Les vermoulures/04

La bibliothèque libre.

CHAPITRE IV.

La vie universitaire


St-Germain, 28 septembre 190…
Mon cher Édouard,

J’ai fait du ménage dans ta chambre, aujourd’hui. Ça m’a fait de la peine de penser que tu n’en jouirais pas. J’ai arrangé toutes tes affaires comme tu aimes à les placer, toi-même. Si tu revenais, tout-à-coup, je suis sûre que tu serais content de mon ouvrage.

Tu comprends bien, qu’après avoir pensé à toi toute la journée il faut que je t’écrive.

Tu es toujours dans ton vilain code, je suppose. Je te remercie de penser à moi, quand tu en sors : tes lettres me font infiniment plaisir ; et à toute la famille, aussi.

Papa parle souvent de toi.

Les enfants demandent quand tu vas revenir.

Nous avons beaucoup d’ouvrage, de ce temps-ci. Tout de même, j’ai trouvé le temps de lire les livres que tu m’as envoyés ; je les ai bien aimés.

Imagine-toi que je me suis fait une nouvelle amie ; une vraie et une bonne, tu sais.

Tu te rappelles la petite Blanche Coutu, que tu as toujours été trop sauvage pour vouloir connaître : elle demeure tout près de chez nous, maintenant, dans la maison neuve, qu’on a construite cet été.

Moi non plus, je ne la connaissais pas beaucoup ; mais je suis allée la voir et elle est si gentille que nous nous aimons tout plein.

Nous causons souvent de toi ; et nous en causerons encore plus, car nous voisinons comme deux bonnes. Elle est si fine.

J’ai déjà commencé à prier pour tes examens. Dieu que j’ai hâte d’embrasser l’avocat célèbre que tu vas être ! M. le curé m’a dit de te faire ses amitiés, quand je t’écrirais.

Maman t’embrasse, et moi aussi,

Ta petite,
Marie-Louise.

Édouard relut en souriant le gentil billet de sa sœur.

Ce n’était pas le premier qu’il recevait ; et il se faisait, une fois de plus, la réflexion qu’un si bon petit cœur méritait bien d’être heureux.

C’est à sa chambre, en revenant du cours, qu’il avait trouvé cette lettre. Il en trouvait souvent, ainsi. Elles lui donnaient plus de courage pour travailler.

Depuis le premier septembre qu’il venait s’enfermer avec ses livres, après le cours, il lui arrivait, des fois, de trouver la tâche lourde et la vie un peu monotone.

Mais il tenait bon, et étudiait consciencieusement.

Étudiant de première et de seconde années il passait la journée au bureau. Maintenant, il lui fallait mettre la dernière main à l’œuvre et apprendre presque par cœur les textes qu’il avait commentés et appliqués, jusque-là.

Vie fastidieuse, s’il en fut, mais épreuve nécessaire et très supportable : il descendait au cours, revenait travailler, dînait, faisait une promenade, se remettait encore à l’étude, redescendait au cours du soir et travaillait presque toujours à sa chambre après souper. Quelquefois, il passait une soirée à la bibliothèque de l’Université, d’autres fois, mais moins souvent, il sortait, soit seul, soit avec ses amis.

Rarement de théâtre.

Quelques concerts.

Il ne se donnait congé que le dimanche. Une visite par ci par là et quelques soirées intimes composaient tout le mondain de sa vie de garçon sérieux et d’étudiant studieux.

Il avait cependant de bons moments, chaque jour : c’était aux heures des cours. On se promenait par groupes, dans les corridors, en attendant l’entrée du professeur ; on causait, on discutait et on riait. Si les plantes exotiques qui ornent le corridor du premier étage de l’université Laval pouvaient répéter tout ce qu’elles ont entendu, plus d’un ancien étudiant s’apercevrait que l’âge a modifié ses idées et serait étonné d’avoir pu confier de pareilles choses aux échos du grand corridor.

Édouard travaille plus fort que d’habitude, ce matin. C’est pourtant un des heureux qui n’ont aucun examen en arrière et il connaît joliment son droit : qu’a-t-il donc ?

