au repos en entier et devait monter en ligne dans l’après-midi du 25 décembre, apprend que son départ différé en vue d’une attaque à effectuer de part et d’autre de la Tranchée de Calonne, n’aura lieu qu’au milieu de la nuit. Il gèle très fort. Le régiment, acheminé vers les lignes par la ferme d’Amblonville, Mouilly et le carrefour Tranchée de Calonne-route Mouilly-Saint-Rémy, arrive en ce dernier point au petit jour ; il a pour mission de s’emparer de la première ligne ennemie et d’atteindre le carrefour de la route de Vaux-les-Palameix. Les bataillons prennent place dans les tranchées déjà occupées par le 67e : le 1er bataillon (commandant Lanquetin) est au centre, à cheval sur la Tranchée de Calonne : le 3e (commandant Arrous) à droite ; le 2e (commandant Chenouard) à gauche.

À 7 h. 30, toute l’artillerie du secteur ouvre un feu violent sur la position ennemie ; le feu dure une demi-heure, et à 8 heures, le signal de l’attaque est donné par le commandant Lanquetin, au moyen de clairons qui sonnent la charge. L’attaque du bataillon Lanquetin progresse difficilement, les escaliers de franchissement ne permettant qu’à un petit nombre d’hommes à la fois de sortir, et les tirailleurs et mitrailleurs ennemis, dont on ne peut situer l’emplacement, exécutant des tirs incessants et particulièrement bien ajustés. La 4e compagnie est déjà bien éprouvée, son chef, le capitaine Bidoz, est blessé. Une nouvelle préparation d’artillerie est demandée. Entre temps, les sapeurs de la 6e compagnie du 1er régiment du génie, qui précédaient les colonnes d’assaut, se sont jetés en avant au signal de l’attaque et tentent, avec un courage digne d’être retenu, de cisailler les réseaux de fils de fer allemands, se faisant tuer sur place dans l’accomplissement de leur mission périlleuse.

De 8 h. 50 à 9 heures, l’artillerie exécute un nouveau tir et allonge ensuite pour permettre à l’attaque de se développer. La 2e compagnie tente à son tour de sortir de la parallèle de départ et subit de rudes pertes. La 4e compagnie voit tomber tous ses chefs de section, un sergent en prend le commandement. Dans le but d’aider la progression de l’attaque, deux compagnies du 3e bataillon (9e et 10e) prolongent à droite le bataillon Lanquetin ; d’autres compagnies du bataillon Chenouard se portent à gauche pour prolonger la ligne qui progresse en rampant. Une nouvelle préparation d’artillerie est faite de 9 h. 55 à 10 h. 10, heure à laquelle le mouvement en avant, momentanément arrêté, doit être repris. Mais l’ennemi a maintenant ajusté son tir sur les escaliers de franchissement : tout homme qui essaie de sortir est fauché dès qu’il se montre.

La gauche, aidée du bataillon Chenouard, réussit à progresser d’une centaine de mètres. À droite, le lieutenant Munier, entraînant sa compagnie (la 10e) est tué sur le parapet de la parallèle du départ, avec les hommes qui l’ont suivi. Le caporal Deriemackers, un engagée volontaire de quarante-sept ans, tombe en entraînant ses hommes au cri de « Vive la France ».

Sept compagnies du 54e ont déjà été engagées. Un bataillon du 173e régiment d’infanterie se porte à hauteur du layon 1, et une compagnie du 301e régiment d’infanterie est chargée d’appuyer l’attaque de la gauche du 54e.

Vers 11 heures, la situation est la suivante : les compagnies du centre et de droite n’ont pu progresser, les compagnies de gauche ont gagné une centaine de mètres.

L’ordre est donné de ne pas perdre un pouce du terrain conquis et de s’y fortifier en attendant la reprise de l’attaque.

Malgré une nouvelle préparation de 14 h. 30 à 15 heures, aucune progression ne peut être effectuée au centre ni à droite ; seules les compagnies de gauche ont pu arriver à 150 mètres de leur base de départ.

L’ennemi réagit par un violent bombardement et tente à son tour des sorties, sans plus de succès que nos troupes.

À la nuit, le régiment regagne ses positions au Bois Loclont. Au cours de cette journée, 4 officiers, 17 sous-officiers et 111 caporaux et soldats ont été tués, 18 ont disparu ; 3 officiers, 24 sous-officiers et 204 caporaux et soldats ont été blessés.

Relevé dans la nuit du 29 au 30 décembre, le 54e va cantonner à Rupt. Le 31, dans la matinée, au cours d’une prise d’armes, le lieutenant-colonel Guy adresse aux survivants de la rude journée du 26, ces émouvantes paroles :

« Officiers, sous-officiers, caporaux et soldats du 54e.
« Je vous transmets les félicitations du général commandant la 12e division et du général commandant le 6e corps d’armée pour la vaillance avec laquelle vous avez combattu le 26 décembre ; ils ont suivi minute par minute les péripéties de la lutte et admiré votre héroïsme.
Je vous remercie, vous avez écrit une des plus belles pages de l’histoire de notre régiment.
Bien que vous n’ayez pu, malgré tant de courage persévérant, aller déterrer nos ennemis des terriers où ils se cachent, votre dévouement n’a pas été inutile.
Après votre premier assaut, il a été évident à vos chefs que les Allemands avaient des lignes de tranchées cachées sous bois, que notre canon n’avait pas détruites et qui avaient échappé à nos aviateurs malgré le dévouement dont ils ont fait preuve pour faciliter nos opérations. On vous a demandé cependant un deuxième et un troisième efforts. Quelque durs qu’ils fussent vous les avez donnés.
Vous attiriez à vous toutes les réserves allemandes, tandis que sur autre point le 173e régiment d’infanterie attaquait et enlevait les tranchées ennemies. Beaucoup d’entre nous sont tombés, vous les avez vengés ; le 54e a repoussé par le feu cinq contre-attaques ennemies.
Votre dévouement a été des plus beaux : il est l’heureux présage des victoires futures qui seront la récompense de votre courage et de votre patience. »

Le secteur redevenu calme, le mois de janvier 1915 voit le 54e alterner ses relèves avec le 67e tous les trois jours sans incident important. Les travaux se poursuivent, particulièrement dans la partie ouest où est organisé le terrain gagné à la suite du combat du 26 décembre dans le bois de Satnt-Rémy.

Au Bois Loclont, on pousse les petits postes jusqu’à quelques mètres des premières lignes allemandes. On commence l’organisation de la croupe qui à l’origine du ravin séparant le Bois Loclont du Bois de Vaux, va devenir le « Fortin ». À partir du 8, le secteur du 6e corps d’armée a été placé sous les ordres de la 1re armée.

Février est marqué dans le secteur du 2e bataillon par quelques épisodes de la guerre de mines. Alors que le régiment est en ligne depuis la nuit précédente, le 8 janvier à 16 heures le génie fait exploser un fourneau de mine en avant de la sape 3 dans le but de contrebattre les travaux de mine allemands. L’explosion produit un entonnoir de 6 mètres de diamètre. Un groupe de 15 volontaires sous les ordres du lieutenant Astolfi se précipite dans l’entonnoir repousse par son feu les Allemands qui s’avançaient par trois de leurs sapes. Les bords de l’entonnoir sont organisés pour le tir. Pendant toute la journée du 9 février, l’ennemi exécute sur l’entonnoir un tir de grenades très meurtrier. Le général commandant le secteur autorise l’évacuation. Un poste de quatre hommes est placé à l’entrée de la sape 3 pour en interdire l’accès à l’ennemi. À partir de 16 heures, celui-ci bombarde violemment les tranchées avec de l’artillerie lourde et la sape 3 avec des minenwerfer. La sape est bouleversée et comblée, le poste de garde hors de combat. Profitant de ces destructions, l’ennemi fait irruption dans l’entonnoir et dans la sape. Une barricade est rapidement construite à l’entrée de la sape pour s’opposer à tout progrès ultérieur de l’ennemi.

La lutte se poursuit à coups de grenades durant toute la nuit. Le 10 au soir, le régiment est relevé par le 67e. Il rejoindra de nouveau le secteur le 16 février pour y séjourner jusqu’au 27, pendant que le 67e prendra part à une attaque sur les Éparges.

Aux Éparges. — Les attaques du mois de février sur l’éperon des Éparges ont assuré aux assaillants des gains très appréciables, mais non la conquête de tout le sommet. Une attaque destinée à conquérir toute la ligne de crête est en préparation. Fixée au 18 mars, à 16 h. 30, elle doit être exécutée par la 24e brigade, soutenue par le 54e régiment d’infanterie et un bataillon du 302e régiment d’infanterie.

Le 16 mars vers 17 heures, les 5e et 6e compagnies et une section de mitrailleuses quittent Rupt et vont relever les éléments du 132e régiment d’infanterie qui occupent la crête de Montgirmont et le village de Trésauvaux (6e compagnie) ; elles y séjourneront jusqu’au 30 mars dans la soirée.

Le 17, le 3e bataillon se poste pendant la nuit sur les pentes boisées nord de l’éperon de Montgirmont en réserve, à la disposition de la 24e brigade.

Le 18 mars, à 2 heures, le reste du régiment, sous les ordres du lieutenant-colonel Guy, va s’établir à cheval sur la Tranchée de Calonne à proximité et au nord du carrefour des Trois-Jurés, en réserve de division.

Après une violente préparation d’artillerie, l’attaque est déclenchée à 16 h. 30. Le 3e bataillon, qui déjà a souffert du feu de l’artillerie ennemie toute la journée sur les pentes de Montgirmont, est appelé, à la tombée de la nuit, sur la croupe des Éparges, pour participer à l’action. Le mouvement s’exécute très péniblement par un boyau de communication entre la croupe de Montgirmont et celle des Éparges. Le bataillon traverse un barrage d’artillerie qui occasionne des pertes sensibles, dont le commandant Boissard, et presque tous les officiers. Quelques fractions s’égarent dans l’obscurité. Au fond du Ravin de la Mort des isolés subissent l’horreur de l’enlisement dans la boue. Néanmoins, des éléments des quatre compagnies participent aux combats du 132e. De rudes corps à corps se livrent dans la nuit, sur les pentes et la crête, jonchées de cadavres. Le point X, âprement disputé, passe plusieurs fois de mains en mains.

Le 1er bataillon, pendant ce temps, s’établit en cantonnement alerte à Monts-sous-les-Côtes ; il quitte ce village vers 2 heures, le 19 mars, pour se rendre, par Trésauvaux, au boqueteau est de la croupe de Montgirmont, remplaçant en réserve le 3e bataillon. Le lieutenant-colonel Guy établit son poste de commandement à Montgirmont

Le 3e bataillon, reconstitué, continue à soutenir sur la crête des Éparges les unités du 132e[9]. À la nuit, les 7e et 8e compagnies rejoignent le 1er bataillon sur les pentes de Montgirmont.

Les attaques sur la croupe des Éparges sont arrêtées dans la journée du 20 mars : on s’organise et on consolide les gains. À 17 heures, le 1er bataillon relève, sans dlfficultés, le 3e bataillon en soutien du 132e. Pendant la nuit, le lieutenant-colonel rentre à Rupt avec le 3e bataillon, les 7e et 8e compagnies, trois sections de la compagnie de mitrailleuses et la compagnie hors rang.

À partir du 20 mars, les Allemands essayent de rejeter les Français des tranchées qu’ils ont conquises. Ils bombardent continuellement nos premières lignes et le ravin entre les Éparges et Montgirmont avec une artillerie de tous calibres, y compris du 305, et tentent quelques attaques à la grenade ou à la baïonnette.

Le 1er bataillon, sous l’impulsion énergique du commandant Lanquetin, prête pendant cinq jours et cinq nuits une aide efficace et souvent spontanée au 132e, fort éprouvé par la lutte qu’il soutient. Les compagnies des deux régiments se relayent pour défendre la position sans qu’il soit possible de relater le détail de leurs opérations sur un terrain enchevêtré de tranchées et de boyaux bouleversés qui sont chacun le théâtre de combats particuliers.

Le 25 mars, au lever du jour, une compagnie allemande s’étant emparée d’un élément de tranchée, le capitaine Guérin, enlevant dans un superbe élan la 4e compagnie, contre-attaque immédiatement de front pendant que le commandant Lanquetin dirige les 1re et 2e compagnies sur les deux flancs de la tranchée perdue. L’ennemi bat précipitamment en retraite abandonnant armes et munitions. La 4e compagnie occupe une tranchée plus en avant. Dans la nuit, le 1er bataillon, relevé par les 7e et 8e compagnies, rentre à Rupt.


Le 27 mars, une nouvelle attaque est effectuée pour achever la conquête de la croupe des Éparges. Elle est menée par le 25e bataillon de chasseurs à pied à gauche, et les 7e et 8e compagnies du 54e (sous les ordres du capitaine Chauveau des Roches) à droite.

Après une préparation d’artillerie, l’attaque se déclenche à 16 heures. Le groupement Chauveau des Roches enlève brillamment la première ligne ennemie, mais ne poursuit pas jusqu’à la deuxième ligne, le 25e bataillon de chasseurs à pied n’ayant pu déboucher. La tranchée conquise est retournée, une contre-attaque est repoussée. À 21 heures, les 7e et 8e compagnies, attaquées sur les deux flancs, menacées d’être entourées, se retirent dans les tranchées de départ, conservant un boyau qui, transformé en tranchée de tir, servira de base de départ pour une nouvelle progression. Ces deux compagnies restent aux Éparges jusqu’au 30 mars et dans la nuit rejoignent le régiment au cantonnement de Rupt.

Les pertes, au cours de ces rudes journées, ont été sérieuses ; le régiment reçoit de nouveaux renforts du dépôt de Laval et de plusieurs bataillons de marche stationnés à l’arrière du front.

Les brillantes citations suivantes, attribuées quelques jours après, et qui firent l’objet d’un diplôme remis à chaque combattant des Éparges, furent la récompense de cette formidable bataille :

Ordre du 6e corps d’armée, n° 68 (10 avril 1915) :
Pendant cinq mois, avec un courage et une ténacité dont les guerres précédentes n’avaient pas encore fourni d’exemples, les troupes de la 12e division d’infanterie ont poursuivi le siège de la formidable forteresse que nos ennemis avaient établie sur la crête des Éparges.
En depit des obus, des mitrailleuses et des torpilles, ces troupes héroïques libérant chaque jour au prix de leur sang quelque parcelle du sol national, ont gravi pas à pas les pentes escarpées de la hauteur.
Soutenues par une artillerie admirable dont la vigilance n’a jamais été surprise elles ont repoussé dix-huit contre-attaques, infligeant aux troupes opposées des pertes si sanglantes qu’elles durent entièrement être relevées.
Hier enfin, le succès définitif est venu couronner leurs efforts.
Combattants des Éparges, vous avez inscrit une page glorieuse dans l’Histoire. La France vous en remercie. »
Herr.
Ordre général n° 147 de la première armée (13 avril 1915) :
Le général commandant l’armée cite à l’ordre de l’armée :
La 12e division d’infanterie et le 25e bataillon de chasseurs :
« Ont donné depuis le début de la campagne de nombreuses marques de haute valeur, qu’ils viennent encore d’affirmer en s’emparant, après une lutte qui a duré plus d’un mois, de la position fortifiée des Éparges dont ils ont complètement chassé l’ennemi.
Parmi les actions brillantes de la 1rearmée, ce combat est le plus brillant. Il a valu à la 1re armée un radiotélégramme du général en chef qui a été communiqué à toutes les armées et qui est ainsi conçu :
« Le général commandant en chef adresse l’expression de sa profonde satisfaction aux troupes de la 1re armée qui ont définitivement enlevé la position des Éparges à l’ennemi. L’ardeur guerrière dont elles ont fait preuve, la ténacité indomptable qu’elles ont montrée lui sont un sûr garant que leur dévouement à la patrie reste toujours le même, il les en remercie. »
Roques.
Ordre général n° 156 de la 1re armée (17 avril 1915).
Le général commandant la 1rearmée cite à l’ordre de l’armée :
Le 54e régiment d’infanterie.
A fait preuve dans toutes les circonstances où il a combattu depuis le 26 décembre dernier, d’une vaillance et d’une énergie au-dessus de tout éloge, s’est particulièrement distingué pendant les opérations au cours desquelles il a repris un jour, dans un violent corps à corps à la baïonnette des tranchées que l’ennemi venait d’enlever à un corps voisin. A chassé les Allemands le lendemain dans un brillant élan d’une partie de leurs tranchées très fortement organisées sur la crête.
Roques.

La première bataille de la Woëvre. L’affaire de la Tranchée de Calonne (24-30 avril). — Après un repos à Rupt jusqu’au 3 avril, le 54e prend les tranchées jusqu’au 19 sans incidents notables. Relevé, le 19 au soir, par le 67e, il retourne cantonner à Rupt où il est reconstitué avec des renforts arrivés du dépôt.

Mais dès l’arrivée au cantonnement, on entend se déclencher sur le secteur du régiment un bombardement d’une extrême violence qui se poursuit sans interruption pendant plusieurs jours. Désireux de venger son échec des Éparges, l’ennemi prépare une attaque sur le 4e secteur dans l’espoir de tourner la fameuse position.

Le 54e régiment d’infanterie tient un bataillon en alerte à Rupt.

Le 24 avril, à 12 heures, le 3e bataillon (capitaine Gallin) est envoyé par le bois de la Châtelaine dans la clairière sud de Mouilly à la disposition du commandant du 4e secteur. À 12 h. 30, le lieutenant-colonel, informé que les Allemands se sont emparés de notre première ligne, prescrit aux 1er et 2e bataillons de se rendre à la ferme d’Amblonville et va lui-même auprès du commandant du 4e secteur (général Huguet).

Le 67e, assailli par des forces très supérieures, a été submergé ainsi que les quatre sections de mitrailleuses du 54e. Les éléments avancés de l’ennemi sont parvenus au Calvaire, aux abords de Mouilly et au carrefour des Éparges. Les Allemands construisent une longue tranchée sur la côte de France. Les 1er et 2e bataillons reçoivent l’ordre de reprendre les tranchées perdues et, partant du carrefour des Éparges, d’attaquer dans la direction de la Cabane du Cantonnier, pendant que le 3e bataillon attaquera sur le même objectif en partant de la Clairière de Mouilly.

Par le Moulin Bas et la lisière sud du bois de l’Hôpital le 1er bataillon (commandant Lanquetin) et le 2e bataillon (commandant Chenouard) atteignent vers 16 h. 30 le carrefour des Éparges tenu par un bataillon du 128e régiment d’infanterie. Les compagnies du 54e sont déployées pour l’attaque, à cheval sur la Tranchée de Calonne, au fur et à mesure de leur arrivée.

Carte N° 2 – TRANCHÉE DE CALONNE-LES ÉPARGES (54e R. I.)
Carte N° 2 – TRANCHÉE DE CALONNE-LES ÉPARGES (54e R. I.)

Le 2e bataillon, en tête, est engagé en entier, 5e et 6e compagnies à l’est de la route, 7e à l’ouest ; la 8e compagnie est détachée provisoirement dans le Bois Haut, au sud du chemin des Éparges, en soutien d’une batterie d’artillerie.

Elle est remplacée au 2e bataillon par la 1re compagnie. Les trois compagnies du 2e bataillon vigoureusement entraînées par le capitaine Chauveau des Roches, les lieutenants Astolfi et Loiseau progressent rapidement ; elles enlèvent à la baïonnette les tranchées faites par les Allemands sur la côte de France et arrivent aux environs de la route de Mouilly Saint-Rémy. Une pièçe de 75, mise en batterie sur la Tranchée de Calonne, à 400 mètres au sud du carrefour, les appuie énergiquement par un tir à courte portée. À 17 h. 30, dès que le 1er bataillon a pu se former au sud du carrefour des Éparges, la 3e compagnie, puis la 2e sont envoyées dans le Bois Haut pour couvrir le flanc gauche et prolonger la ligne de combat du 2e bataillon. La 8e compagnie relevée de sa mission, reçoit l’ordre de suivre ces deux compagnies. La 4e compagnie, seule troupe disponible, est conservée en réserve.

À 20 heures le 3e bataillon à droite, après avoir repoussé par une vigoureuse contre-attaque les éléments ennemis qui s’étaient avancés dans la clairière de Mouilly jusqu’au chemin Mouilly-Ranzières, s’est déployé à l’est du Calvaire et a réussi à progresser d’environ 300 mètres. Sa gauche (9e compagnie) est à la route Mouilly-Saint-Rémy, sa droite au layon 1, en liaison avec le 2e bataillon du 132e qui tient le front jusqu’à la grande laie du Bois Loclont. Il a deux compagnies (9e et 12e en première ligne ; la 10e est en soutien ; la 11e a été maintenue en deuxième ligne, à la lisière nord du Bois des Corres, battant les routes de Saint-Rémy et du Ravin de France.

Le 2e bataillon du 54e est en liaison par sa droite (7e compagnie) avec la gauche du 3e bataillon : ses trois compagnies sont en première ligne entièrement déployées le long de la route Mouilly-Saint-Rémy.

Les deux bataillons, arrêtés par des feux très vifs d’infanterie et de mitrailleuses partant des tranchées que l’ennemi a organisées sur la croupe de la cabane du Cantonnier, se retranchent pour conserver le terrain reconquis.

À gauche de la 6e compagnie, la 3e compagnie est déployée. Les 2e et 8e compagnies, n’ont pu, en raison de l’obscurité, achever leur mouvement jusqu’à la lisière du Bois Haut, leurs patrouilles sont en contact avec des patrouilles ennemies ; elles s’arrêtent dans Ie Bois Haut et s’y retranchent.

Le commandant du 2e bataillon dispose de la 1re compagnie. Il envoie un peloton assurer une liaison intime avec le 3e bataillon à la droite de la 7e compagnie et un peloton en soutien des 5e et 6e compagnies très éprouvées par le combat. Le lieutenant-colonel a établi son poste de commandement à l’ancien poste de commandement du 4e secteur sur la Tranchée de Calonne. Il y conserve la 4e compagnie à sa disposition.

Ainsi le 54e, s’il n’a pu réoccuper toute la ligne précédemment tenue, a seul, dès le soir même de l’offensive, endigué la poussée ennemie, lui barrant une fois de plus la route de Verdun. Une bonne partie du terrain a été reconquise, de nombreux prisonniers ont été capturés, et l’honneur d’avoir sauvé la situation en cette rude journée revient tout entier au régiment.

Vers 20 heures, deux compagnies du 106e régiment d’infanterie (5e et 7e), mises à la disposition du colonel du 54e, arrivent à son poste de commandement. La 5e compagnie du 106e est envoyée au commandant du 2e bataillon en remplacement de la 1re du 54e, engagée ; la 7e compagnie du 106e est maintenue en réserve avec la 4e compagnie du 54e. La nuit ramène le calme. Nos batteries de 75 entretiennent un feu ininterrompu vers la cabane du Cantonnier. De part et d’autre, on organise le terrain.

Le 25 avril avant le lever du jour, ordre est donné au capitaine de rendre le commandement des 2e et 8e compagnies et de faire tous ses efforts pour atteindre la lisière sud du Bois Haut et occuper l’ouvrage que nous y avions construit à la corne du bois, près de la route de Saint-Rémy. L’occupation de ce point d’appui paraît indispensable pour couvrir le flanc gauche du régiment et assurer la liaison avec le 301e régiment d’infanterie qui tient l’ouvrage 340 et la lisière des bois du ravin de Génousevaux.

À 4 heures, la 7e compagnie du 106e est envoyée dans le Bois Haut pour tenir l’intervalle assez grand qui existe entre la 3e et la 2e compagnies.

À 6 heures, le commandant Bord (2e bataillon du 106e), précédant les deux dernières compagnies de son bataillon (6e et 8e), vient se mettre à la disposition du lieutenant-colonel du 54e. Mission lui est donnée de constituer un bataillon avec les 2e et 8e compagnies du 54e, les 6e et 8e du 106e, et de conquérir la corne du Bois Haut, près de la route de Saint-Rémy. Le bataillon Bord établit facilement la liaison avec le 301e régiment d’infanterie, mais rencontre une résistance sérieuse sous bois et progresse péniblement, les Allemands occupant solidement la corne du Bois Haut.

Pendant toute la matinée, l’artillerie allemande exécute un violent bombardement sur nos positions du Bois Haut.

À 16 heures, l’ouvrage 340, assailli de plusieurs côtés par des forces très supérieures, est perdu après une héroïque défense du 301e régiment d’infanterie. L’irruption des Allemands dans le Bois Haut oblige le bataillon Bord, dont la droite (2e compagnie du 54e) a atteint les abris de l’ouvrage de la corne du bois, à faire un mouvement en arrière à gauche. Il s’arrête à 400 mètres de la lisière et se retranche sur cette position.

À 19 heures le lieutenant-colonel commandant le 106e régiment d’infanterie arrive au poste de commandement du lieutenant-colonel commandant le 54e avec un nouveau bataillon de son régiment. Il a l’ordre d’attaquer dans le Bois Haut pour reprendre l’ouvrage 340. Déployé dans le Bois Haut, à gauche du bataillon Bord, il ne peut, à cause de l’obscurité, atteindre son objectif et se retranche sur place.

Nuit sans incidents, au cours de laquelle les 2e et 8e compagnies du 54e sont relevées par les 5e et 6e compagnies du 106e pour reconstituer le bataillon Bord.

Le 26 avril, dès 4 heures, la bataille s’engage dans le Bois Haut par une violente canonnade ennemie suivie d’une vive fusillade. Les Allemands reprennent l’attaque dès le lever du jour et parviennent à progresser, faisant subir de fortes pertes aux 2e, 3e, 5e et 6e compagnies. Vers 10 heures, le 3e bataillon est toujours sur ses emplacements de la veille, prolongé à gauche par un peloton de la 1re compagnie et la 7e compagnie qui bordent la route Mouilly Saint-Rémy, face au sud, leur gauche à 400 mètres environ du carrefour de Saint-Rémy. Ces unités n’ont pas à combattre.

