Les vertus du républicain/08

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Charles Furne Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 41-44).


viii.

LA MODESTIE.


Connaissez-vous rien de plus adorable, rien de plus inattaquable qu’un héros, qu’un génie modeste ?

Frères, nous ne sommes pas tous des héros, nous ne sommes pas tous des génies ; mais nous pouvons tous être modestes.

La modestie ce n’est pas une vertu, c’est mieux que cela : c’est le parfum de toutes les vertus.

Un républicain qui n’est pas modeste est incomplet. S’il a mérité l’éloge, c’est une faiblesse à lui d’aller le mendier. C’est un ridicule qu’il se donne, si par hasard il ne l’a pas mérité.

Un homme de mérite, qui se laisse aller à l’orgueil, devrait bien se donner la peine de considérer combien est effrayante la majorité des sots dans le bataillon des orgueilleux. Comme il aurait bien vite abandonné ce troupeau suspect où il peut être pris si facilement pour son voisin.

Je sais qu’il y a un certain orgueil de la conscience dont il est malaisé de se garer. Et moi-même, qui prêche ici la modestie, j’ai bien osé en publiant les premières de ces pages, me proclamer à l’étourdie : Un Vrai Républicain. Le vrai républicain, vous savez, celui qui l’est davantage que le républicain tout court. Que voulez-vous ? L’humaine nature a ses faiblesses. C’est pour cela surtout qu’il nous est enjoint d’être modestes.

Amis, si vous voulez faire réellement honneur à votre patrie, soyez modestes, même en parlant d’elle. L’orgueil de la patrie, l’orgueil de sa mère pour un fils, il faut garder cela dans un recoin silencieux du cœur, comme une chose sainte qu’on ne met à l’air qu’aux grandes occasions. Les fanfaronnades qui humilient d’autres hommes, laissons-les là, nous en avons le droit. Il est permis aux riches d’être mis simplement.

De la modestie pour nous-mêmes, républicains, je ne sais pourquoi j’insisterais là-dessus après ce que je viens de dire. Soyons fiers, c’est notre droit, bien mieux c’est notre devoir. Ne soyons pas orgueilleux.

La noble fierté ne sait pas courber la tête. L’orgueil hautain met le pied sur la tête de son voisin. À l’une pas de maître, à l’autre pas d’égaux.

La fierté est la vertu du républicain. L’orgueil est le vice de l’aristocrate, ce qui ne veut pas dire le noble, ni le riche, mais le dominateur. Nous avons eu des aristocrates en bonnet rouge. Avec l’orgueil, plus d’égalité, partant plus de fraternité, et bientôt plus de liberté. Gardons-nous-en, mes frères.

Assez comme cela sur la modestie. Il faut en parler modestement.