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Les travaux d’Hercule, ou la rocambole de la fouterie/Voilà la clef…

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VOILA LA CLEF… MAIS IL A
TROUVÉ LA SERRURE.

Historiette.

Blaise amant favorisé de la jeune Isabelle, lui demande un rendez-vous nocturne. L’embarras d’une réponse positive ; la timidité d’accorder une chose où il y a tant de danger à courir, ajoutent encore aux charmes de sa figure ; une rougeur enfantine pare son front des roses de la candeur : elle hésite, dans la crainte d’être surprise avec son amant, mais l’amour l’emporte sur la prévoyance ; elle oublie tout, pour ne songer qu’au plaisir d’une entrevue, qui doit satisfaire à-la-fois et sa vanité et son cœur.

Blaise obtient le rendez-vous, après lequel il attend depuis si long-tems, et l’amante et l’amant délibèrent sur les moyens de se mettre à l’abri de la surveillance paternelle.

L’heure est fixée, le lieu est désigné ; on aspire après le moment de la jouissance : il arrive enfin, ce moment tant desiré. Blaise, exact à sa parole, pénètre sans bruit dans l’appartement de l’aimable enfant, qui doit être la récompense de sa fidélité.

Isabelle l’apperçoit, veut sauter à bas de son lit, pour lui ôter les moyens de profiter de sa situation, en lui en fournissant de nouveaux : il arrive assez tôt pour l’en empêcher ; elle veut repousser une main fourvoyée, en présentant le bras le plus séduisant. Son esprit n’est pas assez maître de son cœur, pour réprimer les licences de son amant, sa modestie combat foiblement son amour ; sa vertu effrayée du risque qu’elle court, est prête à succomber par la crainte qu’elle a d’être séduite ; elle devient foible, son amant entreprenant ; Isabelle est sans secours, Blaise a la force en partage : il profite de l’ascendant qu’il a sur elle pour lui montrer sa foiblesse : la crainte se mêle au sentiment de la volupté ; la beauté qu’on intimide, et le premier pas qui conduit au plaisir est bientôt suivi d’un second qui mène au bonheur.

Blaise est heureux, les dieux vont jalouser son sort ; il égale celui de la divinité ; l’amour le couvre de fleurs, et le plaisir tient la corbeille : il touche à ce moment qui précède celui de la jouissance ; il est heureux, parce qu’il n’a pas fait d’efforts pour le devenir. Mais il est un terme à la volupté, comme il en est un aux douleurs.

Blaise, fatigué du poids de sa félicité, s’endort au sein des plaisirs. La nature n’est pas infaillible, elle est chez tous les hommes bien au-dessous des desirs ; mais l’art vient à l’appui de sa foiblesse ; Blaise a besoin d’un expédient qui laisse jouir son amante de la douce illusion des sens ; il emploie ce merveilleux secret, et prolonge ainsi, par un stratagême innocent, la douce erreur d’une sensation délicieuse : Isabelle ferme ses beaux yeux, et se prête autant qu’il est possible à la douceur d’un songe qui ressemble tant à la réalité, et cherchant à se tromper soi-même, parvient à faire croire à son amant, qu’elle n’est pas instruite de la ruse.

Philémont, éveillé par un léger bruit, vient avec Beaucis, son épouse, à l’appartement de leur fille ; il voit la porte entr’ouverte, et témoignant sa surprise, Beaucis croit le rassurer en lui montrant la clef. — Vous avez la clef, lui dit-il, mais il a trouvé la serrure.