Onze heures. D’habitude, il ne s’arrête de travailler qu’à midi ; pourquoi donc referme-t-il ses livres et met-il déjà ses cahiers de notes de côté ?

Sa main, qui cherche le papier à lettres et les enveloppes, indique la cause de ce manquement à ses habitudes.

Il écrit sur l’enveloppe : Mademoiselle Marie-Louise Leblanc, St-Germain, P. Q., puis il se lève et fait quelques pas dans sa chambre. Il est dur pour un jeune homme de vingt-quatre ans de demeurer, chaque jour, dix heures assis dans une chambre close.

Édouard marcha cinq minutes pour se reposer de l’immobilité.

Alors son visage prit un air caressant et sa main écrivit :
Chère petite sœur,

Je voudrais bien que ceux qui prétendent qu’il faut travailler des bras pour vraiment travailler et que les bonnes gens qui ont encore le préjugé de croire que ceux qui ne travaillent que de la tête sont des bons à rien, je voudrais, dis-je, que ceux-là fussent à ma place.

Je leur prédis un fameux mal de tête.

Mais, s’ils écrivaient à une bonne petite sœur comme toi, je suis certain que ça dissiperait leur mal, tout comme ça me repose, moi de t’écrire.

Ta lettre m’a fait penser à la maison. Pour me consoler un peu de n’y pas être, nous allons convenir que je n’écris pas, mais que je parle et que nous sommes, tous deux, installés, pour jaser, sur le vieux canapé de la salle à manger.

Maintenant, causons.

Comme je te l’ai dit, je mène une vie fort paisible, depuis mon arrivée en Ville. Ce vilain code, dont tu me parles, est devenu mon ami intime. Le fait est qu’il ne me reste plus qu’à dormir et à manger avec lui pour qu’il ne me quitte pas du tout : je l’ai tout le reste du temps.

Ça ne va pas mal : je suis au-dessus de mes affaires et j’ai bon espoir pour janvier.

Mais laissons, si tu veux, le droit et parlons d’autres choses : de mademoiselle Blanche Coutu, par exemple… En bonne vérité, ma chère Marie-Louise, où as-tu la tête de me faire penser aux jeunes filles, alors que le code doit être, pour le moment, mon unique amour et ma seule flamme.

Tu me parles de ma pauvre chambre vide et des petits soins que tu lui donnes en souvenir de moi : à la bonne heure : ça ! ça me fait plaisir. Je t’assure que je trouverai bien tout ce que tu auras fait et que j’ai hâte au retour.

Je suis allé au théâtre, avant hier, avec Lavoie et Soucy ; nous avons parlé de Saint-Germain, pendant les entr’actes, et mes amis ont déclaré qu’il fallait aller à Saint-Germain pour trouver des gens aimables. S’ils avaient dit qu’il fallait aller à Saint-Germain pour trouver du joli monde, tu aurais pris cela pour toi, je suppose.

Je n’ai guère le loisir de lire, de ce temps-ci, et cela me fait de la peine. Je me dédommage un peu en recherchant la littérature parlée : je vais de temps à autre au cours de littérature française, qui se donne à l’université Laval. C’est très intéressant.

L’auditoire est composé exclusivement de prêtres, d’enfants, de jeunes et vieilles filles. Pas d’hommes et peu de jeunes gens.

Il est entendu que j’exagère ; mais il est tout de même vrai que ces cours méritent une plus nombreuse assistance et valent que tous s’y intéressent.

On dirait que nous n’avons plus rien à apprendre, nous autres les Canadiens-Français. C’est peut-être vrai ; mais, alors, qu’on me montre les chefs-d’œuvre, sortis de notre superbe savoir.

Je pense que nous vaudrions beaucoup plus si nous comprenions un peu mieux notre devoir — ce que je crois notre devoir, du moins, et ce que j’ai peut-être négligé, moi-même, — et si nous nous intéressions davantage aux choses de l’esprit et à l’étude de notre langue et de la littérature française.

