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Les trois chercheurs de pistes/01

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Bibliothèque à cinq cents (p. 1-4).

Les Trois Chercheurs de Pistes
ou
TERRIBLE AVENTURE D’UN TRAPPEUR AU TEXAS
(Par le major Sam S. Hall)

CHAPITRE I
LA CRUAUTÉ HUMAINE

Le soleil, comme une grosse boule de feu rouge sang, descendait à l’horizon en jetant ses derniers rayons sur une immense prairie du Texas

L’atmosphère lourde et incertaine semblait remplie d’une poussière fine, presque impalpable, laquelle, rougie par les feux du soleil, fatiguait la vue lorsqu’on regardait vers l’ouest.

L’aspect de cette prairie durement piétinée et entièrement dénuée d’herbes, démontrait qu’elle était comprise dans la grande région du pays des buffles car les bisons par troupeaux nombreux, émigraient vers le sud dans ces immenses plaines, avant qu’on leur fît une guerre à mort.

Cette poussière fine répandue dans l’air prouvait que depuis le matin, un immense troupeau de buffles affolés de terreur, avait passé comme l’éclair à travers cette grande prairie.

Aussi loin qu’il était possible de voir, l’œil ne rencontrait que l’immensité de ces plaines qui paraissaient sans limite ; pas un buisson, pas une pierre, pas un monticule, n’en relevait la monotonie. Mais, vers le nord sur un espace de deux milles, semblable à un long ruban vert foncé se déroulait un affluent du Rio Concho. Ce n’était qu’un ruisseau ombragé de chaque côté par des branches qui s’entrelaçaient et préservaient ainsi les eaux de l’ardeur du soleil.

Ces branches étaient couvertes de mousse et de vignes en fleurs lesquelles, en se penchant sur les eaux, les empêchaient d’être chaudes et insipides.

Aussi aride que le grand désert américain, cette vaste prairie absolument plane ressemblait à une mer morte. Cependant, quelques semaines auparavant elle était couverte d’herbes, de fleurs et de trèfle à buffles.

Personne, en regardant cette vaste étendue, n’aurait cru ce que je déclare ici, à moins qu’il fût un habitué des plaines et qu’il eût vu des troupeaux de buffles dévaster une prairie en fleurs et la laisser piétinée aussi dure qu’un chemin fréquenté.

Au loin, vers l’est, l’horizon paraissait sombre, contrastant avec l’ouest rougi par Les feux du soleil, dont les rayons semblaient impuissants à pénétrer la poussière lourde de l’air. La traînée lumineuse diminuant peu à peu, se mêlait magnifiquement avec les teintes opaques de l’est.

Mais au milieu de tout cela n’y avait-il donc aucun signe de vie ? Regardez à l’horizon ces petits points noirs qui s’agitent, ce sont des vautours, des busards rouges-gorges volant en cercle, sans aucun mouvement des ailes, allant lentement et d’un vol alourdi. Un homme des plaines aurait su de suite, à l’apparition de ces oiseaux, que leur instinct les avait amenés là. Et un habitué des prairies aurait pu dire que la proie qu’ils convoitaient était encore vivante. S’il avait été autrement ils seraient de suite descendus sur la plaine pour se gorger de leur pâture.

La hauteur où planaient quelques uns d’entre eux et les mouvements des plus gros indiquaient que leur fête en perspective n’était pas encore prête.

Faible ou blessée, la proie attendue devait leur échoir. Mais cette proie qu’était-elle ? Dans cette plaine, étendu sur le dos et dans une position de torture, les membres écartés du corps attaché par les poignets et la cheville des pieds à de petits pieux de six pouces au-dessus de terre, est un homme robuste bien bâti et de haute raille.

Ses pieds, ses bras, et son corps nu jusqu’à la ceinture, sont brûlés par le soleil et couverts d’ampoules. Des blessures nombreuses et des lambeaux de chair montrent qu’il y a eu un violent combat entre lui et les ennemis barbares qui l’ont ainsi attaché.

Ses cheveux noirs, longs et ondoyants sont à présent couverts de poussière. Dans ses yeux brille un éclair sauvage.

Les lanières de peau de buffle qui l’attachent aux pieux ont pénétré dans ses bras et dans ses jambes et les chairs se sont enflées autour.

Sa bouche est ouverte ; ses dents, remarquablement blanches sont serrées et grincent de temps en temps.

Sa large poitrine se soulève, et ses muscles se gonflent quand il essaye, mais en vain, de briser les liens cruels qui le retiennent prisonnier.

Son mâle visage qui n’indique que vingt ou vingt-deux printemps, est maintenant crispé par l’agonie.

De temps en temps quelques sons arrivant à lui semblent le percer comme un poignard aigu, et il essaye de regarder dans la direction d’où ils proviennent. À voir l’expression d’angoisse que ces cris produisent sur la figure de cet homme, on croirait qu’ils viennent de quelqu’un qui lui est tellement cher que sa propre agonie n’est rien comparée à l’horrible souffrance qu’il éprouve en les entendant.

Qui pourrait penser, un moment, que la voix d’un tout jeune enfant pouvait être entendue dans un tel endroit ? Et cependant c’était là le bruit qui rompait l’affreuse tranquillité de cette plaine aride, et chaque cri était accueilli par un gémissement de mortelle angoisse par le malheureux qui gisait là.

À dix pieds de la victime liée est étendu un jeune enfant : son petit visage et ses bras délicats sont exposés au soleil brûlant.

Sa robe, ses mains, ses cheveux blonds et bouclés sont noircis par la poussière de la prairie, car il s’est roulé maintes fois par terre, agonisant de faim, de soif et de chaleur. Ses yeux bleus sont maintenant vitrés et ses faibles cris prouvent qu’il en est rendu à un état d’épuisement complet.

Parfois il se soulève un instant et se traîne, sa tête touchant presque terre, vers l’homme gémissant et attaché. Cet homme c’est le père de cet enfant.

— « Dieu » s’écrie-t-il dans son angoisse, « mon agonie est terrible, mais qu’est-elle, comparée à la douleur que j’éprouve d’être témoin du supplice de mon enfant ! Ma tête va éclater ! Père miséricordieux, appelez-le à vous. »

Ainsi priait le malheureux père, en regardant le ciel.

Tout à coup son corps se contracta en voyant les oiseaux de proie qui lui annonçaient bien clairement le sort affreux qui les attendait, lui et son enfant.

Les cruels ennemis qui s’étaient rendus maîtres de cet homme savaient que c’était là le plus grand supplice qu’ils pouvaient lui faire endurer, et les démons Apaches seuls pouvaient inventer une telle torture.

Et c’était en effet à ces maraudeurs meurtriers des montagnes, et à ces pirates des prairies que cet homme et cet enfant devaient leurs inexprimables souffrances.