La côte de France est occupée par deux compagnies du 106e régiment d’infanterie qui creusent des tranchées sur la partie ouest, face à la Tranchée de Calonne.

Le 1er bataillon, très réduit (100 hommes), tient des tranchées sur la côte de Senoux sur le prolongement de l’ouvrage du carrefour des Éparges. Une soixantaine d’hommes du 2e bataillon avec le commandant Chenouard sont entre les deux compagnies du 106e et le 1er bataillon. L’ennemi ne fait aucune tentative pour pénétrer sur la côte de France ; son offensive continue dans le Bois Haut. Vers midi, elle est arrêtée par des éléments du 128e régiment d’infanterie, du 106e régiment d’infanterie et du 25e bataillon de chasseur à pied sur le chemin des Éparges ; les Allemands éprouvent de fortes pertes et se retirent à l’intérieur du Bois Haut. À 18 heures, une contre-attaque française (91e et 71e régiments d’infanterie) progresse de 600 mètres le long et à l’ouest de la Tranchée de Calonne. La nuit se passe sans incidents.

Le 27 Avril, on organise les positions reconquises. À la tombée de la nuit, le 3e bataillon du 54e, relevé, vient relever à son tour le bataillon du 71e régiment d’infanterie dans les tranchées de la côte de France, en liaison, à gauche, sur la Tranchée de Calonne, avec le 91e régiment d’infanterie.

Le 1er bataillon occupe des tranchées en soutien du 3e bataillon, sur la côte de Senoux.

Le 2e est en deuxième ligne à la lisière du Bois des Corres. Le Poste de commandement du régiment est à l’ouvrage du carrefour des Éparges.

Les jours suivants sont occupés à l’organisation du nouveau Secteur, aménagement des tranchées et des abris, pose de fils de fer ; dans la nuit du 30 avril, le régiment est relevé par le 132e régiment d’Infanterie et va cantonner à Rupt.

Mai-juin 1915. — Du 1er au 4 mai le régiment reçoit des renforts et se, reconstitue. Il est de nouveau alerté le 5, les combats ayant repris dans le Bois Haut et sur la côte de France. Le 3e bataillon occupe des tranchées dans la clairière de Mouilly. À midi, le 1er bataillon est mis à la disposition du lieutenant-colonel commandant le 110e régiment d’infanterie. La 4e compagnie prononce une vigoureuse attaque pour reprendre un saillant : elle y réussit en partie, en subissant de grosses pertes.

Du 7 au 24 mai, le régiment occupe des tranchées de deuxième et troisième lignes ou stationne à Rupt. Le 15, un peloton de 120 pionniers est constitué sous les ordres du sous-lieutenant Bourdier.

Le 25 mai, le régiment relève le 126e régiment d’infanterie qui occupe les tranchées de la côte de France et les tranchées en saillant conduisant au carrefour de Saint-Rémy et dites Le Doigt. Il est relevé le 30 mai par le 132e régiment d’infanterie et va cantonner à Sommedieue jusqu’au 4 juin.

Du 5 au 9 juin il occupe en première ligne tout le front du 4e secteur qui s’étend de la Tranchée de Calonne (où il est en liaison avec le 2e corps d’armée), jusqu’au layon 2 bis de la grande laie sommière du Bois Loclont.

Du 14 au 19 juin, le régiment cantonne à Rupt (État-Major, 1er et 2e bataillons), le 3e bataillon restant à Amblonville pour se préparer à une attaque prévue pour le 20 juin sur les tranchées allemandes situées à l’est de la Tranchée de Calonne.

L’attaque du 20 juin. — Cette attaque doit se déclencher à 16 h. 45 simultanément avec une attaque que doit exécuter le 2e corps d’armée à l’est de la Tranchée de Calonne, après une préparation d’artillerie de 2 h. 30. Elle doit se faire par vagues successives d’une compagnie se succédant aussi rapidement que possible. Les bataillons s’engagent dans l’ordre 3, 1, 2. Dans la matinée, le 67e évacue les tranchées du front d’attaque ; il est remplacé par la 6e compagnie comme garde de tranchées. Le régiment prend pour 13 heures ses emplacements préparatoires de combat ; la compagnie, qui constitue la première vague, se répartit dans les tranchées de première ligne en face des débouchés. La 9e compagnie (2e vague) et les quatre sections de mitrailleuses qui accompagnent l’attaque occupent les tranchées de soutien. La 10e et la 11e compagnies sont dans les abris du Ravin de France. Le 1er bataillon a deux compagnies dans les abris du Ravin de France et deux compagnies dans les tranchées de deuxième ligne près des Taillis de Sauls. Le 2e bataillon est rassemblé à la lisière ouest du Bois de l’Hôpital. Au moment du combat, les diverses unités du régiment doivent se porter en avant d’un mouvement continu.

À 16 h. 45, la 12e compagnie s’élance à l’assaut, entraînée par le Capitaine Richard ; les deux sections du centre parviennent d’un bond aux tranchées allemandes. Celles des ailes sont arrêtées par des feux de mitrailleuses tirant de flanc. La 9e compagnie a suivi de près la 12e ; ses éléments du centre, entraînés par le lieutenant Daigremont, parviennent également à quelques mètres des tranchées ennemies où viennent de disparaître, tués ou pris, le capitaine Richard et ses hommes.

Les défenses ennemies sont intactes, les tranchées sont garnies de défenseurs qui exécutent un barrage de grenades : de nombreuses mitrailleuses sont en action. Les 12e et 9e compagnies se couchent sous la rafale ; une partie se replie vers les tranchées de départ. Ordre est donné de reprendre l’attaque de nuit. À partir de 20 heures, toutes les compagnies du 3e bataillon et quelques fractions du 1er sortent en rampant ; les plus grands efforts sont faits pour progresser pendant toute la nuit, mais l’ennemi éclaire continuellement le terrain et nous arrête par des tirs de grenades et de mitrailleuses. Quelques fractions parviennent néanmoins jusqu’à proximité des tranchées ennemies, mais sont détruites ; le lieutenant Daigremont tombe à quelques mètres des tranchées allemandes.

Le 21 juin, avant le lever du jour, l’attaque est arrêtée. Ordre est donné de rentrer dans les tranchées ; la plupart des assaillants parviennent à se retirer ; le reste se blottit dans les trous et réussit en partie à rejoindre dans la journée.

Le régiment a perdu dans cette attaque 45 tués (dont le lieutenant Daigremont), 206 blessés (dont les lieutenants Durand et Lagier), et 77 disparus (dont le capitaine Richard.)

À 4 heures, les unités sont remises en ordre, le 3e bataillon est envoyé en réserve au Bois de l’Hôpital. Le 1er bataillon occupe les tranchées de seconde ligne de soutien ; le 2e, moins la 6e compagnie, garnison fixe de 1re ligne, est dans les abris du Ravin de France.

L’attaque doit être reprise à 13 heures après enlèvement par le 2e corps d’armée du blockhaus allemand du point O. de la Tranchée de Calonne qui forme saillant et dont les feux d’enfilade ont été la principale cause de notre échec de la veille. Cette attaque n’a pas lieu. Nos tranchées et le Ravin de France sont violemment bombardés tout l’après-midi.

Le 22 juin, le 2e bataillon relève le 1er (5e et 7e compagnies en 1re ligne, 6e et 8e en soutien) en vue d’une attaque qui est de nouveau remise. Le 1er bataillon est dans les abris du Ravin de France L’attaque du 2e bataillon a lieu le 23 juin à 15 h. 30. Les unités de ce bataillon font d’héroïques efforts pour enlever les chevaux de frise et déboucher. Quelques mètres sont gagnés en rampant. À gauche, dans le voisinage de la Tranchée de Calonne, la 8e compagnie, soutenue par quelques fractions de la 4e, progresse d’une vingtaine de mètres et se retranche.

À 20 heures, l’ordre est donné de rentrer dans les tranchées et de reconstituer le réseau des défenses accessoires. Les pertes de cette journée sont de 20 tués et 82 blessés.

Le 24 juin, avant le jour, le 3e bataillon relève le 2e qui va en cantonnement d’alerte à Amblonville. La journée est calme.

À partir de 20 heures, le 54e est relevé par le 106e et stationne à Rupt et Amblonville.

Du 24 juin au 31 juillet, le régiment alterne tous les cinq jours avec le 67e régiment d’infanterie pour occuper le secteur redevenu calme et être en réserve (un bataillon en deuxième ligne, un à Rupt, un à la ferme d’Amblonville). Le 15 juillet, du cantonnement de Rupt, partent les premiers permissionnaires. Le même jour, le village subit un violent bombardement qui oblige les troupes et la population à l’évacuer. Le bataillon en cantonnement à Rupt s’établit dans le Bois de la Voie de Dieue et y édifie des abris de repos.

Enfin, après plus de dix mois de séjour dans ce secteur, la 12e division est relevée du front pour aller au repos et à l’instruction.

Le 1er et le 2 août, le 54e régiment d’infanterie est relevé ; le 3e bataillon par le 87e régiment d’infanterie, les 1er et 2e par le 51e régiment d’infanterie.

En trois étapes, et après avoir cantonné le 2 à Rambluzin, le 3 à Erize-la-Grande et Erize-la-Brûlée, il parvient au cantonnement de Seigneulles où il séjourne jusqu’au 2 septembre.

Loin des obus et des balles, il connaît enfin la vraie détente et est un peu la vie de garnison qu’il goûte à nouveau dans ce cantonnement tranquille, tandis que par des manœuvres, exercices, revues, marches, il s’entraîne pour de nouveaux combats. Au cours d’une de ses marches le régiment rend les honneurs à ses morts de septembre 1914 dont le lieutenant-colonel Boissaud et le commandant Ricq, enterrés au cimetière de Marats-la-Grande.

Le 17 août, il participe à une revue de tout le 6e corps d’armée passée par M. Millerand, ministre de la guerre, le général Joffre et lord Kitchener.

Le 31 août, le général commandant la 23e brigade remet la croix de guerre au drapeau.

VII. — EN CHAMPAGNE
(Septembre 1915-Juin 1916.)
LA BATAILLE DE CHAMPAGNE[10]
« Au mois de juillet 1915, le Haut Commandement Français jugea le moment venu de passer le plus rapidement possible à la grande opération alliée projetée en France.
Deux attaques devaient avoir lieu, en Artois et en Champagne.
En Champagne, l’attaque principale serait menée par les 2e et 4e armées sur un front de 25 kilomètres, depuis Moronvillers jusqu’à l’Aisne (Argonne).

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Le 25 septembre, à 9 h. 15 du matin, après une violente préparation d’artillerie d’environ quatre jours, l’offensive de Champagne se déclancha avec un élan merveilleux et malgré une pluie violente qui avait commencé la veille et durera jusqu’au 29, nos troupes submergent les lignes allemandes.

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La première position allemande était enlevée complètement sur 14 kilomètres et les Allemands laissaient entre nos mains 18.000. prisonniers et 30 canons. Mais la deuxième position n’était nulle part entamée : établie à contre-pente sur les pentes sud de la vallée de la Dormoise, elle avait échappé aux vues de nos observatoires terrestres et tous ses réseaux de fil de fer étaient à peu près intacts.
Le lendemain, le 7e corps ayant pu prendre pied sur 1.500 mètres de front dans cette deuxième position, au nord de l’Épine de Vedegrange, on crut pouvoir pousser des réserves par cette étroite fissure. Mais elles furent rejetées par l’ennemi qui, ayant amené des renforts en toute hâte, parvint à aveugler cette brèche insignifiante.
À partir du 30, on renonce à enlever de haute lutte cette deuxième position sans une nouvelle préparation, ce qui exigeait un temps d’arrêt pour permettre le déplacement de l’artillerie. »

Le 2 septembre 1915, le 54e quitte son cantonnement de Seigneulles et se rend par étapes dans la région au sud de Châlons-sur-Marne.

Une marche de nuit, particulièrement longue, l’amène le 3, à 8 heures du matin, aux cantonnements de Vernancourt (État-major, 1er, 2e bataillons et compagnies de mitrailleuses), et Charmont (3e bataillon).

Le 5, cantonnement à Vavray (1er bataillon) et Doucey.

Nouvelle marche de nuit, à la suite de laquelle les cantonnements sont, le 6, Saint-Martin-aux-Champs (Etat-major, 3e bataillon, 5e et 6e compagnies), Cheppes (7e et 8e compagnies, compagnies de mitrailleuses) et Vouciennes (1er bataillon).

Le 7 au matin, il arrive à Breuvery où séjourne tout le régiment, excepté le 3e bataillon, qui cantonne au village voisin de Saint-Quentin-sur-Coole. Jusqu’au 21 septembre, le repos et l’instruction vont se continuer dans cette région (10 kilomètres au sud de Châlons).

À partir du 21, tous les mouvements sont effectués de nuit : on cantonne le 21 à Sarry et le 22 le régiment séjourne sous la tente au camp d’Attila (Camp de la Noblette).

Journée du 25 septembre. — Le 25 septembre, à 1 heure, le 54e vient s’établir dans les places de rassemblement qui lui ont été assignées : l’état-major du régiment, les 2e et 3e bataillons et deux sections de mitrailleuses dans le Bois de l’Abri Roques, le 1er bataillon et deux sections de mitrailleuses au Bois de l’Obus. Une formidable préparation d’artillerie est en cours.

Dans la région de Souain, secteur de la IVe armée, suivant l’axe route Souain-Somme-Py, doivent opérer le 2e corps colonial, troupe de brèche, et derrière lui, le 6e corps d’armée, troupe d’exploitation du succès.

La 15e division coloniale attaque le front allemand sur un secteur limité à l’est par la route Souain-Somme-Py ; elle doit, après avoir enlevé les lignes de tranchées ennemies successives, s’arrêter sur les hauteurs Ferme Navarin-cote 193. La 12e division d’infanterie doit progresser dans son sillage puis, lorsqu’elle aura atteint ses objectifs, la dépasser et se porter sur les hauteurs de la rive droite de la Py.

Elle se portera en avant en une colonne de régiments successifs. Le 54e, en tête, marchera dans la formation suivante : 1er et 2e bataillons en première ligne, le 1er bataillon de direction, marchant la droite appuyée à la route de Souain à Somme-Py, le 2e bataillon à sa gauche ; le 3e bataillon suit en deuxième ligne à 500 mètres en arrière.

Il a plu abondamment pendant la nuit ; au lever du jour la pluie a cessé, mais le temps est couvert. La préparation d’artillerie continue, très puissante.

À 9 h. 15, l’attaque est déclenchée : la 15e division d’infanterie coloniale enlève les tranchées allemandes et continue sa progression.

À 11 h. 30 le 54e est mis en mouvement ; vers midi il descend sur la Ain, traverse sur des passerelles le ruisseau, puis les tranchées françaises et les tranchées allemandes conquises et atteint la croupe du bois du Crabe. La marche s’est faite avec la plus grande facilité sans recevoir un coup de canon. Seul le 2e bataillon, au débouché de la ferme des Wacques, a reçu des coups de fusil et de mitrailleuse d’une unité allemande qui tenait un réduit, et doit faire un détour. Il n’y a que peu de traces de lutte ; quelques cadavres de coloniaux sont devant la première ligne allemande dont les tranchées sont très bouleversées par notre bombardement.

Cette marche en avant par dessus les tranchées ennemies enthousiasme le régiment.

Vers 15 heures les 1er et 2e bataillons occupent la croupe des bois du Crabe et des Dardanelles ; ils reçoivent une vive fusillade venant des bois N. 50 et N. 28.

Un groupe d’artillerie coloniale, en action à proximité, tire quelques salves bien réglées sur ces bois : le feu ennemi cesse complètement, des groupes allemands fuient en désordre et disparaissent derrière la crête.

À 16 heures, la 23e brigade transmet l’ordre d’aider la 15e division d’infanterie coloniale à enlever la 2e ligne allemande.

À ce moment, le 1er bataillon (Lanquetin) progresse dans la direction du bois N. 21, le 2e bataillon a pris une direction trop à gauche, le 3e bataillon suit le 1er à courte distance. Le 1er bataillon se met en liaison avec le 5e régiment d’infanterie coloniale dans le bois N. 14 pour coopérer avec lui à l’attaque de la tranchée des Vandales pendant que le 3e bataillon, dont deux compagnies sont mises à la disposition du 1er, arrive au bois N. 21.

La pluie s’est mise à tomber en abondance et amène rapidement l’obscurité. À la tombée de la nuit les éléments d’attaque du 54e et du 5e colonial ont reconnu que la tranchée des Vandales est fortement tenue et organisée. À contre-pente, précédée d’un réseau de fils de fer intact, elle ne peut être enlevée sans préparation d’artillerie.

L’opération est suspendue. Le 54e est séparé du 5e colonial : ce régiment est laissé dans les bois N. 11 et N. 14, tandis que le 54e bivouaque : 1er bataillon dans les bois N. 19 et N. 22, 3e bataillon dans les bois N. 21 et N. 25. Le 2e bataillon qui s’est engagé vers le bois N. 9 doit, au point du jour venir dans les bois N. 23 et N. 25.

Les pertes s’élèvent à 9 tués et 120 blessés dont 4 officiers (Lieutenant de Saint-Pern et Mirabaud ; Sous-lieutenant Beaudoin et de Saint-Rémy).

Journée du 26 septembre. — « La journée du 26 septembre est caractérisée par une très grande activité de l’artillerie lourde allemande contre notre infanterie. Dans la matinée, le temps couvert et pluvieux gêne l’emploi de nos avions de reconnaissance et de réglage, de sorte que les batteries ennemies ne peuvent que difficilement être combattues par les nôtres. Pourtant, à midi le temps s’éclaircit, la visibilité devient meilleure et quelques appareils peuvent prendre l’air.

Le général de Castelnau a fait savoir à la 4e armée qu’il est indispensable de faire un effort très considérable le 26 pour ne pas laisser à l’ennemi le temps de se ressaisir. Au 6e corps, le général Paulinier a prescrit à la 127e division d’attaquer à l’est de la route de Souain à Somme-Py ; la 12e division doit enlever à l’ouest de cette route les tranchées de Lubeck et des Vandales. » (Section historique. Les armées françaises pendant la Grande Guerre, t. III).

Le 54e a mission d’attaquer la tranchée des Vandales. La préparation d’artillerie doit être faite par six groupes de 75, auxquels se joindront 12 mortiers de 270.

Le 3e bataillon (commandant Faerber), à droite, doit attaquer entre la corne ouest du bois N. 13 et la route de Souain, le 1er bataillon (commandant Lanquetin), à gauche, entre le bois N. 13 et la lisière du bois N. 10. Le 2e bataillon se porte au bois N. 19. Le poste de commandement du régiment est au bois N. 21.

La préparation d’artillerie commence à 13 h. 30.

L’artillerie allemande répond par des barrages très denses de pièces de tous calibres sur la région comprise entre les bois N. 14 et N. 25 ; ces barrages seront continués presque sans interruption pendant toute la bataille.

À 14 h. 15, l’attaque se déclanche. Le 1er bataillon part à l’assaut avec le plus grand entrain, 4e et 2e compagnies en tête. La préparation d’artillerie a été inefficace. Le bataillon est accueilli par un feu très violent ; les hommes doivent se coucher sous la rafale, et, en rampant, ils gagnent les fils de fer qu’ils ne peuvent franchir, car ceux-ci sont demeurés intacts. Le bataillon est très éprouvé ; il perd son chef, le commandant Lanquetin, tué en l’entraînant à l’assaut et a de très nombreux tués et blessés. Le 3e bataillon rencontre les mêmes obstacles. Lorsqu’il veut déboucher du bois N. 13 il est accueilli par les feux de flanc, de mitrailleuses et de canons-revolvers, placés aux environs de la route de Souain.

Il éprouve également de grosses pertes ; son chef le commandant Faerber est tué en faisant le coup de feu sur le parapet de la tranchée.

Le lieutenant-colonel commandant le régiment, ne voulant pas poursuivre l’assaut en présence des difficultés matérielles rencontrées, envoie seulement la 5e compagnie en renfort au 1er bataillon. Un bataillon du 5e régiment d’infanterie coloniale occupe également encore les bois N. 11 et N. 13.

Les unités se retranchent à la lisière nord du bois N. 11 et dans le bois N. 13.

Dans la soirée le 2e bataillon relève le 1er bataillon qui vient se reconstituer dans le bois N. 19.

Les pertes sont élevées : outre les deux chefs de bataillon, 6 officiers[11] et 59 hommes de troupe ont été tués. On compte 300 blessés dont 2 officiers[12] et 175 disparus dont 1 officier[13].

Le soir, arrive un nouvel ordre d’attaque pour la nuit même. Le 69e bataillon de chasseurs est mis à la disposition du 54e pour cette opération.

Journée du 27 septembre. — L’attaque est déclanchée de nuit à 3 h. 45 ; elle est exécutée par les 2e et 3e bataillons et par deux Compagnies du 69e bataillon de chasseurs à pied intercalées entre eux. Les obstacles rencontrés dans l’après-midi du 26 l’arrêtent à nouveau.

Après cette tentative, les unités continuent à se retrancher.

L’assaut ne devait être donné que si les brèches étaient pratiquées dans le réseau. Au moment de l’attaque toutes les patrouilles rendent compte que le réseau de fil de fer est intact ; néanmoins l’ardeur est telle que les unités s’aventurent trop loin et subissent des pertes sensibles occasionnées par les feux de flanquement de l’ennemi qui battent le terrain en avant de la tranchée des Vandales.

La matinée se passe sans incidents ; les 2e et 3e bataillons du 54e et deux compagnies de 69e bataillon de chasseurs occupent la lisière nord-ouest du bois N. 11 jusqu’à la lisière est du bois N. 10, ainsi que le bois N. 13 où ils ont organisé une ligne de tranchées ; les débris du 69e bataillon de chasseurs au bois N. 21 où est le poste de commandement du 54e. L’artillerie allemande fait un barrage continu et de plus en plus violent sur toute la région entre les bois N. 14 et N. 25.

Vers 10 heures, les ordres sont reçus pour une attaque qui sera préparée par l’artillerie lourde.

À l’ouest de la route de Souain, l’assaut sera donné à. 16 h. 30 par la 12e division d’infanterie, appuyée par la 56e, contre les tranchées de Lubeck et des Vandales.

L’objectif du 54e est la tranchée des Vandales.

À 16 h. 30 des patrouilles sont envoyées sur tout le front. Elles progressent facilement sur le petit plateau qui précède le bois N. 11 jusqu’à un changement de pente au-delà duquel se trouve caché le réseau de fil de fer. Arrivées à la limite du terrain découvert, elles constatent que ce réseau, difficile à atteindre parce que, à contre-pente, a été laissé partout intact par la préparation d’artillerie. C’est un obstacle très fort, de la hauteur d’un homme, infranchissable pour des colonnes d’assaut. L’attaque est arrêtée.

Le 54e, le 361e régiment d’infanterie, les 65e et 69e bataillons de chasseurs à pied s’établissent dans les bois N. 11. et N. 13. Chacun se remet au travail pour approfondir les tranchées et se mettre à l’abri d’un bombardement possible.

Le régiment a perdu 37 tués, dont 1 officier[14], 106 blessés dont 6 officiers[15].

La nuit se passe calme. Les barrages allemands cessent presque complètement.

Journée du 28 septembre. — Le général commandant l’armée a donné l’ordre de continuer l’offensive, le 28 septembre avec les mêmes objectifs : « la deuxième position doit être enlevée à tout prix ». L’attaque d’infanterie sera déclanchée après une préparation d’artillerie complète.

L’heure de l’attaque a été fixée à 15 h. 15, mais la préparation d’artillerie n’a pas entamé le réseau de fils de fer ; la barrière est toujours intacte et l’attaque n’a pas lieu. Nos patrouilles vont constamment surveiller les fils de fer et les mouvements de l’ennemi.

Carte N°3 – CHAMPAGNE (54eet 254e R.I.)
Carte N°3 – CHAMPAGNE (54eet 254e R.I.)

Les Allemands en font autant de leur côté ce qui amène des rencontres curieuses des deux côtés de la barrière de fils de fer. On s’injurie, puis on échange des coups de fusil et chacun rentre dans ses tranchées. Cette journée coûte au régiment 14 tués, 63 blessés[16] et 29 disparus[17].

À droite, la 127e division a pris la ferme Navarin et à gauche, la 14e division (du 7e corps) la tranchée des Tantes.

Journée du 29 septembre. — Deux attaques de nuit vont être montées par le 6e et le 7e corps pour chercher à profiter de la brèche de la tranchée des Tantes. Les coloniaux doivent profiter de cette brèche pour prendre à revers les tranchées de Lubeck et des Vandales. Ces attaques se produisent à 3 heures sous la pluie.

Vers 7 heures, de la corne du bois N. 14 (cote 181), les occupants des tranchées aperçoivent des détachements allemands assez nombreux, venant de la région des tranchées de Lubeck et des Tantes, qui se dirigent vers la cote 193, paraissant battre en retraite.

À 9 h. 30 après une préparation par les canons de 58, le 54 fait une nouvelle tentative d’attaque ; le réseau est toujours intact, Il y a encore une rencontre animée de patrouilles. L’assaut n’est pas donné.

À 10 heures les mouvements de retraite des Allemands s’arrêtent : on voit au contraire leur succéder un mouvement continu de fracas se dirigeant de la cote 193 vers la tranchée des Tantes.

À 17 heures, toute action cesse, l’attaque qui a eu lieu par la brèche de la tranchée des Tantes a échoué après un bon début.

Le Général Huguet, commandant la 23e brigade, a été blessé. Les pertes du 54e sont de 2 tués, 44 blessés[18] et 1 disparu.

Journée du 30 septembre. — Au lever du jour, les canons de 58 et un groupe de 155 sont prêts à entrer en action et à préparer notre attaque lorsque arrive l’ordre de cesser tout tir. Le Commandement renonce à continuer les attaques et on s’organise sur place. La bataille est finie.