Je dis cela parce que je constate mon ignorance et le besoin d’étude que j’ai encore, et parce que je ne suis pas malheureusement le seul qui puisse faire semblable constatation.

En voilà bien long sur la littérature, quand il s’agit de dire que j’ai hâte de revoir Saint-Germain et que je vous aime tous, bien gros.

Présente mes respects à papa.

Embrasse maman pour moi.

Dis à Jeanne que je lui emporterai une poupée en fer-blanc, au jour de l’An, pour qu’elle ne puisse ni lui ôter tout le son de dans le corps, ni l’écarteler comme ses autres malheureuses filles.

Je t’écrirais bien plus longuement, mais tu sais qu’on a dit, que : « Qui ne sut se borner ne sut jamais écrire. » — C’est à peu près ce qu’on a dit.

Raison plus grave et péremptoire, tu ne voudrais pas me faire perdre mon temps ni manquer mon dîner.

Tu es la plus fine petite sœur que je connaisse et il y a vraiment du plaisir à correspondre avec toi.

Ton frère,

Édouard Leblanc.

Sa lettre terminée, Édouard la cacheta avec soin.

Après le dîner, il la jeta dans une boîte à lettres, en faisant sa promenade habituelle ; et il revint se mettre au travail, satisfait.

Depuis une heure et demie jusqu’à quatre heures et demie, il feuilleta ses livres et ses cahiers.

Aussi est-ce avec un soupir de soulagement qu’il quitta sa chambre, pour descendre au cours de cinq heures.

Au coin de la rue Sainte-Catherine, il acheta l’Indépendant et le Soir, et entra s’installer à la bibliothèque, pour les lire.

Qui l’eût vu, deux minutes après, le nez dans son journal et les pieds sur la table, n’eût pu s’empêcher de sourire d’aise, tant il semblait confortablement installé, dans cette posture qui eut désarticulé un homme ordinaire.

Il est certain que si sa mignonne sœur, Marie-Louise, l’eut aperçu, ainsi, elle se fut discrètement étonnée.

Mais, quand on est loin de chez soi, on devient un peu plus libre ; et quand on a passé son après-midi, enfermé, dans une immobilité complète, il faut bien aussi s’étendre un peu, pour se délasser.

Auprès du pupitre du bibliothécaire, qui n’en continuait pas moins à étudier, quelques étudiants jasaient à demi-voix.

Le plus grand nombre, installés à peu près comme Édouard, lisaient ou travaillaient.

Assez souvent, la porte de la bibliothèque s’ouvrait et se refermait poussée par un étudiant qui cherchait des yeux un camarade et entrait ou se retirait, selon le cas. Le voisin d’Édouard l’interrompit dans sa lecture, pour lui demander une explication. Édouard approfondit le texte en question, du mieux qu’il put, puis il se rencoigna dans sa chaise.

Des voix se faisaient entendre, au travers des fenêtres de la bibliothèque qui donnent sur la ruelle allant de la rue Saint-Denis à la petite rue Notre-Dame-de-Lourdes. Les allées et venues devenaient plus fréquentes et la porte était plus souvent entr’ouverte, et plus bruyamment.

À l’entrée d’un groupe de cinq ou six gais lurons, qui tenaient de joyeux propos, tout travail cessa ; la conversation devint générale et les rires aussi. — Des rires frais et sonores, faits de gaîté sans arrière pensée et de belle jeunesse.

C’était presque l’heure du cours.

Le bibliothécaire, avec plus ou moins de brusquerie, mit à la porte de la bibliothèque ses confrères, qui s’y prêtèrent, du reste, de bonne grâce.

On monta à l’étage supérieur et l’on arpenta le corridor, deux par deux, quatre par quatre.

La meilleure comparaison pour peindre l’aspect animé que présentait l’Université est bien celle d’un concert-promenade où tous les promeneurs seraient des étudiants, et où leurs rires et leurs éclats de voix formeraient le concert.

