Aller au contenu

Les travaux d’Hercule, ou la rocambole de la fouterie/Dissertation foutromanique

La bibliothèque libre.

DISSERTATION
FOUTROMANIQUE.

Sur les plaisirs des chanoines de la
collégiale de B…

L’art de la fouterie, qui passe pour être à son période dans la capitale, n’est encore qu’ébauché, en comparaison de l’acte de perfectibilité où il est poussé dans quelques villes de la province, et particulièrement à B… Les femmes y ont plus de tempérament qu’à Paris ; le genre nerveux y est moins exposé aux influences journalières de ce venin destructeur, qui réduit, dans l’âge le plus tendre, les deux sexes à l’impuissance de faire rien qui soit digne de la mâle virilité ; on y connoît cependant les maladies syphilitiques, les gonorrhées virulentes, les crêtes, les exostoses, etc. mais elles sont moins fréquentes, relativement à la population, et à l’exception de quelques chanoines ; et de sept à huit mille putains qui ont toute l’année, à commencer du mois de Janvier, jusqu’au mois de Décembre inclusivement, le jardin potager le mieux assorti en porreaux, fleurs-blanches, et autres légumes de cette espèce, on n’auroit pas la plus petite idée de ces maladies ; mais graces aux honnêtes ecclésiastiques qui prennent chez eux, par amour pour leur prochain, toutes les bougresses atteintes du virus, la société est délivrée de ces fléaux de l’humanité. Si je voulois citer ceux qui montrent journellement ce zèle vraiment chrétien, je n’en finirois pas, la quantité en est innombrable ; aussi ne suffit-il pour être convaincu de ce que j’avance, que de se trouver à la sortie de leur office. Vous les voyez paroître, le front ceint d’une vieille peau de zibeline, de chat ou de mouton, les uns avec des visages rubiconds et enluminés d’un rouge incarnat, surchargés de dartres, de boutons et d’échauffures. Les autres, sous les traits livides d’une indolente momie, les yeux mornes et caverneux, les paupières allongées, les joues creuses, la langue surchargée de vapeurs méphitiques, les dents décharnées, le virus prêt à expirer sur les lèvres, la démarche incertaine et chancelante, le buste courbé, les épaules hautes et la tête baissée, enfin, avec tous les symptômes de la débauche et de l’incontinence, de la lubricité et des maladies qui en résultent.

C’est sous ces masques hideux, que chaque jour, appelés par leur état, ils vont dans le sanctuaire de la divinité porter indolemment les restes dégoûtans d’un corps cacochyme et plein de défectuosités.

On les voit dans des jours de solemnité, traîner, sous le cilice de la religion, les vestiges languissans de leur machine épuisée ; ils font ainsi le tour d’une vaste église, entre les femmes qui alimentent leur débauche, et qui ne se rendent dans un lieu destiné à sanctifier l’éternel que pour voir des monstres qui sont l’opprobre de la nature et les victimes du libertinage.

C’est ainsi que l’on rend l’hommage, dans ce réceptacle de vices, à des dieux tutélaires et bienfaisans ! Mais écartons toute idée de religion, dans un ouvrage qui ne respire que la licence, et contentons-nous, en passant, de donner quelques notions sur les vices habituels de ces créatures hypocrites, qui affectent, par des dehors apprêtés, l’air de la candeur et de la modestie, qui devroit distinguer les hommes, d’un état qui fait tant d’honneur à celui qui l’exerce dignement.

Par un des statuts de l’ordre, ces messieurs ont juré d’observer le plus scrupuleux célibat, en se contentant toutefois, pour adoucir les rigueurs de la règle, de chacun trois ou quatre dondons, pleines de suc et d’embonpoint, pour l’usage quotidien, sous le nom spécieux de cuisinière, ou d’ouvrières en linge.

Les demoiselles ou putains, comme vous voudrez les nommer, après quelques années d’un service fatiguant, ne manquent pas d’user, sur ces êtres méprisables, d’un pouvoir illimité : elles s’emparent de la conduite de la maison, de leur ci-devant maître, régissent leurs revenus, règlent la dépense sur leurs plaisirs, et, comme vous devez bien le penser, se procurent toutes les jouissances de la vie ; elles ont aussi de leur côté, outre les amoureux externes, un valet affidé, qui coopère avec son maître à leur entière satisfaction, pendant que celui-ci est en ville à faire quelques cures clandestines, et va sur les brisées d’un époux complaisant.

Quelques-uns d’entre eux ont des petits jardins, des boudoirs élégans, hors l’enceinte de la ville, et dans lesquels se rendent mystérieusement, sur le déclin du jour, de jolies grisettes, qui viennent leur confier le soin de leur réputation, et leur offrir les prémices de la virginité. Il faut convenir que ce sont de paillards bien heureux !

En sortant des bras d’une jolie femme, ils volent incontinent chez eux, se font préparer, par des valets soumis, un repas splendide, où l’abondance des viandes les plus succulentes, égale celle des vins les plus exquis. Ils mangent alors avec la voracité d’un homme qui a besoin d’alimenter des forces épuisées : ils font une digestion laborieuse et complète, et si la nature montre quelques besoins urgens, aussi-tôt la maîtresse du logis les satisfait.

C’est ainsi que, livrés continuellement au même genre de vie, ils passent des jours filés par le plaisir, et sèment de fleurs, les chemins qui conduisent aux délices de la félicité éternelle.