Le 54e tient la lisière nord-ouest du bois N. 11, depuis la lisière du bois N. 10 et 400 mètres de la lisière du bois N. 13. Il a en première ligne, à droite, le 3e bataillon, à gauche le 2e. Le 1er bataillon est en deuxième ligne, derrière le 2e. Le régiment est encadré à gauche par le 67e régiment d’infanterie qui tient le bois N. 10, à droite par le 361e régiment d’infanterie qui occupe la partie est du bois N. 13. Quelques fractions des 65e et 69e bataillons de chasseurs sont intercalées dans les unités du régiment.

La journée ne comporte d’autre événement qu’un bombardement ennemi, de plus en plus intense, surtout dans l’après-midi.

Le 1er octobre, nous continuons nos travaux défensifs ; le bombardement ennemi est intermittent. Les pertes des deux dernières journées s’élèvent à 3 tués, 18 blessés et 1 disparu.

À partir de 20 heures, le régiment est relevé par le 170e régiment d’infanterie et se rend par Souain au bivouac dans le bois situé à l’est du bois des Cuisines, qu’il atteint vers minuit.

Il quitte cet emplacement le 5 octobre pour bivouaquer dans les bois au sud de Bussy-le-Château. Des abris sont rapidement aménagés dans ces bois qui deviennent le Camp Q, où le régiment va se reformer et reprendre son instruction.

Il quitte ce camp le 23 octobre pour se rendre, par la Grande-Romanie, Courtisols et l’Épine, dans la région sud-est de Châlon-sur-Marne.

Arrivé le 24 au cantonnement de Saint-Germain-la-Ville, sur les bords de la Marne, il y séjourne, au repos et à l’instruction, jusqu’au 2 novembre.

Le Lieutenant-colonel Guy, nommé sous-chef d’état-major au 16e corps d’armée, est remplacé par le Lieutenant-colonel Wary. Le 1er novembre il passe la revue du régiment et fait ses adieux aux officiers et hommes du 54e qu’il commande depuis plus d’une année et dont il emporte l’affection et les regrets.

EN SECTEUR

Le 3 novembre 1915, le régiment quitte Saint-Germain-la-Ville et cantonne le soir à Saint-Étienne-au-Temple. Il arrive le lendemain 4, à Mourmelon-le-Grand, où il sera pendant quelque temps en réserve d’armée, occupé à des travaux d’organisation défensive et a l’instruction aux lisières N. du Camp de Châlons.

Bien que situé à faible distance des premières lignes et que, de ses observatoires de Moronvilliers, Beine et Nauroy, l’ennemi puisse plonger ses regards jusque dans les rues de la petite ville, Le cantonnement de Mourmelon permet au régiment de connaître une détente que même ses séjours à l’arrière ne lui ont pas procurée. Cantonné dans le bourg même où la plupart des habitants sont demeurés, le 54e qui avait été un des derniers à séjourner au camp voisin en juin 1914 est particulièrement bien accueilli. Il trouve à Mourmelon un confort auquel les cantonnements précédents ne l’ont pas accoutumé et, tout près des lignes, il goûte une sécurité qui contribue à maintenir un moral excellent. Chaque nuit, à tour de rôle, les bataillons montent dans le secteur Prosnes-Baconnes pour y construire des tranchées, des abris, des boyaux et poser des réseaux de fils de fer. C’est un secteur d’un calme absolu où le régiment ne subit aucune perte.

Les 1re et 3e compagnies sont détachées à Verzy du 25 novembre au 12 décembre.

Le 12 décembre, par une pluie torrentielle, le régiment quitte Mourmelon, à 2 heures du matin, et va cantonner quelques jours à Suippes ; le 1er bataillon est détaché à Bussy-le-Château.

Le régiment exécute des travaux dans le terrain conquis le 25 septembre, au nord de la ferme des Wacques et vers l’Épine de Védegrange.

Le 20 décembre, retour à Mourmelon, qu’on quittera le 29 pour aller relever dans le sous-secteur de droite de la division un régiment de la 40e division d’infanterie. Ce secteur, au nord de Saint-Hilaire-le-Grand, va depuis le saillant E., qui fait face à Auberive-sur-Suippe (ouvrage A. 1 bis), jusqu’au delà de la route de Saint-Hilaire à Saint-Souplet. Deux bataillons et les 3 compagnies de mitrailleuses sont en première ligne dans les lignes 1 et 1 bis et un bataillon est en réserve sur la ligne 2 à hauteur de l’Épine de Védegrange[19]. Les deux bataillons de première ligne ont 3 compagnies sur la ligne 1, une sur la ligne 1 bis. Le bataillon de droite va de la route Saint-Hilaire-Saint-Souplet au bois 372 exclus, le bataillon de gauche du bois 372 inclus à la ligne d’abatis prolongeant vers le sud-est le saillant allemand du bois 405.

1916. — Le 5 janvier, relevé par le 67e, le régiment descend au repos à Suippes et Bussy-le-Château. Les bombardements parfois violents subis pendant ce séjour ont fait 2 tués et 6 blessés.

À partir de ce moment, le régiment alterne ses séjours en ligne avec le 67e régiment d’infanterie. Il occupe le secteur du saillant E, du 12 au 19 janvier.

Du 20 au 26 janvier, l’état-major et les 1er et 2e bataillons sont au repos à Suippes ; le 3e à Bussy-le-Château.

Dans la période du 26 janvier au 2 février, le régiment est de nouveau en ligne.

Des bombardements plus violents pendant la période du 9 au 16 (où le 3e bataillon est en ligne au secteur de droite, le 1er à gauche et le 2e en réserve) causent 7 morts et 9 blessés.

Après un nouveau repos à Suippes et Bussy, reprise du même secteur du 23 février au 3 mars.

De violents combats se livrent, à la droite du régiment dans le secteur du Bonnet-d’Évêque où la 56e division tente une opération pour reprendre des lignes avancées. L’ennemi se sert de lance-flammes. Le barrage allemand déclanché en même temps sur le secteur du régiment cause de nouvelles pertes : 4 tués et 9 blessés.

Du 10 au 23 mars, le 54e qui a repris ses emplacements après quelques jours de repos, prépare pour le 67e régiment d’infanterie une opération sur le bois 372 entre les ouvrages A. 9 et A. 5, en avant de la tranchée Millot. Le 1er bataillon est à droite, le 2e à gauche ; le 3e, en réserve, est occupé au transport du matériel destiné à préparer l’attaque et à aménager des parallèles de départ.

L’assaut est donné le 15 mars par le 67e (bataillon Secrétan), le 54e assurant l’occupation et la défense éventuelle du secteur. Cette attaque ne peut pas progresser au delà des premières lignes ennemies. Le 67e devant prendre un supplément de repos après cette rude journée, le 54e n’est relevé que le 23 mars, l’état-major, les 1er et 3e bataillons allant cantonner à Suippes, où se trouve le 254e, le 2e à Bussy. Les pertes de cette période sont de 12 tués et 47 blessés.

Le 28 mars une nouvelle compagnie de mitrailleuses est créée sous les ordres du lieutenant Balestier.

Du 30 mars au 5 avril, on reprend le secteur (1er bataillon à droite, 3e à gauche, 2e en réserve). Le 6 avril, relevé par le 67e, le régiment va au repos, par d’interminables boyaux, au camp Berthelot, en plein camp de Châlons, à 3 ou 4 kilomètres au sud de Mourmelon. Le 1er bataillon reste au pont de la Suippe.

Le 13, le 3e bataillon va occuper la ligne 2 d’un nouveau secteur avec la 1re compagnie de mitrailleuses (Centre de Chartres, centre d’Épernon, centre Ferzelle).

Ce secteur (dénommé quartier A), qui s’étend jusqu’à 1.500 mètres environ à l’est de la route de Saint-Hilaire à Saint-Souplet (Boyau du Rhône), comprend le fameux Bonnet d’Evêque, point âprement disputé. Dans la nuit du 14 au 15, le 2e bataillon va relever les troupes de la 112e brigade sur les lignes 1 et 1 bis du quartier A (du Bonnet d’Evêque inclus à la ligne Fortin de Mamers, centre Vitré inclus). Le poste de commandement du régiment est à la lisière nord du bois 170, le train de combat à Jonchery-sur-Suippe.

Le 16, le 1er bataillon, en réserve d’armée, cantonne à Suippes avec la compagnie hors rang, la 2e compagnie de mitrailleuses, le train régimentaire. Les relèves en ligne se font à l’intérieur du régiment : dans la nuit du 24 au 25 avril, le 2e bataillon est relevé en première ligne par le 3e et cantonne à Suippes, le 1er a relevé le 3e en deuxième ligne.

Dans la nuit du 4 au 5 mai, le 1er bataillon va aux lignes 1 et 1 bis ; le 2e à la ligne 2 ; le 3e en réserve.

Dans la nuit du 13 au 14 mai, le 2e bataillon occupe les lignes 1 et 1 bis, le 3e la ligne 2 ; le 1er est en réserve à Suippes. Le secteur est habituellement calme.

Le 19 mai, à 21 heures, à la faveur d’un violent vent du Nord, l’ennemi effectue une forte émission de gaz sur le front du régiment et sur celui des unités voisines, à gauche jusqu’à la route de Saint-Souplet, à droite sur le front de la 127e division. Notre artillerie exécute instantanément, à la demande des unités de première ligne qui lancent leurs signaux verts d’alerte aux gaz, un très violent tir de barrage dont la soudaineté et la précision mettent l’ennemi dans l’impossibilité de tenter une sortie. De nouvelles vagues, accompagnées d’un violent bombardement, sont lancées par les Allemands à 22 et à 23 heures. Elles n’ont heureusement plus l’effet de surprise de la première qui, malgré la rapidité avec laquelle a été déclanchée l’alerte, a causé 43 tués (dont 20 par intoxication), 16 blessés (dont le lieutenant Giorgi) et 134 intoxiqués[20] (dont les lieutenants Arnaud et Maurice).

De nouveaux tirs de barrage ont empêché l’ennemi de sortir de ses parallèles.

Pendant la nuit du 20 au 21 les relèves intérieures se font ; la ligne 1 est tenue par le 3e bataillon ; la ligne 2 par le 1er.

Le 2e bataillon est en réserve.

Le 21 à 21 h. 30, les allemands lancent deux nouvelles émissions de gaz asphyxiants dont une partie se rabat sur eux. En même temps, un violent bombardement et une fusillade nourrie se déclanchent, causant des pertes assez faibles (5 blessés et 4 intoxiqués légers)

Le 27, un gros bombardement n’est suivi d’aucune action d’infanterie.

Enfin, du 29 mai au 1er juin, la 12e division retirée du front va au repos ; le 54e, relevé par le 90e et le 114e régiments d’infanterie, cantonne à Suippes (état-major, 1er, et 2e bataillons), et Dampierre-au-Temple (2e compagnie de mitrailleuses). Par suite d’une nouvelle répartition des cantonnements, l’état-major va à Saint-Hilaire-au-Temple avec les 2e et 3e bataillons, le 1er bataillon a Bouy et les trois compagnies de mitrailleuses à Dampierre-au-Temple.

VIII. — VERDUN[21]
(Juin-Septembre 1916.)

Le 10 juin 1916, le 54e est transporté en chemin de fer de Cuperly à Sommeilles-Nettancourt près de Revigny. Il cantonne le 11 et le 12 à Charmont.

Le 13 juin, une étape de 15 kilomètres vers l’est l’amène aux cantonnements de Louppy-le-Château et Villotte-devant-Louppy.

Le 15 juin, après une courte marche, il cantonne à Marats-la-Grande et Condé-en-Barrois.

Le 17 juin, il s’embarque à 7 heures en camions-autos à Condé ; il est amené vers Nixéville et, de là, gagne Haudainville où les 2e et 3e bataillons cantonnent dans les nombreuses péniches amarrées sur le canal latéral à la Meuse, et Belrupt où cantonne le 1er bataillon.

Les équipages (train de combat et train régimentaire) se portent dans la soirée au bivouac de la Falouse.

Des cantonnements, on prend déjà conscience de l’intensité de la lutte.

Depuis le 15 juin, la 12e division relève la 63e dans le secteur de Tavannes. Ce secteur est réparti en trois zones de régiment : la Laufée (106e régiment d’infanterie), le Chinois (132e régiment d’infanterie), et le Fumin (67e régiment d’infanterie). Les deux premières zones sont groupées sous les ordres du colonel commandant la 24e brigade.

Carte N° 4 – VERDUN (54e et 254e R.I.)
Carte N° 4 – VERDUN (54e et 254e R.I.)

Sur tout le front nord de la division, de la batterie de Damloup au Ravin des Fontaines, il n’existe aucune tranchée, sauf dans le Bois Fumin. Les combattants sont dans des trous d’obus, isolés les uns des autres et soumis au tir de pilonnage constant de l’artillerie allemande. Le commandement y est très difficile, les pertes sont sérieuses. En arrière du front, il existe deux tronçons de tranchée : la tranchée Amilhat et le Boyau de Sungau.

L’arrivée, le 20, à Belrupt, des deux derniers bataillons du 54e, en réserve de division, achève la relève de la 63e division.

Dans la nuit du 19 au 20 juin, le bataillon Varin (1er du 54e) est monté au Tunnel en réserve de brigade ; il y est arrivé à 22 heures ; le commandant Varin et ses cinq commandants de compagnie (1re, lieutenant Muel ; 2e, capitaine Geoffroy ; 3e, lieutenant Potel ; 4e, capitaine Lefèvre ; compagnie de mitrailleuses, capitaine Mirabaud) vont en première ligne pour reconnaître le secteur du bataillon Girard, du 132e régiment d’infanterie,

Le bombardement a continué, incessant toute la journée. Tout le secteur du Chenois est particulièrement bombardé.

Le 54e va jouer son rôle dans la phase extrêmement violente des attaques allemandes.

C’est le dernier effort de grand style fait par l’ennemi pour prendre Verdun. Devant notre énergique résistance, les progrès de l’attaque ennemie furent lents et nos contre-attaques nous permirent de reprendre une grande partie du terrain perdu.

Journée du 21 juin. — Dans la nuit du 20 au 21, le bataillon Varin (1er du 54e monte du Tunnel en première ligne pour relever dans le quartier ouest de la zone du Chenois le bataillon Girard, du 132e. Cette relève s’opère à partir de 16 h. 45. Par des cheminements aussi défilés qu’il est possible, le bataillon gagne par le Tunnel, le poste de commandement Montagne. Des coureurs conduisent les compagnies vers les points qu’elles doivent occuper, sous un tir de barrage des plus violents, au milieu d’un terrain bouleversé et couvert de nombreux morts. Pendant la relève, le bataillon a 2 officiers tués (sous-lieutenants Allouchery, 2e compagnie, et Blanquet, 4e compagnie) et 51 hommes tués ou blessés.

La ligne occupée par le bataillon forme saillant en direction du Fort de Vaux : elle est tenue de la droite à la gauche par les trois premières compagnies et un peloton de la 4e ; le 2e peloton de la 4e compagnie est en réserve en arrière de la corde du saillant. Il n’y a ni tranchées, ni défenses accessoires ; seul, le peloton de réserve occupe une ébauche de tranchée, le reste du bataillon est dans des trous d’obus.

Le bataillon Poirée (3e du 54e ) remplace au Tunne le bataillon Varin. Dès son arrivée, il détache un peloton de la 9e compagnie au Fort de Tavannes et la 10e compagnie avec une section de mitrailleuses à la tranchée située sur les pentes sud de la hauteur de la Laufée, à cheval sur le boyau d’Altkirch (200 mètres environ au sud-ouest du poste de commandement Montagne). À 1 h. 30, le commandant Poirée et ses commandants de compagnie, dont celui de la compagnie de mitrailleuses se portent jusqu’au bataillon Nivelle (3e bataillon du 132e) pour y reconnaître le terrain Chenois, quartier est.

Dans la nuit du 20 au 21, l’artillerie ennemie s’est montrée très active.

À partir de 4 heures, le bombardement par obus de tous calibres et « minen » devient extrêmement violent. Il s’étend sur toute la zone du bois de Vaux-Chapitre et du Fumin, et plus à l’est sur toute la région du Chenois. En même temps que le tir de pilonnage sur les premières lignes, un tir très violent est exécuté sur la tranchée Amilhat, la tranchée de Sungau et le Dépôt.

Plus au sud, tir très nourri sur la crête du Chenois et sur la première ligne de la position intermédiaire.

Dès les premières heures, notre artillerie riposte violemment.

Tout fait présager une attaque.

L’attaque prévue se déclenche à 16 h. 30. Elle est annoncée par allongement du tir ennemi. Elle se prononce sur tout le front nord de la division, depuis la batterie de Damloup jusqu’au ravin des Fontaines.

Dans la zone centrale de la division (quartier gauche de la Laufée zone du Chenois), depuis le matin, le bombardement a été particulièrement violent, derrière les premières lignes, de façon à en isoler complètement les défenseurs.

Au 1er bataillon du 54e, la 3e compagnie est presque totalement anénantie ainsi que les deux sections en ligne de la 4e compagnie. C’est sur la brèche faite au point qu’elles occupent que les Allemands lancent leur assaut et prennent à revers les 2e et 1re compagnies. Le combat est de courte durée : les 200 hommes valides du bataillon se défendent énergiquement, à la grenade, car pas une mitrailleuse n’est en état de tirer et quelques rares fusils peuvent servir. Mais, vite submergé, le bataillon succombe et les survivants tombent aux mains de l’ennemi[22].

Contenue à gauche par le 67e, avec l’appui du peloton restant de la 4e compagnie du 54e (capitaine Lefèvre), l’attaque allemande s’étale vers l’est et fait tomber, en les tournant ou en les prenant enfilade, la 11e compagnie du bataillon Nivelle établie en première ligne au sud du fort de Vaux, puis la 10e compagnie (tranchée Amilhat et Dépôt du Bois de-la Vaux-Régnier).

Un trou s’est donc produit au centre de la division.

Dès 17 heures, le colonel commandant la 24e brigade a mis à la disposition du colonel Maurel commandant la zone du Chenois, les éléments disponibles du bataillon Poirée (3e bataillon du 54e) : la moitié de la 9e compagnie, les 11e et 12e compagnies et trois sections de mitrailleuses aux ordres du capitaine adjudant-major Decourbe. Ces éléments se portent, sous un bombardement des plus violents, vers le poste de commandement Montagne.

Dès son arrivée, le capitaine Decourbe reçoit l’ordre de contre-attaquer dans le but de dégager le bataillon Nivelle. La contre-attaque, constituée en deux vagues à 50 mètres de distance, progresse jusque vers la cote 340, près du poste de commandement Dépôt, malgré le bombardement, mais ne peut aller plus loin. La première vague, après un violent combat à la grenade, est presque anéantie. Le bombardement continue très violent.

Vers 22 h. 10, arrivent au poste de commandement Montagne, le commandant Poirée et ses cinq commandants de compagnies qui ont été, par suite de la violence du bombardement, dans l’impossibilité de quitter le commandant Nivelle avant 21 h. 30. Ils rendent compte que celui-ci tient toujours avec deux compagnies, mais qu’il est sans nouvelles de sa compagnie de gauche et que les Allemands ont poussé des éléments jusqu’à la naissance du vallon de la Horgne.

Le colonel Maurel renouvelle l’ordre de contre-attaquer, de pousser à tout prix dans la direction du poste de commandement Batterie. La 10e compagnie du 54e, maintenue depuis le matin dans la tranchée au sud-ouest du poste de commandement Montagne et la 6e compagnie du 106e doivent appuyer ce mouvement en se portant à la crête du Chenois, la 10e compagnie du 54e à droite, la 6e compagnie du 106e à gauche. La 10e compagnie du 54 se porte à la carrière du Chenois. Mais les éléments restants du bataillon Poirée n’ont pu se maintenir en place ; ils prolongent vers l’ouest la 10e compagnie, la gauche à 150 mètres environ à l’ouest de la route stratégique.

Dès son arrivée, le commandant Poirée se relie facilement à gauche et à droite avec le 106e ; mais à sa gauche, la 6e compagnie du 106e, qui est arrivée à minuit 30, ne peut trouver la liaison qu’un instant avec les éléments d’une compagnie du 67e : un trou de 5 à 600 mètres existe entre la 6e compagnie du 106e, et la droite du 67e.

Dans la zone du Fumin, le 67e a eu sa droite découverte par la perte du bataillon Varin : il a contre-attaqué avec deux compagnies qui, appuyées par le peloton restant de la compagnie Lefèvre du 54e et une section de mitrailleuses du 54e établis vers la tranchée du Sungau, s’établissent en crochet défensif dans les carrières situées dans la clairière à l’est du Bois Fumin.

Le bataillon Mosser (2e du 54e), en réserve de division à Belrupt, a reçu à 15 h. 40 l’ordre de se porter sur, le ravin du Champ de Tir, puis d’occuper la ligne 1 de la position intermédiaire pour libérer les réserves de brigade qui l’occupent. Par le Boyau de l’Étang, la ligne du chemin de fer, la Bretelle du Tunnel, il parvient à 20 heures, à la Tranchée Bley. Il a subi de violents tirs de barrage qui lui ont causé des pertes ; la position intermédiaire est soumise à un violent et incessant bombardement par obus toxiques et lacrymogènes, qui obligent à garder le masque.

Journée du 22 juin. — Une reconnaissance allemande faite au petit jour à l’est des carrières tenues par le 67e et le peloton Lefèvre du 54e, est repoussée par ce dernier. Une attaque dans la direction générale du Fort de Vaux est prescrite pour midi, puis pour 13 heures, par le bataillon Poirée (axe de mouvement : poste de commandement Montagne, angle sud-est du Fort de Vaux) et par le bataillon Mosser (axe de mouvement : angle ouest de la route stratégique du Fort de Vaux, cote 340 à l’ouest de ce fort). La liaison de ces deux bataillons doit se faire sur la ligne : coudes sud-est et nord-est de la route stratégique, poste de commandement Dépôt, angle sud-ouest du fort de Vaux.

L’attaque préparée et appuyée par l’artillerie sera soutenue par le 245e régiment d’infanterie.

Le bataillon Mosser se forme dans le vallon à la lisière sud du Bois Contant. Le bataillon Poirée, très éprouvé, est renforcé par les deux compagnies du 106e qui l’encadrent et une troisième compagnie du même régiment.

Vers 13 heures, l’attaque se déclenche.

Le bataillon Mosser, formé en trois vagues, part à l’attaque : la compagnie de droite (5e), prise sous un très violent barrage, revient à ses positions de départ. Les trois autres compagnies progressent, mais elles se sont orientées vers la cote 349, sud des Carrières. Un peloton de la 7e compagnie arrivé vers cette cote 349 trouve le capitaine Lefèvre qui le place dans le boyau de Sungau à l’est de ses éléments établis aux Carrières, pour protéger sa droite ; les autres éléments du bataillon viennent pour la plupart en arrière de la droite du 67e. La violence du tir de l’artillerie les cloue sur place jusqu’à la nuit.

Le bataillon Poirée a d’abord progressé, mais il est bientôt soumis à un très violent bombardement et aux tirs très nourris de mitrailleuses établies au Fort de Vaux.

À 15 heures, l’attaque est définitivement enrayée ; elle s’est rapprochée un peu du poste de commandement Dépôt, mais n’a pu l’atteindre.

Un vide de 400 mètres sépare le bataillon Mosser du bataille Poirée.

Jusqu’à la nuit, la situation ne change pas. Toutes nos positions continuent à être bombardées très violemment et par des obus de gros calibre. Les combattants, aveuglés par la poussière, manquant d’eau, sont épuisés.

Le bataillon Poirée, relevé, est ramené vers le poste de commandement Montagne.

Journée du 23 juin. — Pendant la nuit, le lieutenant Fontenay, commandant la 7e compagnie, est entré en liaison avec le lieutenant-colonel commandant le 67e et a rendu compte de la situation au commandant Mosser qui fait porter de nuit les 8e et 6e compagnies[23] à la droite de la 7e établie dans le boyau sungau, en liaison avec le peloton Lefèvre. Le capitaine Lefèvre guide ces unités et les place dans le boyau Sungau et le Bois de la Vaux-Régnier.

À 5 h. 30, l’attaque allemande se déclenche.

Elle échoue sur le front de la division. Elle a particulièrement été acharnée dans le Bois Fumin sur le 67e, qui a héroïquement résisté, conservant son front intact et faisant des prisonniers.

Sur le front du bataillon Mosser, les vagues d’assaut ont été, à quatre reprises, repoussées à la grenade et au fusil[24].

Journée du 24 juin. — Le 3e bataillon du 171e, venu relever le bataillon Mosser, n’a pu se mettre en liaison avec lui dans la nuit ; le 2e bataillon du 54e et le peloton Lefèvre sont donc obligés d’attendre la nuit suivante pour rejoindre leur cantonnement. Ils y arrivent très réduits par les grosses pertes subies ; la 8e compagnie, par exemple, montée en ligne avec 4 officiers et 180 hommes, n’a plus qu’un officier (sous-lieutenant Delacourt) et 14 hommes.

Le 25 juin, tout ce qui reste du régiment est groupé à Belrupt, où il est arrivé épuisé. Pendant toutes ces journées de combat, les souffrances endurées ont été terribles. La poussière intense développée par la chute incessante des projectiles, la fumée, la chaleur orageuse, l’âcreté de l’air empoisonné par les obus à gaz, ont très fortement éprouvé les combattants-. Les ravitaillements n’ont pu se faire qu’imparfaitement, l’eau surtout a manqué.

Malgré toutes ces fatigues, malgré le pilonnage incessant par obus de tous calibres, malgré les obus asphyxiants, la 12e division a héroïquement tenu tête à l’ennemi[25].

Pendant le séjour à Verdun, les pertes du 54e ont été les suivantes :

Compagnie hors rang : officier : 1 tué ; troupe : 3 tués, 8 blessés, 2 disparus.

1er Bataillon : Officiers : 11 tués, 6 blessés, 4 disparus ( prisonniers) ; troupe : 23 tués, 251 blessés, 502 disparus (dont 33 blessés et 170 valides prisonniers).

