Les tendres épigrammes de Cydno la Lesbienne/25

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(pseudonyme)
Traduction par Ibykos de Rhodes (pseudonyme).
Bibliothèque des curieux (p. 89-91).


XXV

LA DÉVOTION À LA BEAUTÉ


Si la sorcière de Thessalie m’offrait la puissance du chah de Perse en échange de ma beauté, je dirais non.

La beauté, qui a tant d’autres charmes en outre, n’est-elle pas toute-puissante ?

Ne suis-je pas, moi, Cydno, patronne harmonieuse de la renaissance du Sapphisme intégral, l’esclave de cette petite Kallistô qu’une troupe de chaudronniers ambulants et de voleurs de poules abandonna, vagissante, devant ma porte ?

Je vois Kallistô à sa toilette plus volontiers que tout au monde et j’aimerais mieux être aveugle en face de la mer ou d’une Aphrodite de Praxitèle qu’en face de Kallistô parfumant l’intervalle de ses petits seins.

Quand je vois Kallistô, nue, cueillir des violettes, caresser des pigeons, baiser les jambes de Kléonice où la rosée scintille, l’admiration s’épanouit, d’elle-même, en jouissance.

Je ne peux plus me séparer de Kallistô. Je la prends dans mon lit tous les soirs, même quand j’ai une ou plusieurs autres compagnes de nuit, et quand nous dormons côte à côte, mes rêves ont des ardeurs, des audaces, des trouvailles dont Jocaste et Mnémosyne, encore éveillées, s’amusent en chuchotant.

Mais j’abhorre la nuit sans lune parce qu’elle me cache les contours, les lignes, les nuances de Kallistô, et je bénis le retour du soleil parce qu’il me refait voir les fossettes de Kallistô.