Auguste Lavoie et Joseph Soucy marchaient, avec Édouard entre eux ; comme ils tournaient à la tête de l’escalier qui descend à la bibliothèque, l’appariteur appela Soucy, pour lui communiquer le résultat d’un examen. Lavoie et Édouard joignirent alors deux autres étudiants et continuèrent à marcher.

L’un des étudiants racontait — avec le mystère de l’importance qu’on met à narrer ces choses-là — une conversation qu’il avait entendue.

J’étais, disait-il, dans l’ascenseur, au Palais de justice, en même temps que le juge Berthelot et Xavier Cloutier.

— Qui est-ce ça, Xavier Cloutier, demanda Édouard ?

— C’est un avocat. Il parlait d’Ollivier avec le juge ; et le juge disait que, quoiqu’un radical lui-même, il applaudissait à la campagne d’Ollivier : « Tout est pourri, tout est vermoulu, » disait-il : « si le peuple savait ce qui se passe à Québec, il partirait, avec des pics et des pioches pour démolir le Parlement. Si la lutte que fait Ollivier au gouvernement avait pour résultat de faire diminuer la corruption et de secouer un peu les gens, ce serait un progrès immense. »

Le juge Berthelot a dit ça, se récria Lavoie.

— Penses-tu que je l’ai inventé : c’est authentique.

— Ce n’est pas si étonnant après tout, dit l’un.

— Ce qui me surprend, c’est qu’il ait osé parler comme cela… Je sais bien que c’est vrai : notre gouvernement repose sur le boodlage.

— Oh ! oh !

— Qu’est-ce qu’il te faut pour te convaincre, donc : est-ce que la plupart des ministres ne tombent pas, sur la dénonciation d’un scandale ? C’est donc qu’ils tripotent, tout le temps, en cachette. De temps à autre, ça devient connu ; et, alors, il faut décoller !

— Ce n’est pas rien qu’à Québec que ça se passe ainsi : notre hôtel-de-ville est un petit gouvernement, sous ce rapport-là. Encouragements aux trusts, moyennant finance ; exploitation du peuple et pots-de-vin, rien n’y manque : je connais un individu qui a payé quatre cents piastres pour obtenir une fonction ; mais, c’est cher ; le prix ordinaire est de trois cents seulement.

— La vie est chère, mon vieux : il faut bien que les députés et les échevins vivent.

— Ils vivent ; et il y en a qui se font un joli revenu, je te prie de le croire.

— Tout ça, c’est pas comme les journalistes.

— Qu’est-ce qu’ils ont les journalistes, demanda Édouard ?

— Des profits.

— Oh ! par exemple, je ne te crois pas.

— Tu penses ?

— J’en suis bien certain : comment veux-tu qu’ils arrachent de l’argent aux gens ? de quelle manière peuvent-ils s’acquitter ?

— En favorisant ceux qui payent, dans leurs journaux.

— Oui, mais ce n’est pas les petits reporters qui peuvent faire ça.

— C’est vrai.

— Oh ! c’est sûr que les boss se la coulent douce, eux : ça explique comment un journal comme l’Indépendant n’est en réalité, indépendant qu’à l’égard de ceux qui n’ont ni pouvoir ni argent. Les autres, il fait de l’argent avec eux et devient leur serviteur.

— Non, dit Lavoie, les reporters, eux, et les petits employés ne font pas grand argent : ils regardent leur boss manger des huîtres et c’est tout ce qu’ils ont.

J’ai une de mes connaissances qui est reporter à l’Indépendant : il m’a conté comment ça se passe. C’est lui qui fait les rapports des assemblées d’Ollivier. Au commencement, l’Indépendant, sans doute, pour mieux renseigner le peuple, qu’il amuse et qu’il trompe ignoblement, ne parlait pas du tout de ces assemblées : c’est commode d’être indépendant. Mais, il a compris qu’il ne pouvait pas continuer ce jeu-là longtemps et, maintenant, il rend compte des assemblées. Seulement il a ordonné à mon reporter de toujours dire qu’Ollivier a eu le dessous dans les débats. Comme c’est toujours Ollivier, au contraire, qui a le dessus, ça ne m’étonnerait pas que l’Indépendant finisse par être en sa faveur.