2e Bataillon : Officiers : 8 blessés ; troupe : 47 tués, 251 blessés, 95 disparus.

3e Bataillon : Officiers : 2 tués, 5 blessés, 4 disparus ; troupe : 44 tués, 304 blessés, 72 disparus.

Soit pour le total des pertes : environ 1.500.

Le 26 juin, à 7 heures, le 54e est embarqué en camions à Dugny et débarque à 13 heures à Haironville (sud de Bar-le-Duc). Le train régimentaire et le train de combat rejoignent en deux étapes par Marats-la-Grande.

Le régiment va prendre dans ce cantonnement tranquille, loin de la bataille, un repos bien gagné. Des renforts lui arrivent du dépôt et, en particulier, le 15 juillet, 52 créoles martiniquais. Sa réorganisation s’effectue sur de nouvelles bases. À partir du 1er juillet, les bataillons comprendront 3 compagnies et 1 compagnie de mitrailleuses[26]. Les 4e, 8e et 12e compagnies constituent les compagnies du 54e au dépôt divisionnaire destiné à fournir et instruire les renforts, ainsi qu’à recevoir les hommes fatigués momentanément.

Le séjour prolongé au cantonnement d’Haironville pouvait laisser prévoir une nouvelle montée en ligne dans la région de Verdun, mais cette perspective redoutée ne devait pas se réaliser.

Carte N°5
Carte N°5

Carte N°5

LA SOMME (54e R.I.)
LA SOMME (54e R.I.)

Le 18 juillet, quittant Haironville, dans l’après-midi, le 54e embarque en chemin de fer à Eurville, après une marche de 15 kilomètres, à destination de Fère-en-Tardenois.

Le voyage et la marche vers les nouveaux cantonnements Beuvardes et le Charmel (1er bataillon) dans la région de Fère-en-Tardenois sont rendus pénibles par un temps chaud et orageux.

Le régiment se complète par des nominations de nouveaux cadres et l’arrivée de renforts ; il poursuit son instruction.

Le 10 août, après une marche de 25 kilomètres sous une pluie continue, il va loger dans les baraquements entre Lhery et Lagery, l’état-major dans ce dernier village.

Jusqu’au 4 septembre, l’instruction continue, des manœuvres de brigade et de division sont faites.

Le 5 septembre, le régiment, transporté en camions-autos à Dormans, s’y embarque en chemin de fer pour Crèvecœur-le-Grand : il va prendre part à la bataille de la Somme.

IX. — DANS LA SOMME
(Septembre-Décembre 1916.)
L’OFFENSIVE GÉNÉRALE DE SEPTEMBRE[27]

La bataille de la Somme fut engagée par les armées française et anglaise, le 1er juillet ; après de brillants succès les progrès se ralentirent par suite de l’arrêt des attaques allemandes à Verdun.

« Une nouvelle offensive générale avait pour but, entre Ancre et Somme, d’arriver au faîte des hauteurs qui séparent les vallées de l’Ancre, qui passe à Albert, et de la Tortille, qui conflue dans la Somme un peu à l’ouest de Peronne.
« Elle visait pour la 6e armée française, la possession du front de Bouchavesnes.
« Entre le secteur de l’armée anglaise et celui de la 6e armée, existe un ravin profond, formidablement battu par l’ennemi et que barre le gros bourg de Combles : Il avait été décidé que ce ravin serait débordé à droite et gauche et qu’on en ferait tomber la résistance par l’encerclement.
« Ce programme fut réalisé presque entièrement pendant le mois de septembre par des attaques successives.
« La 6e armée (Général Fayolle) attaque le 12 septembre et s’empare de Bouchavesnes.
« Le 25 septembre une nouvelle attaque des forces anglo-françaises se déclenche sur un front de 18 kilomètres depuis Martinpuich jusqu’à la Somme.
« Combles encerclé de partout tombait entre les mains des alliés.
« Le but tactique qu’on s’était imposé au début de la bataille était atteint.
« D’ailleurs la mauvaise saison était venue, le sol était transformé en une mer de boue par suite des pluies et bientôt les ravitaillements de toute sorte et les mouvements d’artillerie allaient se heurter à des difficultés inextricables.
« La grande bataille de la Somme est donc virtuellement finie. Elle ne s’éteindra que plus tard, en décembre, lorsque notre 6e armée aura été retirée du front pour être relevée par l’armée britannique.
« Durant ces quelques semaines se développèrent encore quelques actions ;
« À la 6e armée française, prise de Sailly-Saillisel du 15 au 18 octobre : actions dans le bois de Saint-Pierre-Vaast (fin octobre) et au sud ouest du Transloy. »

La 12e division, transportée par voie ferrée dans la région de Crèvecœur-le-Grand, se porte dans celle de Conty puis fait mouvement vers le front à partir du 18 septembre. Elle va être engagée à partir du 21 septembre dans la région de la ferme du Bois Labé-Bouchavesnes.

Pendant cette période, le régiment séjourne du 7 au 15 septembre à Hétomesnil (état-major, 1er et 2e bataillons) et Crèvecoeur-le-Grand (3e bataillon). Le 14, il occupe les cantonnements de Fleury (état-major, 2e bataillon), Wailly (1er bataillon) et Courcelles-sous-Thoix (3e bataillon), le 15, ceux de Nampty et Neuville-sous-Lœuilly (3e bataillon). Le 2e bataillon est réuni le 16 à Planchy-Buyon. Le 19 septembre, le 54e est transporté en camions-autos à Domart-sur-la-Luce (état-major, 2e bataillon), au bivouac du Bois de Hangard (3e bataillon) et au bivouac de la cote 98 au nord de Domart. Les commandants de bataillon et de compagnie reconnaissent le secteur le 20 septembre.

Le 21 septembre, le régiment est transporté en autos à l’ouest de Suzanne. Le soir, les 1er et 2e bataillons relèvent en ligne le 172e régiment d’infanterie. Le 1er bataillon occupe en première ligne avec les 2e et 3e compagnies et deux sections de la 1re les tranchées qui font face à la tranchée de Zombor ; le reste du bataillon est en réserve dans la tranchée de Van. La relève est difficile ; le bataillon subit des pertes : le commandant Giroulet, son adjudant de bataillon et le capitaine Lefèvre sont blessés dans Cléry. Le 2e bataillon se déploie à l’ouest de la route nationale de Béthune à Château-Thierry à gauche du 1er : 5e et 6e compagnies et deux sections de la 7e en première ligne entre la route de Béthune et la route de la ferme du Bois Labé à Cléry, le reste du bataillon en deuxième ligne près de l’intersection de ces deux routes. Le 2e bataillon est en liaison à gauche avec le 106e régiment d’infanterie.

Le lendemain soir, le 3e bataillon se rend à ses emplacements de réserve aux carrières de Hem ; les tirs de barrage rendent la relève difficile ; il quitte les carrières de Hem dans la nuit du 23 au 24 pour occuper une position d’attente dans la tranchée des Berlingots et la tranchée Ferzelle.

Le 24 septembre le général Girodon commandant la 12e division est tué ; le lieutenant-colonel Wary est mortellement blessé. Le commandant Boussavit prend le commandement du 54e.

Pendant ces quelques jours, les bataillons s’organisent en vue de l’attaque projetée pour le 25 septembre.

Attaque du 25 septembre. — L’heure H est fixée à 12 h. 35. Le 54e a pour mission d’attaquer dans la direction d’Allaines en s’emparant de la route de Béthune, puis du ravin des abris. Il est disposé de la manière suivante : le bataillon Decourbe (1er) à droite a deux compagnies (2e et 3e) en première ligne, formant deux vagues dans les tranchées de départ et dans une parallèle, 35 mètres en arrière ; la 1re compagnie est dans la deuxième parallèle de départ. Au bataillon Parthiot (2e), les 5e et 6e compagnies sont accolées sur trois lignes, la 7e compagnie est en quatrième ligne. Le bataillon Poirée (3e) est en réserve à la tranchée Ferzelle. À 12 h. 33, l’attaque se déclenche. Le 1er bataillon se porte tout entier en avant pour éviter les pertes en franchissant les tirs de barrage. Les vagues doivent ensuite s’échelonner à 100 mètres de distance. Mais dès le premier bond, après avoir à peine parcouru 100 mètres, le bataillon est arrêté par le feu de nombreuses mitrailleuses. À gauche, la 2e compagnie (lieutenant Morand) progresse cependant et s’empare d’un élément de tranchée où elle fait 22 prisonniers. Après être restés sur place pendant trois quarts d’heure, les éléments les plus avancés se replient sur la ligne principale où ils se maintiennent deux heures sous un violent bombardement ; ils reviennent par petites fractions sur la ligne de départ. L’attaque du 2e bataillon atteint la première tranchée allemande sous un feu violent de mitrailleuses qui contraint la gauche à stopper sans atteindre son objectif. La compagnie Lecomte (5e), à droite, s’empare de la première tranchée ennemie en y faisant quelques prisonniers ; mais à la nuit, prise sous un feu meurtrier, elle est obligée de se replier sur la tranchée de départ, ayant tous ses officiers hors de combat.

Le 3e bataillon n’a pas quitté ses emplacements.

Les attaques des corps voisins, arrêtées par des feux de mitrailleuses, n’ont pas été plus heureuses que celles du 54e.

Dans la nuit du 25 au 26, le 67e régiment d’infanterie relève les 1er et 2e bataillons ; le 1er va bivouaquer à proximité du bois des Ouvrages, le 2e à la carrière de Span ; dans la nuit suivante, ces deux bataillons vont au bois de Vaux où se trouvent les compagnies du dépôt divisionnaire.

EN SECTEUR

Le lieutenant-colonel Sézille des Essarts prend le commandement du régiment le 28 septembre.

Dans la nuit du 1er au 2 octobre, le 1er bataillon relève le 3e à la tranchée Ferzelle ; le 3e bataillon se porte à la tranchée de Tatoi. Dans la nuit du 2 au 3, le 2e bataillon va occuper les tranchées de Celle et de Hanovre, en réserve de division. Le poste de commandement du régiment est au Bois des Ouvrages.

Le 5 octobre, le 1er bataillon, placé en réserve de corps d’armée, occupe les tranchées de Van et des Berlingots à proximité du Bois Madame ; dans la nuit du 7 au 8 il va dans la tranchée de la Déconfiture, près de Hem.

Le 2e bataillon, qui était allé le 7 aux carrières de Tatoï, est dirigé dans l’après-midi du 8 sur le camp 3 à Laneuville-les-Bray, pendant que le 3e s’installe au bois du 120, près de Vaux et l’état-major au camp du Royal Dragon près de Suzanne. Le 9, le 3e bataillon va dans ce dernier camp. L’état-major rejoint au camp 3 le 2e bataillon et va avec lui le 12 octobre au camp 19. Dans la nuit précédente, le 3e bataillon est retourné en réserve au bois Madame. Le 13, il participe à une attaque faite par le 67e régiment d’infanterie sur l’Épine de Malassise ; vers la fin de cette journée, les 1er et 2e bataillons se portent à la tranchée de Celle.

Dans la nuit du 14 au 15 octobre, le 54e relève le 67e en ligne. Le 1er bataillon, à droite, à cheval sur la route de Bouchavesnes a Allaines, les 1re et 3e compagnies en ligne, la 2e en réserve. Le 2e bataillon occupe un front d’environ 700 mètres, jusqu’à la route de Bouchavesnes à Moislains, en liaison à gauche avec le 46e régiment d’infanterie : les 5e et 6e compagnies sont en première ligne ayant chacune deux sections en première ligne, une section en deuxième ligne et une section en troisième.

Le 3e bataillon est en réserve.

Le poste de commandement du régiment est à Brioche, point particulièrement bombardé dès la tombée de la nuit.

On occupe ainsi le secteur jusqu’au 19 octobre, aménageant les tranchées, creusant boyaux et abris, sous le feu toujours plus vif de l’artillerie ennemie.

Dans la nuit du 19 au 20, le 54e est relevé par le 172e régiment d’infanterie et le 29e bataillon de chasseurs à pied, et se rend au camp 19, près de Suzanne.

Du 21 septembre au 20 octobre, le 54e a subi des pertes élevées :

25 Officiers : 7 tués[28], 16 blessés, 2 disparus ;
55 Sous-officiers : 15 tués, 36 blessés, 2 disparus ;
79 Caporaux : 7 tués, 68 blessés, 4 disparus ;
766 Soldats : 97 tués, 565 blessés, 104 disparus.

Le 20 octobre, le régiment est enlevé en camions autos et transporté dans les cantonnements de repos d’Epeaux (1er bataillon), Omécourt (2e), Loueuse (état-major et 3e), dans la région de Formerie. Un froid très vif rend fort pénible le voyage de nuit en camions et surtout les haltes sur les boulevards d’Amiens et à l’entrée des cantonnements. Mais l’arrivée hors de la zone de combat a tôt fait de faire oublier ces misères.

Pourtant, ce premier séjour dans le secteur de Bouchavesnes a été particulièrement rude. Outre les pertes sévères subies pendant l’attaque du 25 septembre, les relèves ont causé de nombreuses victimes, l’ennemi bombardant violemment les lignes et les arrières jusqu’à une grande distance. Dans la grasse argile picarde, les boyaux et tranchées s’éboulent à la moindre pluie ; au cours des relèves et des corvées on s’enlise dans une boue gluante qui imprègne les vêtements et dont on ne peut se défaire. Et il ne faut pas songer à quitter le boyau pour le « bled» : l’ennemi envoie rafales de mitrailleuses et volées de schrapnels sur celui qui se hasarde dans la plaine dont l’immensité s’étend à perte de vue. Les abris hâtivement construits, n’offrent qu’un précaire refuge. Les ravins défilés sont particulièrement visés par l’artillerie lourde : une corvée de la 1re compagnie de mitrailleuses est, un soir, anéantie dans le ravin au pied du bois Madame.

Le régiment cependant conserve jusqu’à la relève son excellent moral. Dans la boue glorieuse de la Somme comme dans celle des Éparges, il se montre à la hauteur de sa rude tâche.

Le repos dans la région de Formerie va durer environ trois semaines sans modification dans les cantonnements, sauf pour le 3e bataillon qui occupe le 23 octobre celui de Saint-Arnoult. Des renforts arrivent du dépôt. Le 2 novembre, le lieutenant-colonel des Essarts passe la revue du régiment et remet des croix de guerre.

Le 9 novembre, le 54e est transporté en camions autos au camp 18 près de Vaux (1er bataillon) et au camp 5 près de Méricourt (état-major, 2e et 3e bataillons).

De la nuit du 10 au 11 à celle du 12 au 13, le premier bataillon occupe en première ligne le secteur de la ferme du Bois Labé, copieusement arrosé par l’artillerie ennemie, puis il rejoint au camp 18 le reste du régiment ; le lendemain il va au camp 17 près de Suzanne, et le 18 novembre au camp 19 près de Vaux. Le 2e bataillon est à partir du 14 en réserve de brigade près du poste de commandement de la brigade au bois Aiguille ayant une compagnie (7e, lieutenant Tricot) vers Rancourt, à la tranchée Joslov. Le 3e bataillon va le même jour en réserve de division au bois de la Cranière où l’état-major du régiment est également installé. Le 54e va relever le 132e en première ligne : dans la nuit du 19 au 20 novembre le 1er bataillon prend la partie nord du sous-secteur de Bouchavesnes : poste de commandement à l’église de Bouchavesnes, une compagnie en première ligne sur un front de 350 mètres, la gauche à la route de Bouchavesnes-Moislains ; une compagnie est en réserve dans les ruines de Bouchavesnes ; la troisième est au Bois Madame.

Dans la nuit suivante les 2e et 3e bataillons effectuent leur relève. Le 2e bataillon a les 5e et 7e compagnies en ligne à droite du 1er bataillon, jusqu’à la cote 131 ; la 6e compagnie est en réserve aux carrières près de la route de Béthune ; le poste de commandement est sous la route de Béthune, près du boyau Rapin. Le 3e bataillon a repris le sous-secteur de Bois Labé ; il le garde jusqu’au 25 ; relevé par un bataillon du 106e régiment d’infanterie, il est à partir du 26 en réserve de brigade au Bois Madame. Pendant cette période le poste de commandement du régiment est à Brioche.

Le train de combat est au moulin de Fargny ; le train régimentaire est à Laneuville-les-Bray.

Le régiment reste à Bouchavesnes jusqu’au 29 novembre. Il souffre beaucoup du refroidissement de la température, des brouillards, de la boue. L’éloignement du point de distribution des vivres et les difficultés et dangers que rencontrent les corvées ajoutent encore à ces fatigues en ne permettant pas une alimentation soignée. Une attaque devant être faite par le 67e régiment d’infanterie les bataillons du 54e la préparent en creusant des parallèles de départ et des boyaux. Malheureusement la pluie rend vain le travail alors qu’il est déjà très avancé.

Dans la nuit du 29 au 30 novembre, les trois bataillons sont relevés par le 67e et sont embarqués en autos au camp 19 ; le soir ils débarquent au camp 6 près de Méricourt.

Pendant une semaine, le régiment prend un repos bien nécessaire. La fatigue est encore grande et l’état sanitaire médiocre quand la fin de ce repos est annoncée, mais un dernier effort est demandé avant la relève définitive prévue pour un séjour à l’arrière, et le 7 décembre, le 1er bataillon se rend à pied au camp 18 ; le lendemain le reste du régiment est amené en camions-autos au camp 19.

Dans la nuit du 9 au 10, le 54e relève le 67e ; en raison de la pluie et de la boue, la relève est très pénible. Le 2e bataillon du 540 relève le 1er bataillon du 67e dans la partie nord du sous-secteur de Bouchavesnes : poste de commandement à l’église, 7e et 6e compagnies en première ligne, de la route Bouchavesnes-Moislains au boyau Rapin, la 5e compagnie en réserve dans les ruines de la partie est de Bouchavesnes.

Le 3e bataillon du 54e relève le 2e bataillon du 67e du boyau Rapin jusqu’à 200 mètres au nord de la route Bouchavesnes-Allaines.

Les 9e et 10e compagnies sont en première ligne.

La nuit suivante, le 1er bataillon du 54e relève le 3e bataillon du 67e, sur les talus nord-est du poste de commandement Violette, avec la première compagnie et la première compagnie de mitrailleuses, et un bataillon du 106e au bois des Riez et à la tranchée de Celle avec les 2e et 3e compagnies. Il est en réserve de division.

L’artillerie ennemie n’est pas très active ; mais la relève à notre gauche du 171e régiment d’infanterie par les Écossais (Argyll and Sutherland Highlanders) nous vaut deux bombardements sérieux… de la part de nos nouveaux voisins, sans pertes, par miracle.

Le séjour est pénible, la circulation est impossible dans les boyaux à demi comblés. Hors des boyaux on attire les obus. On patauge dans la boue et les nombreux trous d’obus protègent heureusement contre l’artillerie. C’est surtout la lutte contre la boue et les éboulements.

Enfin, dans la nuit, du 15 au 16 décembre, la relève du 54e par le 66e régiment d’infanterie commence par les trois compagnies de mitrailleuses et le 1er bataillon, qui vont au camp 18. Le lendemain, les deux bataillons de première ligne sont relevés non sans quelques pertes[29].

Le 17 décembre, le régiment embarqué en camions au carrefour d’Éclusier est amené par Moreuil et Montdidier dans ses cantonnements au sud de Saint-Just-en-Chaussée : l’état major à Argenlieu, la compagnie hors rang à Erquinvillers, le 1er bataillon à Cuignières, le 2e à Lamécourt (sauf la compagnie de mitrailleuses à Bizancourt), et le 3e à Erquery et Airion.

Le séjour du 54e dans la Somme est terminé :

« Sous la pluie, dit l’Historique sommaire du régiment, dans la boue épaisse et froide des riches terres à betteraves, attaquant, attaqué, pendant près de deux mois, le régiment dans des luttes d’une âpreté farouche poussa jusqu’à l’extrême limite des forces humaines. Les relèves par le boyau Rapin, les corvées de soupe, la nuit, dans le ravin de Bouchavesnes à Cléry, sous les rafales d’obus, alors que d’un instant à l’autre on risquait le fatal enlisement, telle fut l’implacable misère de la Somme. »

Le 26 octobre, le général Brissaud Desmaillet avait cité le 54e à l’ordre de la 12e division dans les termes suivants :

« Sous le commandement du Lieutenant-colonel des Essarts, a fait preuve d’une ténacité des plus remarquables, sous un feu d’artillerie d’une rare violence ; malgré les pertes considérables a conservé, tant dans l’attaque que dans l’organisation du terrain un moral admirable. »
X. — EN ARRIÈRE DU FRONT
(Décembre 1916-Février 1917.)

Le régiment stationne jusqu’au 21 décembre 1916 dans ses cantonnements au sud de Saint-Just-en-Chaussée.

La division va être constituée sur de nouvelles bases ; elle comprendra désormais trois régiments d’infanterie au lieu de quatre, les deux de la 23e brigade, 54e et 67e, et le 350e régiment d’infanterie.

L’état-major de la brigade devient état-major de l’infanterie divisionnaire, dont, le 4 janvier 1917, le colonel Penet prend le commandement.

À partir du 21 décembre, le 54e fait mouvement par étapes pour se rendre dans la région de Fismes d’abord (jusqu’au 15 janvier), puis de Lizy-sur-Ourcq. Loin de la bataille, il connaît le charme de ces nombreux cantonnements où on ne passe qu’une nuit comme en temps de grandes manœuvres, mais dont on garde cependant de bons souvenirs.

Les cantonnements sont (voir la carte d’ensemble) :

21 Décembre : Mogneville (E. M.), Rantigny-Uny (I), Liancourt (II) Gauffry (III).
22 Décembre : Brasseuse (E. M.), Yvillers[30] (I), Rully (II), Bray et Chanicy (III).
23 et 24 Décembre : Levignen (E. M. I), Bargny (II), Ormoy-le-Davien (III)
25 Décembre : Marolles (E. M. II), La Ferté-Milon (III), Bourneville et Vaux Parfond (I).
26 et 27 Décembre : Macogny (E. M.), Priez et Remont Voisin (I), Breuil et Montmenjon (II), Monnes et Cointicourt (III).
28 Décembre : Nanteuil-Notre-Dame (E. M. III), Villeneuve-sur-Fère (I) et Bruyères (II).
29 Décembre : Sergy (E. M. I) et Cierges (II et III).

Le 30 décembre, la 12e division défile en une seule colonne devant le général de Mitry, commandant le 6e corps d’armée. Le 54e arrive dans les cantonnements et les baraquements d’Arcis-le-Ponsart (état major, I et II) et Mont-sous-Courville (III) : il va y vivre quelques jours de repos et d’instruction tandis que le « robinet des permissions » est largement ouvert.

1917. — La division quitte la région de Coulanges le 15 janvier 1917 pour se porter dans celle de Lizy-sur-Ourcq ; le 54e cantonne, le 15 à Brécy (état-major, (1er), Villeneuve-devant-Fère (3e et la Poterie (2e le 16 janvier il est à Hautevesnes (état major et 2e), Saint-Gengoulph, Chevillon (1er) et Chézy-en-Orxois (2e).

Le 17 janvier, après une étape sous la neige, il atteint les cantonnements de Crouy-sur-Ourcq (état-major, 1er et 3e et Montigny-l’Allier (2e). Dans ces cantonnements confortables, il va passer au repos la période de grand froid de ce début de 1917 avant de prendre contact avec le secteur de l’Aisne.

XI. — L’AISNE. LE CHEMIN DES DAMES[31]
(7 Février-14 Juin 1917.)
EN SECTEUR

Les 7 et 8 février, par un froid rigoureux, le régiment s’embarque en chemin de fer à Mareuil-sur-Ourcq à destination de Limé (près de Braine).

Il monte aussitôt en ligne, et relève dans le « sous-secteur du Centre » (poste de commandement à Moussy) les 25e et 29e bataillons de chasseurs à pied.

Les trois bataillons sont en ligne dans l’ordre de leurs numéros, de la droite à la gauche, de la lisière nord-ouest du Bois des Boules au cimetière de Soupir[32]. Le poste de commandement du 1er bataillon est au village de Moussy près de l’église ; celui du 2e a l’écluse de Moussy ; celui du 3e sur le chemin de Moussy à Soupir, près du parc.

Jusqu’au 19 mars, le régiment occupe ce secteur dont une partie a été précédemment tenue par le 254e.

Le secteur n’a pas bougé depuis les combats de novembre 1914 les tranchées construites au pied de la ligne de hauteurs et presque partout dominées par l’ennemi sont assez bien organisées, mais les abris n’ont pas la résistance de ceux de Champagne. Ils laissent deviner le calme habituel du secteur où seuls quelques points de friction : entonnoir de Verneuil-Courtonne, Chapelle Saint-Pierre et redans, grille du château de Soupir, sont soumis fréquemment à des tirs de minenwerfer.

Cependant les travaux que nous y effectuons mettent l’ennemi en éveil. Peu de jours après la relève, l’artillerie ennemie se montre de plus en plus active : les arrières sont violemment canonnés, surtout les passages sur l’Aisne et le canal latéral (Pont-Arcy).

Vers la fin du séjour, le dégel rend les tranchées et boyaux impraticables.

Dans les derniers jours se manifeste quelque énervement dû au repli allemand dans la Somme considéré comme possible en face de nous.

Dans la nuit du 19 au 20 mars, le régiment est relevé par les 19e et 26e bataillons de chasseurs à pied.

EN ARRIÈRE DU FRONT

La division est retirée du front : elle se rend, par étapes, dans la région de Neuilly-Saint-Front où elle va se reposer et faire ses préparatifs en vue de l’offensive prochaine.

Du 20 mars au 7 avril, le 54e occupe les cantonnements suivants :

20 Mars : Monthussart (I), Braine (E. M. II), Brenelle (III).
21 Mars : Arcy-Sainte-Restitue, Serveney (I), Launoy (II), Beugneux, Grand Rozoy (E. M. III).
22 Mars : Passy-en-Valois, Macogny, Ferme Lessart (I), Dommard (E.-M. II) Saint-Quentin, Montemafroy (III).
2 Avril : L’état-major et le 2e bataillon vont cantonner à Noroy-sur-Ourcq.
3 Avril : Le 3e bataillon cantonne à Villers-le-Petit.

