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Les trois chercheurs de pistes/14

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Bibliothèque à cinq cents (p. 55-58).

CHAPITRE XIV
POUR L’AMOUR ET LA VENGEANCE

« Yeux d’Étoiles » se recula ensuite avec l’enfant afin de ne pas être vue de suite par Munroe qui reprenait peu à peu ses sens.

« Vieux Rocher » lava le sang et la poussière qui couvraient la tête du jeune homme et versa de l’eau sur ses membres meurtris.

L’eau-de-vie parut bientôt faire effet. Pas un mot ne sortit des lèvres du jeune éclaireur, mais il passa la main sur son front et sur ses yeux comme pour essayer de rappeler le passé et de se rendre compte de son état présent.

L’enfant revînt vite à la vie, grâce aux soins intelligent de « Yeux d’Étoiles. » La jeune Indienne en fut toute joyeuse et mit de suite à exécution un projet qu’elle venait de concevoir. Elle se leva et alla se mettre derrière Munroe qui avait encore les mains sur les yeux.

Elle plaça alors l’enfant à genoux près de lui.

Le petit se mit à regarder son père et aussitôt le jeune éclaireur baissa les mains et jeta les yeux sur lui.

— Dieu du ciel, merci ! Ah merci ! s’écria-t-il. Mon enfant ! Mon pauvre enfant ! Mais où est Marion ? Ma tête est toute en feu.

En disant ces mots il serra son enfant sur sa poitrine et resta en proie à une émotion indescriptible.

— Doucement, ami Madison, doucement, dit le vieil éclaireur, il a couru une bonne chance de mourir, mais il s’en est tiré sans avoir un seul os de cassé. Vous n’êtes ni l’un ni l’autre gravement blessé, mais ç’a rasé, je t’assure que ç’a rasé. Nous attendons que tu sois mieux, parce qu’y a encore d’l’ouvrage tout chaud qui nous attend.

— Quant à « Chat Rampant » ici présent, sans lui, tu aurais passé de l’autre côté, pour sûr. Y aurait pas eu de reste de toi et de ton p’tit assez pour amorcer une ligne.

Munroe tremblait de tous ses membres. Il essayait en vain de se lever seul, tout en tenant son enfant dans ses bras. Il donna ce dernier à « Yeux d’Étoiles » et tendit une main à chacun de ses amis en disant :

— Que le ciel vous bénisse, mes vrais et bons amis ! J’ai éprouvé des tortures à faire perdre la raison à un homme. Il me semble que c’est plutôt un rêve horrible qu’une réalité, mais, hélas ! je sens trop bien que c’est vrai. Je sais que ma femme est au pouvoir des mêmes démons qui nous ont condamnés, moi et mon enfant, à une mort horrible.

Mon Dieu ! Je vous demande la force de pouvoir suivre la piste de ces monstres.

« Chat Rampant » et « Vieux Rocher, » continua vivement le jeune homme en regardant ses deux amis, écoutez-moi ! Je jure d’arracher Marion des mains des Apaches, seraient-ils des milliers contre moi !

Je la sauverai ou tous deux nous mourrons par leurs mains. Donnez-moi l’un de vos chevaux et dites-moi quel chemin ils ont pris, dans quelle direction ils sont partis. Vous ferez cela pour moi, n’est-ce pas ? Me faudrait-il marcher jusqu’aux genoux dans le sang que je la sauverai !

Le jeune éclaireur était en proie à une émotion fébrile et ses yeux brillaient d’un éclat extraordinaire. Il ne pouvait plus tenir en place, et on eut dit qu’il allait devenir fou si la poursuite ne commençait pas sans délai.

Penses-tu qu’on n’est pas de la partie nous autres ? demanda avec surprise « Vieux Rocher. » J’voudrais ben voir qui va nous empêcher de finir notre besogne ? Cré nom d’un chien ! j’donnerais pas ma chance de scalper des Apaches pour toute une section du Texas, l’herbe par-dessus le marché. Et « Chat Rampant » donc, y se scalperait lui-même s’il ne retrouvait pas leurs pistes. Mais y a pas de moyen d’avancer pour toi, Madison, hormis que tu montes un buffle. Quant à ce bétail-là, y en a une masse, pas loin d’ici.

« Vieux Rocher » avait à peine fini de parler que « Yeux d’Étoiles » s’approcha et donnant à Munroe les rênes de sa monture, dit :

— Voici, bon cheval pour frère blanc. Cours vite pour Marion. « Yeux d’Étoiles » marchera jusqu’au camp Johnston. Portera petit.

Le vieil éclaireur resta un moment muet de surprise et d’admiration.

— En effet, dit-il, ensuite. Qui aurait pensé à ça ? C’est le seul moyen de tout arranger. « Yeux d’Étoiles » tu es aussi jolie qu’un ange et plus un chef qu’une femme, quand on arrive à une passe malaisée. Si tu peux aller jusqu’au camp, nous sommes corrects pour la poursuite. Mais, avec quoi te battras-tu, Munroe ?

Sans dire une parole, la jeune indienne passa son revolver et son couteau à Madison, lequel, cependant, ne voulut accepter ces armes qu’après l’intervention de « Chat Rampant. »

— Bon ! dit le Caddo, « Yeux d’Étoiles » a arc et flèches. Viens ! Guerre est ouverte. Le cri de guerre est sur lèvres de « Chat Rampant. »

En prononçant ces derniers mots, le chef sauta sur son cheval.

— Parbleu ! dit « Vieux Rocher, » les choses s’arrangent ben et nous n’avons plus qu’à aller taquiner ces fils enfumés de Satan. Y a une odeur de sang d’Apache dans l’air. J’sens des cheveux d’Apaches entre mes doigts ! Les buffles sont passés, c’est bon signe. Bonjour, « Yeux d’Étoiles. » Prends ben soin du bébé !

Munroe et « Chat Rampant » étaient déjà dans la plaine que le vieil éclaireur n’avait pas encore fini de parler.

Le chef fit un signe d’adieu à l’Indienne, laquelle partit avec l’enfant, sans jeter qu’un coup d’œil sur le trio qui s’éloignait rapidement

Le troupeau de buffles était disparu et le chemin se trouvait libre pour Munroe qui, connaissant la route que les Apaches avaient prise, galopa vers le Concho afin de traverser ce fleuve un peu au-dessous de l’endroit où il croyait le camp des maraudeurs établi. Si les chercheurs de pistes parvenaient à trouver ce camp ils s’y glisseraient en rampant dans les taillis, car ce n’était que par stratagème qu’ils pouvaient sauver la jeune prisonnière.

Le Caddo et « Vieux Rocher » étaient inquiets devant la précipitation de Munroe ; ils espéraient que la longue course qu’ils avaient encore à faire calmerait le cerveau du jeune homme, et qu’alors ils pourraient raisonner avec lui et lui montrer qu’il risquait la vie de sa femme et la sienne en allant trop vite.

Durant des heures entières, la course se fit en silence. Le bruit du galop des trois chevaux retentissait seul dans la plaine immense. Rien autre chose ne préoccupait ces trois hommes qui couraient au-devant d’un danger terrible que le salut de l’infortunée Marion.

Leur plan était d’atteindre le Rio Concho, et de là gagner le voisinage du camp ennemi aux premières heures du jour.

Quand le Rio Concho fut en vue, nos trois amis ralentirent leur marche et regardèrent de tous côtés pour découvrir un feu de camp, mais ils n’en virent aucun.

Le Caddo, cependant, aperçut une étincelle à travers les arbres et, se guidant sur cet indice, il avança avec prudence suivi de ses deux amis.