— Quel sale journal !

— Ce n’est pas étonnant, dit Lavoie ; une institution pareille emploie surtout des canailles ; et ces canailles, à leur tour, la rendent encore pire. Il y a quelques braves gens, à l’Indépendant, ils endurent et gagnent leur vie, en se salissant le moins possible ; quelques-uns sont de bonne foi, et leur naïveté leur fait tout avaler ; mais les autres,.. ils n’ont ni foi, ni loi : je dis bien, vous m’entendez : ni foi, ni loi. Ils ne croient à rien ; et, par-dessus le marché, ils ne sont pas même honnêtes.

— Quelle infecte boutique !

C’est au bout du corridor où se trouvent les appartements du vice-recteur et du secrétaire, que les quatre étudiants s’étaient arrêtés pour discuter.

Ils étaient si animés et si bien pris par leur discussion, que le cours avait commencé sans eux.

Édouard s’aperçut, le premier, que tous les étudiants, qui s’étaient massés près de la porte étaient entrés dans la salle de cours. Il sauta à bas du calorifère où il s’était assis sans cérémonie ; et tous les quatre coururent à l’autre bout du corridor.

Ils ouvrirent, discrètement, et pénétrèrent en tapinois dans la salle. Pas assez sourdement, cependant, pour que le dernier entré n’obtint pas du professeur un regard courroucé.

Édouard, qui n’avait pas coutume d’être en retard, se mit à suivre le cours. Il notait chaque article ; puis, à la suite du numéro de l’article, il écrivait ce qu’il pensait le plus important de retenir.

Le cours ne fut pas très long, ce soir-là : à six heures moins, dix, Édouard se trouva dans la rue.

Il suivit, avec un ami, la rue Saint-Denis.

En passant devant l’église Saint-Jacques, ils soulevèrent respectueusement leurs chapeaux.

Ils parlaient du cours. Souvent, au beau milieu d’une dissertation légale, le doyen s’interrompait pour faire une digression, qui l’emportait fort loin de son sujet et qui intéressait les élèves, au suprême degré.

Il se laissait alors conduire par sa féconde imagination et son noble cœur que l’âge n’avait fait que rendre plus compatissant aux misères humaines ; et sa vaste science, alimentée par les travaux incessants d’une longue vie, lui dictait de ces paroles, qui sont à proprement parler celles de la sagesse, et que ceux qui les entendent gardent longtemps comme un trésor précieux.

Ce soir-là, traitant de la question des salaires des ouvriers et de leurs privilèges, il s’était apitoyé sur la misère du peuple et avait trouvé, pour en parler, des accents véritablement pathétiques. « Je voudrais, » disait-il, « que du moins, ces pauvres gens, quand l’âge et l’usure de leurs forces les ont rendus incapables de travailler, fussent assurés de leur subsistance, qu’ils eussent de quoi étancher leur soif, apaiser leur faim, et que le cimetière ne fut pas le premier endroit ils pussent reposer leurs pauvres membres, qui ont fatigué si longtemps pour l’entretien de leur misérable vie et pour le bien commun. »

Il avait parlé de philantropie et de charité ; et, à cette heure, en gravissant la côte de la rue Saint-Denis, Édouard et son ami s’entretenaient de ces graves sujets et parlaient de charité d’état et de charité privée.

Ils allaient, entre les jolies maisonnettes qui bordent le côté est de la rue et les édifices superbes qui ont remplacé les vieilles constructions pittoresques et attachantes qui s’élevaient, il n’y a pas encore très longtemps, à la Montée-du-Zouave, et ils agitaient, entre eux, ces problèmes, dont l’examen fortifie le cœur et mûrit l’esprit.

Ils se quittèrent à l’angle de la rue Sherbrooke. Édouard arriva seul à sa chambre, non sans avoir jeté à la masse verte de la montagne, en passant devant le frais jardin qu’est le carré Saint-Louis, un long regard de campagnard exilé.

Après souper, il alla passer quelques minutes chez un ami ; ensuite, il revint travailler.