Le 8 avril, le régiment se rapproche du front et cantonne pendant quelques jours à Septmonts (état major et 3e bataillon), et à Noyant (1er et 2e bataillons) près de Soissons. Les dernières dispositions sont prises avec entrain et confiance.

L’OFFENSIVE FRANÇAISE SUR L’AISNE[33]
« … Une accumulation de bataillons, de canons, de munitions et de moyens telle qu’on n’en avait jamais vue depuis le début de la guerre, tout dénotait l’envergure de l’attaque que devait exécuter le groupe principal des Armées Françaises depuis le nord de Soissons jusqu’à Reims.
« Dispositif général : 1° à gauche, la 6e armée (Général Mangin) (14 divisions d’infanterie, dont 8 en première ligne), doit enlever les lignes ennemies depuis Vauxaillon jusqu’à la ferme Heurtebise incluse.
« Le 1er corps d’armée colonial à l’ouest attaque le plateau de Laffaux. Les 6e et 20e corps, le 2e corps colonial à l’est attaquent le front de 15 kilomètres de Soupir à Heurtebise. Le grand saillant de Vailly et du fort de Condé tombera ainsi de lui-même.
2° À droite, la 5e armée attaque d’Heurtebise à Courcy, au nord de Reims ;
« 3° L’armée d’exploitation (10e
« 4° Enfin, en réserve, est la première armée dans la région de Château-Thierry-Epernay. »

.........................

« Les armées françaises allaient, au nord de l’Aisne, s’attaquer à des positions naturellement très fortes, véritables falaises dominant la rivière de près de 100 mètres, collines poreuses, percées d’innombrables grottes ou « creutes » qui offraient autant d’abris défiant tous les bombardements ».
« Installé là depuis plus de deux ans, l’ennemi avait tout fait pour fortifier ces positions par la valeur et la multiplicité d’organisations défensives bondées de mitrailleuses. Il les considérait comme imprenables et était d’ailleurs résolu à les défendre à tout prix, car elles constituaient un des bastions de sa fameuse ligne Hindenburg et leur chute eût entraîné forcément un nouveau recul général de son front.
« Il était renseigné de longue date sur nos intentions offensives par les indiscrétions qui, depuis février, se donnaient à l’arrière chez nous libre cours et il avait pris les mesures pour y parer en renforçant ses effectifs en ligne et son artillerie et en rapprochant des secteurs d’attaque toutes ses disponibilités : soit 21 divisions (18 autres étaient en face des armées britanniques).
« Dès le début de la préparation, le temps était devenu fort mauvais, rendant précaires les réglages par avions. Finalement, l’attaque, ayant été pour ces raisons différée jusqu’au 16 avril, la préparation d’artillerie dura près de dix jours et, bien qu’elle eût ruiné les organisations allemandes de première ligne, elle se révéla cependant, par la suite, comme notoirement insuffisante sur les positions plus éloignées et en particulier sur tous les abris à contrepente ou les « creutes» peuplés de mitrailleuses. »
La journée du 16 avril. — « C’est dans ces conditions que, le 16 avril, à 6 heures, se déclencha l’attaque des 6e et 5e armées, depuis Soupir jusqu’à Courcy ; le 1er corps d’armée colonial de la 6e armée ne devant entrer en action qu’à 9 heures sur le plateau de Laffaux.
« Dès le début de la progression, l’ennemi, nombreux, se défendit avec acharnement et notre infanterie fut en butte au tir de nombreuses mitrailleuses établies soit en plein champ au dernier moment, soit sous des abris qui avaient échappé à notre artillerie.
« À la 6e armée, le corps de droite réussit avec peine à s’installer sur la crête du Chemin des Dames (à la ferme Heurtebise et à l’Ouest), mais sans pouvoir la dépasser. Les deux autres corps d’armée (6e et 20e) ne purent que prendre pied dans la première position ennemie et le 1er corps d’armée coloniale à l’ouest qu’enlever Laffaux et la ferme Moisy.

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Ordres pour le 17 avril. — « La 6e armée se bornera à terminer et à consolider la conquête des hauteurs au sud de l’Ailette afin d’assurer notre établissement définitif au nord de l’Aisne ».
Les opérations du 17 au 25 avril. — « Du 17 au 25 avril, la lutte continua acharnée, à la 6e armée notamment, où les opérations nous valurent des résultats appréciables : du 18 au 20, la pression exercée sur les deux faces du saillant de Condé-Vailly porta ses fruits ; le 21, il était complètement en notre pouvoir, de Braye-en-Laonnois au nord de Laffaux, après avoir été évacué assez précipitamment par l’ennemi ».

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Journées des 4 et 5 mai. — « Les 6e et 10e armées se portaient le 5 mai à l’assaut, depuis l’est de Vauxaillon jusqu’au plateau de Californie, et conquéraient :
« À l’ouest, le Moulin de LafIaux, saillant de la ligne Hindenburg enlevé brillamment par une division provisoire de cavaliers à pied (division Bréeard ) ;
« Au centre, la crête du Chemin des Dames, depuis la ferme Froidmont Jusqu’à l’ouest de Cerny ;
« À l’est, enfin, le plateau de Craonne ou de Californie. »

Le 15 avril, le régiment quitte Braine à partir de 22 heures pour occuper les positions d’attente qui lui sont assignées au bois d’Anzoy.

La marche de Braine au bois d’Anzoy par la piste B est rendue très pénible par le lourd chargement, l’obscurité profonde, l’incertitude du tracé de la piste et surtout l’état du sol complètement. détrempé ; elle prend toute la nuit.

Les 2e et 3e bataillons sont dans des tranchées en bordure du canal, le 1er à la lisière du bois d’Anzoy. Une compagnie indo-chinoise affectée au régiment stationne près du 2e bataillon.

Le 16, l’attaque est déclenchée au 6e corps d’armée ; la 12e division en deuxième ligne, devait enlever la 2e position ennemie (Chemin des Dames) et pousser ensuite sur le fort de Laniscourt.

Mais l’attaque ne progressant que lentement, le 54e est maintenu toute la journée et une partie de la nuit dans les places d’armes du bois d’Anzoy. Le 17, avant le jour, il se porte : état major et 1er bataillon à Saint-Mard, 2e bataillon au Rhu, 3e à la ferme de la Montagne ; il y séjourne les 17 et 18 avril.

Le 19, le régiment, en réserve de la 12e division, qui a relevé la division d’assaut, occupe jusqu’au 23 avril : état major, les creutes de la Bovette et Hansa, 1er bataillon, la Caverne de Coblentz, 2e bataillon les environs de la ferme de Cour Soupir, 3e bataillon, les carrières souterraines à 500 mètres sud de Cour Soupir.

Dans la soirée du 23 avril, le 54e relève le 350e régiment d’infanterie en première ligne : le 3e bataillon à l’est et à l’ouest de la ferme Certeaux ; le 2e bataillon à droite du 3e, à la tête du ravin conduisant à Ostel entre Certeaux et le château ruiné. Le poste de commandement du régiment est dans des creutes sur les pentes du ravin à 800 mètres d’Ostel.

Du 24 avril au 1er mai, les bataillons organisent le terrain en vue d’une reprise prochaine de l’offensive[34].

Le calme du début de l’occupation du secteur avait donné à tous la joie de parcourir un terrain conquis. Bien vite l’artillerie se remit en action, rendant chaque jour le secteur plus dangereux.

Le 30 avril, le lieutenant colonel des Essarts et le commandant Bonneterre, son adjoint, sont blessés grièvement par le même obus, au cours d’une visite du secteur du 2e bataillon.

Le 2 mai, le lieutenant-colonel Allard prend le commandement du régiment. Ce même jour, les 1er et 2e bataillon relevés vont, le 1er aux carrières sud de Cour Soupir, le 2e aux cavernes de Coblentz, Hansa et de la Bovette. Le 3e bataillon monte en ligne à l’ouest de la ferme Certeaux.

Pendant la nuit du 4 au 5 mai, les dernières dispositions sont prises pour l’attaque, qui aura lieu le 5 à 9 heures.

Carte N° 6 – L’AISNE. NORD (54e et 254e R.I.)
Carte N° 6 – L’AISNE. NORD (54e et 254e R.I.)

La confiance règne partout ; depuis près de huit jours, l’artillerie a préparé sans cesse et minutieusement le terrain ; les brèches du réseau apparaissent de plus en plus larges et nombreuses.

L’attaque a pour but de rejeter l’ennemi au delà de l’Ailette.

La 12e division d’infanterie attaque en deux groupes : à droite, deux bataillons du 67e régiment d’infanterie ; à gauche, deux bataillons du 350e régiment d’infanterie et le 3e bataillon du 54e. La zone d’attaque est limitée à droite par le canal prolongé par l’Éperon des Vaumaires, en liaison avec le 20e corps ; à gauche la 12e division est en liaison avec la 166e à l’ouest de l’Épine de Chevregny.

Les 1er et 2e bataillons du 54e avec le chef de corps sont réservés à la disposition du général commandant la division.

Le régiment est disposé ainsi qu’il suit :

Bataillon Poirée (3e) en ligne sur un front de 500 mètres environ à l’ouest de la ferme Certeaux entre le 350e et le 171e régiment d’infanterie ;

Poste de commandement du régiment sur la pente du ravin nord-ouest d’Ostel, à hauteur de la Croix sans tête.

Bataillon Decourbe (1er) au sud et au sud-est d’Ostel, non loin du poste de commandement du régiment (partie ouest de la tranchée d’Angora, ravins encaissés, anciennes tranchées).

Bataillon Weill (2e) dans les anciennes organisations allemandes de la partie ouest du bois de la Bovette, au nord de la caverne de Coblentz.

À 9 heures, le barrage d’artillerie fait un bond en avant ; aussitôt le bataillon Poirée sortant de ses retranchements lui emboîte le pas et dans un nuage de poussière progresse rapidement, sans que les Allemands surpris puissent opposer une résistance sérieuse. À 9 h. 18, le chemin des Dames est conquis. Poussant toujours de l’avant les groupes de tête atteignent bientôt la lisière des bois au nord de la route et s’emparent des anciens emplacements de batteries allemandes, sur les éperons qui dominent la vallée de l’Ailette. Il est 9 h. 35, le bataillon a atteint son premier objectif.

Mais là doit s’arrêter la progression. Le régiment de gauche a rencontré à la ferme de la Royère, une résistance opiniâtre qu’il n’a pu vaincre ; à l’est également, l’ennemi se maintient énergiquement dans la ferme Froidmont, devant le front du 67e régiment d’infanterie. Le 3e bataillon organise les positions conquises.

Dès 14 heures, le bataillon Weill, mis à la disposition du commandant du 67e régiment d’infanterie, est venu occuper la région de la tranchée de Gallipoli.

D’autre part, dans la soirée, le bataillon Decourbe se porte au Château ruiné et dans les tranchées voisines en soutien du 350e régiment d’infanterie.

Un violent orage éclate dans la soirée et fait contremander l’attaque par surprise que le 2e bataillon devait faire au petit jour sur la ferme Froidmont.

Le 6 mai, dès le jour, la 7e compagnie renforce en ligne à la Bascule, près de la ferme Froidmont, le 67e.

Vers midi, sans aucune préparation d’artillerie, les Allemands déclenchent par surprise une violente contre-attaque ; sur les positions conquises par le 350e régiment d’infanterie. Deux sections de la 11e compagnie se déploient immédiatement et soutenues par une section de mitrailleuses ouvrent un feu efficace qui arrête l’attaque.

À l’est, devant Froidmont, la situation est inchangée. À 14 heures Je bataillon Weill est chargé de porter notre front sur une ligne passant par la Bascule et la cote 175,6 au nord-est de la ferme Froidmont qu’il s’agit d’emporter ainsi que ses abords septentrionaux. L’attaque est fixée à 16 heures.

Le mouvement préparatoire des unités est rendu très difficile du fait des barrages incessants de l’ennemi. Notre préparation d’artillerie est peu intense. À 16 heures, la 5e compagnie n’est pas complètement en place ; cependant les éléments déjà arrivés partent à l’assaut, en liaison avec la 6e compagnie, mais ils sont accueillis par un feu de mitrailleuses très meurtrier pendant que l’artillerie allemande réagit violemment. En quelques instants, les pertes sont sensibles, pourtant on ne rétrograde pas ; chacun se terre dans un trou d’obus et attend ainsi la nuit pour organiser sur place une nouvelle première ligne[35].

Dans la nuit du 6 au 7 mai, le 2e bataillon du 54e relève entièrement sur ses positions de fin de combat le bataillon Jungbluth du 67e.

Le Général commandant la 12e division transmet à la division les félicitations du général commandant le 6e corps dans les termes suivants :

P. C. le 7 mai 1917.
Le Général commandant le 6e corps d’armée a manifesté au Général commandant la 12e division d’infanterie sa satisfaction au sujet de la façon brillante dont la division s’est acquittée de la mission qui lui avait été donnée.
L’attaque a été superbe, mais non moins admirable a été la ténacité avec laquelle les troupes d’Infanterie et du Génie, soutenues par une artillerie toujours en éveil, ont su conserver les gains réalisés malgré les furieuses réactions et les violents bombardements de l’ennemi.
« La 12e divisiona été à la hauteur de sa brillante renommée.
« C’est avec un légitime orgueil que son nouveau chef lui adresse, à son tour, ses félicitations et lui exprime son admiration.
« La fatigue est grande et les sacrifices qu’exigent de tels succès sont lourds. Le Général commandant la division est persuadé, néanmoins, que tout sera fait pour maintenir intact le terrain conquis jusqu’à l’arrivée prochaine des troupes de relève et pour leur transmettre la situation tout à fait précise. »
Le Général commandant la 12e division d’infanterie,
H. Penet.

Dans la nuit du 7 au 8 mai, le 1er bataillon relève le 3e sur ses positions de fin de combat au nord de l’Épine de Chevregny. Le 3e bataillon va stationner à la ferme Monthussart.

Dans la nuit du 8 au 9, les 10e et 2e bataillons sont relevés par des éléments de la 166e division d’infanterie.

Le régiment se regroupe le 10 : l’état-major et le 1er bataillon à Couvrelles et à la ferme Épritel, le 2e à la ferme de l’Epitaphe, le 3e, à la ferme Mont de Soissons.

Après quelques jours de repos, la 12e division fait mouvement par étapes pour se transporter dans la région nord de Château-Thierry.

Les cantonnements du régiment sont :

15 Mai : Villemontoire (E.-M. I), Vauxcastille II), Vierzy (III).
16 Mai : Cœuvres-et-Valsery (E.-M. II, III), Montgobert (1).
19 Mai : Saint-Rémy (E.-M. I, III), Blanzy II).
20 Mai : Macogny, Ferme Lessart (E.-M.), Cointicourt (I) ; Neuilly-Saint-Front (II), Ressons (III).
21 Mai : Veuilly-la-Poterie (E.-M.), Marigny-en-Orxois, Torcy (II), Bussiares (III).

Une période de repos et d’instruction commence ; le 25 mai, elle est interrompue pour le 1er bataillon qui est transporté en camions-autos dans la région de Chassemy, près de l’Aisne. Placé en réserve, il revient le 28 dans son cantonnement, sans avoir été engagé. L’état-major du régiment s’installe également à Marigny-en-Orxois.

Le 9 juin la 12e division se porte par étapes dans la région de Coulommiers. Les cantonnements du régiment sont :

9 Juin : Saint-Aulde (E.-M.), Charmizy (I), Montiébard (II) ; Chamont (III)
10 Juin : Signy-Signest (E.-M. III), Château de Bibartault et Villers (1) ; Petit Courrois (II).
11 Juin : Faremoutiers (E.-M. III), Hautefeuille (I), Saint-Augustin (II)
12 Juin : Château de la Fortelle, ferme du Plessis (E.-M.), Vilbert (I), Lumigny (II), Crèvecœur (III).

13 juin, la 12e division est transportée par voie ferrée dans la région de Corcieux pour occuper un secteur des Vosges.

Le 54e s’embarque en chemin de fer le 14 juin, à la gare de Fontenay-Trésigny ; il arrive à Corcieux en passant par Coulommiers, Vitry-le-François, Neufchâteau et Épinal.

XII. — DANS LES VOSGES[36]
(15 Juin-17 Décembre 1917.)

Le 15 juin 1917, le 54e régiment d’infanterie débarque à Corcieux-Vanémont, dans les Vosges. Agréable contraste, après les horizons illimités des secteurs crayeux de Champagne, des plaines boueuses de la Somme et de l’Aisne. Les premiers cantonnements, tapis dans la verdure au pied des hautes forêts de sapins, donnent l’impression que le séjour dans cette région sera des plus agréables.

Le 15, les cantonnements sont : Saint-Léonard (état-major), Saulcy-sur-Meurthe (1er bataillon), Sarupt (2e bataillon), et Rouges-Eaux (3e bataillon).

« Dès le 17, le 3e bataillon relève un bataillon du 116e régiment d’infanterie dans le centre de résistance de Croix-Charpentier près de Raon-l’Étape.

Le 18, les 1er et 2e bataillons relèvent deux bataillons du 298e régiment d’infanterie dans deux centres de résistance de la rive gauche de la Fave. Le poste de commandement du 1er bataillon est la ferme de Goutte-Morel, le poste de commandement du 2e au camp La Boisse à Croix-le-Prêtre. Le secteur apparaît très calme. Les habitants ne sont pas évacués même dans les maisons très rapprochées des lignes. Des abords de la cote 607, près de laquelle la 2e compagnie est en ligne, on aperçoit les habitants de Lusse et de Provenchères occupés à la fenaison dans la vallée de la Fave. Les Allemands circulent sans risques dans les rues des villages et sur les routes.

De notre côté, Wisembach où se trouve le poste de commandement d’une compagnie de première ligne est également habité. Quelques points ont cependant été le théâtre de violents combats car les arbres sont déchiquetés. Le séjour du régiment dans ce secteur se passe sans incidents.

Le 20 juin, le lieutenant-colonel Allard prend le commandement du secteur C. de la division de Saint-Dié. Le poste de commandement est à Ban-de-Laveline. La partie de ce secteur qui va du ravin de la Grande Cude à Lesseux est sous les ordres du commandant du bataillon de Croix-le-Prêtre : elle est occupée par les bataillons du 54e et un bataillon du 43e territorial dans le bois de Beulay.

Le 13 juillet, les 1er et 2e bataillons sont relevés par deux bataillons du 171e régiment d’infanterie (166e division) et cantonnent à Coinchimont (1er), Entre-deux-Eaux et Coinches (2e). Un détachement du régiment (capitaine Beyries et lieutenant Rattel)se rend à Paris avec le drapeau pour prendre part à la Revue du 14 juillet.

Après avoir gaiement fêté la fête nationale, l’état-major, les 1er et 2e bataillons se portent dans la nuit du 14 au 15, dans la région de Raon-l’Étape par une marche courte mais pénible. L’état-major s’installe à Raon-l’Étape, les deux bataillons n’y parviennent que le 16 au matin après avoir cantonné à La Voivre (1er) et à La Vacherie (2e).

À partir du 15 juillet le lieutenant-colonel commandant le 54e prend le commandement du secteur A de la division de Saint-Dié, de la hauteur dominant Senones jusqu’au point d’appui de Blanc Étoc sur la route de Badonviller. Le poste de commandement est à Raon-l’Étape.

Le secteur A est divisé en deux sous-secteurs : à droite, le sous-secteur des Ravines, dont le poste de commandement est à la scierie de Malfosse ; à gauche le sous-secteur de la Plaine dont le poste de commandement est à la mairie de Pierre-Percée.

Le sous-secteur de la Plaine comprend deux centres de résistance : celui de droite, appelé centre de résistance des Colins, l’autre, le centre de résistance de Croix-Charpentier. Chaque centre de résistance est occupé par un bataillon.

Une compagnie occupe chacun des deux points d’appui : Pilon des Colins et Couronné des Colins, dans le centre de résistance des Colins, chapelle de la Chapelotte et Blanc Étoc dans le centre de résistance de Croix-Charpentier.

Un bataillon, réserve de division, a son poste de commandement à Lajus dans des baraquements : ses compagnies sont à la Vierge du Haut-Port, au camp de Lajus et dans les baraquements de Pierre Percée.

Un bataillon est en réserve d’armée à Raon-l’Étape.

De tous les points du front occupé par le régiment c’est celui-ci qui laissera les meilleurs souvenirs.

Les relèves sont rudes quand il faut atteindre des cotes élevées avec le sac au dos. Mais le secteur est si calme ! Dans la vallée de la Plaine, Celles offre en première ligne l’aspect d’une petite ville de l’arrière. Bien que dominée de partout par l’ennemi, elle n’est pas évacuée par la population et son usine, à proximité des postes avancés, fonctionne comme en pleine paix. Solidement retranchés derrière d’épais réseaux de fils de fer, les autres secteurs de première ligne sont absolument calmes. Seule, la Chapelotte est un coin redouté. Sur cette hauteur, limitée par les deux énormes rochers « de droite » et « de gauche », de violents combats se sont déroulés avant notre arrivée, la guerre de mines y a creusé de profonds entonnoirs et l’ennemi continue à s’acharner sur les premières lignes où tombent fréquemment d’énormes torpilles. De temps en temps, un coup de main de part ou d’autre cause quelques pertes au régiment. Le centre de résistance des Colins, avec des tranchées à mi-hauteur d’une pente assez raide dont l’ennemi occupe le sommet, est lui aussi parfois agité.

Quant aux cantonnements, nulle part ailleurs le 54e n’en a connu d’aussi accueillants. La population qui a souffert de l’invasion aux premiers jours de la guerre est bienveillante, prévenante même pour la troupe. Charmante petite ville au bord de la Meurthe, Raon-l’Étape est un cantonnement idéal. Les autres villages où l’on séjourne, à tour de rôle : la Trouche, Pierre-Percée, sont également agréables.

Dans la vallée de la Plaine, les lignes avancées françaises et allemandes sont très éloignées l’une de l’autre. Fin août, un groupe franc composé en partie de volontaires est constitué dans chaque bataillon (au 1er bataillon sous les ordres du sous-lieutenant Delacourt, au 2e, sous les ordres du lieutenant Pinot). Leur mission est d’exécuter des patrouilles vers les lignes ennemies et de tendre des embuscades aux reconnaissances des Allemands. Ils réussissent plusieurs opérations intéressantes pour le service de renseignements.

Du 15 juillet au 9 août, les bataillons passent alternativement dix jours en ligne, dix jours en réserve de division, dix jours en réserve d’armée. Le 15 juillet, le 3e bataillon est à Croix-Charpentier, le 1er à Lajus, le 2e à Raon-l’Étape.

Le 9 août, les deux bataillons du 115e régiment d’infanterie territoriale quittant le secteur, le 3e bataillon du 54e va occuper le centre de résistance des Ravines.

Vers le 20 août, un coup de main ennemi sur les Colins échoue, les assaillants laissent deux cadavres, dont un brûlé par son lance-flammes, et du matériel.

Le 20 octobre, les Allemands déclenchent un violent bombardement sur la région de la Chapelotte et des Colins et sur Plerre-Percée avec de nombreux obus à gaz. Ce réveil dans un secteur calme où la plupart des abris sont des baraquements, cause quelques pertes. Nous rendons la politesse quelques jours plus tard. Le groupe franc du 2e bataillon (Lieutenant Pinot) fait à la faveur d’un vif bombardement une incursion dans les lignes allemandes ; des abris qu’il fouille et qui sont vides d’occupants, il ne rapporte que du matériel.

Carte N°8 – VOSGES, BAN-DE -LAVELINE (54e R.I.)
Carte N°8 – VOSGES, BAN-DE -LAVELINE (54e R.I.)


Carte N° 9 – VOSGES, RAON-L’ÉTAPE (54e R.I.)
Carte N° 9 – VOSGES, RAON-L’ÉTAPE (54e R.I.)


Le 3e bataillon passant le centre de résistance des Ravines à une autre unité, le 54e a désormais deux bataillons en ligne (centre de résistance des Colins et centre de résistance de Croix-Charpentier) et un bataillon à Raon-l’Étape. Les relèves se font tous les sept jours.

Les 16 et 17 décembre, le régiment, abandonnant à regret son secteur, est relevé par le 17e régiment d’infanterie et transporté en camions-autos dans la région sud de Rambervillers. Il cantonne a Grandvillers et Frémifontaine (2e bataillon).

XIII. — EN HAUTE ALSACE[37]
(20 Décembre 1917-24 Mars 1918.)

La 12e division, retirée du front, fait mouvement par étapes vers Remiremont, Luxeuil, la région de Belfort et Montbéliard. D’abord au repos et à l’instruction, elle est ensuite occupée à des travaux de défense à la frontière suisse.

Le déplacement s’effectue par un froid des plus vifs. L’étape Remiremont, Val d’Ajol est très difficile par suite du verglas, qui rend périlleuse la traversée de cette partie des Vosges. À partir de Raddon, une épaisse couche de neige couvre le sol. La traversée de Belfort, au cours de laquelle le régiment défile devant le monument des Trois Sièges, s’effectue par 25° au-dessous de zéro.

Au cours de ces étapes, les cantonnements occupés sont les suivants :

20 Décembre : Arches et Archettes (E.-M., 1er bat.) ; Mossoux (2e bat.), La Baffe (3e bat.)
21 Décembre : Remiremont (E.-M. II, III) ; Saint-Nabord et Longuet (I).
22 Décembre : Val d’Ajol (E.-M. II, III) ; Faymont (I).
24 Décembre : Raddon (E.-M.), Brenchotte (I), La Proislière (II), Amage-Fessay, (III).
25 Décembre : Mélisey (E.-M. I), Montessaux (II), Saint-Barthélemy (III).
26 Décembre : Champagney (E.-M. II), Plancher-Bas (I) ; Magny (III).
27 Décembre : Essert-en-Bavilliers (E.-M. III), Chalonvillars (I et II).
28 Décembre : : Bessoncourt (E.-M. I), Denney (II), Roppe (III).

