Les rues de Paris/Gribeauval

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Bray et Rétaux (tome 2p. 13-14).
GRIBEAUVAL

Quel Parisien, habitant de la rive gauche, ne connaît pas la petite et assez laide rue de Gribeauval, conduisant de la rue du Bac à la place Saint-Thomas-d’Aquin ? Mais parmi ceux qui traversent, même quotidiennement, cette rue, en est-il beaucoup qui sachent l’origine de cette dénomination et s’inquiètent de ce que pouvait être ce Gribeauval, supposé qu’il fût un individu ? Pourtant Gribeauval, aujourd’hui peu célèbre, fut le successeur le plus illustre de Vauban et « l’un des officiers généraux dont s’honore le plus le corps d’artillerie » a dit le lieutenant-colonel Carette.

Né à Amiens (15 septembre 1715), il entra à l’âge de dix-sept ans dans le régiment royal-artillerie. Après trois années de service comme volontaire, il fut nommé officier-pointeur. Ses utiles et importants services lui valurent de nouveaux grades : lieutenant-colonel en 1757, il passa, avec l’assentiment du roi de France, au service de l’Autriche et devint commandant général de l’artillerie. Cinq ans après, il fut chargé en cette qualité des travaux de défense de Schweidnitz, l’une des plus importantes places de la Silésie, enlevée par les Autrichiens aux Prussiens. L’année suivante, Frédéric II, voulant reprendre cette place, chargea le major Lefebvre, habile ingénieur, de la direction des travaux d’attaque. Le conquérant, comme il l’écrivait au marquis d’Argens, comptait qu’en moins de quinze jours la ville serait en son pouvoir, mais déjà vingt-trois s’étaient écoulés et la ville résistait encore vigoureusement.

« Un certain Gribeauval, qui ne se mouche pas du pied, et 11 000 Autrichiens nous ont arrêtés jusqu’à présent. Cependant, le commandant et la garnison sont à l’agonie ; on leur donnera incessamment le viatique. »

Ainsi s’exprimait le sceptique Frédéric, le 6 septembre, et vingt jours après, il disait à son correspondant : « Je vous avais annoncé avec trop de présomption la fin du siége. Nous y sommes encore… Le génie de Gribeauval défend la place plus que la valeur des Autrichiens. » Ce ne fut que le 9 octobre que les assiégés se résignèrent à capituler après soixante-trois jours de tranchée ouverte.

Cette glorieuse résistance rendit alors célèbre le nom de Gribeauval, qui avait tenu en échec pendant plus de deux mois la fortune de Frédéric, dit le Grand, et qui ne fut, suivant de Maistre, qu’un grand Prussien. Rentré en France, Gribeauval fut fait lieutenant-général, puis inspecteur-général de l’artillerie. Il rendit, en cette qualité, de grands services, soit par l’organisation du corps des mineurs, soit par des perfectionnements et des réformes dans les manufactures. D’après le biographe cité plus haut : « les officiers de son arme l’avaient surnommé le Vauban de l’artillerie. »

Il mourut en 1789 (9 mai).