Les sports de la neige/5
Le traîneau automobile — L’idée d’utiliser les moteurs légers de l’automobile ordinaire à la traction des traîneaux n’est pas nouvelle. Mais la pratique a montré toutes les difficultés de cette application, et les résultats obtenus aujourd’hui sont encore médiocres.
Dans le cours des dernières années plusieurs concours de traîneaux automobiles ont eu lieu. S’ils ont amorcé la voie dans laquelle doivent se diriger les inventeurs, ils n’ont cependant rien produit qui puisse être couramment appliqué et le docteur Charcot, en particulier, qui, dans son expédition du Pourquoi pas ? avait emporté un modèle spécialement étudié, n’a pu l’utiliser.
Toutefois, pendant l’hiver 1910-1911, un traîneau automobile a pu fournir quelques parcours intéressants dans les Vosges, et il est fort probable que, d’ici peu d’années, ce véhicule connaîtra, dans la limite de son domaine, le développement rapide qu’ont connu la voiture et le canot automobiles.
Nous nous bornerons ici à exposer sommairement, et à titre
documentaire surtout, les résultats obtenus.
Tandis que, dans un traineau ordinaire, le moteur et le tracteur sont confondus, dans le traineau automobile, au contraire, ces deux éléments sont nettement séparés. Le moteur employé doit être un moteur léger, en général un moteur d’automobile à explosion. Il faut cependant modifier légèrement les dispositifs ordinaires de refroidissement ;
AUTOMOBILE TRANSFORMÉE EN TRAÎNEAU.
(Cliché Weick.)
en effet, aux époques où peut fonctionner ce véhicule, l’air est assez froid pour pouvoir l’assurer à lui seul. D’ailleurs, l’eau, qu’on emploie ordinairement dans ce but, pourrait, en se congelant, détériorer l’appareil, et, si on veut employer un refroidisseur liquide, il faudra que celui-ci ne se congèle qu’à une température suffisamment basse.
De ce que nous venons de dire il résulte aussi que l’ensemble du moteur, et en particulier le carburateur, doit être convenablement garanti contre le refroidissement extérieur, nuisible à son bon fonctionnement.
En ce qui concerne le tracteur, il peut prendre son appui soit dans l’air, soit sur le sol. Dans le premier cas, on a utilisé l’hélice ou la turbine à air. Il existe différents modèles de ces systèmes.
L’hélice employée doit être non pas tractrice, mais propulsive, à cause du courant d’air glacé qu’elle projetterait sur les voyageurs ;
TRAÎNEAU AUTOMOBILE À HÉLICE.
(Cliché Weick.)
son diamètre doit être assez petit, d’abord pour que son encombrement soit faible et que, lors d’un croisement avec d’autres véhicules ou
des passants, elle ne constitue pas un danger, ensuite afin que la distance qui sépare le centre de gravité de l’appareil et le centre de traction ne soit pas trop grande et ne rende pas trop instable son équilibre.
Une turbine ne présente pas à priori ces inconvénients et paraît devoir donner de bons résultats. Il est impossible d’ailleurs de dire quelque chose de précis à ce sujet, les essais dont elle a été l’objet ayant été plutôt théoriques que pratiques.
Dans la deuxième catégorie, ce sont des roues à palettes, de nature variable, qui produisent la traction.
On a cherché, dans cet ordre d’idées, à construire des traîneaux qui puissent facilement se transformer en voiture et réciproquement.
La solution la plus simple de ce problème est la suivante : On garnit les roues arrière — les roues motrices — de chaînes gourmettes dont l’action sur le sol produit un effort assez considérable et on fait reposer la voiture elle-même sur deux paires de patins fixées respectivement sous les roues avant et le long des roues arrière.
TRAÎNEAU AUTOMOBILE À TURBINE (EN COURS DE CONSTRUCTION).
(Cliché Rol.)
Un dispositif spécial permet, pour cette dernière, de modifier son niveau par rapport à celui des roues motrices suivant l’état de la neige. Ce système a donné d’assez bons résultats.
Il en a été essayé un autre qui offre les caractéristiques suivantes : les roues sont remplacées par des patins et la traction s’effectue au moyen d’une roue à palette que le moteur actionne quand les roues sont inutilisées. Mais on a pu constater que ce dernier procédé a pour effet de dégrader les pistes beaucoup plus que les autres.
Quel que soit le traîneau employé, il peut être nécessaire de freiner. Dans ce but on emploie, afin d’augmenter la stabilité, surtout dans les virages, deux pointes métalliques placées de part et d’autre de l’appareil et en arrière ; elles sont commandées par des leviers.
Ainsi que nous l’avons dit au début de ce chapitre, les résultats obtenus par les traîneaux automobiles sont encore médiocres, et en particulier le démarrage et les montées, même modérées, offrent des résistances qu’ils sont encore à l’heure actuelle à peu près incapables de vaincre.
Nous sommes persuadés, malgré tout, que la traction automobile ou hiver est loin d’avoir dit son dernier mot.