C’est dans ces derniers cantonnements tout proches de Belfort que commence pour le régiment l’année 1918. Le séjour s’y passe calmement ; par suite du grand froid on travaille peu.

Le 7 janvier, le régiment fait mouvement : le 1er bataillon cantonne à Méziré, le 2e à Bourogne, le 3e à Méroux.

Le 8, le 1er bataillon restant à Méziré, l’état-major cantonne à Delle avec la 7e compagnie et la 2e compagnie de mitrailleuses ; les 9e et 5e compagnies sont à Florimont, la 6e et l’état-major du 2e bataillon à Thiancourt, la 10e compagnie et l’état-major du 3e bataillon à Faverois et Courtelevant, la 11e et la 3e compagnie de mitrailleuses, à Courcelles, à proximité de la frontière suisse. Le froid reste vif ; à partir du 11, c’est le dégel. Le 15, après un séjour d’une semaine dans ces cantonnements, le 54e est appelé à effectuer des travaux de défense en deuxième ligne et le long de la frontière suisse. L’état-major du 2e bataillon, la 6e compagnie (lieutenant Renard) et la section de discipline de la division (lieutenant Burillon) vont cantonner à Hindlingen (Alsace) pour y travailler à la deuxième position.

Le 26 janvier, le 1er bataillon relève le 3e dans ses cantonnements et son secteur de travaux : 1re compagnie à Floririmont, 2e et 1re compagnie de mitrailleuses à Faverois, 3e à Courcelles. Le 3e bataillon se rend à Méziré, puis relève le 2e bataillon qui vient à Méziré pour une semaine de repos et d’instruction et prolonge son séjour pour l’aménagement d’un terrain d’aviation entre Méziré et Morvillars.

Le 9 février, l’état-major du régiment quitte Delle pour s’installer à Morvillars.

Le séjour dans ce secteur se prolonge jusqu’au 11 mars. Il est marqué par une visite du général Pétain et de M. Clemenceau.

Le 11 mars, le 54e fait mouvement avec la 12e division vers le camp de Noroy-le-Bourg.

Les cantonnements sont :

11 Mars : Audincourt (E.-M.), Etupes et Exincourt (1er bat.), Audincourt et Taillecourt (2e bat.), Méziré (3e bat.).
12 Mars : Colombier-Fontaine (E.-M.), Saint-Maurice, Longevelle-sur-Doubs (1er), Longevelle-sur-Doubs, La Prêtière (2e), Colombier-Fontaine, Saint-Maurice-Echelotte (3e).
13 Mars : Fallon (E.-M.), Abbemans (1er et 2e), Bournois 3e).
16 Mars : Mollans (E.-M. 3e), Pomoy (1er), Genevreuille 2e).

À Partir du 16 mars, le régiment est à l’instruction et prend part à plusieurs manœuvres de division.

À la fin du séjour, la grande offensive allemande sur les Anglais se déclenche : sa réussite laisse présager un prochain déplacement. En effet, le 25 arrive l’ordre de départ.

La division va collaborer activement à l’arrêt de l’offensive allemande.

XIV. — EN PICARDIE[38]
(28 Mars-11 Avril 1918.)

À Partir du 25 mars, la 12e division est transportée par voie ferrée dans la région de Montdidier, que l’ennemi menace.

Le 26 mars, le 54e s’embarque en chemin de fer à Vesoul. Pour nuire aux mouvements de troupe, l’ennemi a bombardé les gares du réseau de l’Est, retardant l’arrivée des renforts.

Le 28 mars, le régiment débarque à Estrées Saint-Denis et à Verberie (1er). Il y apprend que Compiègne est de nouveau évacué par la population. Les autos-camions l’amènent aux cantonnements de Tartigny (état-major, 3e bataillon), Beauvoir (2e bataillon), et Bonvillers (1er bataillon).

Dans la nuit du 28 au 29, l’état-major et deux compagnies du 1er bataillon vont à Broyes, les 2e et 3e bataillons à Villers-Tournelle ; la 2e compagnie est détachée dans le ravin en avant de Le Cardonnois. Dans la soirée du 29, le 2e bataillon est mis à la disposition du lieutenant-colonel commandant le 10e groupe de bataillons de chasseurs pour appuyer la défense de Cantigny et de Fontaine-sous-Montdidier.

Malgré la belle défense de ces deux villages par le 2e bataillon l’ennemi parvient à s’en emparer dans la soirée, mais ne peut pousser au delà. Le régiment relève avec ses deux bataillons restants les éléments fatigués de la 56e division d’infanterie qui encadrent le 2e bataillon.

Le poste de commandement du 54e est porté à Villers-Tournelle.

Le 3e bataillon est en ligne face à Cantigny, le 2e est à sa droite dans les bois à l’ouest de Fontaine-sous-Montdidier, le 1er en réserve à Villers-Tournelle, où la 2e compagnie ne le rejoindra que le 31 mars.

Le régiment organise activement une ligne de défense ; l’offensive ennemie est arrêtée devant son front. L’ennemi porte maintenant, mais en vain, son effort plus au Nord, dans la région Grivesne-Moreuil.

Le 5 avril, une attaque, menée par un groupe de bataillons d’infanterie légère d’Afrique de la 45e division, a lieu en direction de Cantigny et de la cote 104 en partant des positions occupées par le 54e ; elle échoue. À la droite de cette attaque le 1er bataillon du 54e qui a relevé le 2e agit en liaison dans la direction du Château (sans nom), à l’ouest de Fontaine-sous-Montdidier.

L’attaque du 1er bataillon (commandant Decourbe) rapidement menée à travers le bois du Château, atteint tous ses objectifs. Le peloton d’engins d’accompagnement (lieutenant Duval-Arnould) a aidé à la réussite de cette opération en détruisant plusieurs mitrailleuses. Une vingtaine de prisonniers sont capturés par le bataillon qui ne subit pas de grosses pertes : 3 tués, 21 blessés (dont le sous-lieutenant Delacourt).

La 12e division qui a, une fois de plus, endigué la poussée ennemie est retirée du front et transportée par voie ferrée en Lorraine.

Le 54e est relevé dans la nuit du 7 au 8 avril par des zouaves de la 45e division d’infanterie et va cantonner à Le Saulchoy-Gallet (état-major et 2e bataillon), Paillard (1er bataillon) et Breteuil (3e).

Le 9 avril, le 1er bataillon rejoint l’état-major et le 2e bataillon à le Gallet.

Le 11 avril, le régiment cantonne à Bucamp et Wavignies. Il s’embarque en chemin de fer le 12 à la gare de Saint-Just-en-Chaussée, non sans y recevoir quelques obus qui ne font heureusement pas de victimes.

À la suite des combats de Picardie, le régiment est l’objet de la citation suivante à l’ordre du corps d’armée.

Ordre du 6e Corps D’armée n° 24.
« Sous le Commandement du Lieutenant-colonel Allard, a montré dans les journées du 30 mars au 6 avril 1918 une ténacité et un esprit d’offensive magnifiques, qui ont arrêté net la poussée d’un ennemi supérieur en nombre et résolu à percer ; a réussi à le repousser sur plusieurs points en lui enlevant des prisonniers et des mitrailleuses. »
Le 13 avril 1918.
Le Général commandant le 6e Corps d’armée.
De Mitry.
XV. — EN LORRAINE[39]
(13 Avril-18 Juillet 1918.)

Le 54e débarque le 13 avril 1918 à Thaon-les-Vosges, près d’Épinal. Il va cantonner à Padoux (état-major et 3e bataillon), Bult, et Vomécourt (1er bataillon), Destord (2e bataillon) et Pierrepont sur l’Arentèle (2e compagnie de mitrailleuses).

À Partir du 19 avril, la 12e division occupe un secteur dont le poste de commandement est à Saint-Clément.

Le régiment se porte en ligne, où il va relever le 168e régiment d’infanterie, en cantonnant : le 3e bataillon, le 20 avril, à Domptail, le 21 à Domjevin, en réserve de sous-secteur.

Le reste du régiment cantonne le 21 à Fontenoy-la-Joute.

Le 22 avril, la relève a lieu et le 54e est réparti ainsi :

Poste de commandement à Domjevin, 1er bataillon en première ligne à l’est de Blémerey, 3e bataillon à sa gauche, au nord-est de Reillon, 2e bataillon réserve de sous-secteur à Domjevin.

Le secteur est calme, le régiment va y passer trois mois agréables. Néanmoins, quelques jours après son arrivée, le 3 mai, le 3e bataillon (commandant Gay), effectue dans les lignes ennemies une reconnaissance préparée par l’artillerie. Le succès en est payé par 8 tués et 16 blessés. Pour ce coup de main, le 2e bataillon avait remplacé le 3e en ligne. Le 5 mai, le 2e bataillon occupe le secteur de Frémenil.

Le 9 mai, le 1er bataillon, relevé par un bataillon du 350e régiment d’infanterie, va occuper le centre de résistance des Chasseurs au sud-est de Badonviller pour faire la liaison entre le secteur de Baccarat, tenu par les Américains et le secteur de Raon-l’Étape, à droite (centre de résistance de Croix-Charpentier tenu par le régiment en 1917).

Le 10 mai, le reste du régiment relevé par le 350e régiment d’infanterie occupe les positions de réserve du secteur de Saint-Clément : état-major à Chenevières, 2e bataillon à Mesnil-Flin, 3e bataillon à Laronxe.

Du 20 au 31 mai, le 2e bataillon remplace le 1er dans le centre de résistance des Chasseurs.

Le 1er juin, le régiment relève le 67e régiment d’infanterie dans le sous-secteur d’Ogéviller, sous-secteur de droite du secteur de Saint-Clément.

Le poste de commandement du sous-secteur est à Ogéviller.

Le 1er bataillon est en ligne à gauche dans le centre de résistance de Saint-Martin, le 3e à droite dans le bois Banal, centre de résistance d’Herbéviller (poste de commandement du château de la Noye).

Le 2e bataillon, relevé par le 1er bataillon du 165e régiment d’infanterie américain, arrive le 2 à Ogéviller ; il y est en réserve et peut être appelé à occuper la ligne 2 ou à contre-attaquer ; il fournit des travailleurs pour aménager la ligne 2, deux compagnies cantonnent à Ogéviller, une à Pettonville, la compagnie de mitrailleuses à Réclonville.

À partir de cette date les unités ne se relèvent qu’à l’intérieur du régiment, qui a toujours deux bataillons en ligne, un en réserve. Le secteur n’est pas fatigant et les localités où cantonne le bataillon de réserve sont encore habitées.

Le 24 juin, la division prend un dispositif en profondeur : le bataillon de réserve reste à Ogéviller pour l’occupation de la ligne 2 en cas d’alerte, mais le poste de commandement du régiment est transféré à Buriville.

À partir du 15 juillet, la 12e division est retirée du front et se rassemble autour de Charmes en vue d’un embarquement prochain en chemin de fer. Le 54e, relevé par le 219e régiment d’infanterie est enlevé en camions-autos et cantonne à Villacourt (état-major et 3e bataillon), Froville (1er bataillon), Haigneville et Brémoncourt (2e). Dans la soirée du 18, il s’embarque en chemin de fer à Einvaux par une nuit orageuse où le grondement du tonnerre se mêle à celui du canon lointain pendant que circulent des bruits de victoire. Vers la fin du voyage, dans la nuit du 19 au 20, les trains sont bombardés par avion, sans dommage, et le 20, le régiment débarque à Betz et à Nanteuil-le-Haudoin.

XVI. — DANS L’AISNE[40]
(20 Juillet-4 Octobre 1918.)
LA BATAILLE SUR LE PLATEAU DE VIERZY
La Contre-offensive française. — « Le 17 juillet le Haut Commandement allié lance les ordres d’exécution pour le lendemain 18 :
1° Sous les ordres du Général Fayolle, commandant le groupe d’armées réserve.
Les 6e et 10e armées (Généraux Degoutte et Mangin) attaqueront en direction d’Oulchy-le-château.
2° Sous les ordres du Général Maistre, commandant le groupe d’armées du centre.
La 5e armée (Général Berthelot), reconquerra le terrain perdu entre Reims et la Marne.
La 9e armée (Général de Mitry) nettoiera la rive sud de la Marne.
Ainsi l’ennemi, enserré dans une formidable tenaille, n’allait pouvoir en sortir que par un recul précipité.
La 10e armée (16 divisions, 4 corps d’armée : 1er, 20e, 30e, 11e), est chargée de l’effort principal ; trois nuits à peine ont suffi pour amener les moyens à pied d’œuvre et les dissimuler dans la forêt de Villers-Cotterets (470 batteries, 375 chars d’assaut). En outre, le 2e corps colonial et 2 divisions anglaises sont en réserve.
Journée du 18 juillet. — Le 18 juillet à 4 h. 30 du matin, sans préparation d’artillerie, précédée de ses chars d’assaut Renault, la 10e armée déclanche son attaque et entre comme un coin dans le flanc allemand. Presque d’un seul élan, elle progresse de 7 kilomètres en profondeur, portant sa gauche devant Soissons, son centre au delà de Chaudun, sa gauche à Noroy-sur-Ourcq.
La 6e armée (Degoutte), au sud de l’Ourcq, après une préparation d’une heure et demie, s’élance à son tour et progresse rapidement jusqu’à l’est de Marizy-Saint-Mars, Courchamps et Belleau.
L’ennemi, complètement surpris, a peu réagi. Nos pertes sont légères et le butin considérable (12.000 prisonniers, 400 canons).
Du 19 au 21 juillet. — Malgré la réaction allemande devant Soissons, qui fait perdre quelque terrain à la gauche de la 10e armée, la progression est générale sur tout le front jusqu’à la Marne et, le 21, la 10e armée avait atteint les revers orientaux des plateaux du Soissonnais jusqu’auprès d’Oulchy-le-Château.

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La résistance ennemie sur les plateaux du Tardenois. — Assailli sur trois fronts, l’ennemi défend désespérément les flancs de sa retraite pour sauver son matériel de cette poche où ses communications sont menacées. Et chaque jour il appelle de nouveaux renforts pour étayer les deux bastions dont la résistance le sauvera du désastre, Soissons et les hauteurs de la Crise à l’ouest, Ville-en-Tardenois et les hauteurs de l’Ardre à l’est.

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Des plateaux à l’ouest de la Crise jusqu’aux hauteurs de Bligny, la bataille est acharnée. Fère-en-Tardenois succombe le 28, mais à Seringes, Sergy, Villers-Hagron, nos efforts restent infructueux et ces villages son maintes fois pris et reperdus. La bataille semble arrivée à son point mort.
Mais le 30 juillet, la 10e armée prépare un nouveau coup de bélier ; le 1er août, avec les 30e et 11e corps, elle prononce à sa droite un puissant effort en direction du plateau d’Arcy-Sainte-Restitue, pour déborder la Crise par le sud. La brèche ouverte au nord-est de Grand-Rozoy, se propage de proche en proche jusqu’à Soissons, dont s’empare le 1er corps. En fin de journée, le 2 août, la Crise était franchie sur tout son parcours.
Le succès de la 10e armée est de nouveau le signal de l’offensive générale, la 6e armée progresse vigoureusement de part et d’autre de la voie ferrée d’Oulchy à Fismes.
Plus à l’est, la 5e, qui s’est emparée de Villers-Hagron et de Ville-en-Tardenois, dépasse la ligne générale Coulonges-Verzilly-Geux-Thinois.
La poussée vers la Vesle. — Dès lors, c’est la victoire et la poursuite. Et pressé vivement par nos colonnes, l’ennemi se retire précipitamment sur la Vesle et sur l’Aisne, à l’ouest de Soissons, incendiant ses approvisionnements, faisant sauter ses dépôts de munitions et ses ponts.
Le 3 au soir, nous bordions déjà l’Aisne et la Vesle sur presque tout son parcours. Le lendemain, Fismes était enlevé.
Le 4 août, l’opération pouvait être considérée comme terminée et la poche de Château-Thierry était vidée définitivement. Mais les Allemands semblaient résolus à tenir au nord de la Vesle et, devant les difficultés du franchissement de la rivière dont tous les ponts étaient détruits, le commandement, pour éviter les pertes inutiles, décida de s’en tenir à ces premiers résultats. On s’organisa donc sur ces nouvelles positions en attendant que les armées prissent ailleurs l’initiative de nouvelles opérations.
Carte N° 10
Carte N° 10
Carte N° 7 – L’AISNE SUD
Carte N° 7 – L’AISNE SUD
Ainsi se terminait en magnifique succès la bataille qu’on a déjà appelé « la Deuxième victoire de la Marne » : 35.000 prisonniers, 800 canons capturés, Soissons et Château-Thierry reconquis, Paris dégagé, notre grande voie ferrée de l’Est rétablie, notre front raccourci de 45 kilomètres, enfin l’avortement du plan grandiose de l’ennemi et le renversement de la situation générale, étaient les prodigieux et premiers résultats « d’une manœuvre aussi admirablement conçue par le Haut Commandement que superbement exécutée par des chefs incomparables[41] ».

Le 20 juillet, après son débarquement, le régiment est allé cantonner à Bargny, et Ormoy-le-Davien (3e bataillon).

Le 21, il s’embarque en camions-autos et va bivouaquer aux lisières nord-ouest de la forêt de Villers-Cotterets, sur les positions de départ de notre offensive du 18.

Une partie de la journée du 22 se passe en forêt ; vers le soir, l’état-major du régiment et les 1er et 2e bataillons vont cantonner a Soucy où ils arrivent par la pluie, après avoir traversé un terrain qui porte les traces des combats récents. Le 3e bataillon, mis à la disposition du 20e Corps d’armée[42] (10e armée), bivouaque dans les ravins boisés de l’ouest de Vauxcastille.

Le 23 juillet, le régiment relève le 412e régiment d’infanterie sur ses positions de fin de combat au nord et à l’ouest de Tigny, sur la ligne générale : Râperie de Villemontoire, Parcy-Tigny ; le 3e bataillon (capitaine Biancardini) est en première ligne. Les deux autres bataillons, par la forêt, la ferme de Vertefeuille et la ferme de Beaurepaire se rendent dans l’après-midi : le 1er bataillon en réserve dans le ravin sud de la ferme de Beaurepaire, le 2e en soutien dans le ravin est de Vauxcastille. Le poste de commandement du régiment est à Vierzy, où le 2e bataillon va en entier dans l’après-midi du 24. Dans la soirée, la 2e compagnie de mitrailleuses est mise en batterie sur le plateau, réserve de feux à la disposition de l’infanterie divisionnaire.

Le 25 juillet, au jour, le 2e bataillon se place en réserve autour du poste de commandement du 3e bataillon (1 kilomètre à l’est de Vierzy, cote 132). Le soir, les 5e et 7e compagnies sont envoyées à l’ouest de la Râperie. L’ennemi bombarde copieusement avec des pièces de petit calibre placées sur sa première ligne et nous occasionne des pertes[43].

Le 26, le dispositif du régiment est resserré sur l’avant : le 3e bataillon s’étend au nord dans la direction de Villemontoire, le 1er bataillon va en réserve de division dans le ravin de Vauxcastille, le 2e bataillon relève dans la nuit la droite du 3e bataillon et le bataillon Costeur du 350e régiment d’infanterie.

Le 28 juillet, un nouveau dispositif est pris en vue de la reprise prochaine de l’offensive. En première ligne, le 2e bataillon est face au sud-est, devant les mamelons boisés au nord de Tigny. La 5e compagnie relevée par des Écossais (compagnie D. du 9e Royal Scotch) va à Vierzy. Le 1er bataillon est face à l’est, devant Tigny, le 3e en réserve à Vierzy.

Dans la nuit du 29 au 30, la 5e compagnie se place à la droite du 2e bataillon, prenant un peu de la gauche du 1er bataillon, relevé cette même nuit par le bataillon Dumont, du 67e régiment d’infanterie pour occuper les positions de soutien de la cote 132.

Dans la nuit du 31 juillet au 1er août, le 1er bataillon reprend ses emplacements, face à Tigny.

La période qui vient de s’écouler a fatigué le régiment : les nuits courtes laissent à peine le temps d’exécuter les mouvements prescrits, de se retrancher et de se ravitailler. Les bombardements copieux par obus de petit calibre sont fréquents. Il fait très chaud et les mouches abondent. Des cadavres d’Américains gisent çà et là dans la plaine. Quelques chars d’assaut sont en panne : leurs équipages essaient chaque nuit de les ramener.

L’attaque générale est ordonnée pour le 1er août. Le régiment doit attaquer en direction générale de l’est, après réussite de l’attaque du 30e corps d’armée, à droite, sur l’Orme de Grand-Rozoy. À gauche du 2e bataillon du 54e l’attaque doit être menée par le 9e Royal Scotch. Au 2e bataillon (commandant Weill), la 5e compagnie (capitaine Lecomte) doit s’emparer du mamelon qui domine Tigny au nord et progresser jusqu’à la route de Soissons à Chateau-Thierry, suivie de la 7e compagnie, la 6e compagnie étant réserve d’infanterie divisionnaire. Le 2e bataillon a été renforcé des mortiers Jouandeau-Deslandres. L’heure H est fixée à 9 heures. Les obus fumigènes des mortiers du lieutenant Duval-Arnould et les rafales de la 2e compagnie de mitrailleuses permettent à la 5e compagnie, entraînée par ses officiers, de sortir de sa tranchée et d’atteindre les pentes du mamelon, mais elle est bientôt clouée sur place par les feux de mitrailleuses qu’une faible préparation d’artillerie n’a pas détruites et que le barrage roulant commencé trop loin n’a pas aveuglées[44].

À droite, le 1er bataillon (commandant Decourbe) a pu dès le début parvenir à la lisière est de Tigny, mais une contre-attaque immédiate l’en chasse, tandis que les mitrailleuses du mamelon nord de Tigny prennent les assaillants de flanc et leur causent de lourdes pertes[45].

Les Écossais ne sont pas plus heureux : vagues d’assaut et réserves sont mitraillées sur le glacis qui descend vers l’ennemi. Une deuxième attaque, fixée à 14 heures, puis à 15 heures, n’obtient pas plus de succès.

La journée se passe dans les éléments de tranchées, un peu masqués par les blés et les avoines qui brûlent par endroits. La chaleur est accablante et cependant les masques ne peuvent être quittés à cause du violent bombardement par obus à gaz. Des mitrailleuses aux aguets rendent difficiles les déplacements.

Le 3e bataillon (capitaine Sabatier) est mis à 18 heures à la disposition régiment d’infanterie pour appuyer son attaque sur le Plessier-Huleu.

Le bombardement se prolonge dans la nuit du 1er au 2. Malgré l’épuisement de cette dure journée, des patrouilles sont envoyées vers les lignes ennemies : elles reçoivent des coups de fusil. Vers la fin de la nuit, le calme est absolu. Au petit jour, le 2 août, on s’aperçoit qu’il n’y a plus personne devant nous. La poursuite est entamée aussitôt par les deux bataillons en ligne qui, en fin de journée, restent en réserve avec l’état-major du régiment aux lisières nord du bois d’Hartennes, pendant que le 3e bataillon continue vers Chacrise.

Le poste de commandement du régiment est au château ; les 1er et 2e bataillons bivouaquent sous bois où arrivent quelques obus isolés, tirés de très loin. La nuit est marquée par un violent orage. Dans la matinée du 3 août, pendant que le 3e bataillon poursuit sa marche vers la Vesle, le reste du régiment se porte dans le ravin au nord-est de Chacrise. Le soir, il relève le 3e bataillon et le bataillon de Nouaillan du 350e sur leurs positions de fin de combat. Le 1er bataillon est en ligne à Ciry-Salsogne, le 2e bataillon en soutien dans les anciennes tranchées du plateau au nord-est de Serches ; le 3e vient dans le ravin nord-ouest de Couvrelles. Le poste de commandement du régiment est à Serches en face de l’église.

La région est à peu près vide de ses habitants ; les Allemands ont opéré des destructions et miné ou ypérité les creutes qui pouvaient nous servir d’abris. C’est ainsi que deux jours après notre arrivée, l’église de Ciry-Salsogne saute en même temps que la rue qui la borde. Le 8, une creute occupée par trois sections de la 2e compagnie et un détachement de la 6e compagnie du 1er génie, saute et ensevelit une partie de ses occupants (dont le capitaine Champlon, adjudant-major du 1er bataillon).

Le 5 août, le 3e bataillon est à Vasseny : il tente sans succès le passage de la Vesle à hauteur de Quincampoix ; le 2e bataillon relève le 1er à Ciry. Le lendemain, le 3e bataillon va en réserve de division à Chacrise ; dans la soirée du même jour, un détachement mixte du 68e régiment d’infanterie et du 54e (section Janvier, de la 7e compagnie), s’empare de la station de Ciry-Sermoise, le 7 une contre-attaque allemande sur la station échoue.

Le 8, le 1er bataillon relève le 2e qui va en réserve sur le plateau.

Le commandement renonçant momentanément à poursuivre le forcement de la ligne de la Vesle, le secteur est organisé. Le 9 août, le 54e s’étend vers l’Ouest : il occupe un front allant de Salsogne inclus aux bois à l’ouest de Sermoise inclus, avec deux bataillons en ligne : le 1er est à droite jusqu’à la station de Ciry-Sermoise ; le 2e à gauche a relevé un bataillon du 68e régiment d’infanterie et installé son poste de commandement et sa compagnie de réserve dans la carrière de la ferme Saint-Jean. Le 3e bataillon est en réserve dans le ravin de Serches.

Le 14 août, le régiment s’échelonne de nouveau en profondeur ; il a un bataillon (3e en ligne, de Salsogne aux bois ouest de Sermoise, un bataillon en réserve à Dhuizy (2e et un en réserve de division à Chacrise (1er).

Le lieutenant-colonel Allard, malade, est évacué.

Le 18 août, le 3e bataillon relevé en première ligne par le 1er, va à la Rue du Moulin.

Le 19 août, le 2e bataillon va à Chacrise. Ce même jour, un coup de main est tenté par les Allemands, à la tombée de la nuit, sur un poste de la 2e compagnie, au passage à niveau de Sermoise. Il est repoussé à la grenade et les assaillants laissent quelques hommes sur le terrain.

22 août, le 2e bataillon relève le 1er en ligne, il revient le 27, à la Rue du Moulin, relevé par le 3e.

Le 25 août, le Lieutenant-colonel Delacroix prend le commandement du 54e.

Le 28 août, le régiment est alerté pendant que nous attaquons à gauche : la 10e armée reprend l’offensive, l’Aisne sera traversée dès que les progrès des corps attaquant à notre gauche le permettront.

LE PASSAGE DE L’AISNE, LA BATAILLE SUR LE PLATEAU
ET LES PENTES DE L’AISNE[46]
« L’ennemi espérait tenir quelques temps sur ces positions, pendant qu’à l’arrière, on poussait activement les travaux dans l’ancienne ligne d’Hindenburg et que, plus à l’Est, se créaient de nouvelles organisations.
Mais le commandement allié déjoue ce calcul en engageant de nouveau la bataille aux deux ailes. Tandis qu’au Sud, l’armée Mangin va refouler irrésistiblement les forces ennemies jusqu’au massif de Saint-Gobain et atteindra la ligne Hindenburg, au Nord une nouvelle et puissante offensive des armées anglaises va déborder le système fortifié de l’adversaire. Cette double manœuvre contraindra les Allemands à un repli général vers leur ancienne ligne de 1917.
Le 30, la 10e armée franchit l’Ailette en même temps qu’elle refoule l’ennemi au nord-est de Soissons et s’empare de Chevigny et de Juvigny, puis le lendemain de Crécy-au-Mont. Bien que la résistance de l’ennemi s’accentue, elle élargit encore ses gains les jours suivants, enlève le 5 septembre Coucy-le-Château. Finalement le 8 septembre, sa gauche déborde, le massif de Saint-Gobain, tandis que par sa droite, elle s’est avancée sur les plateau entre Aisne et Ailette, à l’est de Vauxaillon-Laffaux, et a rejoint l’Aisne à Celles-sur-Aisne.
L’avance de la 10e armée a aussitôt sa répercussion sur le front de la Vesle que tient la 5e armée ; dès le 4, nos troupes franchissent la rivière sur un front de 30 kilomètres et gagnent 4 kilomètres en profondeur.
Le 6, elles bordaient l’Aisne jusqu’à la hauteur de Vieil-Arcy et, par Revillon et Breuil, se raccordaient à l’est à l’ancien front sur la Vesle.

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Dès la fin d’août, le Maréchal commandant en chef, tenu au courant de la situation de l’armée allemande par les renseignements du deuxième bureau du grand quartier général, estimait que l’heure approchait où la désorganisation et la fatigue des forces adverses seraient telles, qu’un assaut général amènerait la défaite de l’ennemi.
Tous ses efforts tendent donc à organiser cette offensive, et il en fixe le grandes lignes dès les premiers jours de septembre.
Mais pour le moment, il convient d’abord de rejeter plus complètement encore l’ennemi sur ses positions dont il escompte l’appui pour soutenir une longue guerre défensive et de nous assurer sur tout le front une base le départ permettant le déclanchement d’une offensive générale : ce sera le but des opérations du mois de septembre, caractérisé par :
1° La réduction de la poche de Saint-Mihiel par les Américains (12-13 septembre) ;
2° La lutte des armées alliées du centre dans les avancées de la ligne Hindenburg (12-15 septembre).

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La 10e armée a continué, à partir du 14, sa pression en direction de Laon. Le 20, après une lutte acharnée, elle avait pris pied sur les plateaux à l’est de Vauxaillon, d’Allemant et du Moulin de Laffaux et, tandis qu’elle occupait Vailly-sur-Aisne, elle entamait déjà, par la prise du bois Mortier, le sud du Massif de Saint-Gobain, le pilier d’angle de la ligne Hindenburg »

Le 29 août, le régiment est encore alerté.

Le 30, il prend un nouveau dispositif orienté face à Missy-sur-Aisne en vue de la traversée de l’Aisne : en première ligne, 1er et 2e bataillons : 1er (commandant Decourbe) à Sermoise, 2e (commandant Weill) à l’ouest de Sermoise, au bord de l’Aisne, poste de commandement dans le bois de Saint-Médard. Le poste de commandement. du régiment est aux carrières Saint-Jean.

Le 2 septembre, le 3e bataillon (commandant Troupeau) en réserve à Chacrise relève le 1er qui va à Dhuizy.

Le 4 septembre, l’ordre est donné au 2e bataillon de franchir Aisne dans la journée. Le matériel préparé en face de la ferme de la Bisa par le génie est transporté 200 mètres plus en aval, en un point mieux masqué des hauteurs tenues par l’ennemi et où le passage se fera. Le 2e bataillon est renforcé par la 3e compagnie de mitrailleuses et par le peloton d’engins d’accompagnement, qui, avec la 2e compagnie de mitrailleuses et des équipes de fusiliers-mitrailleurs couvriront le passage. À 14 h. 20, deux radeaux (sacs remplis de paille) sont jetés à l’eau et une patrouille de la 5e compagnie (caporal Leroy, soldats Thalamas, Goulette, Lagache et Perrier), accompagnée d’un sous-officier du génie, qui prend place sur le premier radeau, atterrit sur la rive droite de l’Aisne. Un petit poste ennemi de cinq hommes se rend, il est ramené vers la rive gauche sur les radeaux, qu’il aide à manœuvrer. La 5e compagnie traverse tout entière. À 15 heures, elle a fait 12 prisonniers avec des fusils mitrailleurs.

La ferme de la Bisa est prise. À 18 heures, la plus grande partie du 2e bataillon est sur la rive droite ; l’artillerie allemande a commencé son tir sur les environs du point de passage primitivement choisi en face de la Bisa ; dans la soirée elle intensifie son bombardement qui nous cause des pertes, dont le lieutenant Étienne de la 2e compagnie de mitrailleuses, tué, et le lieutenant Tricot, commandant la 7e compagnie, blessé. Pendant la nuit, le génie construit néanmoins une passerelle commencée sous les obus, terminée dans le calme. Le 3e bataillon nettoie la boucle entre Aisne et Vesle. Le 1er bataillon vient dans le bois de Saint-Médard.

Le 5 septembre, dès le lever du jour, le 2e bataillon se porte en avant ; à 6 h. 30, il a dépassé Missy et se dirige sur le Fort de Condé, couvert au bas de la pente par la 11e compagnie (lieutenant Cargou) et cherchant la liaison à gauche avec le bataillon Costeur du 350e régiment d’infanterie.

Le 3e bataillon franchit l’Aisne et s’installe en avant de Missy, à cheval sur la route de Condé. Le 1er bataillon vient en réserve à Missy. À 12 h. 45, le 2e bataillon est sur le plateau du Fort de Condé. La 5e compagnie tient le boyau de Breslau, la 6e et la 7e sont à sa droite, la 11e compagnie entre le bas des pentes et l’Aisne.

La marche en avant n’a été retardée que par quelques nids de mitrailleuses. Le bataillon s’arrête pour tenir la ligne atteinte.

Vers 14 heures, les deux artilleries entrent en action[47]. Dans la nuit du 5 au 6, le 2e bataillon est relevé par le 3e et vient à Missy.

Le 3e bataillon dépasse le 6, à 22 heures, le fort et le village de Condé et s’installe aux lisières nord-est du village face à Celles-sur-Aisne. Le poste de commandement du 54e vient dans le village de Condé.

Le 7 septembre, au petit jour, le 1er bataillon qui était en réserve à Missy relève le 3e par dépassement, et, continuant la poursuite en contournant le fort de Condé, prend pied sur le plateau en avant du fort, en direction du hameau des Carrières ; la lisière des bois, en bordure des ravins qui dominent Celles est fortement tenue par des postes ennemis armés de fusils-mitrailleurs. L’adjudant Piette, de la 2e compagnie s’élance, seul, à l’assaut d’un de ces postes et sous la menace du revolver capture dix prisonniers dont un sous-officier, une mitrailleuse et un important matériel, permettant au bataillon d’avancer jusqu’à proximité du hameau.

Le 8 septembre, aidé des mortiers J. D. 75 du peloton d’engins d’accompagnement, le 1er bataillon s’élance à l’assaut du hameau des Carrières fortement tenu. La 2e compagnie pénètre dans le hameau par la droite et la 1re l’y rejoint par la gauche. De nombreux prisonniers sont capturés, ainsi que plusieurs mitrailleuses et un canon de 77.

À la suite de cette opération, le colonel Delacroix adresse au régiment la note ci-dessous :

« Bravo ! les petits gars du 54e. Dès qu’on vous a demandé de marcher, vous avez bourré droit aux boches avec une énergie farouche.
« Depuis que j’ai l’honneur de vous commander, vous ne m’avez donné que des satisfactions. Je vous en remercie avec émotion et reconnaissance et je vous jure que vous pouvez compter sur votre vieux colonel ; il sait se souvenir ; s’il grogne quelquefois, il n’a pas mauvais cœur.
« Allons-y encore : Vous avez déjà au tableau :
Le passage de l’Aisne ;
La Bisa ;
Missy ;
Condé ;
Le Fort de Condé ;
87 boches dont 3 chefs de section ;
1 canon.
Bon courage ! ne nous lassons pas.
« En plus des miennes, je vous adresse les chaleureuses félicitations du Général de division. Vous saurez apprécier le prix de ce geste de notre chef. »

Le 9, le 2e bataillon relève le 1er qui le remplace à Missy.

Le 11 septembre, à 1 heure, le 3e bataillon est porté vers la tranchée du ravin de Couvaille pour assurer la liaison entre le 2e bataillon et le 67e régiment d’infanterie établi en avant du moulin de Couvaille.

À 6 heures, environ, deux compagnies ennemies prononcent contre le 2e bataillon une violente contre-attaque précédée d’une préparation d’artillerie d’une demi-heure environ. Cette contre-attaque est repoussée avec de fortes pertes pour l’ennemi, dont on retrouve les nombreux cadavres.

Le 3e bataillon peut accomplir sa mission et s’organise.

Le 1er bataillon est poussé sur Condé où il est en réserve.

Le 12 septembre, le 67e régiment d’infanterie relève le 3e bataillon qui est ramené dans les éléments de tranchée à l’est de Missy.

La 10e compagnie est maintenue en ligne pour assurer la liaison entre le 67e et le 2e bataillon du 54e.

Le 1er bataillon relève le 2e, qui se rend à Condé.

Dans la nuit du 13 au 14 septembre, le 3e bataillon se porte à l’est du chemin conduisant de Celles-sur-Aisne à la ferme Chantetereine et prend un dispositif d’attaque face au nord-est. Le poste de commandement du 54e est transporté aux Carrières.

Le 14 septembre, à 6 heures, attaque générale de la 10e armée, un violent feu de mitrailleuses empêche nos éléments de déboucher.

À 17 h. 45, une nouvelle attaque, montée avec chars d’assaut, est lancée et remporte un plein succès. Nos hommes se précipitent à la suite des chars et malgré une défense opiniâtre de l’ennemi, enlèvent l’objectif et font de nombreux prisonniers. Au cours de cette attaque, le 1er bataillon progresse de 1.200 mètres et s’organise sous le feu nourri des mitrailleuses dans les tranchées du bois du Tigre.

À 22 heures, il est relevé par le 23e régiment d’infanterie.

Ainsi s’achève, le 15 septembre, une période glorieuse et rude de l’histoire du régiment, à la suite de laquelle celui-ci est cité a l’ordre de la 10e armée :

« Le 4 septembre 1918, après avoir franchi de vive force un cours d’eau défendu par des mitrailleuses nombreuses, s’est porté résolument à l’attaque dans un terrain particulièrement difficile et bien défendu. Sous l’impulsion énergique de son chef, le Lieutenant-colonel Delacroix, a, dans une lutte opiniâtre et incessante pendant douze jours consécutifs, partout refoulé l’ennemi, lui a fait de nombreux prisonniers et a toujours victorieusement résisté à ses contre-attaques. A fait preuve d’une ténacité et d’un entrain au-dessus de tout éloge.
Mangin.

Le 15 octobre, le 54e obtient la glorieuse et juste récompense qui suit :

« Par ordre général n° 132 F., le droit au port de la fourragère aux couleurs de la croix de guerre est conféré au 54e régiment d’infanterie qui a obtenu 2 citations à l’ordre de l’armée. »
Pétain.

Le régiment a ses effectifs très réduits, car depuis son arrivée dans l’Aisne, il a perdu 135 tués dont 6 officiers, 734 blessés (253 gazés) dont 23 officiers, 82 disparus et 112 évacués pour maladie, dont 12 officiers.

À partir du 15 septembre, le 54e retiré du front cantonne :

Le 15 à Muret et Crouttes (E.-M. et 38 bat.), Nampteuil-sous-Muret (1er bat.) et Lannoy (2e bat.)
Le 17 à Marizy-Sainte-Geneviève (E.-M. 1er et 2e), Passy-en-Valois 3e.
Le 18 à Coulomb (E.-M., 1er et 2e.; Certigny (3e).

La période du 19 septembre au 4 octobre, est consacrée au repos et à l’instruction nécessaire pour reformer le régiment avec le renfort d’environ 500 hommes qu’il a reçu.

XVII. — DANS LES FLANDRES[48]
(7 Octobre-11 Novembre 1918.)

Le 5 octobre 1918, le 54e s’embarque en chemin de fer à Lizy-sur-Ourcq. Le surlendemain, il débarque à Bergues, non loin de Dunkerque, et cantonne en entier dans les écarts d’Hondschoote (l’état-major à la ferme Mortier).

Il fait mouvement dans la nuit du 12 au 13 et vient stationner dans la région de Westwleteren et Oostwleteren, en Belgique.

Le 14, il s’établit : état-major au Moulin Bleu (500 mètres, sud-ouest du Cabaret Kortekeer), 1er bataillon à Bixschoote, 2e bataillon route de Bixschoote à Kortekeer ; 3e bataillon, route de Bixschoote à la forêt d’Houthulst. Il y reste en position d’attente, puis stationne à Morslede, le 18, à Ardoye dans la nuit du 19 au 20 et à Meulebeke le 21 octobre.

À partir du 23 octobre, la 12e division[49] est engagée.

bataille de la Lys et de l’Escaut (2e bataille de Belgique)
« Le groupe d’armée des Flandres (G. A. F.) constitué le 10 septembre sous les ordres du Roi Albert avec pour chef d’État-Major, le Général Degoutte, commandant de la 6e armée, comprenant l’armée belge (12 divisions d’infanterie et de la cavalerie), la 2e armée britannique, la 6e armée française.

.........................

À partir du 21 octobre, le groupe d’armées des Flandres continue son offensive :
L’armée belge en direction de Malines ;
La 6e armée française en direction de Bruxelles, cherchant à atteindre l’Escaut entre Gand et Audenarde ;
La 2e armée britannique, sa droite en direction de Lessines-Hal.
Jusqu’au 26, il livre une série de violents combats pour atteindre le plateau entre la Lys et l’Escaut.
Après une accalmie de trois jours mise à profit pour s’assurer une bonne base de départ en vue d’une opération d’ensemble, l’offensive est reprise le 31 octobre.
Les Belges prononceront leur effort principal au sud du canal de Gand à Bruges.
Les Français cherchant à s’emparer complètement des hauteurs entre Lys et Escaut.
La 2e armée anglaise visant le fleuve au sud d’Audenarde pour le franchir par son aile droite et déborder ainsi toute la ligne jusqu’à Gand.
Dès le 1er novembre, ces buts étaient en partie atteints, l’ennemi se repliait sans offrir de résistance notable, sauf autour de Gand et, le 4 novembre, le front du groupe d’armée des Flandres, partant de la frontière Hollandaise, était jalonné par le Canal de Gand, les abords ouest de la ville et le cours de l’Escaut déjà même franchi en quelques points.
… Depuis le 31 octobre, des divisions alliées se pressaient vers la Lorraine, où le Général de Castelnau hâtait les préparatifs des armées destinées a l’offensive décisive qui devait se déclancher le 14 novembre :
La 8e armée (Gérard) de Baccarat à Lunéville ;
La 10e armée (Mangin), de Lunéville à Nancy.
Offensive qu’appuierait encore en direction de Longwy la 2e armée américaine (Bullard), à l’ouest de la Moselle.
Et tandis qu’ainsi, à l’est, 30 divisions se préparaient à marcher vers Mayence, sur tout le reste du front, 12 armées alliées allaient s’élancer le 5 novembre, pour la grande marche à la victoire. Car l’aube du 5 novembre fut bien celle d’un réel triomphe, l’ennemi, dont toutes les positions ont été entamées ou brisées par nos assauts des derniers jours, a dû se décider au repli général sur la ligne Mézières-Namur-Bruxelles et, depuis la Meuse, jusqu’au coude de l’Escaut à Condé, 7 armées allemandes reculent à grands pas.
Les armées alliées se lancent aussitôt à leur poursuite sans rencontrer de résistance sérieuse.
… Le 8, le repli commence aussi à se généraliser au nord devant les armées du groupe des Flandres qui franchissent l’Escaut.
.........................
Le 6 novembre, un radio allemand apprenait au monde que des parlementaires avaient quitté Berlin pour le front occidental. Le 7, vers 20 heures, ceux-ci s’étant présentés à Haudroye (2 kilomètres au nord-est de la Capelle) aux avant postes du 31e corps de la 1re armée, furent reçus, le 8 à 9 heure en gare de Rethondes (8 kilomètres est de Compiègne) par le Maréchal commandant en chef qui leur dicta aussitôt les termes de la capitulation imposée à l’Allemagne, et leur laissa soixante-douze heures, soit jusqu’au 11 novembre, 11 heures, pour apporter la réponse de leur gouvernement.
.........................
Et tandis que les pourparlers allaient suivre leurs cours, le Maréchal Foch, entendant dans un suprême effort briser la résistance de l’ennemi, talonnait encore ses armées par ce télégramme lancé à 11 h. 30 : « L’ennemi, désorganisé par nos attaques, cède sur tout le front. Il importe d’entretenir et de précipiter nos actions ; je fais appel à l’énergie et à l’initiative des commandants en chef et de leurs armées pour rendre décisifs les résultats obtenus. »
.........................
Le 10, le groupe des Flandres atteint Ath et a largement dépassé l’Escaut, et le Roi des Belges se prépare à faire dans Gand, le lendemain, à l’aube, son entrée triomphale.
.........................
Le 11 novembre, à 5 heures du matin, tandis que le canon tonnait de la mer aux Vosges et que, déjà, bien avant l’aube, les Alliés avaient continué la poursuite implacable, les parlementaires ennemis signaient la capitulation qu’on leur avait dictée.
À 11 heures, les hostilités cessaient sur l’ensemble du front, et un ordre du Maréchal commandant en chef arrêtait les troupes sur la ligne atteinte.
.........................
Et le 12 novembre, le Maréchal commandant en chef saluait en ces termes ses troupes victorieuses :
« Officiers, sous-officiers et soldats des armées alliées, après avoir résolument arrêté l’ennemi, vous l’avez, pendant des mois, avec une foi et une énergie inlassables, attaqué sans répit.
« Vous avez gagné la plus grande bataille de l’Histoire et sauvé la cause la plus sacrée, la Liberté du Monde. Soyez fiers. D’une gloire immortelle vous avez paré vos drapeaux. La postérité vous garde sa reconnaissance. »

La 12e division d’infanterie est appelée à relever la 5e division d’infanterie sur la Lys, entre Grammène et Olsène.

Le 23 octobre, le 54e régiment d’infanterie relève en réserve de division d’infanterie le 74e régiment d’infanterie sur la rive gauche de la rivière ; il stationne :

L’état-major dans les fermes à 700 mètres au sud-ouest de la station de Hooge.
Le 1er bataillon dans la région de In den Jager, cabaret.
Le 2e dans la région nord-est de Denlerghem et de Casino, cabaret ;
Le 3e dans la région de Katteknok.

Le 24 octobre, la 12e division d’infanterie étendant légèrement son front vers la droite, le 54e relève en première ligne, un bataillon du 166e régiment d’infanterie entre la route de Courtrai à Deynze et la voie ferrée reliant ces deux localités. En fin de relève, le régiment est échelonné de la façon suivante :

Poste de commandement dans la région de Knocke ; 2e bataillon en première ligne ; 1er bataillon en soutien dans le bois de Hoije ; 3e bataillon en réserve de division à Gotthem.

Le 25 octobre, a lieu une attaque sur tout le front de l’armée française de Belgique et de l’armée britannique à notre droite.

La direction générale de l’attaque du 54e régiment d’infanterie est Cruyshautem.

Le régiment conserve son échelonnement de la veille.

Dès le débouché des troupes d’assaut, l’ennemi, qui a établi le long de la voie ferrée Courtrai-Gand de très nombreuses mitrailleuses enraye notre progression par des feux croisés extrêmement violents. Il en est de même sur l’ensemble du front d’attaque.

La compagnie de gauche (7e) réussit cependant au cours de la journée à progresser par infiltration et à porter son front à une centaine de mètres de la voie ferrée.

En fin de journée, nos pertes sont de 8 tués et 18 blessés dont 1 officier.

Pas de changement, le 26, dans la situation : nos tentatives de progression par infiltration se heurtent à des tirs nourris de mitrailleuses.

Le bataillon de première ligne (2e), a pour mission, le 27 octobre, de s’emparer de la portion de la voie ferrée Courtrai-Gand, située devant son front, afin de créer une sorte de tête de pont susceptible d’être exploitée ultérieurement.

L’attaque est menée à 8 heures par deux sections de la 7e compagnie, qui, avec l’unique appui du peloton d’engins d’accompagnement, bondissent en avant, atteignent d’un seul élan la voie ferrée et y capturent 112 prisonniers (dont 1 officier) et 5 mitrailleuses. Au cours de la journée, l’ennemi lance deux contre-attaques, l’une à 13 heures, et l’autre à 16 heures. Mais les positions conquises sont intégralement maintenues.

Le 1er bataillon relève le 2e en première ligne dans la nuit du 27 au 28 octobre. Le 2e bataillon vient après relève cantonner à Gotthem, le 3e à Wontergem.

Dès son arrivée en ligne, le 1er bataillon pousse en avant et réussit à progresser malgré les nids de mitrailleuses, que les assaillants doivent réduire un à un.

En fin de journée, notre ligne s’établit parallèlement à la voie ferrée et à environ 900 mètres plus au sud-est.

Le 29 octobre, au petit jour, le 1er bataillon reprend ses attaques et parvient à gagner encore un peu de terrain.

L’ennemi, qui s’est solidement rétabli, déclenche des feux de mitrailleuses extrêmement violents qui arrêtent bientôt toute nouvelle progression. À 16 heures, après un tir de barrage mêlé d’obus toxiques, il lance une contre-attaque qui est repoussée.

Selon les ordres reçus, aucune action offensive n’est tentée au cours de la journée du 30 octobre. Les deux artilleries sont actives.

Le 31 octobre, à 5 h. 30, l’attaque générale est lancée. L’échelonnement du régiment est le suivant : 1er bataillon en première ligne, 2e en soutien dans la région de Hoije, 3e en réserve de division à Gotthem.

Après cinq minutes de préparation d’artillerie, toute la ligne française se porte en avant. Le 1er bataillon est arrêté au débouché par de violents feux de mitrailleuses ; après avoir repris haleine et assaut par ses propres moyens, V. B., J. D., canon de 37 et mitrailleuses, il gagne du terrain pied à pied.

La 7e compagnie, sur l’ordre du lieutenant-colonel commandant le régiment, se porte à droite par le front américain, afin de tourner la résistance ennemie. Elle y réussit et progresse rapidement selon direction est-sud-est.

À 13 h. 30, les éléments de tête bordent la route de Tutegem.

La progression est alors arrêtée pour reprendre à 15 heures, derrière le barrage roulant. Dès lors l’avance est continue ; à 18 heures les eléments avancés sont à 500 mètres à l’ouest de la route d’Audenarde à Deynze, en liaison à droite avec le 148e régiment d’infanterie américain à Het Sprietjen.

Des prisonniers ont été faits au cours de la journée.

Le 1er novembre 1918, dès le lever du jour, la poursuite continue. Dans la nuit, le 3e bataillon a relevé le 1er par dépassement. Il progresse rapidement vers l’est et les éléments de tête atteignent l’Escaut vers 13 heures.

Un groupe de canonniers du peloton d’engins d’accompagnement cherchant le 3e bataillon qu’il devait soutenir arrive le premier à Heurne et pénètre dans le village en faisant plusieurs prisonniers. Une quinzaine de prisonniers, appartenant à trois régiments différents restent entre nos mains au cours de la journée.

Le 3e bataillon prend position le 2 novembre sur la rive gauche de l’Escaut, entre la route de Cruyshautem à Alost et le village de Heuvel.

Le 2e bataillon est en soutien dans la région Huysse-Hoog-Bœregem. Le 1er est en réserve de division à Weedekensdriesch. Le poste de commandement du régiment est à Beke. La journée n’est marquée que par l’activité des patrouilles qui nettoient la boucle de l’Escaut.

Dans la nuit du 2 au 3 novembre, le 3e bataillon tente le passage du fleuve à 1 kilomètre à l’est de Heuvel.

De 3 h. 30 à 5 heures, sous le feu des mitrailleuses ennemies, la compagnie effectue la traversée sur un seul radeau et par groupes de 5 hommes.

Carte N° 11 – BELGIQUE (54e R. I.)
Carte N° 11 – BELGIQUE (54e R. I.)

Dans le même temps, une section du Génie construit une passerelle, qui, terminée à 5 h. 20, permet le passage de la 11e compagnie et de deux sections de mitrailleuses.

À 6 h. 30, deux compagnies (9e et 11e) et deux sections de la 3e compagnie de mitrailleuses sont sur la rive droite de l’Escaut. La 10e compagnie et la 6e, mise à la disposition du commandant du 3e bataillon, sont encore sur la rive gauche.

Dès le lever du jour, l’ennemi tente de nous rejeter sur la rive gauche du fleuve ; il effectue de puissantes concentrations d’artillerie, de minenwerfer et de mitrailleuses sur les deux rives et sur l’unique passerelle. Au cours de l’après-midi, de nombreux avions volant bas mitraillent nos positions avancées.

Plusieurs rassemblements ennemis en vue de contre-attaques sont dispersés par notre artillerie. Deux prisonniers sont faits au cours de la journée. À 19 heures, sur l’ordre du général commandant la 12e division, la 9e compagnie est ramenée sur la rive gauche de l’Escaut ; la 11e et les deux sections de mitrailleuses assurent l’occupation de la tête de pont.

La matinée du 4 novembre n’apporte aucun changement à la situation. À 17 heures, l’ennemi lance une contre-attaque contre notre tête de pont ; elle est complètement repoussée.

Dans la nuit du 4 au 5 novembre, la 12e division étend son front vers la droite. En conséquence, le 3e bataillon du 54e est relevé par un bataillon du 67e régiment d’infanterie et vient ensuite occuper les positions de soutien du nouveau secteur dans la région de Marolle.

Le 2e bataillon relève, au sud d’Heurne, le 2e bataillon du 148e régiment d’infanterie américain, et le 1er relève le 3e bataillon de ce régiment dans la région d’Eyne.

Chacun de ces bataillons assure avec une compagnie les têtes de pont réalisées par les Américains sur la rive droite de l’Escaut entre Heurne et Eyne.

Au cours de la journée, l’ennemi cherche par trois fois à nous rejeter de l’autre côté du fleuve :

À 5 heures, sans préparation d’artillerie et après un vif combat, il réussit à s’emparer de deux sections de la 7e compagnie. La 3e section conserve cependant ses emplacements couvrant la passerelle sur la rive droite du fleuve.

À 16 h. 30, il tente de nouveau sur le même point une action qui échoue complètement sous nos feux.

Enfin, à 18 h. 30, une tentative analogue sur le front du 1er bataillon est repoussée dans les mêmes conditions.

Une attaque en vue d’élargir la tête de pont est menée le 6 novembre sur la rive droite de l’Escaut, par les éléments des 1er et 2e bataillons.

Malgré les violentes rafales de mitrailleuses venant principalement de l’usine du pont d’Eyne, la compagnie de droite (2e) réussit à progresser de quelques centaines de mètres et s’empare de l’usine, mais, à 7 heures, une forte contre-attaque ennemie la contraint à revenir sur sa base de départ. Le reste de la journée est marqué par de vives réactions d’artillerie sur l’ensemble du secteur et sur les arrières[50].

Dans la nuit du 6 au 7 novembre, le 3e bataillon a relevé le 2e en première ligne. Une grande activité d’artillerie se manifeste dans tout le secteur. La journée du 7 novembre se passe dans un calme relatif. Des bruits circulent annonçant la conclusion prochaine d’un armistice. Les compagnies qui tiennent la rive droite de l’Escaut et occupent le talus de la rive se trouvent dans une situation périlleuse par suite d’une crue subite du fleuve : les hommes ont de l’eau jusqu’à la ceinture.

Le 8 novembre, une attaque tendant à l’élargissement de la tête de pont est de nouveau menée à 5 h. 45 par les 1er et 2e bataillons.

Les rafales de mitrailleuses ennemies empêchent toute progression importante et les éléments légers qui avaient réussi très difficilement à gagner une centaine de mètres et à reprendre pied dans l’usine du pont d’Eyne sont contraints de se replier. À 12 h. 45, une nouvelle attaque des 9e et 10e compagnies leur permet de gagner et de conserver environ 200 mètres de terrain en profondeur. Les autres éléments profitent de la tombée du jour pour s’aligner sur cette progression.

Le 9 novembre, à 14 heures, sur l’ordre du lieutenant-colonel commandant le 54e, le 3e bataillon du 54e et le 4e bataillon du 350e, qui a relevé dans la nuit le 1er bataillon du 54e renouvellent leurs attaques sur la rive droite du fleuve. La résistance ennemie commence à faiblir et à 15 heures, nos éléments avancés atteignent la ligne : Melden, Rydstraat, nord de Neder-Eename.

La progression continue au cours de la soirée et le régiment est relevé dans la nuit par le 350e régiment d’infanterie aux abords de la route d’Audenarde à Alost.

Le 10 novembre, le régiment, réserve de division, est ainsi articulé :

État-major et 1er bataillon à Eyne ; 2e bataillon à Rysdtraat ; 3e à Welden.

Le 11 novembre, au moment où le régiment s’apprête à repartir de l’avant, une sonnerie joyeuse annonce la signature de l’armistice qui met fin aux angoisses de cinquante-deux mois de campagne.

Le 54e ne connaît pas la grande joie qui se déchaîne sur la France et le monde entier, mais dans ce coin de Belgique reconquise, au milieu de ces paysans flamands qui regagnent leurs maisons dévastées, cette journée de la Victoire apporte à tous l’espérance du retour prochain dans la famille, l’immense soulagement auquel beaucoup n’osaient plus croire.

Et tous les soldats du 54e sont heureux d’avoir, pour une large part, contribué à cette victoire splendide et à la libération des populations si longtemps opprimées.

Le vaillant régiment de Compiègne a bien mérité de la Patrie.

Il est cité à l’ordre de la 6e armée (N° 678 du 18-12 18).

« Régiment d’élite, qui, sous le commandement du Lieutenant-colonel Delaeroix, a montré à tous les échelons son habileté manœuvrière et son sentiment d’initiative. À délogé l’ennemi malgré une résistance acharnée, des fortes positions qu’il tenait sur la Lys, l’a talonné, capturant prisonniers et mitrailleuses, puis atteint l’Escaut, qu’il a passé de vive force.
Pendant deux jours, sous un bombardement continuel d’obus toxiques, a maintenu sa tête de pont, malgré les souffrances des hommes privés d’abris et plongés à mi-corps dans la boue ; par sa ténacité, a permis aux autres unités de passer l’Escaut et de rejeter l’ennemi des bords du fleuve.
Signé : Degoutte.

Les pertes d’ensemble pour les opérations de Belgique s’élèvent à : 67 tués dont 2 officiers, 246 blessés (27 gazés) dont 3 officiers, 62 disparus dont 1 officier, et 100 évacués.

XVIII. — DE L’ARMISTICE AU TRAITÉ DE PAIX
EN BELGIQUE

L’espoir un moment caressé par le régiment de défiler dans la capitale belge délivrée est déçu.

Après une revue passée le 13 novembre par le général de division (général Chabord) à Rydstraat, au cours de laquelle sont remises des Croix de la Légion d’honneur et des Médailles Militaires, le régiment reste sur les positions qu’il occupait le 11 novembre, à quelques kilomètres d’Audenarde.

Le 30 novembre l’état-major et la compagnie hors rang quittent Eyne pour cantonner à Nederswalm.

Le 1er bataillon les rejoint dans les écarts de ce village, le 1er décembre.

Le 10 décembre, le 54e, repartant vers l’arrière, cantonne à Waereghem (État-major et 3e bataillon), Zulte (1er bataillon) et Droogenboom (2e).

Du 11 au 16 décembre le cantonnement du régiment est à Iseghem et écarts. Le 17, il est à Roulers, le 18 à Zarren (état-major), Woumen (1er bataillon), Clerken (2e), Eessen (3e).

Le 19 décembre, le 54e rentre en territoire français et cantonne à Hondschoote (état-major et 1er bataillon), Les Moëres (2e), Leyseele (3e), où il séjournera une dizaine de jours.

Les 27 et 28 décembre, il embarque à Isenberghe à destination de l’Alsace reconquise, où il parviendra après un long voyage en chemin de fer par le Bourget et Noisy-le-Sec.

EN ALSACE

Les 30 et 31 décembre 1918, le 54e débarque à Brumath et cantonne à Batzendorf (état-major, 2e bataillon), Wintershausen (5e compagnie et 2e compagnie de mitrailleuses), Berstheim (1er bataillon) et Ohlungen (3e) où il se trouve encore le 1er janvier 1919.

1919 — Le 4 janvier, une étape conduit le régiment dans les cantonnements où il va séjourner près d’un mois : Niederbronn (état-major), Offwiller (1er bataillon), Engwiller, Mittesheim (2e. et Oberbronn (3e).

À partir du 5 janvier, repos, instruction, distractions. Dans ces riants villages d’Alsace, au pied des Basses-Vosges, le régiment trouve un accueil charmant et connaît la véritable détente.

Le 13 janvier, au cours d’une revue passée à Froeschwiller, le général Gouraud remet au Drapeau la Fourragère aux couleurs de la Croix de Guerre.

D’ALSACE EN ARGONNE

À partir du 1er février, le 54e, en déplacement, s’achemine vers ses nouvelles garnisons. Pendant un mois, il accomplit, en de longues et parfois pénibles étapes, un parcours de plus de 300 kilomètres. La neige et le verglas rendent les premières journées de marche très difficiles.

Les cantonnements sont :

1er Février : Ingwiller (E.-M.), Weiterswiller, Obersoulzbach (1er bat.), Obersoulzbach Niedersoulzbach (2e bat.) et Weinbourg (3e bat.).
2 Février : Le régiment est en entier à Saverne.
3 Février : Hommarting (E.-M. et 2e bat.), Saint-Louis (1er), Arsch-Viller (3e).
5 Février : Foulcrey (E.-M.), Hibigny et Hattigny (1er), Saint-Georges (2e), Richeval (3e).
6 Février : Saint-Clément (E.-M. 1er et 2e.; Chenevières, Laronxe (3e).
7 Février : Damas-aux-Bois (E.-M.), Haillainville (1er), Saint-Rémy-aux-Bois (2e), Saint Boingt (3e).
9 Février : Bouxurulles (E. M. 3e), Savigny (ler), Gircourt-lez-Viéville (2e).
10 Février : Mirecourt.
11 Février : La Neuveville (E. M.), Gironcourt-sur-Vraine (1er, 2e), Rémois et la Neuveville-sous-Châtenois (3e).
13 Février : Midrevaux (E. M. 1er), Coussey (2e), Séraumont (3e).
14 Février : Lézéville (E. M.), Germay et Germisey (1er). Laneuville-aux-Bois (2e), Cirfontaines (3e).
15 Février : Poissons.
17 Février : Dommartin-le-Franc (E. M. 2e), Morancourt (1er, 3e).
18 Février : Le Buisson-le-Châtellier (E. M.), Louvemont (1er), Allichamps (2e), Humbécourt (3e).
19 Février : Orconte (E. M. 1er), Ecriennes (2e), Matignicourt et Goncourt (3e).
21 Février : Vavray-le-Petit (E.-M.), Doucey (1er), Bassu (2e), Rosay et Sogny-en-l’Angle (3e).
26 Février 1919 : l’État-major, la compagnie hors rang et le 2e bataillon sont à Sainte-Menehould, le 1er bataillon à Givry-en-Argonne.
L’état-major du 3e bataillon et la 9e compagnie sont à Dommartin-sur-Hans, le reste du bataillon à Vieil-Dampierre.
27 Février : L’état-major du 3e bataillon et la 9e vont à Vouziers.
6 mars : Le reste du 3e bataillon va à Dommartin-sur-Hans.
Mars : Tout le 3e bataillon est réuni à Vouziers.
EN ARGONNE

À Sainte-Menehould et à Vouziers, le 2e et le 3e bataillons retrouvent la vie de caserne, tandis que le 1er, à Givry-en-Argonne, puis à Villers-en-Argonne (2e compagnie) organise le cantonnement où il séjournera pendant plusieurs mois.

Loin du danger, chacun attend maintenant patiemment l’heure du retour au foyer. Les classes les plus anciennes sont libérées dès le mois de mars tandis qu’arrivent des renforts des classes 1919 et 1920.

Les Allemands manifestant quelque indécision à signer le traité, le régiment est alerté, le 28 juin 1919, prêt à retourner vers le Rhin.

Le 1er bataillon s’embarque en chemin de fer à Givry-en-Argonne, mais le train qui l’emportait ne dépasse pas la première station, Villers-Daucourt.

Le traité de Versailles est signé, la paix tant attendue cette fois réelle.

Le train ramène le 1er bataillon à Givry-en-Argonne où il débarque en pleine nuit pour regagner ses cantonnements.

La démobilisation va maintenant s’accélérer et sera achevée au début de septembre.

Dès le 30 novembre 1918, le dépôt de Laval a regagné Compiègne où il procède aux opérations de démobilisation pour la région.

54e RÉGIMENT D’INFANTERIE

Listes :

Des Généraux commandant la 12e D. I.

2 Août 1914. — Général Souchier.
17 Septembre 1914. — Général Herr.
15 Novembre 1914. — Général Paulinier.
24 Juillet 1915. — Général Gramat.
23 Mai 1916. — Général Girodon.
23 Septembre 1916. — Général Brissaud-Desmaillet.
19 Avril 1917. — Général Penet.
10 Juin 1918. — Général Chabord.

Des commandants de la 23e brigade, puis de l’infanterie de la 12e division.

2 Août 1914. — Général Huguet, blessé le 29 septembre 1915.
6 Octobre 1915. — Colonel Ducrot, évacué.
25 Février 1916. — Colonel Penet, nommé général commandant la 12e D. I.
19 Avril 1917. — Colonel D’Ollone.

Des Lieutenants-Colonels commandant le régiment.

2 Août 1914. — Lieutenant-colonel Boissaud, tué le 8 septembre 1914.
18 Septembre 1914 — Lieutenant-colonel Guy, nommé chef d’Etat-Major du 16e corps d’armée.
30 Octobre 1915. — Lieutenant-colonel Wary, blessé mortellement le 24 septembre 1916.
28 Septembre 1916. — Lieutenant-colonel Sezille des Essarts, blessé le 30 avril 1917.
2 Mai 1917. — Lieutenant-colonel Allard, évacué.
25 Août 1918. — Lieutenant-colonel Delacroix.

Des Chefs de bataillon.

1er Bataillon. — Commandant Fauvart-Bastoul (à la mobilisation) ; Commandant Lanquetin ; Commandant Varin ; Commandant Giroulet ; Commandant Amat ; Commandant Tissier ; Commandant Decourbe.
2e Bataillon. — Commandant soula (à la mobilisation) ; Commandant Chenouard ; Commandant Mosser ; Commandant Boussavit ; Capitaine Parthiot ; Commandant Weill ; Capitaine Keck.
3e Bataillon. — Commandant Ricq (à la mobilisation) ; Capitaine Arrous ; Commandant Boissard ; Capitaine Gallin ; Commandant Faerber ; Commandant Usurier ; Commandant Poirée ; Commandant Belgrand ; Commandant Gay, Capitaine Biancardini ; Capitaine Sabatier ; Commandant Troupeau.

Des Capitaines adjudants-majors.

1er Bataillon. — Capitaine Decourbe ; Capitaine Sabatier.
2e Bataillon. — Capitaine Parthot ; Capitaine Remond.
3e Bataillon. — Capitaine Champlon ; Capitaine de Nouaillan ; Capitaine Biancardini

Nous ne pouvons donner, faute de renseignements, une liste suffisamment complète des commandants et officiers des compagnie ou services. Il convient de se reporter à l’ordre de bataille le 2 août 1914 et le 1er juillet 1916.


ANNEXE

LE SALUT À LA 12e DIVISION

12e Division d’Infanterie
                   -
          État-Major
                   -


S. P. 33., Octobre 1916.
Le Général commandant la Division a constaté que, d’une façon générale, le salut était gauchement exécuté par les hommes de troupe et médiocrement rendu par les officiers.
En conséquence, le salut sera exécuté à la 12e division d’infanterie conformément aux prescriptions ci-dessous :
LE SALUT DU VRAI POILU
3 TEMPS.
1er Temps. — En vrai coq gaulois, se redresser vivement sur ses ergots, rassembler vigoureusement les talons ; porter lestement la main droite à la position du salut réglementaire, tendre tous ses muscles, la poitrine bombée, les épaules effacées, le ventre rentré, la main gauche ouverte, le petit doigt sur la couture du pantalon. Planter carrément les yeux dans les yeux du supérieur, relever le menton et se dire intérieurement :

Je suis fier d’être un poilu.

2e Temps. — Baisser imperceptiblement le menton, faire rire ses yeux et dire intérieurement à l’adresse du supérieur :

Tu en es un, toi aussi,
Tu gueules quelquefois, mais ça ne fait rien,
Tu peux compter sur moi.

3e Temps. — Relever le menton, se grandir par une extension du tronc, Penser aux boches, et crier intérieurement :

On les aura, les salauds !


LE SALUT DE L’OFFICIER
2 TEMPS.
1er Temps. — Envelopper le soldat d’un regard affectueux, lui rendre le salut, les yeux bien dans les yeux, lui sourire discrètement et lui dire intérieurement :

Tu es sale, mais tu es beau.

2e Temps. — Relever le menton, penser aux boches et dire intérieurement :

Grâce à toi, on les aura, les cochons !

Ces textes devront être appris par cœur.
Général Brissaud.

  1. Grand’garde au bois à 1 kilomètre nord-est du bois de Haute-Voye reliée à droite avec le 106e R. I. (Ferme Hasservant) et à gauche avec le 94e R. I. (Doncourt-aux-Templiers).
  2. Au cours de cet ouvrage les exposés généraux imprimés en petits caractères sont extraits, à moins d’indication contraire, du livre La Guerre Mondiale par le lieutenant-colonel H. Corda (Chapelet).
  3. Le monument élevé au cimetière de Longuyon sur l’initiative de M. Sis mentionne les noms de deux officiers (capitaine Leleu, sous-lieutenant Baudens de Pierremont) ; trois sous-officiers (Fleury, Sis, Trousseau) et de 6 caporaux et 32 soldats du 54e.
  4. Voir carte n° 1e p. 18
  5. La 11e compagnie est grand’garde du 3e bataillon, et la 10e grand’garde de droite.
  6. D’où le nom de bataille de Revigny donné à cette partie du front de la bataille de la Marne.
  7. Voir carte n° 2, p. 34.
  8. Parmi les lourdes pertes du 22 septembre : Lieutenant Leyvastre, tué, Capitaine Petit, Lieutenants Blondeau, Lamarre et de Saint Pern blessés.
  9. On avait eu l’idée, pour que l’artillerie puisse suivre la progression des vagues d’assaut, de faire jalonner le front par des hommes porteurs de fanions. Ceux-ci devinrent vite la cible des tireurs ennemis. Vers le soir, il n’en restait qu’un, le soldat Payre, du 3e bataillon, qui, à découvert, insouciant du danger, continuait opiniâtrement à agiter une loque trouée et déchirée pour la faire voir de son mieux des observatoires d’artillerie. Le soldat Payre reçut la Médaille Militaire.
  10. Officiellement : 2° Bataille de Champagne. Voir carte n° 3, p. 50 et croquis p. 46.
  11. Capitaine Guérin, Lieutenants Caquelle et Thiers ; Sous-lieutenants Darblade, Muglioni et Guiraud.
  12. Lieutenant Clertant, Sous-lieutenant Rocaut.
  13. Sous-lieutenant Valton.
  14. Sous-lieutenant Larrien.
  15. Capitaines Bossard et Schaeffer ; Lieutenant Bridoux ; Sous-lieutenants Dumanet, Joly et Meunier.
  16. Dont les Sous-lieutenants Seynat et Doisneau.
  17. Dont le Capitaine Morin.
  18. Dont le Sous-lieutenant Uniecker.
  19. On monte en ligne par les interminables boyaux Joffre et Nord-Sud. La ligne avancée est constituée par des postes d’une section (ouvrages A et A bis de 1 à 10), les tranchées Pierrat, Pesnel et Millot pourvues de solides abris ; la ligne 1 bis comprend un certain nombre d’ouvrages A et B numérotés à partir de 11.
    La ligne 2 (ligne des réserves) est à la tranchée Ubicini (bois en Y) et aux ouvrages A. 20, etc. Les cuisines sont à Saint-Hilaire-le-Grand, où elles subissent de fréquents bombardements.
  20. Le soldat Forveille reçut la Médaille Militaire pour avoir donné son masque à son commandant de compagnie, le lieutenant Morand, intoxiqué.
  21. Voir carte n° 4, p. 58 et croquis, p. 59.
  22. Le Commandant Varin, le Capitaine Mirabaud, les Sous-lieutenants Bibet et Girard sont faits prisonniers, ainsi que plusieurs autres officiers et 170 hommes. Le Lieutenant Potel (commandant la 3e compagnie), les sous-lieutenants Bastard, Allouchery, Tranier, Herbillon, Bringand, Dupuis et Blanquet ont été tués.
    En quittant Belrupt, l’effectif du bataillon y compris la compagnie de mitrailleuses était de 18 officiers et 950 hommes.
  23. Le Lieutenant Maurice, commandant la 8e compagnie a été blessé.
  24. Les munitions sont comptées, on les ménage et, en fin de journée, les défenseurs en sont réduits à jeter des pierres aux assaillants.
  25. Parmi les nombreux actes d’héroïsme accomplis au 54e, nous reproduisons le suivant :
    Le 21 juin 1916, le caporal Kerobert, du 1er bataillon fut très grièvement blessé en assurant la relève de ses sentinelles (bras arraché, deux balles dans le corps). Il vint trouver son officier et lui dit tranquillement : « Mon lieutenant, tous les hommes de mon escouade sont tués ou blessés. » Puis, montrant sa vareuse couverte de sang, il ajouta : « Je souffre horriblement, mais je ne crierai pas pour ne pas démoraliser mes camarades. » Une heure après, ce brave mourait sans avoir dit un mot.
  26. À la date du 1er juillet, les cadres des compagnies ont la composition ci-après :
    1re compagnie : Sous-lieutenant Thierry, Sous-lieutenant Delille, Aspirant Planson, adjudant-chef Desliens.
    2e Compagnie : Sous-lieutenant Morand, Sous-lieutenant Delacourt, Adjudant Pouant.
    3e Compagnie : Sous-lieutenant Gremillon, Sous-lieutenant Nimbeau, Aspirant Perreau, Adjudant Pouget.
    5e Compagnie : Sous-lieutenants Bréchon, Roche, Aspirant Doutremepuiche, Adjudant Tanchon.
    6e Compagnie : Lieutenant Durand, Sous-lieutenant Dart, Adjudant Lebroussart.
    7e Compagnie : Lieutenant de de Fontenay, Sous-lieutenant Legraverend, Aspirant Cussonnac, Adjudant Piette.
    9e Compagnie : Lieutenant Bernard, Sous-lieutenant Billa, Adjudant Miot.
    10e Compagnie : Lieutenants Rigal, Ansous  ; Sous-lieutenant Tranche de la Hausse, Adjudant Ternier.
    11e Compagnie : Lieutenant Jacquemin, Sous-lieutenant Duval-Arnould, Adjudant Dubois.
  27. Voir carte n° 5, p. 66.
  28. Parmi les tués figurent le Lieutenant Etienne de Fontenay et le Sous-lieutenant Costeur, tombés le 25 septembre en entraînant magnifiquement leur troupe à l’assaut.
  29. Le total des pertes du 12 novembre au 16 décembre est de 14 tués et 65 blessés.
  30. À 20 kilomètres de Compiègne. C’est la première fois que le régiment se trouve, depuis le début de la guerre, aussi près de sa garnison.
  31. Voir carte n° 6, p. 82.
  32. Parmi les noms les plus connus : Tranchée du Moulin-Brûlé, Boyaux 8 et 12, Centre de la cote 106 au 1er bataillon, Centre de la ferme de Metz. Tranchée du Bois de la Source, Redans Albert 1er, Georges V, Boulevard des Italiens, Tranchées Briand, Fayolle, Bois du centre, Pont Métallique (compagnie de réserve) au 2e bataillon. Pour le secteur du 3e bataillon, voir le Journal de Guerre du 254, carte du secteur de Soupir.
  33. Officiellement, 2e Bataille de l’Aisne.
  34. Parmi les noms du secteur : Tranchées de Gallipoli, de la Sape, des Indo-Chinois, de Brody, du Courant, de la Dragonne, du Camoflet, du Culot, de la Balle, du Fokker, boyaux des Hanovriens et de la Douille.
  35. À la 6e compagnie, le Lieutenant Lebroussart est tué, le Capitaine Beyries, blessé.
  36. Voir cartes nos 8 et 9, p. 90.
  37. Voir carte générale à la fin du volume et croquis p. 92.
  38. Les opérations en Picardie sont dénommées officiellement : Bataille de l’Avre et 2e Bataille de Picardie. Voir carte générale à la fin du volume.
  39. Voir carte n° 10, p. 98.
  40. Cartes 6 et 7.
  41. Texte de la nomination du Général Foch à la dignité de Maréchal de France.
  42. Dont la 12e division fait partie depuis son arrivée dans l’Aisne.
  43. Dont l’Adjudant-chef Sonrel, adjudant du 28 bataillon.
  44. Le 2e bataillon a perdu : 8 tués, dont le Capitaine Lecomte et le Lieutenant Remignard de la 5e compagnie, et 46 blessés, dont les Lieutenants Giraud (6e compagnie) et Guégot de Traoulen (5e compagnie).
  45. Les chiffres n’ont pu être retrouvés : parmi les tués se trouve le Lieutenant Renard, commandant de compagnie.
    Depuis son entrée en ligne le régiment compte une cinquantaine de tués dont 3 Officiers, 225 blessés ou intoxiqués dont 18 officiers, et 33 disparus.
  46. Officiellement : La Poussée vers la position Hindenburg.
  47. Parmi les pertes de la journée, le Lieutenant Crozier du 2e bataillon est blessé.
  48. Voir carte n° 11, p. 114.
  49. Affectée au 30e corps d’armée, 6e armée.
  50. Parmi les pertes de cette journée figure le Sous-lieutenant Roberval, dernier officier tué du régiment.